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Oublier Fukushima ?
Oublier Fukushima ?
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Date
samedi 1 juin 2013 10:13
Numéro de journal
43
Auteur(s)
D. et D. Alasseur
Visite(s)
3948 visite(s)
Deux journées de rencontres sur le désastre de Fukushima se sont déroulées à Eymoutiers les 5 et 6 avril derniers, à l’initiative de l’assemblée antinucléaire du Plateau. Elles se sont ouvertes avec la projection du film “Le monde après Fukushima“ de Kenichi Watanabe qui décrit la vie au quotidien des habitants en zone contaminée. Yves Lenoir, de l’association “Enfants de Tchernobyl / Belarus“ a mis en perspective les “expériences“ biélorusses et japonaises.
Le samedi après midi, des témoins japonais sont intervenus sur leur expérience de réfugiés de la zone contaminée (Haruko Boaglio) et leurs actions de soutien des habitants (Satoko Fujimoto, de l’association “Ringono“, Taka Honda de l’association “World Network For Saving Children from Radiations“). Le journaliste Kolin Kobayashi, empêché, a fait parvenir un texte très dense où il décrit les stratégies des lobbies pronucléaires et les interconnections entre nucléaires militaire et civil.
Le film suscite des sentiments mêlés : paysages magnifiques ; cerisiers fleuris majestueux dont il faut évacuer les fleurs tombées, source de contamination ; rivières contaminées, où la beauté des choses est empoisonnée. Hormis la zone côtière ravagée par le tsunami, la région est merveilleusement belle et la contamination ne se perçoit que par la présence d’immenses compteurs Geiger. Stupeur devant ces enfants dont on mesure le taux de Césium 137 dans l’organisme et où on décrète que le taux mesuré, bien que non nul est “normal“ ; absurde ces pêcheurs contraints de jeter leurs prises trop radioactives mais qui les pèsent consciencieusement pour se faire dédommager ; douleur de cette paysanne productrice de fleurs aujourd’hui radioactives ; enfants affublés de compteurs Geiger autour du cou, interdits de récréation dehors, ou au contraire dévalant allègrement sur les fesses des pentes poussiéreuses ; angoisse des mères déconseillant à leurs filles d’avoir des enfants ; dérisoire ces remparts de bouteilles d’eau comme protection contre les radiations...
De Tchernobyl...
Yves Lenoir a présenté son association “Enfants de Tchernobyl/Belarus“ ainsi que les travaux de Vassili Nesterenko. Celui-ci, physicien nucléaire biélorusse de niveau international, s’est rebellé après l’explosion de Tchernobyl contre la propagande d’Etat. Il décida d’arrêter, sans l’aval de ses supérieurs, les travaux de l’Institut de l’énergétique nucléaire de la Biélorussie qu’il dirigeait, et mit tout son personnel à contribution pour étudier les conséquences de l’accident et élaborer une politique d’aide aux populations sinistrées.
Après avoir été limogé de ses fonctions, il a créé l’institut indépendant de recherche et de radioprotection Belrad. Il était extrêmement inquiet des conséquences de l’irradiation, en particulier pour les enfants, et il a mis au point des laboratoires mobiles de mesures qui se déplacent de village en village afin de mesurer les taux d’irradiation des personnes et de la nourriture, cherchant des moyens de la réduire.
Que ce soit en Biélorussie ou au Japon, les populations vivent en zone contaminée et il est très difficile de savoir, à un endroit donné, quel est le taux de contamination. En effet celle-ci ne se fait pas de façon concentrique à partir du foyer de l’accident, mais en “tache de léopard“ plus ou moins disséminées en fonction des vents, des pluies etc. La contamination est dite interne par ingestion et inhalation d’aliments et de poussières pollués. Il s’agit de contamination dite de faibles doses.
