Mercredi 17 Février 2010, le PMU “Le Vingt de la Paix“, accueillait à Eymoutiers une vingtaine de personnes pour causer de l’installation agricole. Des porteurs d’un projet d’ installation agricole ou agri-rurale, d’autres déjà installés depuis peu, et quelques autres bien ancrés et proches de la transmission. A leurs côtés, un élu, des animateurs de structures, un représentant de la Banque Populaire, une chargée de mission de la Chambre Régionale d’Economie Sociale et Solidaire.
On parle alors de la plate-forme limousine “Manger Bio“. Pour commercialiser par ce biais, il faut absolument être certifié “AB“. Alors comment approvisionner les cantines des écoles élémentaires, des collèges, voire celles des lycées ? Cela dépend avant tout de la volonté des collectivités. Mais aussi de la pression des parents ou des cantinières. L’argument souvent amené comme frein par les collectivités, c’est le prix des produits. Or si les collectivités achètent très local, il se peut que cela ne revienne pas si cher, quitte à ce que les produits ne soient pas labellisés “bio“, mais soient issus de l’agriculture paysanne. Sur la commune de Châteauneuf-la-Forêt, un projet pour fournir l’ensemble de la restauration collective hors domicile se met en place : pour les maisons de retraite, l’hôpital, les écoles.
“Manger-Bio“ a organisé des formations pour les cuistots, pour qu’ils réapprennent à préparer et à s’organiser avec d’autres types d’aliments. Anne précise que tout cela dépend des produits, par exemple, pour le pain, ça semble tout à fait réaliste et jouable. Car ça ne changera pas grand chose aux cantines. Le pain n’est pas forcément vendu plus cher au kilo, et il est tellement plus nourrissant.
Les Cottineau, d’Accueil paysan, racontent que pour eux, le circuit le plus court a été de faire manger les gens qu’ils accueillent ; c’est un bon moyen d’écouler sa production. En plus de ça, les gens viennent t’aider et ils en sont ravis !
Certains s’évertuent à dire que c’est galère, c’est chiant, ça dépend des conditions climatiques, il faut trimbaler du matériel, etc… Anne témoigne de ses 30 ans d’expérience sur le marché d’Eymoutiers, où elle vend du fromage de chèvres et des pommes. Pour elle, heureusement qu’il y a le marché. C’est une occasion de relations avec les gens, de voir du monde et ce qu’il s’y passe.
Ils travaillent à deux sur la ferme. Quand ils se sont installés, ils fabriquaient leurs fromages et faisaient du porte à porte. C’est comme ça qu’ils vendaient, qu’ils ont vendu de plus en plus, et qu’ils se sont fait connaître dans la durée. Elle précise qu’il faut être régulier, quitte à essuyer quelques galères. Elle y passait 4 heures par jour chaque après-midi. Il ne faut pas sous-estimer le temps de commercialisation. Bien souvent on met le paquet sur l’aspect production : or pour commercialiser ça demande du temps ! Aujourd’hui, ils sont donc sur le marché d’Eymoutiers, qu’il pleuve ou qu’il neige, les clients viennent coûte que coûte. Elle n’a pas mis tous ses œufs dans le même panier : elle livre aussi ses pommes et ses fromages à un certain nombre de restaurants, de magasins bio, à la plate-forme “Manger-Bio“ et les portes de la ferme sont grandes ouvertes. Une matinée par semaine est consacrée au marché, une autre aux livraisons. Quant à la vente à la ferme, et bien, il faut savoir que ça peut prendre un peu de temps, pour peu que les gens aient envie de voir, visiter, etc…
Arnaud, de son côté, est installé depuis quelques années en bovin-viande, il vend sa viande en caissettes, en vente directe. Pour trouver une clientèle, il a eu recours au bouche à oreille. Il est allé discuté ici et là, et puis, il reconnaît avoir bénéficié de personnes ressources, relayant son existence autour d’elles. Ceci confirme les bienfaits d’un réseau. Rien de tel pour faire circuler l’information, et faire une bonne pub, si le produit est de qualité. Il vend 1/3 de sa production en vente directe et le reste part en broutard, par le biais d’une coopérative.
On évoque ensuite, la vente en GMS (Grande et Moyenne Surface). Anne répond à cela qu’il faut souvent se faire introduire, et puis ensuite, cela n’est pas forcément gage de qualité aux yeux des clients si tu vends en GMS. Elle vendait auparavant 60¨% de sa production à Carrefour : tu deviens complètement dépendant de leur prix et ils se font vraiment une sacrée marge !
Quant à la Biocoop, les prix qu’ils fixent sont très chers ! ils se font une marge de 30%. Tu trouves ton fromage parfois 15% moins cher dans une boutique à côté.
Avant de créer une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), il vaut mieux s’essayer pendant une ou deux années, afin de savoir dans quelle mesure on est capable d’approvisionner. C’est le cas des maraîchers de Pontarion, pendant une première année ils ont pris le temps de cultiver et de se faire connaître. Aujourd’hui, ils sont soutenus par une quinzaine de consommateurs, motivés pour une AMAP.
Les paysans déjà en place parlent de l’importance des coups de main entre producteurs. Anne-Marie raconte qu’au départ quand elle partait vendre quelque part, elle emmenait avec elle des fromages d’Anne. Lorsqu’on a un panel de produits, c’est quand même plus simple de faire venir le client.
Internet peut-il stimuler la commercialisation ? L’idée demeure quand même de vendre le plus local possible. Le mail semble intéressant pour organiser la vente, une fois qu’on dispose d’un listing (pour fixer les modalités avec les clients). Mais tout dépend du produit à commercialiser.
Ces café-installations offrent des espaces de paroles, de questionnements. On y débat d’un certain nombre de thématiques, on confronte nos idées. Le rêve du novice se frotte à l’expérience de l’aîné, sans pour autant apporter de réponse toute faite. En gros, ces café-installations sont une sorte d’Auberge-Espagnole : chacun y trouve ce qu’il y amène, enrichi par les apports des autres.
Claire Kachkouch Soussi