Sur le plateau de Millevaches les 113 communes du PNR ne consomment qu’une partie de l’électricité qu’elles produisent. Le mode d’exploitation de leurs ressources et des réseaux a été décidé à un moment où la sortie de la guerre (idem pour le charbon ou l’agriculture ) imposait un effort de solidarité nationale.Ce temps là est fini : aujourd’hui les concessions hydrauliques servent à faire de la spéculation sur la bourse de l’énergie (Powernext) et les mairies pourtant propriétaires des réseaux de distribution n’ont plus aucune maîtrise sur leur gestion.
La concession est une forme d’exploitation du service public. La notion classique de service public peut se définir comme une activité d’intérêt général, assurée par une personne publique directement (régie) ou par une personne morale privée par délégation ( EDF,ErDF).
La concession telle qu’elle a été définie en 1946 est un mode de gestion déléguée d’un service public par lequel la collectivité charge son cocontractant de réaliser des travaux et d’exploiter à ses frais le service pendant une durée déterminée en prélevant directement auprès des usagers du service des redevances. La rémunération du concessionnaire est donc assurée par les usagers et la gestion de l’activité est effectuée aux risques et périls du concessionnaire (impayés, intempéries, etc.).
A l’expiration de la convention, l’ensemble des investissements et des biens du service redevient la propriété de la collectivité.
Celle-ci contrôle (normalement) le bon fonctionnement du service, notamment au vu des comptes rendus techniques et financiers annuels.
Le droit européen qui se met progressivement en place remet en cause les textes nationaux anciens. En particulier, la notion de service public n’existe pas en droit européen qui ne connaît que “le service d’intérêt général“ et son noyau dur, “le service universel“. Les textes nationaux deviennent secondaires en cas de contestation devant les tribunaux européens et même français, conduisant à des évolutions comme indiqué précédemment avec la création des Sociétés Publiques Locales (SPL). Mais le changement le plus important résulte bien sûr de l’introduction de la concurrence dans les activités déléguées. Le renouvellement à l’échéance de chacune de ces concessions doit faire l’objet d’une mise en concurrence et non pas d’une simple renégociation avec l’opérateur en place. C’est désormais le cas des concessions hydrauliques, mais pas encore pour les autres concessions (distribution notamment).
La forme juridique du concessionnaire peut être très diverse, société nationale, société privée (SA), coopérative, SICAE (Société d’intérêts collectif agricole d’électricité), Société d’économie mixte (SEM) et même régie (dans certaines situations). Depuis quelques mois, les collectivités locales ont aussi la possibilité de créer des SPL de droit privé pour la conduite des affaires, conforme au marché européen. La circulaire d’application étant très récente on ne peut savoir si ces SPL, auront le succès annoncé.
Dans tous les cas, les dispositions réglementaires depuis 1946 sont telles que l’on peut parler de quasi-monopole de fait pour les opérateurs de l’électricité malgré la mise en concurrence des années 2000.
Il est certain que juste après la Seconde guerre mondiale les grands projets hydrauliques, le développement des réseaux, reflétaient la volonté nationale de rééquipement de la France. De même, l’unicité sur le territoire national du tarif de vente hors taxes était bien une décision d’État. Les concédants locaux étaient bien en phase avec cette dynamique d’intérêt général et national. Mais aujourd’hui, la vocation de la production hydraulique est autre, guidée par les cours du marché de l’énergie. L’entreprise concessionnaire est toujours tentée de privilégier sa propre stratégie globale. Un exemple : le prix du MwH variant de 40 € (voire négatif !) à plus de 200 €, les installations hydrauliques, ayant un temps de réponse à l’appel de production très court, sont utilisées aux moments ou le prix du MwH est au plus haut, dénaturant drastiquement les principes de leur construction. De plus les redevances reversées aux collectivités locales ne sont pas indexées sur le prix du MwH réellement produit mais sur un prix moyen.
