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Pour faire se rencontrer le monde agricole et le reste de la société

Date
samedi 1 mars 2025 11:26
Numéro de journal
90
Auteur(s)
Olivier Davigo
Visite(s)
48 visite(s)

« Nous évoluons de plus en plus dans une société qui se referme sur elle même, ne se connaît plus qu'au travers de médias qui font du spectacle. Et, en pleine figure me revient la crise du monde agricole. En début d'année, ça explose. C'est un monde professionnel qui se rétracte, se contracte, avec une démographie en berne. Il y a de l'isolement, de la douleur, de la souffrance au travail, des injonctions contradictoires, de la complexité, des paradoxes, des risques pour la santé des agriculteurs. Ne sont-ils pas les premiers exposés aux produits toxiques qu'ils utilisent ? Ne sont-ils pas les premiers à être ballottés par les marchés mondiaux ou coincés dans des filières intégrées, pieds et poings liés à leurs créanciers, tout en se considérant comme des patrons, des chefs d'entreprise ?
Cette corporation professionnelle, beaucoup plus éclatée et disparate que voudrait nous le faire croire son unité apparente, est néanmoins là pour prendre soin de nous, de façon très basique, nous nourrir tout simplement. Alors, qu'ai-je fait, moi qui habite en plein monde rural pour aller discuter avec les paysans d'ici lors de leur révolte, et à mon tour prendre soin d'eux ? Et chacune et chacun reste chez soi ? Avec ses certitudes, ses œillères, ses a priori, ses préjugés... Où sont les lieux pour se parler, se rencontrer, discuter, et même s’engueuler respectueusement  ?... »
Extrait du discours de Catherine Moulin, maire de Faux la Montagne, lors du festival Folie les mots, juillet 2024.

 

Début 2025, les panneaux de signalisation d'entrées de communes sont à nouveau retournés ou recouverts de plastiques noirs, plastiques parfois bombés au rouge d'un « Non au Mercosur » ou autres slogans, cris de rage ou de désespoir lancés aux regards d'une population prise à témoin d'un monde qui marche à l'envers, marche sur la tête.

 

Le vieil homme, les paysans et le ventre de la terre

Il y a dix ans, en 2015, Pyramide production sortait un documentaire, Le vieil homme, les paysans et le ventre de la terre, réalisé par Jean-Marc Neuville et Maryline Trassard, tourné sur le plateau, avec comme personnage pivot Edgar Pisani. Ce dernier décède un an plus tard, à 98 ans. Cet homme âgé fut ministre de l'Agriculture sous de Gaule. C'est lui le père de la PAC*...
Un documentaire, malgré ses dix ans, effroyablement d'actualité, qui s'appuie sur les propos d'un homme qui fut l'artisan de notre agriculture présente, mais d'un homme qui, avec le recul, concède qu'on est allé trop loin et qu'aujourd'hui, déjà hier, les enjeux ne sont plus les mêmes, qu'il faut non pas faire « machine arrière » mais repenser complètement le logiciel agricole. Autour de la table et d'un repas festif, au Freyssinet de Tarnac, au côté d'un Edgard Pisani au bon coup de fourchette, on retrouve Marc Poulet et André Bessette, agriculteurs locaux, présents par ailleurs dans le dernier numéro d'IPNS. Ce film, dont le visionnage est fortement conseillé**, n'a pas perdu une ride. Les problèmes sont toujours là, la situation n'a guère évolué sinon en pire.

 

pisani

 

Aveux d'impuissance

Début janvier 2025, une toute jeune association de Faux-la-Montagne, « Faux qu'on en cause », qui se donne comme objectif de faire des réunions thématiques publiques sur des sujets qui font débat, proposait une rencontre, autour de l'agriculture. Une salle pleine, environ 80 personnes, des agriculteurs et des agricultrices et des citoyennes, des citoyens, comme vous et moi.
Tous les syndicats étaient conviés, mais seuls Le Modef et la Confédération paysanne étaient représentés. Le constat est amer, des aveux d'impuissance, une prison dans laquelle évolueraient des agriculteurs et des agricultrices à bout. La Safer a senti le vent du boulet : devenue une agence immobilière préoccupée de sa propre rentabilité, elle échoue à remplir sa mission. Libéralisme sauvage et débridé, multiplicité des contraintes et des normes sans contrepartie, course à l'endettement, revenus insignifiants... Impression et sentiment de fatalité, de colère contenue, d'impuissance... Comment casser cette spirale infernale, qui s'aggrave depuis quarante ans ?

