Tandis qu'on nous concocte du côté est de Limoges une déviation routière qui passerait par Feytiat et Panazol, la ligne de chemin de fer qui dessert Limoges depuis le Plateau fait l'objet d'un désengagement des pouvoirs publics. Il est temps de réagir !
Le développement de la circulation routière semble compromis du fait de la très grande dépendance au pétrole, ressource non renouvelable et polluante, de plus en plus onéreuse et taxée, et que, à ce jour, ne semble être connue aucune autre solution énergétique satisfaisante, pouvant être utilisée à grande ampleur, tant du point de vue technique que du coût, qui permettrait de continuer à circuler avec l’intensité que l’on connaît actuellement. Pourtant, c’est maintenant que le conseil départemental de Haute-Vienne et la communauté d’agglomération de Limoges, pour contourner Limoges à l’est, entre Feytiat et Panazol, ont le projet d’offrir un nouveau boulevard à la circulation des véhicules individuels et des camions.
On peut légitimement s’interroger sur la vision qu’ont ces institutions quant aux solutions en matière d’énergie renouvelable et non polluante. Dans le contexte actuel, et vraisemblablement encore pour un grand nombre d’années, est-il vraiment pertinent d’envisager ce projet annoncé à 50 millions d’euros, au bas mot (enveloppe du conseil départemental... qui n’aurait pas d’autres priorités ?), qui, de surcroît, va soustraire au minimum 25 hectares à l’agriculture et aux espaces naturels (rupture de la Trame Verte et Bleue du Schéma Régional de Cohérence Ecologique !), sans compter l’artificialisation ultérieure des sols par les constructions induites dans la périphérie de cette nouvelle desserte routière ?
Un des principaux arguments avancés pour justifier la déviation est le nombre croissant de camions. Encore un investissement lourd pour un lobby néfaste à l'environnement et dont on connaît bien l'impact sur la dégradation des chaussées, sans qu'il ne participe à l'entretien ou à la remise en état, toujours à la charge des collectivités. Pour favoriser l’accès aux agglomérations, ailleurs en France et dans le monde, des solutions sont plutôt envisagées par le recours aux transports collectifs à partir de la périphérie des villes, les véhicules individuels étant stationnés sur des parkings desservis par des transports en commun irriguant ensuite les agglomérations. Soit dit en passant, si les collectivités porteuses de ce projet n’ont plus d’investissement à réaliser pour le bien commun, il leur est loisible de baisser les impôts…
Dans le même temps, en matière de transport en commun et de desserte de l’est de Limoges, on apprend que la ligne de chemin de fer Ussel-Meymac-Eymoutiers-Châteauneuf Bujaleuf-St Léonard-de-Noblat-Limoges est menacée. Le coût d’investissement de la mise aux normes du système de signalisation de cette ligne est d’environ 20 millions d’euros et de la compétence de la région Nouvelle-Aquitaine qui doit négocier avec SNCF-Réseau. Nous n’oublions pas d’évoquer les insuffisances de service déjà constatées : horaires inadaptés aux besoins de la population, gares et guichets fermés … A rappeler : l’investissement d’un montant de 24 millions d’euros réalisé en 2011 pour la rénovation des voies de ladite ligne et financé par l’Etat, la Région et RFF (Réseau Ferré de France aujourd’hui remplacé par SNCF-Réseau) plus la reprise d’ouvrages d’art d’un montant de 6,8 millions d’euros financé par RFF. De plus, des travaux de réhabilitation du bâtiment de la gare d’Eymoutiers sont entamés depuis la fin de l’année 2018. Nous voulons croire que tous ces investissements bénéficieront durablement aux usagers de la ligne et permettront des circulations plus adaptées aux besoins. De plus, il serait souhaitable que la ligne permette le transport de marchandises, ce qui s’est pratiqué dans le passé (transport de bois opéré dans les années 2000). Il ne serait pas recevable que des dépenses importantes eussent été réalisées sur fonds publics, donc sur nos impôts, il n’y a pas si longtemps, en 2011 et 2018, pour fermer la ligne quelques années plus tard !
Sauf à imaginer que, comme au temps des “trente glorieuses“, il est possible de financer allègrement sur fonds publics ces deux grands projets, qui plus est sans se soucier des impacts sur l’environnement (pollutions, artificialisation des sols…), manifestement, les décideurs vont devoir choisir en se fondant sur une vision à long terme, et au-delà de leur strict périmètre d’intervention.
Pour sauver la ligne SNCF Limoges-Ussel, on ne peut nous objecter des arguments juridico-administratifs sur les compétences spécifiques des collectivités territoriales et l’impossibilité de financements “croisés“. Des exemples de tels financements existent, entre autres la ligne ferroviaire Sarlat-Bergerac-Libourne : “Le financement de cette opération, dont le coût est estimé à près de 84 millions d’euros est assuré selon la répartition suivante : 27,27 M€ Etat, 35,18 M€ Région, 14,66 M€ SNCF Réseau et 6,75 M€ collectivités territoriales“1.
Ligne Chateaubriant-Rennes : “Plan de financement des études d’avant-projet de l’opération de renouvellement : les 2 études s’élèvent au total à 1,7 million d’euros : Rennes – Retiers : 900 000 € (Etat 20%, région Bretagne 40%, Rennes Métropole 10%, Ille-et-Vilaine 5%, communauté de communes du Pays de la Roche aux fées 10%, SNCF Réseau 15%). Retiers – Chateaubriant : 800 000 € (Etat 20%, région Bretagne 17,6%, région Pays-de-la-Loire 37%, Ille-et-Vilaine 5%, communauté de communes du Pays de la Roche aux fées 5,4%, SNCF Réseau 15%)2.
Autrement dit, à grands traits, et sans oublier les nécessaires compléments en mobilité à imaginer et réaliser à l’est de Limoges : vaut-il mieux préserver et développer la desserte ferroviaire pour les voyageurs comme pour le transport de marchandises, et irriguer valablement la ville de Limoges et sa périphérie par des transports en commun, ou bien construire le contournement est de Limoges pour augmenter l’afflux de véhicules vers la ville, polluants pour encore x années (y compris les véhicules électriques polluants à leur façon) et, rappelons-le, dont personne ne sait s’ils pourront à terme circuler avec un système énergétique durable, non polluant et d’un coût abordable ?
Mais, quelle instance a donc une vision globale, pertinente et anticipatrice de la mobilité sur ce territoire, c’est-à-dire une vision qui n’ignore pas les impacts sur l’environnement et soit respectueuse des préceptes de la “transition énergétique et écologique“, de façon à opérer des choix adaptés aux besoins de la population et de l’activité économique, tout en envisageant les évolutions à long terme ? La réponse devrait se trouver à l’échelle du Contrat de Plan Etat Région, à charge pour les assemblées délibérantes et les élus des collectivités territoriales concernées de saisir les responsables de la programmation : l'Etat et la Région.
Helena Pergame