Les concessionnaires éditent chaque année des comptes rendus d’activité de concessions (CRAC sans rire !). Ces comptes-rendus masquent la réalité des comptes du concessionnaire (combien rapporte une concession). Le concessionnaire qui pourrait être concurrencé n’a aucune envie de dévoiler par des comptes détaillés son business modèle. De ce fait les propriétaires des réseaux (mairies) ne peuvent prendre aucune décision sur la poursuite du régime de concession. Aujourd’hui, on constate l’émergence d’un pouvoir politique local en ce domaine (du maire au sénateur). Ainsi, il apparaît que si le métier de concessionnaire était, avant l’ouverture des marchés, plutôt simple sur le plan stratégique (optimiser pour offrir la qualité juste exigée et dégager le maximum de marge), la privatisation de l’opérateur principal obligeant ses filiales à remonter un maximum de cash change la donne.
Vu du propriétaire, le regroupement des techniciens, l’impression de voir de très loin le concessionnaire, le manque de transparence de celui-ci, interrogent les élus sur la pertinence de reprendre en régie les réseaux concédés (réappropriation des leviers de service public, emplois locaux générés).
Les ouvrages de production hydraulique de 4,5 MW et plus sont exploités dans le cadre de concessions accordées par l’État. À l’échéance de la concession, toutes les installations appartenant à l’État (ouvrages allant du barrage à la turbine) doivent être en “bon état de marche et d’entretien“. Le renouvellement à l’échéance de chacune de ces concessions doit dorénavant faire l’objet d’une mise en concurrence.
En avril 2010, l’État a défini la liste des concessions (avec un principe de regroupement par vallée) qui pourront faire l’objet d’un appel d’offre. Toutes les autres seront renouvelées de fait avec l’opérateur historique malgré l’exigence européenne.
D’une durée initiale de 75 ans, conformément à la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, les concessions sont en général renouvelées pour des durées de 30 à 50 ans. Le renouvellement des titres est l’occasion d’une évolution du cahier des charges qui peut alors intégrer de nouvelles exigences en termes de gestion de la ressource en eau.
Le cas des concessions de distribution diffèrent des concessions hydrauliques. - Le concédant n’est pas l’Etat mais les communes ou des syndicats ou regroupements de communes.
La naissance du service public de la distribution d’électricité remonte à la loi de 1906 sur le service public de l’électricité, qui consacre le rôle des collectivités locales dans le secteur. La portée politique de cette loi, dont de nombreux articles sont encore en vigueur, est tout à fait fondamentale : celle-ci dispose que l’accès à l’électricité est considéré comme un service public dont les collectivités locales ont la responsabilité.
En matière de distribution, les communes, qui sont propriétaires des réseaux, se voient reconnaître une compétence générale impliquant le pouvoir de concéder cette activité à un concessionnaire de leur choix ou de conserver cette compétence et de l’exploiter en régie.
Ce service public local de la distribution d’électricité repose sur le principe de la concession, encadrée par la signature d’un cahier des charges qui lie contractuellement le concessionnaire au concédant.
Le concédant peut être la commune ou, par délégation, le syndicat de communes (regroupement départemental appelé syndicat d’électrification) auquel la commune a délégué son pouvoir. Il est à noter que si la loi encourage le regroupement des communes dans des syndicats départementaux , elle interdit, pour celle qui ont fait ce choix, un retour à une exploitation en régie.
Les contrats de concession sont conclus pour une durée généralement comprise entre 20 et 30 ans.
Dans la première moitié du XXème siècle, les communes ont d’abord eu un rôle fondamental ; ce rôle s’est fait plus discret à partir de la nationalisation des entreprises électriques et gazières en 1946. Depuis le milieu des années 1990, les collectivités locales revendiquent à nouveau la position d’acteur central face à l’opérateur en monopole ErDF. Ce réveil des collectivités locales (essentiellement celles des zones fortement urbanisées) après une longue période de “somnolence“ bienveillante redonne à celles-ci un pouvoir potentiel qu’exercent les élus locaux au travers de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).
Prises dans le double mouvement de la libération des marchés de l’énergie et de la décentralisation, les collectivités locales aspirent à renforcer leurs compétences. Par ailleurs, la décentralisation s’accompagne d’une montée en puissance des discours sur les politiques énergétiques locales et d’un débat sur la “bonne“ maille pour conduire ces politiques.
