Journal IPNS Journal IPNS
  • Présentation
  • Les numéros
  • Les articles
  • Abonnement
  • Chroniques
  • Lectures
  • Dossiers
    • 80 ans après la guerre d’Espagne
    • Autour des centres d’accueil pour demandeurs d’asile
    • Bonjour la nuit
    • Comment ré-habiter les centres bourgs ?
    • Communauté de communes
    • Elections municipales 2008
    • Elections municipales 2014
    • Entreprendre collectivement
    • État de l’eau sur le plateau
    • Exilés, solidarités sur un plateau et au-delà
    • Fin programmée des feuillus sur le plateau
    • Il court, il court, le circuit court
    • Innovation sociale ou précarisation des conditions de travail
    • La forêt
    • La montagne Limousine, une forêt habitée ?
    • L'énergie du plateau : l'hydro-électricité
    • L'éducation en question
    • Lenoir est le brun
    • Les municipales
    • Les sections, nos propriétés collectives ignorées
    • Lettre ouverte à la préfète de la Creuse
    • Limousin rebelle
    • Logement
    • Loup y-es tu ?
    • L'usine de la discorde
    • Millevaches, territoire en mouvement
    • Mobilité, se déplacer autrement
    • Notre forêt pour demain n°1
    • Notre forêt pour demain n°2
    • Pauvreté et solidarité rurales
    • Porcherie
    • PNR : cris et chuchotements...
    • PNR de Millevaches en Limousin : Vous avez dit contrat ?
    • Produire local, une nécessité
    • Quand le plateau donne des boutons à Limoges
    • Quel pouvoir des habitants sur leur environnement ?
    • Réforme territoriale
    • Résidences secondaires
    • Uranium : un limousin très enrichi
    • Usines à viande, à tomates, à pellets : mêmes lubies, mêmes impasses !
    • Vassivière, vers un despotisme territorial

Gilets jaunes

Réduire Augmenter Taille de la police
Bouton imprimer
Date
vendredi 1 mars 2019 10:08
Numéro de journal
66
Auteur(s)
Michel Lulek
Roger Fidani
Visite(s)
2140 visite(s)

La couverture du dernier IPNS et le choix de l’imprimer en jaune a surpris quelques lecteurs qui ont pris cela pour une adhésion pleine et entière à un mouvement que certains jugent discutable sur certains points. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les Gilets jaunes font parler les gens entre eux, qu’ils ont descendu dans les rues, sur les rond-points et autour des braseros, une parole qui part parfois en tous sens, mais dont le fond apparaît clairement comme une révolte contre les inégalités et les injustices. Du débat “taxe carbone versus baisse des taxes sur le carburant“ (un résumé rapide tel que certains percevaient le mouvement en ces débuts) on en est venu à parler de beaucoup d’autres choses. Le débat, la revendication, l’interpellation, les discours se sont installés partout depuis le terrain. Le pouvoir a dû s’y plier à sa manière, en lançant cette idée de Grand débat. Intéressant avec au passage : si on organise un Grand débat, c’est bien qu’il en manque cruellement dans le fonctionnement général de notre société – et cela à la plupart des échelons : national bien sûr, mais également au niveau local. Il n’y a qu’à voir comment ont été gérées les fusions d’intercommunalités ou la mise en place des nouvelles régions... Sur la Montagne comment tout cela a-t-il été vécu ? Petit résumé qui ne prétend nullement à l’objectivité.

 

