Sur le cours du Taurion, à l’endroit où celui-ci, venant du lac de Lavaud-Gelade, bifurque vers le nord-est pour dessiner un vaste arc de cercle en direction de Bourganeuf, la Rigole du Diable, paysage connu pour son intérêt pittoresque et légendaire, a fait l’objet d’une protection au titre des sites. Cet ensemble englobe un rocher gigantesque source de légendes, dont celle du canal édifié par le diable. Car la rigole du diable ne désignerait pas le cours tumultueux du Taurion mais un légendaire canal construit par les moines qui occupaient l’abbaye de Châtain.
Pour améliorer l’irrigation de leurs cultures, ils s’étaient lancés dans l’édification d’un canal qui devait amener l’eau de Beauvais depuis le moulin de La Planchette au Ramier jusqu’à l’abbaye. Mais ils avaient sous-estimé l’ampleur de la tache... Alors qu’ils étaient sur le point d’abandonner, un vieil abbé décida, à la stupéfaction des autres moines, de solliciter l’aide du Diable, tout en assurant que rien ne leur arriverait. Ce dernier ne se fit pas prier. L’ouvrage ne lui posait aucun problème, il était sûr de le réaliser en une nuit : “Si le canal n’est pas terminé quand le coq chantera, vous ne me devrez rien. Dans le cas contraire, j’emporterai vos âmes.“ Marché fut conclu.
À minuit des milliers de diablotins sortirent de terre. À grand fracas, ils pulvérisèrent les roches, qui allèrent encombrer le lit du Taurion. Du haut du plus gros rocher, le Diable dirigeait les travaux. Rapidement, le canal se dessinait. Les moines étaient de plus en plus terrifiés, et pressèrent le vieil abbé d’agir avant qu’il ne soit trop tard.
Tranquillement, celui-ci prit alors un flambeau et l’approcha de la porte d’une armoire. Il avait pris soin au cours de la nuit d’y enfermer un coq. Lorsque la lueur de la flamme passa à travers la serrure, le coq, croyant voir les premières lueurs du soleil, lança son chant.
Le canal n’était pas encore terminé – et ne le fut jamais –, le jour n’était pas encore là, mais le coq avait chanté, le Diable s’était fait rouler. De fureur, il donna un grand coup de talon dans le rocher qui en porte encore la trace, et disparut avec ses diablotins en sifflant de rage.
DREAL du Limousin, Les sites remarquables du Limousin, 2 – Creuse, Les Ardents éditeurs, 2015, 192 pages, 26 €, extrait : pages 145 et 148.