Après des études en agronomie, Agnès s’est orientée dès 2020 vers l’agriculture, et a mené, au sein d’un groupe d’amis, une réflexion sur une installation en collectif « pour rendre la vie de paysan ou de paysanne plus facile. » Elle occupe alors un premier emploi à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) à Pompadour, en Corrèze, et commence à rencontrer éleveurs et éleveuses. Elle travaille ensuite à l’Association pour le pastoralisme de la Montagne limousine (APML), accompagnant celles et ceux qui pratiquent ce mode d’élevage. Nathan l’ayant rejointe, ils rencontrent deux exploitants en Gaec (Groupement agricole d'exploitation en commun) depuis 2017, bénévoles de l’association, avec lesquels ils parlent de leur projet d’installation. Et en 2021, leurs nouveaux amis prononcent les mots qu’ils espéraient pouvoir entendre: « Vous en penseriez quoi d’un projet d’association ?... » « Nous étions vraiment contents ! Dans le courant de la même année, nous avons eu l’opportunité d’acheter 40 hectares de terres enchâssées dans leur terrain, avec une maison, plusieurs bâtiments agricoles et un peu de matériel, le tout au lieu-dit Bos-de-Vézy, dans la commune de Tarnac. Nous y habitons depuis 2022 et nous entretenons les terrains afin de pouvoir nous y installer sereinement en 2026. En ce qui me concerne, ajoute Agnès, j’ai fait une formation avec l’ADEAR Limousin dans trois exploitations différentes pour apprendre le métier de fromagère afin de pouvoir ajouter à l’élevage ovin qui existe déjà, un atelier d’élevage laitier et de transformation à la ferme. En 2025, je rentrerai en parrainage avec eux, et en 2026, le but est d’intégrer le Gaec. »Quant à Nathan, c’est son stage de fin d’études d’ingénieur agronome dans le sud de la France qui lui a permis de découvrir ce qu’était le pastoralisme. « Je travaillais sur la notion d’élevage résilient et durable, se souvient-il, et j’ai rencontré des éleveurs et des éleveuses qui l’expérimentaient concrètement. L’idée consiste à nourrir au maximum par le pâturage pour limiter l’apport d’aliments, et j’ai trouvé, dans cette région de la France, des élevages pastoraux très intéressants. » Il fait alors une thèse, qu’il soutient en 2024, sur le développement du pastoralisme dans les régions de moyenne montagne, en y incluant le plateau de Millevaches. Il en visite les élevages pastoraux qui « se débrouillent avec les ressources locales afin de limiter les investissements. Nos futurs associés ont poussé cette logique très loin. En outre, le travail réalisé avec eux en ce sens à cette époque-là a conforté notre amitié. C’est une approche de l’élevage qui nous parle beaucoup. »
Pour ce faire, il est envisagé d’ajouter un petit troupeau de 10 vaches laitières à l’élevage de moutons avec production de viande et de laine, qui existe déjà. A partir de 2025, Agnès sera à plein temps sur la ferme, et Nathan, actuellement animateur technique à l’APML, y travaillera ponctuellement en attendant de devenir un associé du Gaec. « Notre objectif pour s’en sortir, explique Nathan, est de produire avec ce qui pousse localement sur les terres d’ici, pauvres certes, mais accessibles financièrement. »« Depuis 2017, précise Agnès, l’atelier brebis mis en place par nos futurs associés a fait ses preuves grâce à un système pastoral double transhumant permettant d’affourager au minimum. Néanmoins, ce type de système se heurte à un problème de filière, dans laquelle les coopératives et les bouchers imposent leurs standards. Et comme les animaux ne correspondent pas aux critères de la filière adoptés jusque-là, on en crée une nouvelle en circuit court avec de nouveaux débouchés. Et en ce qui concerne les vaches laitières, nous axons notre projet d’installation sur la valeur ajoutée par la transformation laitière pour dégager un revenu décent. » Et de souligner : « Durant mon parcours d’installation sous l’égide de la Chambre d’agriculture, je craignais d’être mal reçue. Eh bien, pas du tout ! Mon projet avec 10 vaches rustiques, adaptées à la végétation, a été accepté. Des néo-ruraux pris au sérieux, c’est très différent d’il y a cinq ans. »
« Nous souhaitons être le plus possible économes entre les intrants et les investissements dont on a besoin pour faire de l’agriculture. Derrière, il y a toujours une réflexion collective avec ceux qui se sont déjà posé ces questions. Alors quel système mettre en place avec une charge de travail soutenable et une organisation annuelle qui permette de prendre des vacances tout en pouvant vivre de notre métier ? Le réseau local d’éleveurs et d’éleveuses a été pour nous un super tremplin. Nous y avons pioché des idées et bénéficié de la mise en place de structures collectives. On en a aussi besoin pour commercialiser nos produits au maximum en direct. Et on espère travailler en collectif le plus possible au quotidien. »« Nous avons été bien accueillis sur le territoire. Par nos cédants tout d’abord. La ferme que nous avons reprise au Bos-de-Vézy n’était plus cultivée depuis les années 1980. Mais l’ancien propriétaire a passé beaucoup de temps à nous former et nous a apporté une aide précieuse, encore aujourd’hui. Nous sommes arrivés ici parce que nous connaissions déjà le réseau environnant avec lequel on a bien travaillé. Ce qui a permis de multiplier les rencontres avec les agriculteurs et agricultrices installés et d’en retirer des idées. » « Quant au clivage entre néo-ruraux et gens d’ici dont on parle tant, nous avons la chance de ne pas le subir. Nous souhaiterions participer à une réorientation de l’agriculture du Plateau, qui n’est en rien une remise en cause radicale de ce qui a été fait auparavant, et dans lequel il y a des choses à prendre. »