Encore plus récemment, la montée des préoccupations environnementales et d’économie durable conduit à l’émergence du concept puis de réalisations de production décentralisée sur lesquels les collectivités locales sont fortement impliquées.
Enfin, les concédants tant urbains que ruraux convergent dans leurs critiques du concessionnaire ErDF sur quelques points importants, certains étant aussi le reflet des critiques portées par le citoyen-électeur :
Ainsi, le système actuel de concessions de distribution, qui a plus d’un siècle d’histoire, qui s’est adapté facilement à la nationalisation de 1946 est peut-être à la veille de modifications importantes. Malheureusement, il n’y a aucun éclairage sur les orientations futures. Il semble donc important d’exercer une veille active et plus particulièrement sur les thèmes suivants :
juridique : la concession de distribution électrique actuelle pourra- t-elle évoluer vers des SPL, comme pour l’eau, pour une relocalisation des moyens (techniques, sociaux, environnementaux et de solidarité) ?
technique : évolution des moyens de stockage de l’électricité, production décentralisée, maîtrise de l’énergie, ...
réussite ou échec des changements en cours : le renouvellement des concessions hydrauliques, la reprise en régie du service de l’eau à Paris et d’autres communes donneront-elles satisfaction ?
politique : la revendication de politiques énergétiques locales et le débat sur la “bonne“ maille pour conduire ces politiques.
projections énergétiques : fin du nucléaire au profit de moyens de production renouvelables et décentralisés ?
Les concessionnaires (EDF pour les barrages, ERDF pour la distribution) s’éloignent et éloignent les personnels des concessions rurales, participant ainsi un peu plus à la désertification du plateau. Un groupement de communes constituant une SPL pourrait être le pôle de plusieurs emplois attachés à l’exploitation des concessions de distribution (mise en service, relève, branchement, dépannage, astreinte mais aussi conseils en économie d’énergie et moyens de productions autonomes...)
Des communes pourraient contester leurs adhésions aux syndicats d’électrification (SEHV, SDEC, Syndicat de la Diège) afin de créer des SPL destinées à exploiter le réseau électrique .
Patrick Dubois
TPN :Tarif première nécessité.
Tarif aux clients en précarité énergétique subventionné par l’ensemble des utilisateurs.
CSPE : Contribution au service public d’électricité. Ensemble des charges non supportable par les fournisseurs (TPN, obligation d’achat, fraude, impayés...) et réparti sur l’ensemble des utilisateurs.
Obligation d’achat : Coût du rachat subventionné de l’électricité des productions marginales (Photovoltaique,eolien, etc.).
RTE : Réseau transport d’électricité. Entreprise filiale d’EDF gérant le réseau de transport (> 20kv). À l’inverse d’Erdf RTE est propriétaire de ces actifs.
Erdf : Electricité réseau de distribution France. Exploitant du réseau de distribution quand ce n’est pas une régie.
CRE: Commission de régulation de l’énergie. Organisme créé au moment de l’ouverture des marchés chargés de vérifier les frais exposés par les distributeurs et d’assurer la non discrimination dans l’accès aux réseaux de distribution. C’est cet organisme qui fixe le tarif d’acheminement (50% du prix du kw/h particulier).
TCCFE :Taxe communale sur la consommation finale d’électricité.
La part communale de la TCFE en 2011 était évaluée à 1,041 Mds € qui sera de fait soustraite aux budgets généraux des communes et communautés qui la percevaient jusqu’alors, à partir du 1er janvier 2015.
TDCFE :Taxe départementale sur la consommation finale d’électricité idem mais pour le département.
Nota : TCCFE et TDCFE ne sont payées que par les abonnés <250 Kva (tous les particuliers et petits professionnels)
SEHV, SDEC : syndicats d’électrification départementaux Organismes noyautés par les sénateurs qui fédèrent et se substituent aux communes propriétaires des réseaux basse et moyenne tensions (<20kv) dans la relation avec l’exploitant.
La loi impose un syndicat par département. En Corrèze, singularité régionale, les dissensions politiques entre la Chiraquie (syndicat de la Diège) et les autres syndicats primaires n’ont pas permis ce regroupement.