Dans un contexte qui n’est pas folichon (baisse des financements publics, remise en cause des contrats aidés, attaques contre les libertés associatives, volonté d’imposer aux associations un « contrat d’engagement républicain » – voir notre dernier numéro), une vingtaine de chercheurs et chercheuses, acteurs et actrices, publient un petit livre qui se veut prospectif sur l’avenir du monde associatif. Entre scénario noir qui voit s’accentuer les tendances actuelles (contraintes supplémentaires sur les associations, triomphe de la business-philanthropie, gestion managériale du secteur, etc.) et un scénario optimiste où les communs, la participation et le dynamisme local redonneraient sens à un « associationnisme du XXIe siècle », la ligne de crête penche dangereusement d’un côté. Comment éviter la chute ? « Ici, nulle naïveté ou idéalisation des associations mais le constat de l’importance des mouvements citoyens pour éviter l’isolement et le désarroi qui font le lit de l’autoritarisme et menacent la démocratie », expliquent les auteurs. « La défense de celle-ci passe en effet par la multiplication des espaces de délibération et d’action. »
Cet ouvrage se veut avant tout un outil pour alimenter les débats et s’interroger sur les marges de manœuvre réelles qui peuvent être saisies par les citoyens. Celles-ci heureusement existent. On en a un bel exemple avec une histoire qui nous vient de la banlieue lyonnaise, celle de l’association Cannelle et Piment, un traiteur multiculturel établi depuis près de 30 ans à Vaulx-en-Velin. Les femmes créatrices de cette « entreprise associative » sont toutes des immigrées, sans diplôme et sans reconnaissance préalable. Elles racontent dans le livre qu’elles viennent de faire paraître comment elles ont dû batailler pour monter un projet dont elles ont fini par pouvoir tenir les rênes, même si l’institution n’y a pas toujours aidé. Leur projet ne rentre dans aucune case, la direction du centre social où elles ont commencé leur activité veut garder le pouvoir sur leur histoire, Pôle emploi leur propose des contrats d’insertion... sur les contrats qu’elles ont elles-mêmes créés ! Heureusement l’histoire montre aussi qu’il y a toujours quelques complices dans ces lieux-là qui arrivent (parfois, mais pas toujours) à sortir des rails.
Où l’on voit assez bien s’illustrer l’adage selon lequel une innovation sociale est une désobéissance qui a réussi ! Une histoire à lire aux éditions Repas (et en prime il y a même quatre recettes choisies par les cuisinières de Cannelle et Piment !).
Quel monde associatif demain ? Mouvements citoyens et démocratie, s.d. Patricia Coler, Marie-Catherine Henry, Jean-Louis Laville et Gilles Rouby, éditions Érès, 13 €.