gilets creuse

A propos d'une couverture

Que voulions-nous dire avec la couverture jaune de notre n°66 ? Lorsque le mouvement des gilets jaunes est effectivement parti d'une revendication fiscale (la taxe sur le diesel), beaucoup d'entre nous ne s'y reconnaissaient pas vraiment. Mais, très vite, au fur et à mesure des semaines, il s'est passé quelque chose dans notre pays qui a dépassé très vite cette “simple“ revendication. Une grande partie de la population (ceux qui manifestaient bien sûr mais aussi les 70 à 80 % de Français qui approuvent ce mouvement) a affiché de façon anarchique, contradictoire, maladroite, énervante, sincère, touchante, etc., un ras le bol généralisé qui, au final, pose la question de l'égalité, de la justice et de la répartition des richesses. C'est une révolte fiscale qui tourne à une révolte plus politique, comme nombre de révoltes et même de révolutions dans le passé... Les gilets jaunes à partir d'un moment ne défendent plus une ou des revendications précises (il y a un peu de tout dans la somme de celles qu'on entend, depuis la hausse du Smic jusqu'au referendum d'initiative citoyenne) mais affichent une aspiration à autre chose, une demande de reconnaissance et de dignité, une exigence de modestie de la part de pouvoirs arrogants qui les regardent de haut - classique mépris du “peuple“ par l'élite qui agit pour son bien et qui sait mieux que lui ce qui est bon pour lui -. Une banderole à Paris le disait à sa manière : “On a retrouvé la fraternité. On est venu reprendre la liberté et l'égalité“ Ensuite, que faire ? C'est bien ce que notre couverture s'empresse de ne pas dire en ouvrant largement le spectre des “revendications“ (clin d’œil aux “vœux“) pour 2019, chacun pouvant inscrire dans cette révolte ses propres priorités - en cohérence en cela avec l'hétérogénéité du mouvement et de ce qui s'y dit.

 

Écolos méfiants

Certes un ami pas vraiment convaincu qui est allé sur un rond-point reste dubitatif : “J'y ai affiché mon point de vue écolo. Je n'ai pas eu de réactions de rejet, mais il faut dire que j'y ai retrouvé des copains qui militent à la France Insoumise et que c'est surtout avec eux que j'ai discuté... J'ai aussi vu les emballages plastiques des saucisses achetées à Netto balancées dans le feu. Paraît que je m'arrête sur des détails et même si les copains ne sont pas d'accord, ils ne disent rien. Faut pas contrarier le peuple. Un gars des GJ a voulu me faire signer un cahier de doléances sans que je lise les doléances : très démocratique comme procédé... Faut pas s'arrêter sur les détails. En insistant, j'ai pu les lire et la première ligne est une demande de ramener le prix du gasoil à 1,10 €... Faut pas s'arrêter sur les détails... Un autre GJ m'a dit : “C'est pas nous qui polluons, ce sont les agriculteurs“. Je lui faisais alors remarquer qu'il s'apprêtait à bouffer des saucisses issues du système agro-industriel qu'il accusait... Faut pas s'arrêter sur les détails... 

 

La marmite bout et il est peu probable qu'elle se refroidisse de sitôt.

 

Mon sentiment actuel est le suivant : si socialement parlant, je soutiens plutôt le mouvement des GJ, écologiquement parlant, je ne peux pas soutenir des revendications qui demandent une augmentation du pouvoir d'achat, ce qui par conséquent, ne fera qu'accélérer le système qui nous propulse dans le mur...“

 

Ecolos confiants

Aff LaVilledieuC'est vrai que la préoccupation écologique n'est pas la première des préoccupations du mouvement. Mais un autre témoignage, à la barrière d'autoroute à la frontière espagnole, montre que les choses sont un peu moins manichéenne : “Un monsieur me dit : “Ils nous gavent avec leurs taxes...“ (bon, ça commence mal me dis-je) puis il montre la file de camions arrêtés : “C'est à eux qu'il faudrait faire payer des taxes !“ (Déjà je suis plus d'accord, et j'entends là une exigence d'égalité) et puis il finit en me disant : “Vous pouvez pas savoir le nombre de camions qui passent ici, c'est énorme, il faudrait tous les mettre sur des trains“ (Tiens, j'suis d'accord). Je lui rétorque : “Il ne fallait pas fermer les lignes de chemin de fer alors...“ Réponse: “Bien sûr, mais ils s'en foutent, le service public c'est pas leur problème !“. Bref mon gilet jaune finissait donc par pouvoir s'entendre avec un écolo qui défend le ferroutage. 

