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Manque d'anticipation, tirs inefficaces... Pourquoi il faut apprendre à mieux connaître le loup

Date
samedi 1 mars 2025 12:05
Numéro de journal
90
Auteur(s)
Eloi Boyé
Visite(s)
48 visite(s)

Dès son retour sur le plateau de Millevaches, le loup a fait peser une pression importante sur les éleveurs. L’arrivée de l’espèce n’a pas été suffisamment anticipée par les pouvoirs publics. Après plus d’an de traque par les lieutenants de louveteries, le seul loup identifié sur le Plateau est tué. L’année suivante, deux autres loups s'installent et les attaques reprennent. Une situation qui reflète les lacunes d’une politique de gestion du loup principalement basée sur les tirs.

 

loupUn manque d’anticipation du retour du loup

Après le retour des loups en France et la recolonisation de la totalité des massifs alpins, l'espèce connaît une importante expansion géographique au cours des années 2010. Le Massif central devient alors « un front de colonisation » de l’espèce. Sur le plateau de Millevaches, des acteurs publics tentent vaguement d’anticiper le retour du prédateur : la région Nouvelle-Aquitaine commande en 2018 une étude pour tenter de détecter la présence d’éventuels loups. Les préfets des départements limousins et la Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF) de Nouvelle-Aquitaine, commandent une étude de vulnérabilité des systèmes d’élevage au risque de prédation, publiée en 2020. Le PNR de Millevaches embauche quant à lui une « chargée de mission grands prédateurs » en juillet 2021. La chargée de mission, Jessica Hureaux, joue alors un rôle central pour tenter de préparer les acteurs du territoire à l’installation de loups. Seulement quelques mois après son arrivée, en décembre 2021, des prédations sont attribuées au loup sur le PNR.
Si quelques études ont donc été menées avant l'arrivée du prédateur, aucune mesure de protection des troupeaux n’a été mise en place par les pouvoirs publics. Pour avoir droit à des aides financières à la protection des troupeaux et à un accompagnement technique, les éleveurs doivent attendre que les préfets de département classent le territoire en « cercle 3 » : un dispositif du Plan loup mis en place en 2020 pour tenter d’anticiper l’arrivée du prédateur. Le cercle 3 correspond aux « zones possibles d’expansion », proches de territoires où des prédations lupines ont étés constatées. Les premiers indices de passage du loups en Limousin datent de 2017. La présence ou le passage de loups sont également confirmés depuis longtemps dans des départements voisins : dans le Puy-de-Dôme dès 2013 et dans le Cantal dès 1997. Des prédations sont constatés dans ce département en 2019.
Pourtant, le cercle 3 n’est pas activé avant la survenue des premières attaques en Limousin, notamment du fait de l’opposition des représentants de la Chambre d’agriculture de Corrèze, à l’époque présidée par Tony Cornelissen (FNSEA). Pour certains acteurs agricoles, reconnaître le classement en cercle 3 revient à accepter l’installation du loup sur le territoire. Certains éleveurs soucieux d’anticiper l’arrivée du prédateur, se retrouvent alors en manque d'interlocuteurs, sans connaissances sur les moyens de protection des troupeaux et sans possibilité de se faire financer l’achat de ces derniers. Certains investissent à leurs frais dans des moyens de protection coûteux et qui nécessitent un accompagnement pour être bien utilisés.
D'autres habitants du territoire s’organisent également pour anticiper ce retour. Ainsi, l’association felletinoise Quartier Rouge, en collaboration avec plusieurs éleveurs, mène à partir de 2017 un important travail de recherche, d’expérimentations et d’informations autour du retour du loup. Elle fait intervenir Jean-Marc Landry : un éthologue spécialiste du loup, de nombreux acteurs investis sur le sujet de la coexistence avec des grands prédateurs ainsi qu'une promotion d’étudiants en géographie et biologie de l’Université de Paris - dont je faisais partie - chargés d’enquêter sur l’anticipation du retour du loup sur le plateau de Millevaches. Cette prise en main du sujet par une association de médiation culturelle en art contemporain, révèle les lacunes des pouvoirs publics.

 

Les tirs tous azimuts : inefficaces pour réduire la prédation ?

