Déclinaisons autour de la farine de blé noir
J’ai souvenir lors de nos rares sorties familiales, d’une escapade à Chaumeil dans le petit jardin de Jean Ségurel, le célèbre accordéoniste de Chaumeil, balade qui se termina au sommet du Suc au May. Là-haut, campée derrière sa petite table, sa crêpière et son seau de bois, la marchande de tourtous. Tourtous que nous retrouvions avec le coq au vin, le jour du 15 août chez des vieux cousins à côté de Meymac et que notre vieille voisine l’Adrienne nous faisait pour les quatre heures du jeudi.Traditionnellement dans la Montagne, on appelait les crêpes de blé noir « las crespas ». Cette crêpe porte d'autres noms. Dans la région de Meymac, Davignac, ce sont des tourtous/daus tortons, dans celle d'Eymoutiers, des galetous/daus galetons, vers Ussel des pompes/las pompas, du côté de Sous-Parsat, Pontarion, des tourtiaus/daus tortiaus, et vers Banize des tourtaus/daus tortaus.Les extraits ci-dessous, sont les retranscriptions en français d’enquêtes conduites en occitan sur le territoire du Parc naturel régional. Laissons donc la parole aux anciens du pays !
Jean-Marie Caunet
« Ma mère en faisait mais elle mettait du froment, carrément de blé noir elle n'en faisait pas, elle mettait moitié blé noir moitié froment, avec lo miesgue (lou miègue) / petit lait, elles étaient bonnes et ça remplace le pain. Elle en faisait juste pour la journée. Elle les faisait sur un trépied dans la cheminée sur un tié/la platine. Quand il n'y avait pas de feu dans la cheminée, elle faisait ça sur un poêle, qui chauffait beaucoup. »
Aimée Combaudon, Saint-Yrieix-la-Montagne
« Quand nous n'avions plus de pain nous faisions de las pompas / des pompes. Ça ne se faisait pas tous les jours, des fois si, mais nous n'en faisions guère, 15-20, ça remplaçait le pain. On se régalait bien de les manger quand elles étaient chaudes, avec du pâté de foie quand nous avions tué le cochon, et quand c'était bien chaud avec du beurre lorsqu'il fondait dessus ».
Ginette Besse, Saint-Fréjoux
« Il ne s'en faisait pas tous les jours car c'est du travail de faire les crêpes de blé noir. Ma mère y mettait aussi de la farine blanche et du petit lait. On les faisait en principe l'après midi pour les manger le soir ».
Marie Jeanne Piton, Gioux
« On les faisait sur la cuisinière. On allait chercher la farine de blé noir à Peyrelevade chez le meunier et après Ambiaux s'est arrêté, alors avec mon frère et ma mère nous allions en chercher à Bugeat chez Moratille. La pâte était faite dans un seau en bois avec une cuillère en bois, ça faisait une croûte dedans. On faisait les crêpes tous les deux jours, il fallait s'en servir souvent sinon ça sentait mauvais. Il s'en faisait une dizaine pour la journée. Il y avait aussi un peu de farine de froment ».
Nicole Bezeaud, Peyrelevade
« Mes grand mères au moulin de Chatain ou au Freyssinet en faisaient tous les jours. Il s'en faisait ce qu'il faut pour une journée. Les crêpes se faisaient avec de la farine de blé noir et on y mettait du petit lait, on gardait du levain de la veille. C'était dans un seau en bois avec une cuillère en bois. Le récipient n'était jamais lavé donc le levain y était en permanence ».
Rosette et André Bessette, Faux-la-Montagne
Il se faisait aussi une crêpe particulière, faite avec le colostrum, premier lait des vaches, lo laite de bequet / lo laite de beta/ la betada
« Lo lach bete, c'est le deuxième lait, quand les vaches ont vêlé, le tout premier lait il faut le faire téter au veau. On le buvait pas on en faisait daus tortons de betada / des tourtous de colostrum, pas celui du premier jour mais le deuxième, le troisième ça dépendait comment il était, on faisait des tourtous de betada et ils étaient bons ».
Denise Bassaler, Davignac
« Les crêpes au premier lait des vaches / las crepas de bete, c'est un lait très jaune, riche en vitamines. On y mettait un peu de sucre dessus, ça ne se mangeait pas comme les autres crêpes, c'était à part, on les mangeait à la fin du repas ».
Rosette et André Bessette, Faux la Montagne
