Le lichen est une symbiose entre un champignon et une algue. Une symbiose est une association étroite entre deux organismes et elle est bénéfique à chacune des deux espèces. Ici, le champignon protège l’algue face aux pertes d’eau brutales, aux rayonnements solaires, aux animaux… Il joue aussi un rôle de fixation sur le support et fournit l’eau, les sels minéraux et les vitamines essentiels au développement de l’algue. De son côté, l’algue transmet au champignon des produits issus de la photosynthèse tels que des glucides et de la vitamine B.Les lichens sont classés parmi les champignons, car une fois que l’algue et le champignon sont assemblés, seul le champignon est capable de se reproduire de façon sexuée. Cependant, les lichens sont capables de créer de véritables boutures naturelles (appelées sorédies et isidies) qui contiennent des cellules algales et fongiques et qui peuvent être dispersées dans l’environnement par le vent, la pluie ou les animaux.
Si par chance, une de ces boutures se retrouve sur un support et dans des conditions climatiques qui lui conviennent, alors un nouveau lichen se développe. Les lichens n’ont ni racines, ni tiges, ni feuilles. Le champignon crée un réseau de filaments dans lequel les cellules algales sont protégées. Cette structure est appelée thalle.Il existe de nombreuses espèces de lichens avec des formes et des structures différentes. Pour simplifier, on classe ces espèces en trois groupes :
La particularité des lichens est qu’ils sont capables de résister aux conditions extrêmes. On les trouve aux pôles, dans les déserts rocheux, aux sommets des montagnes, au sein des forêts et jusqu’au cœur des villes bétonnées. Cela leur est permis grâce à leur capacité de reviviscence. C’est-à-dire qu’ils peuvent passer d’une vie ralentie, quand il fait sec, à un fonctionnement normal, quand ils retrouvent des conditions humides.
Il existe en France 2 400 espèces de lichens. Certaines préfèrent vivre sur la roche, d’autres sur les arbres ou encore directement sur le sol. Les conditions climatiques des différentes régions (quantité de lumière, vent, pluie) influencent la répartition des espèces sur le territoire. Les lichens constituent la première matière organique à s’installer sur un support et servent d’abris à de petits organismes ou encore de matière première pour les oiseaux pour façonner leurs nids. Ils peuvent également être utilisés comme aliments. Les rennes se nourrissent par exemple de lichens du genre Cladonia en Laponie. D’autres sont sources de sucres et sont consommés par l’homme, notamment au Japon et au Canada.Certaines espèces peuvent être utilisées en médecine pour leur potentiel antibiotique et d’autres pour la fabrication de parfums et de savons en extrayant certaines huiles essentielles.Enfin, certains lichens ont des écologies très précises et leur présence peut être utilisée comme indicateur, par exemple de la chimie et de la stabilité du sol, de la hauteur moyenne de l’enneigement, du degré de pureté de l’air ou encore de la qualité écologique forestière.
On trouve en France et plus particulièrement sur le plateau de Millevaches des espèces de lichen du genre Lobaria, qui sont utilisées comme indicateurs de la continuité écologique des forêts de feuillus. De plus, la présence d’une cyanobactérie, appelée Nostoc, au sein de ces lichens fait qu’ils sont sensibles à la pollution atmosphérique. En effet, la présence de dioxyde de soufre (molécule libérée par de nombreux procédés industriels) dans l’atmosphère a un impact négatif sur leur développement.Ils ont une croissance lente et semblent avoir une très faible habilité à recoloniser des milieux mêmes favorables. Ce sont des lichens qui poussent principalement sur les chênes, parfois sur les saules, et qui ont un thalle de type foliacé.
Sur la photo ci-dessus, on voit les deux espèces régulièrement trouvées sur le plateau de Millevaches. En haut, Lobaria scrobiculata de couleur gris bleuté quand il est humide, qui peut atteindre un diamètre de 20 cm. En bas, Lobaria pulmonaria d’une couleur vert brillant à l’état humide, qui peut atteindre 50 cm de diamètre.Leur morphologie caractéristique, leur thalle de grande taille et leurs exigences écologiques font de ces lichens des sujets d’études scientifiques intéressants.
Les milieux forestiers anciens sont rares sur le plateau de Millevaches. Ils représentent 5 % de la surface du Parc naturel régional. Cela résulte d’une surexploitation des milieux forestiers qui a débuté au milieu du Moyen-âge et qui s’est accentuée jusqu’au début du XIXe siècle.Cependant, à l’image des Lobaria, on trouve aujourd’hui sur le territoire du Parc des espèces indicatrices de forêts anciennes ou de forêts présentant une valeur écologique élevée. Ces espèces colonisent même les nouveaux espaces forestiers qui se développent sur les landes abandonnées par l’élevage.Les forêts anciennes sont par conséquent considérées comme des zones refuges pour la biodiversité forestière, et leur identification est primordiale, car c’est depuis ces zones refuges que les espaces forestiers récents sont progressivement colonisés. Les zones refuges servent ainsi de centre de dispersion.
L’association « Le Champ des Possibles », basée dans la commune de Gentioux-Pigerolles, est spécialisée dans l’étude scientifique des changements globaux (paysages et climatiques). Elle cherche à comprendre dans quels types de milieux les lichens du genre Lobaria, et par extension la biodiversité forestière, ont trouvé refuge lors du maximum de déforestation ainsi que leur dynamique de recolonisation des espaces boisés feuillus récents.Pour cela, une enquête de sciences participatives a été initiée en 2020 dans le cadre de l’Atlas de la biodiversité communale (ABC) de Gentioux-Pigerolles (1). Cette enquête se poursuit actuellement au sein des ABC de Faux-la-Montagne/La Villedieu et de Saint-Martin-Château. Les habitants bénévoles prospectent les territoires communaux et localisent au GPS chaque arbre porteur d’au moins une des deux espèces de Lobaria et leur répartition est ensuite analysée par les salariés de l’association.Les premiers résultats, issus de l’ABC de Gentioux-Pigerolles, montrent que les forêts anciennes sont les milieux qui hébergent le plus faible nombre de Lobaria. Cela est dû au fait que leur surface réduite entraîne une capacité d’accueil très faible. Cependant, les haies et bosquets anciens, parmi les milieux boisés anciens, jouent un rôle de zones refuges privilégiées. Ces milieux, exigus par essence, occupent au final une plus grande surface sur notre territoire que celle occupée par les forêts anciennes. On observe également la colonisation des milieux forestiers plus récents par ces deux espèces de lichens. Mais toutes les parcelles de forêts récentes ne sont pas pour autant colonisées. En effet, la capacité de colonisation des Lobaria semble réduite. Les résultats montent que 97 % des lichens sont observés à moins de 100 mètres d’une zone forestière refuge. On estime que les Lobaria colonisent les nouveaux espaces boisés à une vitesse de 60 m pour 100 ans.Les secteurs défavorables à la présence des deux espèces sont constitués à la fois de zones massivement occupées par des plantations de résineux et de secteurs occupés par des parcelles agricoles de grande taille. La faible capacité de dispersion des Lobaria explique leur forte sensibilité à la rupture de connectivité entre espaces boisés feuillus.Enfin, les observations récentes faites dans le cadre des deux nouveaux ABC, encore en cours, montrent que les saulaies humides pourraient également servir de zones refuges pour les lichens Lobaria. Ces milieux, non exploités par l’homme, offrent des conditions optimales de développement pour ces lichens.