Le 21 septembre 2018, la préfecture de la Creuse tentait une nouvelle fois d’expulser un jeune Soudanais vivant à Faux-la-Montagne depuis presque un an (voir IPNS n°65). Malgré la mobilisation de nombreux habitants encore une fois obligés de descendre dans la rue pour défendre les valeurs fondamentales de fraternité et de solidarité sans cesse bafouées par la politique migratoire du Gouvernement et appliquée avec une particulière dureté et même cruauté par la préfecture de la Creuse, Abdel était ce jour-là embarqué pour le centre de rétention de Palaiseau, après gazage des citoyens rassemblés autour de la gendarmerie.
La préfecture, au soir du transfert en centre de rétention, se sentait même dans l’obligation de se fendre d’un communiqué de presse comminatoire, indiquant qu’il n’y avait “aucune raison de dispenser ce ressortissant soudanais“ de sa “réadmission vers l’Italie“ “seule compétente désormais“ et qu’un retour sur le territoire après transfert constituait désormais “un délit puni de trois ans d’emprisonnement“. Deux semaines plus tard, le 3 octobre, le tribunal administratif de Limoges opposait un cinglant démenti à la préfète de la Creuse. Il jugeait en effet que “le refus d’enregistrer la demande“ constituait “une atteinte grave et manifestement illégale“ au droit d’Abdel “constitutionnellement garanti de solliciter le statut de réfugié“ et enjoignait à la préfète “d’enregistrer la demande d’asile […] dans un délai de huit jours“. Fin février, épilogue de l'affaire, Abdel a reçu la décision du directeur général de l’OFPRA lui reconnaissant la qualité de réfugié, le plaçant sous la protection juridique et administrative de l’Office et lui donnant accès à un titre de séjour de 10 ans et à l’autorisation de travailler. Cela, il aurait pu en bénéficier dès le mois de mars 2018 si l’administration préfectorale ne s’était pas entêtée dans ses décisions illégales et inhumaines. Ainsi, pendant presque une année supplémentaire, il a vécu dans l’angoisse permanente, sans pouvoir ni se former, ni travailler pour assurer dignement sa subsistance. Ses défenseurs estiment que cette opération illégale a coûté au bas mot 55 000 € au contribuable, sans même prendre en considération le temps consacré par les habitants mobilisés à lutter contre des mesures iniques. Du temps qui aurait été tellement mieux employé à développer le réseau social d’Abdel et des personnes dans la même situation que lui. De l’argent qui, pour un coût bien moindre, aurait permis de financer des cours de français, des formations qualifiantes et tout le soutien nécessaire à des jeunes isolés avant qu’ils puissent trouver leur autonomie.