Actuellement enseignant, mais auparavant consultant spécialisé dans les « mobilités douces », Nicolas Pressicaud a accumulé des connaissances techniques et développé une réflexion qui se sont affinées et élargies au cours des années. Dans la préface, Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), exalte le vélo comme « un outil incroyable de résilience face aux crises ». Son association a créé le baromètre des villes cyclables qui fait référence en la matière et elle est à l’origine de nombreuses manifestations (toujours pacifiques et non violentes) à ce sujet. Ainsi, à Montpellier, en 2018, après que le maire ait déclaré que « faire une infrastructure cycliste pour qu’elle soit utilisée par deux personnes, ce n’est peut-être pas l’idéal », les cyclistes manifestent sur le thème « Je suis un des deux »... et sont 1 500 à se retrouver !
À la ville comme à la campagne
Nicolas a travaillé avec deux associés, un Allemand et un Néerlandais, ce qui lui a permis d’aller étudier dans leurs pays, ainsi qu’en Belgique et au Danemark, comment étaient résolus les problèmes de déplacements doux. La comparaison avec la France n’est pas à l’avantage de celle-ci. S’il y a eu des progrès dans les années récentes, il reste une bonne marge d’amélioration. Le livre présente une analyse précise, complète et détaillée des aménagements techniques et de l’environnement culturel et politique indispensables pour faire progresser l’utilisation du vélo. Même si la majorité des analyses et propositions concerne les villes, le vélo en campagne n’est pas oublié. Le stationnement, les véloroutes et le VAE (vélo à assistance électrique) concernent aussi le monde rural. Même dans les petites villes, là où il y a des commerces et des services publics, il peut être utile de prévoir des possibilités de stationnement sécurisé. C’est encore plus important aux abords des gares (SNCF ou routières) où chacun devrait pouvoir se rendre à vélo et y parquer sa monture. Le développement des véloroutes, des itinéraires balisés empruntant des routes à faible circulation permet aux randonneurs cyclotouristes de visiter en profondeur nos campagnes. Celles qui existent en Creuse ont été particulièremen fréquentées au cours de l’été 2020. L’arrivée du VAE facilite les déplacements domicile-travail et différents déplacements utilitaires, tout en permettant aux utilisateurs d’avoir une activité physique.
Au-delà du seul vélo, Nicolas Pressicaud réfléchit globalement sur l’aménagement du territoire. Après avoir énuméré les nécessaires mesures de régulation automobile et recensé les possibilités d’associer train et vélo, il dégage deux axes principaux d’intervention. D’abord s’appuyer sur l’architecture historique des centre-ville pour en écarter le plus possible l’automobile (circulation et stationnement) et permettre ainsi que se développent la marche, le vélo, les jeux d’enfants et la nature. Ensuite permettre la revitalisation commerciale des centres urbains. Pour cela il est souhaitable que les commerces alimentaires soient situés en centre-ville comme c’est le cas en Allemagne. Parmi les moyens pour y parvenir, l’implantation de parkings à vélos près des magasins est très utile.
Dans la progression souhaitable du vélo, les associations jouent un rôle fondamental. Les associations de collectivités, comme le Club des villes et territoires cyclables, ou Vélos et Territoires, favorisent la circulation des informations et la confrontation des expériences diverses. Les associations d’usagers sont encore plus importantes. La FUB, qui regroupe les associations militantes, fournit à ses membres des informations et des supports matériels de promotion du vélo. Elle dispose aussi d’une cellule d’assistance juridique et d’une revue Vélocité.
Un chapitre particulier du livre est consacré à une « réflexion sur les cultures nationales et leur rapport au vélo ». C’est, à première vue, le développement le plus surprenant de l’ouvrage, mais comme l’argumentation déployée est fournie et étayée, il faut prendre au sérieux la thèse soutenue, qui établit un lien entre la culture nationale dominante et la pratique du vélo. Les pays de culture protestante du Nord de l’Europe seraient naturellement plus ouverts au vélo que les pays latins et catholiques. Voilà un beau sujet de débat !
D’autres pistes originales sont explorées comme la place de la nature et des animaux en ville, et le rôle que commence à jouer le vélo dans le développement des pays d’Afrique.
Au total, un ouvrage dense, qui ouvre de multuples pistes de réflexion et montre que le vélo peut être un indicateur de transformations où l’écologie, le collectif et le sens pratique auraient la place qu’ils méritent dans un monde plus viable et respectueux de l’environnement.
Jean-François Pressicaud