Nous sommes un petit groupe d’habitant·es de lieux en lutte, paysan·es, chercheur·euses, militant·es, proches de la revue d’écologie politique Terrestres1, aspirant à donner sens et forme à ce que l’on appelle des reprises de terres.
Notre exploration commune émerge d’un constat fondamental : la déliquescence accélérée du foncier agricole et naturel en France. Durant la prochaine décennie, c’est la moitié des agriculteurs français qui vont partir à la retraite, laissant un tiers des terres agricoles à un sort incertain. Les usages qui seront faits de ces terres et les soins qui y seront apportés façonneront fortement le paysage socio-politique et écologique des décennies à venir. L’enjeu qui se profile alors est le suivant : Comment inventer des tactiques foncières, politiques et juridiques pour contrer l’accaparement des terres par le productivisme et organiser la vie autour de communs qui prennent en compte tous les êtres qui habitent un lieu ?
Pour répondre à ce casse-tête, nous nous sommes mis·es au travail : depuis juin 2019, nous avons commencé un travail d’enquêtes participantes. Ces enquêtes partent d’exemples concrets de reprises de terres ou de dispositifs pour les protéger (luttes institutionnelles, occupations, achats collectifs, installations paysannes). Elles ont d’une part un rôle éducatif, en permettant de mieux comprendre le fonctionnement des institutions et des organismes en charge de la gestion foncière en France et d’interroger la diversité des milieux concernés et leurs enjeux écologiques propres. D’autre part elles répondent à un besoin stratégique : elles outillent dans le but de cerner l’évolution de l’accaparement des terres par et pour le productivisme, ainsi que les moyens à déployer pour y faire face.
Nos enquêtes s’élaborent autour de trois axes principaux :
Cette série d’enquêtes-action est le préalable à l’organisation de rencontres nationales qui se tiendront à la Zad de Notre-Dame-des-Landes du 20 au 24 août 2021. Ces cinq jours seront rythmés par des plénières, des ateliers participatifs, des sessions de travail, des formations, la restitution de certaines enquêtes en cours ainsi que d’autres moments de partage.
Inspiré-es par la pensée de l’éducation populaire, nous nous attachons tout particulièrement à élaborer des formats d’ateliers qui faciliteront l’émulation collective, plutôt que des séminaires descendants et non-inclusifs. Nous entendons ainsi créer un espace privilégié de transmission et d’élaboration d’une culture commune autour du foncier, pour faciliter à long terme la réappropriation de terres par des collectifs (au sens large) qui désirent en prendre soin.
Notre intention est également de mettre en résonance différents horizons, regards, savoirs, pratiques, sensibilités et cultures politiques. Il s’agit ainsi de contribuer à la construction de fronts et de modes d’attentions communs en déstabilisant des catégories, en dénouant des oppositions souvent trop binaires et figées, et concevoir plutôt des complémentarités tactiques et stratégiques.
Les dynamiques en cours sur le plateau de Millevaches entrent en résonnance de façon singulière avec nos réflexions, à l’interface entre la réappropriation des communs, l’enjeu de préserver les fermes paysannes et la protection des milieux vivants.
Depuis le lancement de nos enquêtes, plusieurs d’entres nous se sont joint-es aux travaux et aux projets en cours dans différents groupes du Syndicat de la Montagne limousine. Nous pensons qu’il existe de nombreux points de rencontre et d’accroche entre notre parcours collectif de groupe d’enquêtes et les questionnements et mises en application locales, notamment – mais pas que – ceux émergeant au sein du Syndicat. De fait, ce qui se vit et s’expérimente ici, croise déjà nos cheminements, qu’il ne manque pas d’enrichir, tout comme il affine notre lecture des enjeux écologiques et politiques.
Enquêter sur les fonds de dotation et autres structures juridiques permettant d’acquérir collectivement du foncier agricole ou forestier ; s’embarquer dans une réflexion stratégique sur l’installation de nouveaux paysans et la reprise des fermes ; penser les coopérations possibles entre luttes pour le droit au logement et le droit à la terre ; participer à l’investigation sur la réappropriation des communs (communaux, sectionnaux) et la reconnaissance de nouveaux droits coutumiers ; se réapproprier l’idée de « bassin versant » pour penser les enjeux écologiques propres à un territoire, depuis les sources d’une rivière jusqu’aux confluences avec d’autres cours d’eau2 ; découvrir des modes de conservation basées sur les communautés habitant-es (par opposition aux outils de protection institutionnels) et affûter notre regard sur l’idée de “libre évolution”.
Nous serons présent·es sur le plateau de Millevaches du 11 au 14 juin 2021, afin de finir la préparation de nos rencontres de l’été. Mais il n’est pas question de passer par là sans venir à votre rencontre ! Nous serions ravi·es d’avoir un temps consacré avec le Syndicat de la Montagne limousine, à l’issue de sa plénière mensuelle, à Gentioux le vendredi 11 juin 2021. Nous serons aussi pour partie à la plénière de fin de la fête du bassin versant de la Vienne le samedi 12 juin 2021 après-midi à Nedde. C’est avec plaisir que nous vous croiserons lors de notre passage dans le coin ! Si vous souhaitez prendre contact avec nous, il est possible de nous écrire un mail à l’adresse suivante :
L’équipe Reprise de terre