“ Un engrenage qui fonctionne maintenant plutôt pas mal“ : c’est avec ces mots qu’en décembre 2013 Stéphane Cambou, président du Lac de Vassivière, décrivait le syndicat de Vassivière sur France 3 Limousin (1). Il y avait pourtant un mot de trop. Enlevez le “pas“ et vous aurez une image beaucoup plus proche de la réalité : oui, le Lac de Vassivière est “un engrenage qui fonctionne maintenant plutôt mal“! Ce n’est pas IPNS qui le dit, c’est la Cour des comptes régionale. Le Code général des collectivités territoriales précise dans son article L. 1612-14 que si le budget d’une collectivité présente un déficit égal ou supérieur à 10% de ses recettes de fonctionnement, le préfet doit alerter la Cour des comptes afin que celle-ci propose à la collectivité “les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre budgétaire“. C’est ce qu’a fait le 8 octobre 2014 le préfet de la Creuse lorsqu’il a vu les comptes 2013 du syndicat. Il réagissait enfin, un an après que plusieurs maires aient tiré la sonnette d’alarme. À l’époque, pour Stéphane Cambou ces “râleurs“ n’étaient que “quelques esprits chagrins“... Aujourd’hui la Cour des comptes leur donne pourtant raison !
La Cour régionale du Centre-Limousin, a donc demandé à voir les comptes et a commencé par constater qu’ils ne reflétaient pas scrupuleusement la réalité de la situation financière du syndicat. Ainsi, dans les comptes d’investissement 2013, ce qu’on appelle les “restes à réaliser“ (des recettes prévues qui n’ont pas donné lieu à l’émission d’un titre de paiement) ne correspondent pas à la réalité. La Cour des comptes indique dans son langage châtié que leur montant “est erroné“ puisqu’une somme de 471 505 € aurait dû y figurer au lieu du 0 € réellement inscrit... une somme qui devait arriver en recette mais qui semble donc avoir été “oubliée“ dans les comptes ! Mais le plus grave n’est pas là. Ce qui est alarmant, c’est le budget de fonctionnement, puisque l’arrêté des comptes, “tous budgets confondus, présente un déficit de 628 985,78 €, soit 23,10% de l’ensemble des recettes réelles de fonctionnement.“ Oups !
En se penchant sur les comptes prévisionnels pour 2014, ce n’est guère mieux. Le budget de Vassivière fourni à la Cour des comptes “est présenté en équilibre apparent“. Derrière ce constat, la Cour s’est aperçu que 105 763 € de recettes supplémentaires devaient être rajoutées. Une bonne nouvelle a priori mais qui, malheureusement, est contrebalancée par une autre, beaucoup moins bonne, du côté des subventions attendues. En effet le budget prévoyait de recevoir 886 998 € de subventions. Or, la Cour des comptes indique que “deux subventions pour la construction d’une station-service, l’une de l’État (36 600 €), l’autre de la région Limousin (51000 €), ne seront pas perçues et qu’une subvention en provenance d’EDF (265 000 €) pour l’opération “équipements nautiques“ n’a pas encore été sollicitée.“ Bilan : 352 600 € manquent à l’appel ! “Le montant prévisionnel des subventions d’investissement doit dès lors être ramené à 534 398 €“ (au lieu des 886 998 prévus). Arghh !
De plus, “au vu d’informations actualisées relatives à l’exécution du budget 2014“ que la Cour ne précise pas, ses experts indiquent que “la restauration de l’équilibre budgétaire du syndicat est fragile.“ Elle en rajoute même une couche en indiquant que des produits perçus en 2014 correspondent en réalité à des “arriérés exceptionnels“ (Il s’agit d’environ 500 000 € provenant du FCTVA, Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée – c’est-à-dire la TVA que peut récupérer le syndicat de Vassivière mais dont il a demandé le remboursement pour les années 2009, 2010 et 2012 avec retard et qui gonfle donc artificiellement le budget 2014). La Cour précise par ailleurs, “qu’en raison d’une saison médiocre, les recettes touristiques seront moins importantes que prévu.“ Bref, formule policée de la Cour des comptes, “il y a lieu de proposer des mesures de consolidation budgétaire pour l’exercice 2015.“ Dit autrement : ça suffit comme ça ! Na !
Au premier janvier 2014 les emprunts du syndicat s’élevaient à 1 860 950€. Mais au cours de l’année 2014 le syndicat a finalement “mobilisé pour 2 125 000 € d’emprunts“. Or indique la Cour des comptes, le syndicat “ne dispose pas d’un service financier suffisant pour pallier les défauts de gestion constatés par la chambre et qui ont, notamment, amené l’omission des demandes de FCTVA“. En gros, le manque de compétence en interne ne laisse rien augurer de bon pour l’avenir. En conséquence la Cour invite le syndicat à prendre en 2015 des mesures drastiques (voir encadré) pour “éviter une dégradation de sa capacité de financement et de sa trésorerie.“ Parmi elles l’augmentation de la participation des communes adhérentes. Saint-Martin-Château et Féniers qui ont quitté le navire avant le naufrage peuvent décidément se féliciter de leur prudente décision !
À la Région on a (enfin) pris la mesure de la situation. Le président du conseil régional, Gérard Vandenbroucke écrit dans un courrier à Stéphane Cambou en date du 17 avril : “Le syndicat mixte traverse une période financièrement difficile qui ne lui permet pas de sécuriser son développement.“ Dans cette optique Gérard Vandenbroucke avait envoyé un chargé de mission, Hugues Lauliac (voir IPNS n°50), pour remettre de l’ordre dans le fonctionnement du lac. Mais sans réel pouvoir, celui-ci aurait outrepassé ses prérogatives et a été “débarqué“ au mois de mars. Une nouvelle chargée de mission, Madame Meyer, lui a succédé en avril pour mener un audit. Ses missions : vérifier l’ensemble des contrats et des pièces comptables 2014 et 2015, rechercher des économies et des recettes supplémentaires et “recadrer le projet global“. Il est probable qu’elle reprendra une partie des recommandations de la Cour des comptes mais il paraît bien curieux que ce soit à une chargée de mission de revoir le projet global du lac... une prérogative qui reviendrait plutôt, dans un système démocratique, aux élus du territoire concerné. Gérard Vandenbroucke en est bien conscient qui finit son courrier à Stéphane Cambou par cette recommandation : “Il sera nécessaire de prévoir des réunions rapprochées du comité syndical pour lui faire partager les résultats de ce travail et valider les préconisations.“ Formule de pure forme, puisque de toute façon la Région fera ce qu’elle veut : rappelons qu’elle détient 65,4% des voix au sein du syndicat...
Michel Lulek