Les sénateurs ont montré un zèle remarquable pour durcir, sous l’œil bienveillant du ministre de l’Intérieur, le texte proposé par le Gouvernement. Le projet final restreint drastiquement le droit au séjour des exilés et leurs familles, multiplie les motifs des OQTF (obligation de quitter le territoire français) et de retrait de titre de séjour.
Objectif : Etrangers dehors ! Outre la suppression de l’aide médicale d'État et de la régularisation par le travail, voici un aperçu rapide et non exhaustif de quelques mesures.
Le Sénat établit des quotas de migrants. Le séjour irrégulier redevient un délit sanctionné de 7 500 € d’amende. Les conditions pour faire venir conjoint et enfants sont encore durcies, de même que l‘accès à une carte de séjour via le mariage ou le fait d’être parent d’enfant français. Vive la vie en famille ! En cas de maladie grave, il y a risque d’être renvoyé mourir au pays faute de soins. Les étudiants, outre des droits d’inscription majorés, devront acquitter une caution.
Après un premier titre d’un an, l’étranger peut obtenir un titre pluriannuel puis une carte de résident de 10 ans. Ces titres sont conditionnés, entre autres, à la maîtrise du français. Pour les cartes pluriannuelles la maîtrise de l’écrit sera nécessaire. Pour la naturalisation il faudra le niveau bac. L’accès à l’écrit peut être difficile quand, enfant, on n’a pas pu aller à l’école ou qu’on a appris dans un autre alphabet. Les centres de formation sont en nombre insuffisant. Difficile d’avoir un CDI, un logement quand on n’a que des cartes d’un an. De plus, le Sénat propose de limiter à trois la délivrance des cartes d’un an… Exit les analphabètes, les dyslexiques et ceux et celles qui n’auront pas pu suivre les cours ! Passé 3 ans de séjour régulier avec un travail, faute du sésame de la langue écrite, ce sera le refus de séjour et la bascule dans la clandestinité.
Les titres de séjour, y compris réfugiés, peuvent être retirés en cas de non-respect des valeurs de la République, (ex : port de signes religieux ostensibles à l’école = atteinte à la laïcité). Il en est de même en cas de risque de trouble à l’ordre public, notion floue et subjective.
En cas de condamnation pour un délit passible de 3 ans de prison (cela correspond à un vol simple), et même si la condamnation est très inférieure à trois ans, une OQTF sera prise une fois la peine effectuée sans que soient opposables l’ancienneté sur le territoire, les liens de famille (enfants, conjoints). C’est la double peine. Exit les voleuses de parfum !
Les demandeurs d’asile ne sont pas épargnés avec entre autres : délais raccourcis, et donc encore moins de temps pour préparer son dossier, et surtout disparition à la CNDA (cour nationale du droit d’asile) du représentant du HCR (Haut-commissariat aux réfugiés). Tout est fait pour que les personnes aient encore plus de difficultés à faire valoir leur droit à une protection.
Cette marée d’OQTF annoncée est une ineptie car il ne sera pas possible d’expulser de force autant de monde. Les personnes resteront sur le territoire sans perspective de régularisation. Ces mesures ne feront qu’augmenter la précarité, la souffrance, les ressentiments avec pour conséquences délinquance de survie et peut-être violences. On vous l’avait bien dit qu’ils étaient délinquants !
On espère que ce projet inique sera revu à l’Assemblée car certaines mesures ne tiennent compte ni de la constitution, ni des traités internationaux dont la France est signataire. Il n’y a rien en faveur de l’intégration. Il n’y a que stigmatisation et répression. Ce document, où l’étranger est totalement déshumanisé, porte tous les poncifs de l’extrême droite.
Dominique Weber-Alasseur