Dans De la démocratie en Pandémie, Barbara Stiegler reprend le propos de Richard Horton, rédacteur en chef de la revue scientifique The Lancet, pour qui l’épidémie de Covid-19 n’est pas une pandémie mais une « syndémie », une maladie causée par les inégalités sociales et par la crise écologique entendue au sens large.
Elle montre que toutes les conditions sont réunies pour que le même type d’épidémie se reproduise régulièrement. Si nous ne vivons pas une pandémie, nous vivons « en Pandémie » écrit-elle, dans un nouveau continent mental parti d’Asie pour s’étendre à toute la planète, avec de nouvelles habitudes de vie et une nouvelle culture. « En parlant de “pandémie”, on a sidéré les esprits, on est passé dans un régime d’exception et on a accepté des choses inacceptables. » Alors que la plupart des gouvernements ont commencé par s’enferrer dans le déni, elle note un revirement brutal dans leurs réactions à la crise, expliqué par la peur. Il fallait ainsi frapper fort par un confinement total et pour éviter la flambée populaire, utiliser le moment actuel pour faire passer en force toute une série de lois liberticides. Barbara Stiegler dénonce ainsi une « manufacture du consentement » expression qu’elle emprunte à Walter Lippmann.
Surtout, elle souligne la nécessité urgente de mobilisation contre une vision idéaliste de l’après. Alors que l’université est elle-même menacée par une numérisation à tout va et après s’être engagée auprès des Gilets jaunes puis des grévistes contre la réforme des retraites, Barbara Stiegler se porte aujourd’hui contre les visions prophétiques d’un « monde d’après » qui serait plus juste et plus égalitaire. Elle souligne qu’on devrait plutôt s’attendre à un durcissement des pouvoirs dominants. La rupture avec l’ancien monde ne pourrait se conquérir qu’au prix de mobilisations sociales et politiques de très grande ampleur.
Barbara Stiegler, De la démocratie en Pandémie. Santé, recherche, éducation, Collection Tracts, Gallimard, 3,90 €.