Qui connait les Jardins d’échanges universels ? Un réseau qui cultive les échanges de savoirs, biens ou services en se passant de monnaie... enfin pas tout-à-fait, puisque les transactions se font sur la base du point-jeu. Marie-Lise, qui anime le réseau local nous donne les règles du jeu.
C’est un système d’échange de services, de biens qui est né dans la tête d’un ardéchois, Daniel Fargeas. Ça n’a pas vraiment marché mais une canadienne de passage, Guilaine Lanctot, a importé l’idée chez elle, et du coup c’est revenu en France. Il fallait peut-être ça pour qu’on le prenne au sérieux ici. En fait c’est très simple : chaque JEUeur possède un carnet sur lequel sont incrites les transactions. Ce n’est jamais moi qui écrit dans mon carnet, mais l’autre, pour preuve de la réalité de l’échange. On y écrit la date, le type d’échange, son nom, ses coordonnées et le nombre de points-jeu. Un point égale une minute. C’est universel et valable partout où il y a un réseau, et on peut échanger n’importe quoi. On connait un réseau dans le Tarn et Garonne, il y en a un qui se monte en Corrèze, un autre à Auzances, au Canada, bien sûr, et même en Bulgarie... Tout le monde peut se servir du JEU, même les professionnels : on m’a parlé d’un dentiste qui accepte les points-jeu...
Oui ! Et transversal. Pas besoin de structure, de gestion... chacun est entièrement responsable de son carnet. Autogéré, donc. Et responsabilisant. Quand on a un nombre de points en négatif qui devient important, c’est à nous de savoir pourquoi et comment “remonter“. Personne n’est là pour juger ou sanctionner. Même chose si le crédit de points est trop important : ce n’est pas “normal“ sauf si on “économise“ en vue d’un échange important. Au Canada, un homme a acheté une voiture comme ça. Et le fait d’avoir le nom et les coordonnées des autres JEUeurs sur le carnet permet de vérifier en cas de doute. Le grand intérêt c’est que cela crée une richesse qui n’est pas basée sur la position sociale, les revenus ou les marchés financiers mais sur notre capacité d’échanges. N’importe qui peut y avoir accès.
Bien sûr, il faut le mettre en place, convaincre les gens, les réunir... Dans chaque réseau il y a une ou plusieurs personnes qui s’occupent de ça. Et les membres du réseau peuvent leur concéder quelques points-jeu pour compenser leur travail. Mais le but, c’est que ça marche tout seul : les carnets peuvent être téléchargés, ou fabriqués maison du moment qu’on y trouve les informations nécessaires. Le problème c’est la communication : mettre les offres et les demandes en relation. Pour ça internet est un bon outil. Nous y pensons. Il faudrait un site d’échanges ou chacun pourrait chercher et proposer, de façon autonome. Et pour ceux qui n’ont pas de connexion, trouver le moyen de passer des annonces sur un support quelconque... Je trouve excellent la valeur temps, cela met tout le monde sur un pied d’égalité, quelque soit le service... Oui, c’est le principe de base. Mais ce n’est pas non plus rigide : si une personne estime que son temps vaut plus que celui des autres, à cause de ses compétences, de l’investissement nécessaire à sa pratique, libre à elle de négocier... C’est une affaire entre les deux JEUeurs et cela ne regarde qu’eux. Pareil pour les objets. Ce sont eux qui estiment ensemble la valeur de l’objet selon leur degré d’envie et de besoin. C’est d’autant plus facile que les “dettes“ n’ont pas de conséquences directes sur la vie quotidienne : pas d’huisssier à la porte, pas de lettre de rappel ou de menaces... J’ai une amie qui a accumulée des “dettes“ parce qu’elle avait des travaux à faire. Elle les remonte petit à petit en vendant des confitures ici, des légumes là et en offrant ses services maintenant qu’elle est installée. Sans le JEU elle n’aurait jamais pu venir à bout de ses travaux. Pour le reste, elle a le temps.
Écoute, pour l’instant, c’est tout nouveau, il n’y a rien qui puisse s’opposer légalement à se servir du JEU. C’est une transaction claire et comptabilisée, transparente au possible. Il y a toujours moyen de tricher mais tout est vérifiable. La seule différence c’est que ce ne sont pas des euros mais des points-jeu. Libre aux impôts de les accepter en paiement... Alors pourquoi pas les associations, les entreprises... Certains professionnels indépendants n’hésitent pas. Nous sommes des pionniers, et peut-être qu’un jour il faudra nous défendre... Mais en attendant, allons-y.
Je suis auto-entrepreneur et au RSA. Mes revenus me permettent tout juste de payer mes traites pour ma maison et mes factures d’électricité, etc. Grâce au JEU j’ai augmenté mon pouvoir d’achat sans stress ni angoisse. Je peux même me faire plaisir en achetant un vêtement ou une denrée alimentaire qui serait trop chère pour moi dans le commerce. Aujourd’hui, l’argent ne me sert qu’à l’incontournable : EDF, eau, assurances... J’ai découvert une liberté que je n’imaginais pas. En plus, cela me permet de rencontrer des gens sympathiques. C’est un système simple et gratuit, accessible à n’importe qui. Et les gens se rendent compte qu’ils ont plein de choses à donner, que ces choses, aussi simples soient-elles, ont une valeur réelle. Là je suis en négatif, mais cela ne m’inquiète pas, j’attends l’occasion de trouver une demande à laquelle je peux répondre.