“Le samedi 8 décembre 2018 à la gare de Limoges pour la manifestation de défense de la ligne Limoges-Ussel étaient mélangés sur les quais, les voies et devant la gare, ceux qui partis d'Eymoutiers défendaient la ligne SNCF, des personnes vêtues de gilets jaunes et des marcheurs de la marche du climat venus rejoindre le blocage de la gare. 

Un autre témoignage, sur un autre rond-point : “Nous discutons à trois quatre. Un gilet jaune voit passer un camion polonais et commence à taper sur ces “étrangers qui cassent les prix et les salaires“. Avec les deux autres, on parle avec lui, et on lui fait partager notre point de vue : “Ce n'est pas ce chauffeur polonais qu'il faut attaquer, mais les patrons qui l'emploient et l'organisation du travail en Europe qui permet cela“; on discute et le type convient qu'il est bien d'accord avec nous. “

 

Les rond-points tournants de la Montagne

Sur la Montagne, quelques personnes sont allées dès le début du mouvement sur les rond-points occupés les plus proches (Ussel, Limoges, Aubusson). Le 7 décembre 2018 une réunion à Chavanac a lancé une dynamique plus locale qui s'est concrétisée depuis par des “rond-points“ tournants dans les villages de la Montagne, avant de se stabiliser temporairement à Eymoutiers, tous les jeudis soir à 18h. Hormis les habitants du coin, ce rendez-vous régulier a reçu à plusieurs reprises les visites de gilets jaunes venus des ronds-points les plus proches : la 23 (Ussel), les gilets jaunes de la Seiglière (Felletin-Aubusson), et plusieurs habitués du rond-point de Grossereix à Limoges. Les assemblées ont accueilli plusieurs dizaines de personnes à chaque fois, et quelques actions ont été menées : “prise d'assaut“ du train Limoges-Ussel organisée de manière à pouvoir faire un aller retour rapide entre deux arrêts (Lacelle-Eymoutiers-Lacelle, Eymoutiers-Bujaleuf-Eymoutiers), prise de parole devant le monument aux morts de Gentioux à l'avant-veille de l'acte XII contre les violences policières... Les jeudis des gilets jaunes de la Montagne sont l'occasion de discuter des actions de la semaine passée et de celles à venir, y compris lorsqu'il s'agit de rallier en groupe une des villes où se tiendra un rassemblement prochain, comme Toulouse, Clermont-Ferrand, ou Paris le 16 mars 2019. Des échanges réguliers ont lieu avec le rond-point d'Ussel qui s'est installé depuis plusieurs semaines dans un local prêté par la mairie. Des actions ponctuelles ont eu lieu (comme l'occupation du Trésor public d'Ussel, le murage symbolique de la sous-préfecture, des visites intempestives à l'occasion d'interventions publiques d'élus locaux), ainsi que des réunions publiques d'informations et des assemblées inter-rond-points qui ont réuni à chaque fois une cinquantaine de personnes de 5 à 6 groupes proches (Creuse, Cantal, Sud-Corrèze, Montagne Limousine...). Suite à l'appel des gilets jaunes de Commercy (Meuse), ceux de la Montagne et d'Ussel réfléchissent à envoyer une petite délégation à Saint-Nazaire où aura lieu une “Assemblée des assemblées“ début avril. De leur côté les gilets jaunes de la Creuse qui se rassemblent sous la bannière “Creuse unie“ ont organisé une réunion citoyenne à Sardent le 7 mars 2019 qu'ils souhaitent renouveler dans le futur pour discuter de leurs propositions. L'atmosphère y était très revendicative et un peu désordonnée mais il était clair que l'assemblée était très motivée et n'est pas prête à baisser les bras et délaisser les rond-points. La marmite bout et il est peu probable qu'elle se refroidisse de sitôt.

 

Michel Lulek

Contacts :
Pour retrouver les Gilets jaunes de la Montagne sur internet : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.  et facebook “Gilets jaunes de la montagne limousine“
Pour les Gilets jaunes de Creuse : www.facebook.com/LaCreuseUnie
Pour les Gilets jaunes d'Ussel : Facebook “Colère corrézienne“.

