Les élections municipales ont été un coup dur pour les socialistes. En Haute-Vienne, ce fut même un sacré coup de bâton. S’ils ont conquis quelques communes dont Saint-Léonard de Noblat, ils ont perdu Aixe-sur-Vienne, Ambazac, Bellac, Dompierre-les-Eglises, Dournazac, le Châtenet-en-Dognon, Rilhac-Rancon, Roussac, St- Laurent-les-Églises... et bien sûr Limoges ! Dans un courrier « confidentiel » aux adhérents du PS haut-viennois, le sénateur socialiste Jean-Pierre Demerliat, Premier secrétaire fédéral jusqu’en juin 2007, vide son sac. Un témoignage de première main sur le marigot socialo dont nous avions déjà remué la boue dans de précédents IPNS (voir en particulier IPNS n°37). En voici quelques extraits édifiants.
Le tsunami électoral qui vient de submerger les Socialistes en Haute-Vienne, avec la perte de Limoges mais aussi de Bellac et d’Aixe-sur-Vienne, parmi d’autres, bien que quelques succès aient été les bienvenus, doit nous amener à réfléchir sur les causes, les responsabilités et les solutions à apporter (...).
Féodalisme et copinage
J’ai démissionné de mes fonctions de Premier Secrétaire fédéral, en juin 2007, pour plusieurs raisons. En effet, je n’étais plus en accord avec le féodalisme, le clientélisme et le copinage qui présidaient, malgré moi, depuis quelques temps déjà aux nominations, cooptations, présentations de candidat(e)s officiel(le)s, et pour un ou deux autres motifs que je préfère taire pour l’instant afin de ne pas assombrir encore plus le paysage. Malgré cela la fédération était, de l’avis de tous, en ordre de marche ; nous conservions nos positions et nous en conquérions d’autres.
Après ma démission, j’ai tenu à observer une certaine réserve, peut-être trop longtemps ; personne n’aurait vraiment compris que je joue le rôle du donneur de leçons à l’encontre de mes successeurs. Aujourd’hui, compte-tenu de l’état dans lequel nous sommes, je ne peux plus me taire. Les catastrophes spontanées et brutales sont rares. Ainsi, dès les municipales de 2008, des difficultés sont apparues : nous avons gagné quelques communes mais nous en avons perdu beaucoup d’autres ; près de 20 000 habitants de notre département ont vu la majorité de leurs conseils municipaux changer de couleur politique à notre détriment (...).
Laisser le chef “cheffer“
Les raisons de l’échec traumatisant à Limoges sont à ranger dans deux catégories : les causes structurelles et les causes conjoncturelles. L’organisation inadaptée du comité de ville nous a coûté cher à Limoges : les sections ne recouvrent pas les cantons, les militants sont libres d’adhérer là où ils veulent et certains conseillers généraux vivent loin de leur périmètre d’élection. Quelques uns de ces derniers n’y mettent que rarement les pieds et n’y connaissent pratiquement personne, à l’exception majeure de l’un d’entre eux, qui possède un appartement sur son canton, anime sa section et y fréquente assidûment toutes les associations.
Le rôle d’une section, la tâche d’un militant consistent bien évidemment à réfléchir sur l’idéologie, la politique et la tactique du PS et de la fédération, mais aussi, à s’investir sur le terrain, dans les associations, à porter la parole socialiste au plus près des citoyens.
On comprend aisément que l’organisation décrite ci-dessus n’atteint pas une efficacité optimale dans les situations difficiles et même périlleuses comme celles que nous venons de vivre. J’avais maintes fois proposé d’y remédier mais ”on” avait revendiqué le fait que Limoges jouissait, de fait, d’une extraterritorialité par rapport à la fédération et qu’il était urgent de ne rien modifier. L’absence d’organisation rigoureuse permet au chef de ”cheffer” plus aisément... quand tout va bien !
Le comité de ville a pratiquement toujours joué le rôle d’une chambre d’enregistrement pour approuver les choix des candidats à l’élection municipale. Le maintien des sortants, l’exfiltration de certains autres, le choix des nouveaux candidats socialistes et bien entendu celui des personnalités, la stratégie des alliances relèvent du seul fait du prince et de quelques conseillers - courtisans éclairés. Il n’y a plus guère de moment, ni d’endroit où les militants peuvent vraiment réfléchir et s’exprimer. La plupart des manifestations sont des messes avec certes des officiants brillants ; ils nous délivrent un prêt-à-penser élaboré ailleurs et on les applaudit chaleureusement. Jérôme Cahuzac est venu plusieurs fois dans ce cadre, ce qui, après coup, laisse une impression étrange...