Des mesures réalisées par Nesterenko sur les enfants, il ressort que le taux de Césium 137 reste constant au fil des années (y compris chez les enfants nés bien après la catastrophe), avec des pics aux périodes où les personnes consomment plus de produits de cueillette et de chasse.
Nesterenko a découvert que des cures régulières de pectine de pomme accéléreraient l’élimination du Césium, mais il persiste une intoxication de base.
Il a proposé d’offrir à ces enfants des périodes de “vacances“ hors zones contaminées pour les “purger“. C’est là qu’intervient l’association “Enfants de Tchernobyl“.
Le gouvernement français vient de durcir les conditions d’accueil de ces enfants : difficultés accrues pour obtenir des visas, contingentement du nombre de séjour par enfant et limite d’âge.
Les recherches de Nesterenko et des ses collaborateurs ont établi un lien entre taux de Césium 137 et pathologies cardiovasculaires (en particulier chez les enfants), et atteintes du foie , des reins, des organes endocriniens et du système immunitaire. Ils démontrent qu’un régime “pauvre en Césium 137“ chez l’homme et l’animal de laboratoire réduit le risque de lésions irréversibles des organes vitaux.
Outre les pressions pour bloquer les subventions, les autorités nucléaires ont oeuvré pour qu’un collège d’éminents psychiatres décrète que les divers troubles constatés sont d’ordre psychologique, liés à de la radiophobie et des programmes sont financés pour la prendre en charge .
Quant aux statisticiens, ils estiment, au vu du faible nombre de cancers de la thyroïde observés chez les enfants, que les chiffres sont non significatifs. Ce cancer est usuellement exceptionnel chez l’enfant.
Nesterenko a été soumis à de multiples pressions et menaces. Il est décédé en 2008, épuisé par ce travail de Sisyphe.
Actuellement l’Institut Belrad est en grande difficulté financière et ne bénéficie que du financement de quelques ONG.
...à Fukushima : Paroles de témoins
Haruko, réfugiée de Fukushima, nous a narré son départ précipité juste avant l’explosion, avertie par une amie militante antinuléaire, (ainsi donc on pouvait anticiper ? Mais les populations n’étaient pas informées), son errance au travers du pays avant son rapatriement avec son mari français. On retrouve les mêmes thèmes autour de l’absence d’anticipation, d’information, sachant que très vite les populations se sont retrouvées piègées par manque de carburant. A son retour quelques mois plus tard, pour mettre en ordre ses affaires, elle a été frappée par le comportement “normal“ des habitants, comme s’il ne se passait plus rien. Elle a bien été obligée de manger le poisson fraîchement péché pour ne pas heurter ses voisins.
Satoko nous a longuement parlé de son association “Ringono“ qui fournit les enfants en pommes originaires d’une région théoriquement non contaminée. Elle a évoqué l’importance de faire lien par ce médiateur qui lui permet de générer un mouvement de solidarité avec cette population qui se sent bien délaissée et d’informer le reste du monde.
Taka a présenté son mouvement “World Network for Saving Children From Radiations“, qui cherche à offrir aux enfants des séjours hors zones contaminées, pour jouer dehors hors du spectre des radiations. Il fait également un travail d’information auprès des habitants par le biais d’un journal gratuit.
Kolin avait préparé un texte très dense où il retrace l’histoire du lobby nucléaire, les pressions sur les politiques. Il a évoqué le programme “Atome for Peace“, développé et promu depuis 1953 par les États Unis, en pleine guerre froide, pour valoriser le nucléaire civil, décrété non dangereux, occultant ainsi ses liens étroits avec le nucléaire militaire.
Nous avons pu voir un tableau en toile d’araignée représentant les liens anciens et étroits entre organisations officielles en charge du nucléaire militaire et celles chargées de la protection des populations civiles.
