Faux-la-Montagne

  • « On avait raison ! »

    En 2018, la préfecture de la Creuse expulsait bien en toute illégalité !

    L’État, représenté alors par la préfète de la Creuse Magali Debatte, a été condamné à de multiples reprises pour les tentatives d’expulsion de demandeurs d’asile au cours de l’été 2018. De son côté l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) l’a également été en raison du refus d’accorder les allocations auxquelles ces demandeurs avaient droit. Une dernière confirmation vient d’en être donnée par un jugement en date d’avril dernier. Comme quoi, parfois, les tribunaux rappellent l’État à l’ordre. Explications.

     

    maillet de juge

    « Dans une société où l’on trouve normal d’être gouvernés par des fonctionnaires, au point que leurs échecs ou leurs fautes n’entraînent pas de conséquences qui soient en proportion, il est logique que ces employés qui sont devenus les maîtres se désintéressent des suites effectives de leurs actes. » - François Sureau, avocat.

     

    Rappel des événements

    Depuis 2014 et l’ouverture des premiers CADA (Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile) et autres centres d’ « accueil » ou d’hébergement d’urgence sur la Montagne limousine, de nombreux habitants se sont mobilisés, dans un premier temps pour accueillir au mieux, en tissant des liens, donnant des cours de français, organisant des occasions de rencontres, puis, rapidement, pour faire face aux problématiques d’hébergement et de survie des personnes « à la rue » car déboutées de leurs demandes d’asile ou tout simplement non prises en charge durant leur parcours de demande d’asile. Ou encore pour les accompagner dans la défense de leurs droits trop souvent bafoués.

    C’est ainsi qu’à l’automne 2017, à Faux-la-Montagne, sont arrivés et ont été hébergés par différentes familles plusieurs jeunes Soudanais, demandeurs d’asile sans allocation ni hébergement. Arrivés en France au printemps 2017, ces très jeunes hommes, âgés alors de 19 à 22 ans, ont fui le régime génocidaire du dictateur Omar Al Bachir, ses geôles et ses tortures ainsi que les exactions des milices à sa solde dans le Darfour, leur région d’origine.

     

    mai68La machine infernale de Dublin

    Après l’enfer du parcours à-travers la Libye et des situations d’esclavage qu’ils y ont vécues, après l’épreuve terrifiante de la traversée de la Méditerranée, ils sont alors victimes de la machine infernale du règlement européen « de Dublin ». Cet accord de 2013 entre les différents pays européens prévoit que c’est le pays d’entrée en Europe qui est responsable du traitement des demandes d’asile. La géographie étant ce qu’elle est, cela revient à faire porter aux pays du sud de l’Europe, riverains de la Méditerranée (en clair la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal) l’essentiel de la charge de l’accueil pendant que les autres pays regardent ailleurs.

    L’obsession de chaque pays étant de ne surtout pas accueillir sur son territoire, s’instaure alors une partie de ping-pong dont les personnes en exil font les frais : la France renvoie ainsi les demandeurs d’asile parvenus sur son territoire vers l’Italie, qui à son tour leur ordonne de quitter son territoire et les renvoie illico vers la France.

    Lorsqu’ils arrivent à Faux la Montagne, ces jeunes demandeurs d’asile viennent d’avoir été renvoyés une première fois, par la préfecture de Haute-Vienne, en Italie, qui les a immédiatement chassés vers la France. À leur retour, ils ont pu faire enregistrer une nouvelle demande d’asile mais le droit à l’hébergement et à l’allocation de demandeur d’asile leur a été refusé par l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration). Et ils sont à la merci d’une deuxième expulsion par la préfecture dont ils dépendent désormais, celle de la Creuse.

     

    Clause discrétionnaire

    Ces mesures, l’expulsion (le langage légal et administratif parle de « transfert » pour mieux masquer la violence des situations) comme le droit à l’hébergement ou à l’allocation, sont encadrées par des lois et règlements, internationaux comme nationaux. Mais les préfectures, ainsi que l’OFII, sont fréquemment hors des clous pour le respect de ces textes, profitant de l’ignorance et de l’isolement des personnes concernées.

