Diverses associations et collectifs, venus des quatre coins de France, et des habitants d'ici et d'ailleurs, se sont retrouvés sur le site de l'ex-colonie de vacances EDF du Chammet (sur la commune de Faux-la-Montagne), du 23 au 29 juillet 2018. Sur ce site abandonné depuis une dizaine d'années, ils se retrouvaient pour agir ensemble et d'échanger sur les questions que soulève l'industrialisation forestière croissante.
L'implantation de ces rencontres au Chammet, magnifique site de 13 hectares, est un choix, une alerte, pour ne pas laisser à l'abandon ses innombrables structures aujourd'hui délabrées (piscine, terrain de foot, centre équestre, immense gymnase, base nautique de canoë-kayak, restaurant, hébergements pour 180 enfants, etc.), fantômes d'un passé révolu d'abondance et de luxe et témoins de la décadence d'une société de consommation des loisirs.
L'objet de ce rassemblement était de renforcer l'opposition au projet d'implantation de l'usine de pellets torréfiés de Bugeat/Viam - CIBV - en s'appuyant sur les expériences et luttes menées sur d'autres territoires – et elles sont nombreuses ! Il s'agissait également de proposer d'autres approches de la forêt, concrètement, sur le terrain, par des visites de parcelles autour du lac Chammet, à Gentioux, à Lachaud, à Bugeat, présentées par des techniciens, ingénieurs ou enseignants, qui ont montré des exemples d'une gestion autre que le modèle productiviste de plantations en ligne et de coupes rases à court terme. Des sorties naturalistes, botaniques, herboristes, une sortie “chasseur-cueilleur“, des ateliers lecture, des discussions, des films, des exposés et conférences ont enrichi la réflexion et permis de présenter d'autres visions de la forêt. Ces rencontres ont rassemblé de 30 à plus de 100 personnes selon les sujets proposés.
Durant cette semaine, les différentes associations œuvrant dans leur région contre l'exploitation démesurée des forêts ont exposé l'historique de leurs luttes souvent menées depuis de nombreuses années - de recours administratif en cours d'appel - et de leurs moyens d'action. Leurs victoires juridiques sont des leçons de persévérance, de ténacité, de solidarité et ouvrent des portes à d'autres possibles, après annulation des projets.
Il y avait aussi dans ces rencontres un appel particulièrement bienveillant à la reprise en main de façon réfléchie et constructive de notre territoire, de nos vies, en lien avec tous ceux qui commencent à reconstruire ailleurs un monde plus solidaire et pour lesquels apprendre et transmettre les savoir-faire sont des priorités. Ainsi le collectif Abrakadabois venu de la zad de Notre-Dame-des-Landes pour encadrer pendant la semaine l'atelier-construction d'une tour de guet qui fut érigée face au site de CIBV le jour de la clôture des rencontres le dimanche 29 juillet 2018. La destruction de la tour par des défenseurs du projet CIBV 3 jours après sa construction montre à quel point il y a incompréhension entre différentes visions du monde et du développement du territoire. On n'en continue pas moins à croire qu'il est possible de stopper cette fuite en avant vers un productivisme effréné et de voir émerger une réelle prise de conscience. Tout semble tellement fragile et prêt à s'écrouler autour de nous, qu'il faudra de toute façon se rassembler et s'entraider. À l'issue des rencontres de la forêt un appel a la mobilisation à été lancé sous le titre “De la Montagne limousine et partout en France, phase 1 du plan vigie-pellet“ (à lire ici : https://bit.ly/2Cj6Ay5).
Jackie Garreau
Ce qui suit n'a pas grand chose à voir avec la sylviculture, l'économie, les luttes pour un environnement sain et beau. C'est plutôt de la poésie, en réalité de la philosophie. Philosophie de la vie, on l'oublie trop souvent, les arbres sont vivants, avant d'être morts. Et comment meurent-ils ?
Tenez, cette histoire de mort d'arbre, un peu triste. Du temps où il n'y avait pas encore beaucoup de résineux chez nous, et où les feuillus commençaient à gêner. “Le diable est dans les détails“ écrivait Nietszche, en voici une illustration.
“La nuit. La rivière roulait à coups d'épaules à travers la forêt, A. s'avança jusqu'à la pointe du champ. D'un côté l'eau profonde, souple comme du poil de chat, de l'autre les hennissements du gué. A.toucha le chêne, il écouta dans sa main les tremblements de l'arbre. C'était un vieux chêne plus gros qu'un homme de la Montagne, il était à la “belle pointe“, et déjà, la moitié de ses racines sortaient de terre.
- ça va ? demanda A.
L'arbre ne s'arrêtait pas de trembler.
- non dit A., ça n'a pas l'air d'aller.
Et A.flatta doucement l'arbre avec sa longue main“ (librement adapté de Jean Giono, “Le chant du monde“.) Est-ce ce genre d'aventure qu'ont connu nos feuillus quand il fallait faire de la place ? Regardez bien l'image. C'est beaucoup plus beau qu'une coupe rase, pas difficile. Et pourtant, ces arbres rabougris meurent doucement en attendant de laisser le champ libre aux planteurs. Une lente agonie commence. Deux cercles à la tronçonneuse, afin d'atteindre le cœur de l'arbre ; la sève ne monte plus. Les petits frères plus loin ont subi le même sort. Tout ça pour éviter de les couper proprement. Pas de rémanents, le sol restera propre pour accueillir d'autres sapins, qu'on distingue au loin. Et les oiseaux disparaîtront, les insectes aussi. C'est vu du côté de Nedde et Beaumont. Cela n'a pas la gravité d'autres traitements qu'“on“ s'apprête à faire subir aux forêts du plateau, du côté de Viam. Et pourtant cela donne aussi une sale idée de ce que l'homme peut inventer pour tuer.
Les deux Michel, alias Ricou et Emile.