Ils sont plusieurs à la recherche d'un toit sur le plateau, avec un peu ou pas mal de terrain autour. Voici, brut de décoffrage, leurs témoignages qui disent bien les difficultés rencontrées. La recherche d'un logement ou de terrains ? Un véritable parcours du combattant.
Nous nous promenons à pied sur la route à la sortie d'un hameau de la commune d'Ars (à 15 kilomètres à l'ouest d'Aubusson). Une Polo noire arrive à vive allure et s'arrête à notre hauteur. Son chauffeur, au sourire soucieux d'efficacité, baisse la vitre automatique et demande sans autre détour : "Bonjour, je travaille pour une agence immobilière. Je cherche des maisons à vendre. Savez-vous s'il y en a par ici ?". Nous nous regardons, un peu estomaqués. L'un d'entre nous lui demande sa carte :
M. XXX Agence Marcon Immobilier (Century 21) Aubusson
On nous a dit qu'il fallait appeler les mairies car ce sont des carrefours d'information dans les communes. Nous établissons la liste des mairies situées sur le PNR et les appelons systématiquement, en commençant par le Nord-ouest. Nous demandons large : locations, ventes, maisons vides en attente de clarification (rénovation, mise en vente, habitation par les petits enfants, etc.) dont on pourrait contacter les propriétaires pour leur proposer une location courte…
Extraits de conversations :
"Les anglais achètent beaucoup… Il y a bien une maison à 40 000 € dans le bourg mais ce n'est pas très grand… Je vous donne les numéros de deux agences immobilières à Peyrat et à Eymoutiers".
"Il n'y a pas de location sur la commune... Quant aux ventes, les transactions ont lieu avant qu'on sache qu'il y avait mise en vente… Appelez le pôle local d'accueil de la communauté de commune de Royère-Bourganeuf".
"Je prends vos coordonnées… J'ai entendu dire que la vente d'une maison à des anglais aurait échouée. Peut-être qu'en attendant…"
"Je prends vos coordonnées au cas où… C'est rare ces choses-là que vous demandez…"
"Allez voir Century 21 à Bourganeuf, ils vendent une maison, je vous donne le numéro…"
"Il n'y a rien à louer… Je regarde pour les ventes mais c'est très vite acheté par les anglais…"
"Il y a très peu de logements vacants, ce sont surtout des maisons secondaires …
Aujourd'hui on ne sait même plus quand les maisons sont à vendre.
Le temps de le savoir elles sont déjà vendues… Il y a une maison à louer : meublée, 4 chambres et un bureau, 400 €"
"Il n'y a rien… Attendez, je demande derrière… Non rien"
"Ici, aussi bien en privé qu'en communal, il n'y a rien. Peut-être y a-t-il des possibilités sur X ou Y"
"Au niveau communal, il n'y a rien. Je me renseigne dans le privé et s'il y a quelque chose je vous appelle"
"Dès qu'une maison est à louer, elle est prise d'assaut, sans même passer par nous… Je note votre demande, mais sans grand espoir…"
"Nous avons un logement HLM… Sinon, essayez par les notaires si vous avez des offres à faire pour des maisons à vendre ou vacantes"
"Au niveau des ventes, il y a la clientèle anglaise… On a de la demande, il y a une OPAH, on espère que ça va faire bouger les gens… Je vous donne les numéros de trois agences à Saint Léonard"
Sur les 53 communes repérées, nous en avons joint une vingtaine. Toutes ont pris nos coordonnées, aucune ne nous a rappelés.
Nous sommes retournés à la SAFER. C'était plus positif que la première fois, où nous avions été à peine accueillis : on avait dû demander pour qu'ils prennent par écrit nos coordonnées et notre demande. Ils avaient l'air de s'en foutre alors que nous sommes l'archétype du public prioritaire : des jeunes cherchant à s'installer. Ils nous avaient dit que c'était bien de revenir régulièrement. On a vu plus de monde : comme on cherche sur une zone à la frontière entre quatre zones SAFER, on a rencontré quatre personnes différentes. Ils n'avaient rien à proposer car ils avaient tout soldé ce qu'ils avaient en 2004. Ils repartent maintenant sur 2005.