 

Une demande forte de démocratie

Le soulèvement des gilets jaunes, surgissement inédit et protéiforme sur le devant de la scène politique n'est pas que le fait d'une simple colère. Son émergence exprime certes une révolte contre l'injustice sociale et fiscale mais par sa rapide politisation il est devenu un événement politique. Invisibles, inaudibles, parfois méprisés, souvent à l'écart de la "politique", des couches populaires de la société sont entrées en lutte et en recherche d'un débouché politique. Si l'on ne sait pas à l'heure où ces lignes sont écrites où cette révolte citoyenne ira, qui n'est pas celle d'une catégorie sociale particulière ni celle d'une sympathie partisane, on peut néanmoins dire qu'elle confirme le rejet des logiques institutionnelles et de leur mode électif. Cette révolte ne surgit pas de rien. Les signes de la contestation existent depuis longtemps tant au plan social qu'au plan des modes de vie politique.

Dans la Ve République, les gouvernements se succèdent, les échelons et les règles institutionnelles se transforment mais la demande sociale et citoyenne ne parvient pas à obtenir les bonnes réponses. Il y a dans le pays une volonté de changements profonds dont a témoigné le "dégagisme" mais elle n'est pas prise en considération ou alors de manière politicienne comme l'élection de Macron l'a illustrée. 

Résultats : des abstentions records aux élections, le choix du moins pire, un électorat d'extrême droite à 20 %, une défiance qui s'accroît à l'égard de tout ce qui s'organise et s'active dans l'espace étatique : partis, syndicats, médias. Cela exprime une volonté citoyenne grandissante de rompre avec le phagocytage de l'espace public par la politique instituée qui se cloisonne et devient un espace où les dés sont pipés. Ce n'est pas le signe d'une dépolitisation mais du rejet d'un mode de vie politique dont on n'attend plus rien. Et voici que venue des entrailles du "démos", de ces catégories sociales invisibles, cataloguées, vouées à se plier à ce que l'on décide pour elles, s'exprime au grand jour, sur des espaces et formes inédits, décentralisés et autonomes, horizontaux et hors intermédiaires, une forte demande de démocratie. Une démocratie qui leur donne - redonne ? - une qualité de citoyen alors même que la vieille idée tenue pour évidente est celle de leur incapacité à assumer la gestion des affaires publiques et que l'on prie de consentir de gré ou de façon autoritaire au bon vouloir des aristocraties patronales et institutionnelles.

Roger Fidani
  • Thème
    Société
  • essence | abstention | rond-points | smic | gilets jaunes | manifestation
  • Brève n°66 - 03/2019
  • Investir dans une déviation routière... ou réinvestir le chemin de fer ?
  • Les éoliennes, cache-misère de la “transition écologique”
  • “La Tontinette“ un outil pour l’achat collectif de terres agricoles et la solidarité dans l’installation en Ariège
  • Gilets jaunes
  • Notes provisoires sur le mouvement des gilets jaunes
  • Deux nouveaux “châteaux communs“ sur le Plateau
  • Un Syndicat pour la Montagne
  • Une journée à la maison de retraite
  • Le Jugement Majoritaire une arme de démocratie massive
  • Parcours de migrants
  • De la peuf à la paf*
  • Malgré les obstacles dressés par la Préfecture de la Creuse, Abdel a obtenu son statut de réfugié
  • Procès en appel le 29 mars pour Michel Lulek
  • La fillette et les serpents
  • Jeu des 7 erreurs par Philippe Gady
  • Abécédaire du cyclisme limousin : I Comme Interval training
  • Le géographe Albert Demangeon et le Limousin
  • Accueil
  • Lettre d'information
  • Contact
  • Liens sur la région
  • Glossaire
  • Blaireaux

IPNS - 23340 Faux-la-Montagne - ISSN 2110-5758 - contact@journal-ipns.org
Journal d'information et de débat du plateau de Millevaches - Publication papier trimestrielle.

Accompagnement et hébergement : association info Limousin

Bootstrap is a front-end framework of Twitter, Inc. Code licensed under MIT License. Font Awesome font licensed under SIL OFL 1.1.