Attitudes officielles
Nous avons appris que l’
AIEA
(Agence internationale de l’énergie atomique), subordonnée au conseil de sécurité de l’ONU a passé en 1959 un accord avec l’
OMS
(Organisation mondiale de la santé). Cet accord stipule que l’OMS ne peut fournir des informations au public, entreprendre des recherches dans le domaine du nucléaire, ni venir en aide aux populations sans l’aval de l’AIEA ! Ceci explique la difficulté à effectuer des recherches sur les conséquences des accidents nucléaires et à les faire valider par la communauté scientifique.
Il a enfin évoqué la faillite totale, lors de l’accident de Fukushima, de la transmission des informations sur l’évolution et le déplacement de la radioactivité. Les organismes en charge de ces mesures les ont bien faites mais elles n’ont pas été transmises.
A Fukushima, le gouvernement a décrété la fin de l’accident. La situation est stable. La contamination de la population qui se nourrit des productions locales est permanente. La question des déchets, qu’on déplace et dissémine au fil du temps est insoluble. L’océan reste contaminé. Les chiffres concernant les “doses admissibles“ sont revus à la hausse. Le médecin en charge de la santé de la population de Fukushima est un pronucléaire convaincu. Il est essentiel de garder le moral et de sourire pour combattre la radiophobie. On peut donc oublier Fukushima.
Petit à petit une résistance citoyenne émerge. On voit apparaître sur le modèle de l’Institut Belrad, et avec le soutien de la CRIIRAD, des organismes indépendants (CRMS - Citizen’s Radioactivity Mesuring Station), qui prennent en charge des mesures alimentaires, organisent des congrès et font pression pour l’arrêt de nucléaire. L’association des femmes de Fukushima se fait entendre, intervient contre le nucléaire, met en place des réseaux de pédiatres.
Et maintenant...
Au total une centaine de personnes ont participé à ces journées, ce qui est un succès.
Les interventions ont principalement porté sur la (sur)vie en zone contaminée et quelques échanges parfois vifs ont eu lieu avec la salle.
En effet toutes ces actions de soutien à la vie en zone contaminée ne viennent-elles pas conforter l’idée qu’ il est possible de vivre dans ces conditions et donc justifier dans une certaine mesure le programme nucléaire ? A contrario, que penser d’une évacuation/déportation à la soviétique de populations qui ne le souhaiteraient pas ? Une telle option est-elle seulement matériellement réalisable, et quel accueil serait réservé à ces personnes qui auraient tout perdu ? Quelles en seraient les conséquences humaines ? Faudrait-il pour autant, abandonner ces populations à leur sort et s’abstenir de toutes actions leur permettant autant que faire se peut d’améliorer le quotidien ?
Aujourd’hui où en sommes-nous ? L’industrie nucléaire a intégré dans son discours les catastrophes récentes et dispose à Tchernobyl et Fukushima de laboratoires grandeur nature dont les habitants constituent un fantastique terrain de recherche. On parle donc de vivre avec les faibles doses.
Au Japon, le nouveau gouvernement annonce la réouverture de six réacteurs nucléaires. Areva, qui a fourni le combustible Mox de la centrale de Fukushima, s’apprête à faire de nouvelles affaires. La Biélorussie envisage la construction d’une nouvelle centrale .
Le dôme de protection de Tchernobyl menace ruine. A Fukushima, le corium continue de s’enfoncer. On mesure des taux de radioactivité record au large de La Hague.
En même temps, Areva prépare l’inauguration au début de l’été d’un musée de l’uranium à Bessines.
C’est le moment pour les habitants du Limousin de se demander quelles sont les conséquences sanitaires, écologiques, sociales et politiques de cette industrie à laquelle la France contribue si généreusement .
La solidarité s’impose avec les victimes présentes ou futures de la catastrophe de Fukushima et de Tchernobyl, la vigilance aussi, face à ce qui vient.
D. et D. Alasseur
Pour en savoir plus un excellent ouvrage intitulé “Oublier Fukushima“, signé Arkadi Filine édité par les éditions du bout de la ville.
Thème
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