Dès la détection du loup sur le territoire et les premières attaques sur le bétail, des acteurs politiques et du monde agricole réclament le droit de tuer le prédateur. Le préfet de Corrèze signe ainsi 15 arrêtés autorisant les tirs de défense entre janvier 2022 et mai 2023. Au vu du statut de protection de l’espèce, les tirs sont censés être exceptionnels : ils sont autorisés par dérogation. Néanmoins, environ 20 % des loups sont tués chaque année en France : la politique de gestion du loup semble désormais reposer sur de la régulation.
« Quand les autorités sont face à des éleveurs, ils parlent de quotas, et quand ils étaient face à la Commission européenne, ils parlaient plutôt de "seuils" : c’est-à-dire d’un maximum que l’on peut atteindre sans que ce ne soit un objectif, explique le géographe Farid Benhammou, chercheur associé au laboratoire Ruralités de l’Université de Poitiers. Dans les faits pourtant, c’est devenu un objectif. Mais quel objectif ? Tuer plus de loups ? Diminuer leur nombre ? Ou diminuer la prédation ? La corrélation entre tirs et réduction de la prédation n’est pas prouvée scientifiquement ». En effet, aucune étude n’a permis de démontrer clairement l’efficacité des tirs pour limiter les prédations à moyen et long terme. Une thèse réalisée par Oskana Grente en 2021 a étudié les effets des tirs de loup dans l’arc alpin français. Elle rapporte que seuls les tirs effectués dans trois massifs alpins sont associés à une forte réduction du nombre de constats de dommages aux troupeaux, durant les trois mois suivant les tirs. Ceux effectués dans d’autres massifs ne montrent quant à eux « pas d’effets flagrants sur la récurrence ou le nombre ultérieur de constats ». Enfin, dans le Vercors, « le nombre de constats est plus élevé après les tirs ». Une autre étude, publiée en 2023 et réalisée en Lettonie – où la densité de loups est bien plus élevée et où l’espèce est chassable – montre également des cas d’augmentation de la prédation suite à des tirs.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ces hausses de prédation suite à des tirs : hausse de la fréquence de reproduction au sein d’une meute à la mort d’une louve reproductrice, dislocation de la meute et moindre capacité pour les individus isolés à capturer des proies sauvages, etc. Surtout, les chercheurs Farid Benhammou et Jean-Marc Landry insistent sur le remplacement des loups tués par l’arrivée de nouveaux individus : la dynamique de population des loups est en effet basée sur la dispersion des jeunes, qui colonisent alors les territoires vides.
« Dans le Jura Vaudois, deux loups étaient en train de s’installer, raconte Jean-Marc Landry. Pour des raisons politiques, le mâle a été tiré. La femelle s’est retrouvée toute seule sur le territoire et ne pouvait pas le défendre : la meute voisine est venue chasser sur son territoire. Ils ont causé beaucoup de dommages sur les troupeaux de bovins. La saison d’après, un autre loup est arrivé : ils ont créé une meute avec la naissance de louveteaux. Ils ont commencé à faire pas mal de dommages, avec une augmentation énorme de la fréquence des attaques : en tirant un loup, ils ont amené le chaos sur le terrain. »
En mai 2023, le seul loup repéré sur le plateau de Millevaches est tiré, au prix de « plus de 400 heures » de surveillance nocturne des troupeaux par des lieutenants de louveterie, selon la préfecture de Corrèze. Le tir met momentanément fin aux attaques. Moins d’un an plus tard, deux nouveaux individus sont identifiés, dont un mâle. Les deux individus se déplacent ensemble : si l’un des deux s'avérait être une femelle, l’hypothèse d’une future reproduction serait ouverte. Des analyses génétiques sont en cours pour déterminer son sexe et les résultats devraient être connus prochainement. Ces deux individus occupent un territoire chevauchant en partie celui du loup abattu en 2023. « Ça montre bien la vacuité de la chose ! s’exclame Farid Benhammou. C'en est presque une caricature pour illustrer ce qu'on dit depuis des années. On fait croire aux éleveurs que les tirs règlent leurs problèmes. Sauf que, si ça marche, ça ne va régler le problème que ponctuellement. » 
Depuis l’arrivée de ces deux loups, de nouvelles autorisations de tirs ont été accordées par la préfecture de Corrèze.

 

Apprendre à connaître les loups et à écouter les scientifiques

La mort du premier loup identifié sur le Plateau met un frein à la volonté de certains éleveurs de mettre en place des moyens de protection de leurs troupeaux, ce qui les rend d’autant plus vulnérables aux prédateurs. Les troupeaux non-protégés sont généralement plus attaqués et les attaques sont alors plus meurtrières que celles survenants sur des troupeaux protégés. Pour pallier cette gestion inefficace de la présence lupine, dont les éleveurs sont les premières victimes, Jean-Marc Landry appelle à sortir des positions dogmatiques et à écouter d’avantage les scientifiques : « On tire des loups à grande échelle sans comprendre ce qu’on fait, regrette-t-il. On doit apprendre à connaître les loups et à ne pas en faire un objet de croyances. » Farid Benhammou partage ce constat. Selon lui, les tirs de loups visent moins à réduire le nombre de prédations qu’à satisfaire des acteurs agricoles et cynégétiques : « En France, tirer des loups comme on le fait aujourd’hui montre que le gouvernement se trouve face à une impasse » ajoute-t-il.
Loin de s’opposer totalement aux tirs, ces scientifiques appellent simplement à la recherche de solutions adaptées à chaque situation : « Il faut se garder les tirs comme un outil de protection parmi d’autres, estime Farid Benhammou, mais il faut surtout mettre en avant des tirs d’effarouchements ». Outre les tirs, les scientifiques appellent surtout à renforcer les moyens de protection adaptés à chaque région et chaque mode d’élevage.

 

Eloi Boyé
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IPNS - 23340 Faux-la-Montagne - ISSN 2110-5758 - contact@journal-ipns.org
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