 

La solution se joue aussi à l'échelle locale

Revenons à ce que disait notre ami Edgar. Dans un de ses derniers livres, Un vieil homme et la terre, neuf milliards d'êtres à nourrir, la nature et les sociétés rurales à sauvegarder, en plus d'une présentation synthétique de son analyse sur l'agriculture mondiale, de réflexions sur des alternatives aux modèles dominants, des erreurs ou des courtes vues qui ont pu être les siennes et qu'il reconnaît, il pointe la faillite qui nous attend et émet moult propositions.
On comprend bien qu'il y a plusieurs échelles en jeu. Il parle des traités internationaux, et transcontinentaux et des batailles qui se jouent à ce niveau-là, mais aussi à l'échelle de l'Europe, ou de la nation. En tant que citoyen lambda, je peux me sentir, concernant les grandes échelles, relativement impuissant, si ce n'est par mon bulletin de vote une fois tous les 5 ans, et encore, faut-il y croire...
Paradoxalement, pour Edgar Pisani, une partie de la solution, se joue à l'échelle locale, très locale. « À la vérité, aucun des grands problèmes qui se posent à nous n'est abordé de telle sorte qu'un débat s'instaure entre tous ceux qui s'y trouvent intéressés. Il n'y a débat qu'entre agriculteurs et gouvernement. Cela n'a jamais été suffisant. Cela n'est plus acceptable, car l'activité agricole pose désormais des problèmes de société et de territoire, de sécurité alimentaire qualitative et d'environnement, que les agriculteurs ne peuvent plus résoudre seuls... » (page 13)
Plus loin, page 65 : « Le problème agricole, la crise de l'agriculture et du milieu rural font partie d'une crise générale des sociétés modernes et c'est refuser de les résoudre que de les aborder isolément. Il y a un intérêt mutuel (pour le monde agro-rural et pour la société tout entière), à ce qu'ils confrontent leurs situations et leurs difficultés ... »
C'est pourquoi, si de grandes réunions débats sont utiles pour faire émerger une conscience, orienter un vote et se raccrocher à une politique décidée ailleurs, ce n'est que la petite partie visible de l'iceberg solution. L'autre partie, et la plus importante me semble t-il, c'est le travail de terrain à la recherche de nouvelles pratiques locales qui, de proche en proche et avec tous les réseaux et liens possibles, prendront de l'ampleur pour dessiner d'autres avenirs plus réjouissants.
N'étant ni agriculteur ni agronome, et relativement ignare sur la question, mais conscient de l'importance du sujet, j'apporte ici ma petite contribution, une proposition de méthode qui n'est pas très originale mais qui a déjà montré ailleurs sa pertinence.

 

Une méthode en deux temps

  1. Comprendre la situation locale et diffuser la connaissance acquise.
    Pour agir, il faut d'abord comprendre. Il est probable que si on faisait un sondage de type micro-trottoir dans chacune des communes du PNR par exemple, en interrogeant chaque habitant et habitante avec simplement deux questions : « Combien d'exploitations agricoles sur votre commune ? Quelles productions ? », le résultat serait assez loin de la réalité ! Il serait donc nécessaire de mieux cerner le réel.
    Il faudrait aussi comprendre nos pratiques de consommation : mettre à plat la façon dont, aujourd'hui, chacun et chacune d'entre nous se nourrit : recours au jardin ? Auto-production ? Achat direct dans les fermes d'ici ou sur le marché ? Ou à l'épicerie locale, ou à la grande distribution, ou à domicile en surgelé ? Comment, ici, les unes et les autres, nous nourrissons-nous ? Chez soi, à la cantine, au restau... ?
    Un travail de collecte d'informations, tant sur les agriculteurs et les agricultrices qui nous entourent, en allant loin dans les informations fournies (aspects techniques mais aussi doléances ou métier passion, etc.), que sur nos pratiques alimentaires et la façon de nous nourrir. Tout cela mis à disposition, pour que chacun, chacune, puisse s'en saisir et avoir une bonne image de la réalité locale, éviter les préjugés, les fantasmes, les idées fausses, la langue de bois ou la pensée « prêt à porter » et juger aussi des écarts ou pas entre une agriculture locale et nos modes de consommation. Connaître notre réalité, sous anonymat quand nécessaire, c'est la condition indispensable pour poursuivre. Sans quoi, on n'aura pas dépassé le stade du débat de comptoir au café du commerce...
  2. Se rencontrer, se connaître, se respecter, débattre, imaginer et proposer...
    Qui ? Des agricultrices et des agriculteurs, bien sûr mais aussi des citoyennes et des citoyens préoccupés et se sentant concernés par le sujet.
    Comment ? Imaginons une rencontre, une fois par mois, dans une exploitation, ici ou là, hôte d'un soir ou d'une après-midi, après une visite de l'exploitation si nécessaire, une envie partagée ou pas, se retrouvant autour d'une table, un casse-croûte en commun, puis, en reprenant l'idée d'animation lancée par notre ami Edgar ou tout autre forme jugée pertinente par l'ensemble des intéressés, on discute d'une problématique, si possible préparée en avant pour être plus efficace. Un rapporteur, une secrétaire consigne l'avancée des idées... Et au fur et à mesure, grâce à la mobilisation de cette intelligence collective, et qui n'a rien d'artificiel, s'ouvrent des perspectives et des solutions. Ce processus, c'est l'élaboration d'une conscience commune qui débouche, par le truchement de notre imagination collective, sur des propositions concrètes qu'il conviendra de faire vivre, à notre échelle et de faire connaître par ailleurs pour qu'elles servent à d'autres, et réciproquement, nous mêmes à l'écoute de ce qui se fait aussi ailleurs pour en tirer enseignements et rebondissements. Il implique de la confiance, du respect et de l'écoute entre les personnes, y compris dans l'expression de nos désaccords, en ayant raccroché au vestiaire nos casquettes, de personnage politique, de « sachant » ou de représentant syndical. Cela ne peut se faire que dans des groupes de petites tailles, 10 à 15 personnes pas plus. Imaginons-nous comme des petites graines a priori insignifiantes, des toutes petites semences, des toutes petites semences de pas grand-chose, d'origines variées et qui prennent racines, grandissent, fructifient et de proche en proche finissent par créer un bel écosystème... Bon, un peu de poésie dans ce monde de brutes ne fait de mal à personne !

