Depuis maintenant un an, les imprimantes tournent à fond, pour le plus grand bonheur des marchands d’encre. Des attestations sont réclamées, sous le regard inquisiteur des forces de l’ordre, qui ont effectivement l’ordre de ..., bien que tout ça ressemble plutôt à un désordre. Voyons l’exemple d’Alexandre Coulomb, de Remoulins (Gard) qui doit se rendre à Blaizac, près de Privas (Ardèche), pour un motif qu’on imagine impérieux. Le trajet fait 113 km très précisément donc très supérieur à ce qui est autorisé.
« Mais comment M.Coulomb, vous n’êtes pas au courant ? vous êtes confiné ». Heureusement, nous avons la solution : l’attestation. Elle est visée par la mairie de Remoulins, elle fait aussi office de certificat de test négatif. Jusqu’ici, nous sommes en terrain connu. Je dois toutefois à la vérité ceci : l’attestation en question date du 4 novembre 1720, elle a donc 300 ans. Tiens ! Que s’est-il passé cette année-là ? Le document est à relier à la dernière grande épidémie de peste en France, arrivée puis étendue à partir de Marseille en mai. Cet épisode dramatique fit 100 000 morts en Provence, soit un quart de la population. Toute la région était « consignée » et la maladie ne disparaîtra pas avant 1722. La contagion empirant, toute la province fut déclarée en quarantaine par arrêté du Conseil du roi en date du 14 septembre 1720. Il y était fait défense aux habitants et aux marchandises de franchir le Verdon, la Durance et le Rhône (Remoulins est proche d’Avignon). Les foires furent supprimées et en octobre 1720, les autorités des villes demandaient aux habitants de déclarer toute personne étrangère logée chez eux depuis deux mois. Mais pas à Remoulins, c’est ainsi que les Consuls de la ville firent imprimer un formulaire pour leurs administrés désirant voyager (partant) « de ce lieu où il n’y aucun soupçon de mal contagieux », et sur leur chemin, (nous) « prions … de luy donner libre entrée, et assurer passage ».
Imprimé : c’est bien le signe qu’il y avait une forte demande. Les archives ne permettent pas de savoir si Alexandre arriva à bon port, ni dans quel état. On ne connaît de lui que sa date de naissance, le 3 février 1692 à Remoulins, d’un père boulanger. Ensuite, aucune trace, si ce n’est – nous apprend l’attestation – qu’il était « d’une taille médiocre » et avait « des cheveux châtains ». Signalement pas très original tout de même.
Conclusion : la bureaucratie française actuelle n’a donc rien inventé. Et les espèces vivantes continuent à développer des virus, c’est pourquoi « restez chez vous » me semble être une (très) vieille rengaine.
« Ce n’est pas sans raison que le gouvernement prend un intérêt si grand aux progrès de la vaccination. Tant de préjugés luttent encore contre elle. Peut-être ne parviendra-t-on à vaincre les funestes résultats de cette obstination routinière, que le jour où … on exigera des parents la présentation de leurs nouveaux-nés au chirurgien chargé de les prévenir contre l’invasion de la plus terrible maladie. »
Ceci n’est pas un communiqué du ministère de la Santé.
« On a crié tant de fois aux oreilles de ces parents opiniâtres que le vaccin n’était pas un poison, comme ils se plaisent à le croire … prière inutile. »
Ceci n’est pas extrait d’un article de Sciences et Vie.
« Pourquoi donc, en présence de ce crime anti-social, reculer devant l’établissement d’une pénalité assez efficace pour le réprimer ? »
Ça se gâte, mais ceci n’est pas un projet « sous le coude » du gouvernement (42 ministres, donc 84 coudes !, une vraie hydre), visant à restreindre encore un peu plus les libertés.
Pourtant, ces lignes trouvent un écho étonnant dans l’actualité, le Professeur Ragoût en moins. Il ne s’agit pas pour IPNS d’influencer d’une quelconque manière la pensée ou l’action de chacun, qui garde son libre-arbitre.
Il s’agit juste d’une manière de souligner que l’Histoire « repasse bien les plats », en l’occurrence les aiguilles. A l’exception des mauvais parents, qui sont une espèce disparue, n’est-ce pas ? En effet, ces lignes sont extraites d’un article paru en 1835 dans « L’Almanach de la France », article intitulé « De l’utilité de la vaccine ». 185 ans plus tard, s’il y a encore un débat sur la liberté – ou non – de vacciner, sur l’infaillibilité de la science, sur la valeur du « progrès » … c’est bien qu’il y a un problème, non ?
La vaccine, communément appelée « variole de la vache », a permis la découverte du vaccin contre la variole humaine.
Emile Vache