La SAFER reçoit les propositions pourvu qu'on se donne la peine d'écrire un projet d'installation. Ils n'ont pas tant de demandes que cela, donc ils ne sont pas mécontents d'avoir des dossiers à instruire. Passer par la SAFER permet de faire des économies : pas de frais de notaire et leur rôle est d'éviter la hausse du prix des terres. Le problème est qu'ils ont peu d'offres. Ils nous ont dit n'avoir que deux fois tous les trois ans des grandes surfaces avec du bâti. Et c'est souvent très cher. Le truc aussi est qu'il faut les appeler tous les jours pour qu'ils bougent (se rappellent de ton dossier, sachent où il est, puis le trouvent…).
Nous avons appelé le PNR (le chargé de mission accueil et développement économique) par curiosité, pour leur demander ce qu'ils pensaient faire sur la question du logement et du foncier. Deux choses principalement : L'opération programmé d'amélioration de l'habitat (OPAH), soit une aide financière aux propriétaires souhaitant rénover leur résidence principale ou du bâti à louer comme logement, et un projet de sensibilisation des propriétaires qui laissent des bâtiments à l'abandon, via une plaquette et un article dans le journal du PNR. Sur la question de la multiplication des maisons secondaires, il se disent impuissants car cela relève du secteur privé. Aucune loi n'empêche de vendre. C'est du ressort des mairies qui ont un pouvoir de préemption.
Nous avons aussi contacté le pôle d'accueil limousin en expliquant notre situation et nos démarches. Réponse : "Vous avez tout fait ce qu'il fallait faire, on ne peut rien faire de plus".
Nous avons appelé France bleue Creuse pour qu'ils passent une annonce. Aucun retour sur cette annonce pour le moment…
Quant aux maires, ils nous disent qu'il y a plein d'opérations vente achat sur leur commune dont ils ne sont pas au courant.
Nous avons aussi été parler dans les villages. Une fois j'ai passé une heure avec un vieux qui m'a dit que peut-être là-bas, une maison… Nous avons été vérifier au cadastre.
Finalement, dans ce genre de plan, la terre est soit réservée à un neveu, soit elle est exploitée et les bâtiments sont abandonnés. Il y a tout de même des vieux qui veulent barrer la route à l'agrandissement de leur voisin. Il faut y retourner plusieurs fois.
Dans un village, un jour, on m'a dit qu'il n'y avait rien. Le deuxième jour, peut-être une maison, le troisième peut-être des terres avec et le quatrième c'était 6 ha. Il y a aussi le cas, dans les bourgs, d'un voisin qui ne veut pas de nouveaux voisins et donc rachète les maisons voisines de la sienne. "
Nous avons aussi envoyé une version abrégée de notre projet à 130 maires. Un sur dix nous a répondu. Depuis c'est par ces quelques maires (Tarnac, Bugeat, Peyrelevade) que nous avons eu des touches. Nous utilisons alors la SAFER pour faire baisser les prix. Il y a des mairies qui se bougent, d'autres non.
Il y a aussi l'agent immobilier d'une agence immobilière d'Ussel. Il joue l'affectif avec les vieux et réussit à négocier des maisons pas très chères avec quelques hectares autour (souvent 1 ou 2, parfois plus). Sinon, on a été voir tous les notaires et toutes les agences, c'est déprimant. Ils n'ont que des trucs pour les anglais. On a vu dans une agence un truc à 285 000 € que nous avions vu partir à 105 000 € dans une vente aux enchères (vente des domaines).
Témoignages de plusieurs groupes de personnes recueillis par Loïc Bielmann