Des courtisans d’un commerce facile
L’incompréhension de l’électorat vis à vis de la politique du gouvernement a coûté en moyenne 10 points par rapport à l’élection de 2008 dans toute la France ; il n’y a aucune raison de penser que cela a été différent à Limoges. Ainsi, il reste donc à comprendre la perte des 16 autres points (...).
Au premier tour, le non-renouvellement des candidats , le premier nouveau socialiste n’apparaît qu’à la 37e place, l’absence de candidat, socialiste ou proche, reconnu et incontestable, et peut-être surtout, la présence de candidats perçus comme étant plus des courtisans, qui ont isolé l’ancien maire de sa base militante, que des responsables politiques de plein exercice, n’a également pas aidé. Ce n’était pas nouveau car la liste de 2008 présentait déjà des particularités très semblables.
Personne ne peut supposer un instant que dans une ville de 140 000 habitants, on ne puisse pas trouver des hommes et des femmes d’envergure, de valeur, représentant toute la diversité de nos militants, de nos sympathisants et de notre électorat mais il est évident que ces personnes de caractère n’auraient pas été forcément d’un commerce facile (...).
Un maire devenu “quasiment inaccessible“
Beaucoup de nos électeurs, et même de nos camarades, se sont également plaints, que depuis hélas longtemps, Alain Rodet était devenu quasiment inaccessible. Quelqu’un qui n’a jamais été reçu, malgré plusieurs sollicitations, n’est pas naturellement très motivé, ainsi que ses proches, lors d’une consultation locale. D’autres, ou les mêmes, ont tambouriné le fait qu’Alain Rodet était depuis longtemps dans les mêmes fonctions ; c’est vrai, mais il n’a pas pratiqué, comme d’autres, le nomadisme électoral, qui permet de se refaire une demi-virginité en passant d’un mandat à un autre.
Si nos adversaires ne nous ont pas ménagés, nos ”alliés” potentiels n’ont pas été en reste. Les Verts et le Front de Gauche, pendant des années, n’ont eu de cesse de contester les orientations, les projets majeurs et indispensables des Socialistes à Limoges et dans le département, notamment l’urgence de la
LGV. Peut-être aurions-nous dû associer à ce grand projet les rénovations indispensables de la ligne
POLT. LGV et POLT n’intéressent pas forcément le même public (...).
Revenir aux fondamentaux
Et maintenant, quelles conclusions tirer de tout cela? A mon sens, il faut revenir aux fondamentaux : les militants, par leur vote personnel et secret, sans directive ni contrainte, avec enveloppes et isoloirs, doivent pouvoir voter librement sur l’orientation du PS que nous soyons dans l’opposition ou au pouvoir. Cela leur a été confisqué depuis belle lune et pas seulement en Haute-Vienne. Ils doivent aussi et surtout pouvoir choisir à tous les niveaux, pour l’organisation interne comme pour les désignations des scrutins politiques, leurs responsables et candidats selon la même procédure. Il n’est pas besoin d’être un très ancien militant pour avoir des souvenirs précis et amers à ce sujet... Je ne suis pas sûr que nous en prenions le chemin, car toujours lors de l’assemblée générale des militants du 17 avril dernier, notre Premier Secrétaire a déclaré qu’il nous faudrait trouver les ”meilleurs candidats”. Normal, mais qui les sélectionnera ? Les militants ou la nomenklatura ? (...) Je ne suis pas sûr que nous devions continuer avec de telles pratiques si nous souhaitons retrouver des positions que nous n’aurions jamais dû perdre.
Jean-Pierre Demerliat
(Les intertitres sont de IPNS)
- Vieux caïman
Le sénateur Demerliat règle ses comptes avec ses amis politiques. La ”fuite” finement orchestrée de son courrier ne dupe personne, surtout lorsqu’on connaît le bonhomme qui dénonce dans sa lettre des pratiques dont il fut lui-même un brillant artisan. Jamais de copinage, népotisme ou manipulation chez Demerliat aux mains blanches ? Vieux caïman sous une peau de blanc mouton ne trompera pas le berger.