 

Et on fait comment pour se mettre en route ?

Je propose que cette dynamique soit portée par le PNR en association avec le Syndicat de la Montagne Limousine et de communes volontaires. Le PNR qui pourrait, avec une commission ad hoc élargie, entre autres, trouver des financements, animer et mettre au travail une équipe de chercheurs, chercheuses, enquêtrices, enquêteurs et pourquoi pas avec le recours d'étudiants et d'étudiantes, en sociologie ou en en géographie humaine. Il faut des professionnel.les pour à la fois correctement compiler des données, réaliser des rencontres de terrain et faire la restitution sous diverses formes jugées les plus pertinentes. En plus de films, d'émissions radio, d'articles, pourquoi pas aussi des réunions publiques, bilans commune par commune, qui déboucheraient sur l'aide à la constitution de groupes mixtes (agriculture/société citoyenne) qui s'auto-constitueront librement, sur du temps long, à cet exercice de rencontre et prospection. Pour que les choses existent, il suffit parfois de les nommer. Appelons cette démarche, ce projet, cette idée « Semence», quitte à changer si un nom plus judicieux fait surface. On peut imaginer que certains de ces groupes travailleront dans la durée et produiront du contenu, d'autres non : les aléas des rencontres et les facteurs humains (amitiés, inimitiés, accidents de la vie...) comme d'habitude, et c'est normal, façonneront cette dynamique. Avec plusieurs groupes répartis sur un territoire comme celui du PNR, on multipliera les chances de réussite.

 

Une piste déjà en mouvement

Fin décembre 2024, l'Ipamac (Interparc Massif Central) lance un appel d'offres pour travailler à l'échelle de 6 communes de six parcs différents, dont celui du Millevaches, sur la notion d' « habitabilité » des territoires. La commune de Faux la Montagne est une des six communes lieux d'étude. Un groupement d'associations***, a remporté l'ensemble du marché, à l'échelle du Massif Central. L'étude a commencé. Ce concept d'habitabilité prendra t-il en compte la dimension « agricole » du territoire ? Et comment en fera t-il état ? N'est-ce pas aussi une opportunité : allonger la mission en intégrant la proposition « Semences », une réunion de concertation avec le PNR de Millevaches pour valider ? Affaire que je veux bien suivre...

 

Olivier Davigo
Contact via Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. qui fera suivre.

* PAC : Politique agricole commune, créée en 1962, conventionnement à l'échelle européenne fixant entre autres aides et subventions.
** CD que l'on peut acheter à Pyramide Production pour 20€, 10 rue des Tanneries 87000 Limoges
*** Ce groupement comprend : l'association RER (Recherche en Ruralité), la SCIC l'Arban, Les Localos, le collectif Zélie et Géolab.
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    Agriculture
  • désespoire | manifestation | Mercosur | agriculture | Safer | PNR | IPAMAC
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