Cette logique, c’est celle de la Commission européenne sur “la gouvernance“ : regroupement imposé des collectivités ; développement en grand des métropoles ; renforcement économique des régions ; compétition économique entre les territoires au détriment de leur coopération. Notons, pour le déplorer, que, par ce projet, les citoyens n’ont à aucun moment, été consultés ni informés sur les enjeux de la réforme et qu’un nouveau mode électoral2 a été institué avant même que l’objet des collectivités territoriales ait été défini. Le monde à l’envers ! Tout cela dans un contexte d’austérité sévère puisque les dotations d’État pour les très prochaines années reculent de 4,5 milliards d’euros : du jamais vu. Le malaise des élus est énorme3 quand on sait que les collectivités assurent 70 % de l’investissement public.
On le sait, la République française résulte d’une construction historique : nation, département, communes, chaque étage étant issu du suffrage universel direct. À ce triptyque républicain s’est substitué, au fil de la construction européenne, un modèle de gestion des territoires fondé sur le triptyque : Europe, régions, agglomérations, auquel se sont ajoutées en 1999 les communautés de communes se substituant, elles, à la coopération intercommunale.
Cette substitution se veut rationaliste : dans la mondialisation, l’espace européen est plus efficace que l’espace national ; l’espace régional est plus adapté à la compétition intra-européenne tandis que les 36 000 communes françaises, une exception archaïque, sont inaptes à affronter les enjeux des territoires. Ce modèle repose sur deux principes essentiels. Le premier, relève du principe économique aujourd’hui dominant : celui de l’offre compétitive. Le but de la gestion d’un territoire relèverait donc de son attractivité pour les investissements, facteurs d’emploi et de prospérité. L’argumentaire lié à ce principe, on le trouve dans les publications éditées par les régions, les métropoles ou agglomérations. On y vante par exemple les zones franches et les cadeaux de toutes sortes consentis aux entreprises pour qu’elles s’y installent. Résumons : attractivité et compétition au détriment de la solidarité et de la coopération.
Le second principe, consiste à éloigner la gestion des institutions publiques des choix des citoyens. C’est le cas, au niveau européen où les institutions non élues (Commission européenne, Banque centrale, Cour de justice) ont pris le pas sur des échelons nationaux élus en disposant de la majorité des outils économiques et un parlement européen ne disposant pas des pouvoirs d’un vrai parlement. C’est le cas avec les régions et les métropoles où les réformes envisagées, hier par Sarkozy, aujourd’hui par Hollande, veulent établir leur prééminence sur les communes et les départements. La région serait dotée de pouvoirs renforcés notamment économiques. à la région le rôle stratégique de lutte économique, dans une compétitivité accrue entre les territoires ; au département, celui de soulager les dégâts de la compétition intra-européenne et mondialisée. Quant aux métropoles, outre les mesures d’intégration spécifiques de Paris, Lyon, Marseille, les réformes en envisagent d’autres, dans des territoires si nombreux, que cela impacte près de 40 % de la population !
C’est encore le cas, avec les communes où les regroupements forcés en grande inter-communalités à fiscalité propre, se poursuivent sous la houlette des préfets. Ainsi, communautés de communes, agglomérations, métropoles récupèrent des compétences stratégiques : économie, transports, déchets, eau, aide à la pierre… Or, ces institutions ne sont pas élues au suffrage universel direct mais composées de membres élus par les conseils municipaux. Ce caractère indirect du mode d’élection éloigne leur gestion du citoyen. Ajoutons que les communes et départements sont affaiblis dans leur capacité d’initiative par la mise en place de schémas contraignants hors desquels les cofinancements seront impossibles. Ajoutons encore que le schéma régional de développement économique et de l’innovation est loin d’un plein soutien à l’économie sociale et solidaire, à la relocalisation et aux circuits courts. À terme, l’un des objectifs des réformes envisagées est la disparition de l’autonomie communale. Celles-ci portent dans leur fondement, l’éclatement de l’égalité républicaine.
On a du mal à croire que l’intérêt général réside dans une re-centralisation et concentration des pouvoirs locaux. Certes, la commune n’est pas le lieu exclusif de l’intérêt général et il serait inopportun de contester la pertinence de niveaux institutionnels différents selon les besoins à satisfaire. Mais la réponse n’est pas la compétition et la concurrence des territoires. Elle est dans la coopération consentie et solidaire entre les différentes collectivités locales et, surtout, dans la participation active et encouragée des citoyens.
La modernité appelle de faire de la gestion des collectivités un enjeu de la citoyenneté ! Une vraie réforme territoriale devrait se fonder sur un certain nombre de principes parmi lesquels :
Dans les mois qui viennent des décisions très importantes vont se prendre. Une réforme des institutions territoriales est nécessaire mais elle ne peut se prendre sans nous, sans un grand débat national, car elle engage nos droits au sein de la République. Il est du devoir de tout élu responsable, de tout démocrate, de se mobiliser, de trouver les formes d’intervention adaptées au territoire pour exiger un grand débat national.