À l’intérieur de ce Sud, s’établit une hiérarchie des localisations en fonction des possibilités financières des néo-ruraux et de leur date d’arrivée. Les régions aux conditions climatiques et agricoles les plus rudes abritent les populations néo-rurales les plus modestes et les plus tardivement implantées. C’est ainsi que les néo-ruraux du plateau de Millevaches (Creuse) se sont installés majoritairement à cet endroit, non par choix délibéré mais parce que c’était le premier “désert“ qu’ils rencontraient en venant de Paris ou de l’Ouest de la France. Ils n’ont pas poussé plus loin l’aventure, notamment parce que, ayant largué plus tard les amarres, les places étaient déjà prises plus au Sud. Leur installation a été de moindre ampleur (près de 90 en 1980, surtout à l’Est et au Nord du lac de Vassivière) que dans les Cévennes, l’Ariège, les Alpes du Sud et même le Poitou (notamment les Deux-Sèvres, premier département caprin) ; plus tardive, ne commençant qu’en 1972 au lieu de l’immédiat après-68 (Cévennes, Ariège) ou dès avant 1968 (communauté de Rochebesse à Chanéac en Ardèche, créée en 1967 ; communauté d’objecteurs de conscience en Ariège en 1967). Cela tient d’abord à la situation géographique, à l’écart des itinéraires et des lieux privilégiés et valorisés de vacances estivales ; puis, au moindre attrait du climat et des paysages que ceux des zones plus méridionales ; enfin, à la moindre désertification qu’en Cévennes ou en Ariège, due à une plus grande facilité de communication (relief moins accidenté) et à la quasi-absence de terres non appropriées.
Catherine Rouvière : Retourner à la terre. L’utopie néo-rurale en Ardèche depuis les années 1960, Presses universitaires de Rennes, 2015, extrait : p. 55.