Certes le Pen a été défaite. Mais qu’en est-il de ses idées ? Le dernier quinquennat a abondé en discours nauséabonds en atteintes aux droits et avec maltraitances des exilés. Sur les plans de la loi, des actes et des discours, l’exilé reste un suspect potentiellement fraudeur, une menace et certainement pas une personne en danger.
La loi de 2018 (la 17ème depuis 1980 !) a accéléré les procédures d’asile mais c’est à double tranchant car parfois il faut du temps pour pouvoir restituer de façon cohérente des persécutions subies. Cette loi a certes accordé quelques améliorations en faveur des titulaires de la protection internationale mais a considérablement retardé l’accès aux soins des demandeurs, elle a réduit les délais de recours à la CNDA (Cour nationale du droit d’asile), instauré un traitement parallèle des demandes d’asile et des demandes de titre de séjour avec pour résultat un imbroglio sans nom. Elle a surtout systématisé le prononcé des OQTF (obligation de quitter le territoire français) et parfois IRTF (interdiction de retour sur le territoire français) contre les déboutés du droit d’asile créant ainsi une masse de sans-papiers dans l’impossibilité de régulariser leur situation. Elle a institutionalisé le refoulement aux frontières de internes de l’UE. Elle restreint encore, toujours dans une logique de suspicion, l’accès aux titres de séjour de plein droit : parents d’enfants français, conjoints de Français, étrangers malades. Les mineurs ne sont pas épargnés : leur minorité est contestée, l’accès à un titre de séjour à la majorité n’est pas acquis, il y a maintenant un fichier national.
En 2021 avec 125 450 OQTF (source : Eurostat), la France est largement « championne » d’Europe en termes de nombre d’OQTF prononcées avec un chiffre trois à quatre fois supérieur aux autres pays.
Certes, un grand nombre d’OQTF n’est pas exécuté au grand dam de notre président, mais tout au long du quinquennat (sauf 2020, épidémie oblige) le nombre des renvois n’a cessé d’augmenter : 10 091 retours forcés en 2021 (18 906 en 2019 – 9 111 en 2020).
Pendant la pandémie la France a continué d’enfermer en centre de rétention en dépit de la fermeture des frontières et du risque pour la santé des personnes. La durée possible de rétention a doublé, de façon parfaitement inutile car quand les personnes sont expulsées, elles le sont dans les -10 premiers jours ; cette mesure est une maltraitance de plus des étrangers. La France continue d’enfermer les enfants en rétention en dépit des condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
La dématérialisation des démarches en préfecture se poursuit, ainsi que la raréfaction des plages de rendez-vous, rendant très difficiles les possibilités d’obtenir renouvellement ou obtention des titres de séjour et occasionnant des pertes de droits.
Les violences contre les exilés ont continué avec des expulsions violentes dans le Calaisis, à Paris place de la Nation et en périphérie, des violences policières ciblant des personnes racisées, en particulier pendant le confinement.
La marche des sans-papiers du 18 février 2020 a rassemblé sans le moindre débordement plusieurs milliers de personnes à Paris et n’a obtenu en réponse que le silence assourdissant et méprisant du gouvernement.
Passons sur les discours assimilant immigration et délinquance, l’islam et le terrorisme (avec la mise en garde à vue, sans leurs parents, d’enfants de 10 ans !), le cynisme du ministre de l’Intérieur (pas de violences policières), l’obsession du ministre de l’Éducation contre l’islam (le refus des petits garçons de donner la main aux filles serait précurseur de radicalisation) etc... Citons, entre autres, le discours de notre président redoutant une vague migratoire lors la chute de Kaboul.
Avec la guerre d’Ukraine nous avons assisté à un vaste effort tant de l’État que de la population pour accueillir les exilés. L’accueil large et inconditionnel devient possible ! Serait-ce que certaines couleurs de peau valent plus que d’autres ?
Avec l’union de la gauche, il semblerait que les propositions de certains candidats en faveur des exilés, particulièrement des sans-papiers, soient passées à la trappe (le PS aux dernières mandatures n’avait pas été particulièrement brillant sur le sujet). Au vu du bilan du gouvernement actuel en la matière on ne peut qu’être très inquiet.
Dominique Weber