En 1998, une géographe, Agnès Bonnaud, étudiait de fond en comble les politiques de développement de pays - un terme qu'elle préfère à celui de "développement local" - de quatre plateaux du Massif Central : l'Aubrac, les Monts de Lacaune, le causse du Larzac et le plateau de Millevaches. Sur ce dernier elle rencontrait Vassivière, dont elle faisait un bilan plutôt sévère. Nous publions ci-dessous un extrait de sa thèse.
L'exemple de l'aménagement du site de Vassivière est une illustration exemplaire d'une part de la rupture qu'on constate sur le plateau de Millevaches entre la société civile et les élus locaux, d'autre part des limites d'un "aménagement sans développement".
L'idée d'aménager le lac de Vassivière et ses abords à des fins touristiques est venue du commissaire à l'aménagement du Massif central, qui a convaincu le maire et le conseiller général d'alors de son intérêt. L'aménagement a été réalisé avec l'appui des maires des quelques communes du SYMIVA, des départements, de la région et de l'Etat, mais sans aucun soutien de la population locale, et sans non plus susciter d'opposition : dans l'indifférence générale.
De plus, jamais les acteurs privés du plateau n'ont été mobilisés et associés à la gestion du site. Comme l'écrit dans sa propre thèse le géographe Jean François Mamdy : le SYMIVA s'est toujours comporté en organisateur tout-puissant prenant toutes les initiatives, y compris celle de rallier les acteurs à ses projets et d'échouer. L'exemple de la halle commerciale d 'Auphelle illustre le refus des commerçants locaux (ceux de Peyrat le Château) de s 'impliquer dans un projet que leur proposait la technostructure.
Ainsi le SYMIVA qui 'a toujours été et continue d'être le concepteur, le coordonnateur, le contrôleur du programme Vassivière (...) est devenu en vingt-cinq ans une structure lourde et monolithique, une 'technostructure d'élus' constituée de délégués communaux et dominée par la personnalité de leaders forts' (Pierre Ferrand, maire de Royère de Vassivière d'abord, André Leycure, maire de Nedde ensuite).
Enfin, en dépit d'un audit remettant en cause le fonctionnement du système en place (le rapport 'Vassivière 2000', en 1989), le SYMIVA ne semble pas prêt à accepter - encore moins à susciter - une évolution qui réclame son effacement. Ainsi, malgré les volontés exprimées à l'origine du projet, l'aménagement touristique du site n'a pas abouti à la constitution d'un 'pays de Vassivière', en l'absence d'acteurs autres que le SYMIVA et de projet de développement autre que l'aménagement touristique. Ceci montre à quel point, en dépit des nombreux aménagements et investissements incontestablement intéressants qui ont été réalisés, Vassivière est un contre-exemple en termes de développement de pays.
Agnès Bonnaud
Photos : Franck Gerard, le territoire, village vacances de Masgrangeas 2002
- Ne dîtes pas à ma mère que je suis en Limousin, elle me croit au Canada...
La Maison de Vassivière vient d'éditer un dépliant, tiré à 40 000 exemplaires, à destination des visiteurs de l'été 2004. On y trouve une composition graphique inexistante, des couleurs usées, des fautes d'orthographe, des légendes introuvables, des informations erronées (dont un numéro de téléphone corrigé à la main). Comment faire tant d'erreurs sur si peu de pages ?! On y apprend en outre que l'été prochain il y aura des yacks et des lamas sur l'île de Vassivière (certains en étaient restés jusque là à la venue de Jeanne Mas sur un podium de Centre presse !) et que notre territoire, qu'on vantait naguère encore comme un équivalent rural de la Côte d'Azur, a désormais le statut de "grand lac canadien" (pourquoi ne pas y installer des lynx et des ours polaires tant qu'on y est ?). On comprend surtout que, de cette manière, et avec de telles "médiations", le territoire n'est pas près d'assumer ses caractères spécifiques. Nous sommes en Limousin, sur le Plateau de Millevaches et il ne faut pas que cela se sache...
Nos paysages de moyenne montagne mêlent de manière tout à fait actuelle, c'est à dire en effet atypique, postmoderne, étrange, intéressante, la puissance des éléments (l 'eau, le végétal, la terre, le granit, l'air, le soleil, la pluie, les écosystèmes rares) et les signes très divers de l'entreprise humaine (vestiges des anciennes polycultures, industrie hydraulique, forêt gérée), mais on en n'est pas fier... lmagine-t-on seulement le Lubéron, la Toscane, la Bretagne ou la Côte Atlantique ne pas oser revendiquer fièrement ce qu'elles sont ? Ou encore une marque comme Louis Vuitton ou Coca-Cola baser sa stratégie publicitaire sur sa ressemblance avec ses concurrents Hermès ou Pepsi Cola !
Si encore il y avait de l'humour !. .. Or, non seulement on n'a pas encore pris le temps de définir un lexique paysager et environnemental précis pour le pays de Vassivière, mais on communique (et mal !) sur cette confusion !. .. On observe enfin qu'on est très en deçà des documents produits dans le même temps par le PNR de Périgord Limousin ou les Lacs de Haute-Charente. Comme le confiait à IPNS un acteur local : "Il s'agit d'un document en tous points désolant et qui confirme, avec tant d'autres choses, que le temps ne fait rien quand la compétence et l'imagination font défaut".