“Fuyez la manie ancienne des gouvernements de vouloir trop gouverner… laissez aux communes le pouvoir de régler leurs propres affaires… En un mot, rendez à la liberté individuelle tout ce qui n’appartient pas naturellement à l’autorité publique et vous aurez laissé d’autant moins de prise à l’ambition et à l’arbitraire.“
Maximilien Robespierre
J’ai déjà alerté sur la nocivité de la réforme territoriale concoctée par le gouvernement socialiste avec l’appui de la droite au Sénat. J’ai notamment souligné qu’elle mène à la disparition progressive des départements et communes. En Creuse, le processus de regroupement des communes est en marche, encouragé par les édiles socialistes. Cette réponse – rappelons le – répond aux injonctions de Bruxelles. Elle consiste à réorganiser l’architecture territoriale de la France au profit de grandes unités urbaines au détriment des autres territoires afin de favoriser plus efficacement l’accumulation physique du capital ; à réduire les politiques publiques de proximité par une austérité renforcée ; à éloigner les citoyens des lieux de décision. C’est dans cette triple optique que le gouvernement encourage les communes, par des dotations relevées, à se regrouper au sein de communes nouvelles ce qui, en cette période de restriction budgétaire forcenée, constitue plus qu’une incitation forcée. L’objectif non déclaré mais réel est de faire passer, avant 2025, le plus grand nombre possible de communes en communes nouvelles. Le premier ministre n’a pas hésité à opposer les communes où les élus agissent en fonction d’intérêts locaux – donc égoïstes – aux intercommunalités “ces lieux où l’intérêt général prime“…
Dans l’intercommunalité Creuse Grand Sud c’est sous les prétextes fallacieux “d’une mutualisation“ et “d’une rationalisation“ des moyens et des services que l’on cherche à convaincre du bien fondé de la fusion des communes. Madame le maire de Gentioux-Pigerolles et ses adjoints ont été ainsi séduits et ont répondu favorablement à la fois “à l’option donnée au plan national“ – c’est à dire à des choix politiques – et par le pragmatisme austéritaire de leur intercommunalité. Tellement séduits qu’ils n’ont même pas consulté l’ensemble du conseil municipal pour formuler une proposition de fusion à la commune de Royère !
Une démarche qui prend donc place dans la machine infernale de destruction des institutions locales alors même que l’idée de fusion ne figure pas dans le programme municipal de la majorité actuelle. D’ores et déjà nous avons envie de leur dire : respectez vos électeurs, ils n’ont pas voté pour cela. Madame le maire a deux arguments pour se justifier : “les avantages financiers découlant de la fusion“ ; “une commune plus nombreuse pour dialoguer“ et “plus il y a d’ouverture mieux c’est“. Réfléchissons. La fusion de deux communes égale une commune en moins. Mais, une commune en moins, c’est un affaiblissement de la démocratie locale – c’est à terme moins d’élus, un espace plus éloigné donc moins favorable à l’implication citoyenne. Les 36 000 communes dont la France dispose sont une richesse et les dizaines de milliers d’élus sont l’expression de sa diversité démocratique. Elles doivent être à ce titre, et au titre de l’échelon le plus pertinent de la participation citoyenne, soutenues et disposer des moyens budgétaires pour mener à bien leurs missions au service du bien commun. Voilà des raisons suffisantes pour dire stop à cette idée de fusion.
Continuons. La fusion avec ses avantages financiers nous permettrait “de survivre“ nous dit en substance la maire de Gentioux-Pigerolles. Naïveté ou duplicité, on s’interroge. Certes, un coup de pouce mais qui ne peut être durable car les injonctions de Bruxelles se traduisent par une baisse extrêmement dure des dotations d’État aux collectivités locales. Cette baisse représente une perte cumulée de 28 milliards d’euros d’ici 2017 et les communes sont les premières touchées. Entre 2013 et 2017 leur manque à gagner s’élèvera à 16 milliards d’euros ! En 2014 cela se traduit par un affaiblissement de l’investissement des communes et des intercommunalités de l’ordre de 4,3 milliards d’euros avec pour conséquence des pertes d’emploi et une réduction des services à la population. Au lieu de s’associer à la colère des maires de France face à la drastique baisse des dotations, madame le maire de Gentioux-Pigerolles nous propose une échappatoire : regrouper la commune coûte que coûte avec Royère alors même que la réponse aux difficultés financières des communes ne peut découler d’un “avantage financier“ exceptionnel. Raison de plus de dire non à la disparition programmée des communes appelées à devenir des coquilles vides, raison de plus de refuser d’être “les plumés de l’austérité“.
Examinons maintenant le dernier argument : “plus on est nombreux plus on peut dialoguer… plus il y a d’ouverture mieux c’est ;“ (déclaration à Radio Vassivière). Renversant ! Depuis 2014, madame le maire et ses adjoints gèrent la commune.
Aucun dialogue public avec les habitants dont ils discriminent une partie d’entre-eux. Discrimination que l’on peut résumer ainsi : tu n’es pas comme moi parce que j’étais là avant toi. En guise d’ouverture on peut faire mieux. Ils conçoivent leur rôle exclusivement comme un rapport de pouvoir et dans “leur pré carré“ municipal. Ils se refusent à voir qu’il y a des intelligences et des bonnes volontés dans leur commune. À l’hiver 2012, c’était avant les élections municipales, ils affirmaient que “les actions doivent être décidées par les élus locaux en concertation avec la population…“ Point de concertation publique. Et maintenant madame le maire propose un dialogue à 1000 alors qu’elle a démontré depuis deux ans qu’elle est incapable de le faire avec moins de 400 habitants ! Manège politicien, ouverture-farce. Raison de plus de dire non à cette démocratie d’apparence qui conduit la commune vers un destin funeste.
L’ouverture proposée procède d’une recentralisation autoritaire du système délégataire et de l’idée complètement poujadiste qu’il y aurait trop d’institutions, trop d’élus, trop de dépenses publiques, trop de démocratie. Nous, en matière d’ouverture nous portons une grande idée : celle de la coopération car nous savons que tout ne peut être résolu dans les limites d’une commune. Nous sommes partisans d’une proximité ouverte basée sur l’implication citoyenne. Nous pensons que toute modification du cadre démocratique territorial ne peut se faire sans démocratie et doit passer par la validation des habitants concernés. Une fusion c’est une modification fondamentale de l’existant local. J’appelle donc à l’organisation d’un référendum local.
Roger Fidani