Originaires de l’île d’Ouessant, à quarante kilomètres au large de Brest, cette race de moutons a pourtant bien failli disparaitre. Vers la fin du XIXe siècle, en effet, les moutons ancestraux de l’île ont commencé à perdre leurs caractéristiques du fait de croisements. Heureusement, des amateurs en avaient auparavant « exfiltré » quelques spécimens sur le continent et les élevaient pour entretenir le parc de leur château et comme animaux de compagnie. C’est grâce à ces quelques troupeaux que la race a pu été sauvegardée.
Non sélectionnés spécifiquement pour leur lait, leur viande ou leur laine, les moutons d’Ouessant ne sont plus, désormais, des animaux de rente. Le plus souvent noirs, ce sont les plus petits moutons du monde et leur rusticité est un véritable atout. Aujourd’hui, quelques passionnés réunis au sein du GÉMO (Groupement d’Éleveurs de Moutons d’Ouessant, une association créée en 1976) tâchent de préserver la race en en faisant croitre l’effectif, qui s’élève actuellement à quelques milliers seulement, répartis dans plusieurs pays d’Europe.
En effet, c’est en août 2022 que Shaun, notre premier agneau, est arrivé à Banize. Ma fille voulait des animaux mais, pour diverses raisons, je ne pouvais pas lui offrir de chien ni de chat. Comme le président de la République, nous avons pris l’habitude de nous rendre chaque année au salon de l’agriculture et c’est là que j’ai découvert des races anciennes de moutons comme les « Thônes et Marthod » ou les Ouessant.
J’ai pris contact avec des membres du GÉMO, dont je fais maintenant partie. C’est comme ça que j’ai acquis Shaun, qui est tout blanc, puis un autre bélier et une brebis noirs chez deux autres éleveurs. Il faut compter une bonne centaine d’euros par bête. En Creuse, j’en ai parlé autour de moi et des personnes d’une commune voisine m’en ont donné deux autres (mâle et femelle). Ensuite, en avril de cette année, une des brebis a eu un petit. Il était adorable ! Après quoi j’en ai moi aussi donné trois, dont le petit (pas encore sevré) et sa mère, l’idée étant de séparer les mâles et les femelles ayant un lien de sang en pratiquant des échanges. Dernièrement, j’ai racheté une agnelle, ce qui fait donc quatre moutons, si vous avez bien suivi !
L’avantage de ces moutons-là, c’est qu’ils sont très autonomes. Ils ne craignent ni la pluie ni le vent et, comme à Ouessant, un mur de pierre leur suffit pour se mettre à l’abri. Il faut simplement veiller à ce qu’ils aient à boire et un peu d’ombre l’été. S’il n’y a plus d’herbe fraiche, on peut leur donner des feuillages (tilleul, noisetier…) en attendant la repousse et, en hiver, du foin, bien sûr. Personnellement, je leur donne aussi des céréales (avec de l’argile, contre les parasites), ce qui est d’ailleurs un bon moyen de les apprivoiser. Sinon, je les ai déjà vus croquer des pommes tombées à terre. En complément, il leur faut du sel. Pour les soins, il faut les tondre une fois par an, leur tailler les onglons deux fois par an et leur donner un vermifuge si besoin. C’est l’ancien berger de Banize qui m’a montré comment faire tout cela.
Ils ne s’ennuient pas ?
Ils ne s’ennuient pas car ils forment une petite troupe. Ils passent le plus clair de leur temps à paitre et à ruminer, mais ils ont aussi leurs jeux : grimper sur un tas de bois, se poursuivre et, naturellement, jouer à saute-mouton ou se manger la laine sur le dos… Les béliers se bagarrent parfois un peu ; le petit suit sa mère partout et peut même s’installer dessus quand elle fait la sieste ! Sinon, ils apprécient le contact des humains. Les béliers sont particulièrement affectueux et acceptent les caresses ; les brebis sont plus craintives. Quand la nuit tombe, ils se rassemblent autour de leur râtelier.
Faire des émules ! Car ce petit mouton si attachant en vaut vraiment la peine. Vive l’écopâturage !
Propos recueillis par Clara, septembre 2023