    Parmi les personnes accueillies, une fait exception : par décision de bon sens, considérant les liens établis depuis le début de son séjour, sa volonté d’intégration, sa participation à la vie locale, son suivi assidu de cours de français et l’engagement d’habitants à lui offrir un contexte favorable, le préfet de Haute-Vienne d’alors, faisant application de la clause discrétionnaire prévue au règlement de « Dublin », lui a, quelques jours avant la date prévue pour son renvoi en Italie, accordé la possibilité de déposer sa demande d’asile en France et d’être pendant ce temps hébergé par des habitants de Faux la Montagne.

    Car en effet, les textes n’imposent jamais à la France de renvoyer les demandeurs d’asile et lui donnent toujours la possibilité d’examiner leur demande.

     

    Trois tentatives d’expulsion... illégales !

    La préfecture de la Creuse aurait été bien inspirée de suivre cet exemple. Cela lui aurait évité une série de condamnations pour illégalité des mesures qu’elle a prises tout au long de l’année 2018. Cela lui aurait évité les fortes mobilisations d’habitants de l’été 2018, le recours désastreux à la violence par les forces de gendarmerie pour défendre des mesures illégales. Cela aurait évité au contribuable les dizaines de milliers d’euros dépensés pour les tentatives de renvoi, le recours disproportionné aux forces de l’ordre, les frais de justice et de condamnation à des dommages et intérêts. Surtout, cela aurait évité d’immenses traumatismes à ces jeunes en pleine reconstruction, ne demandant qu’à s’intégrer à la société dans laquelle ils avaient commencé à construire des liens. Enfin, cela aurait évité de saper auprès des jeunes Français devenus leurs amis le peu de confiance qu’ils pouvaient encore avoir dans les institutions républicaines.

    Au lieu de cela, la préfecture de la Creuse a tenté à trois reprises d’expulser chacun de ces jeunes.

     

    Tentative n° 1 : « le préfet de la Creuse a commis une erreur de droit »

    La première tentative a eu lieu au mois de février 2018. Sans aucune prise en compte de l’engagement des habitants de Faux-la-Montagne et de leur maire, le préfet ordonnait un premier « transfert » en Italie avec assignation à résidence et pointage régulier à la gendarmerie. Le Tribunal Administratif de Limoges, immédiatement saisi avec l’assistance de Me Toulouse, avocat, prenait alors une décision qui évitera à la préfecture de se fourvoyer plus longtemps et de devoir faire face à une mobilisation citoyenne : par ordonnance du 20 février 2018, il décidait que « le préfet de la Creuse n’a pas, avant d’ordonner le transfert […], procédé à un examen suffisamment circonstancié de la situation […] et a donc commis une erreur de droit ». En conséquence, il annulait les arrêtés préfectoraux et condamnait la préfecture au paiement des frais d’avocat.

     

    Tentative n°2 : « La préfète de la Creuse a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. »

    Incapable de tirer les leçons de cette première décision, la préfecture a persisté. Arrivée en Creuse au printemps, la nouvelle préfète, Magali Debatte qui, tout au long de son séjour en Creuse s’est acharnée à expulser un maximum de personnes et s’est félicitée de faire « mieux » que les objectifs qui lui étaient assignés par le ministère, a tenté le renvoi d’une deuxième personne, cette fois assorti d’un placement en rétention. Une première convocation en gendarmerie de Royère, accompagnée d’une première mobilisation d’habitants, ne lui a pas permis d’envoyer le jeune en rétention, faute de places disponibles ! Une deuxième convocation en gendarmerie de Felletin deux semaines plus tard, malgré les multiples démarches entreprises entretemps par les habitants de Faux et leur maire auprès de la préfecture, donnait lieu à une forte mobilisation d’habitants tentant de s’opposer au transfert en Centre de Rétention Administrative et aboutissait au gazage général des habitants mobilisés, alors même que, selon l’interprétation de la préfecture, la France allait devenir deux jours plus tard responsable de l’examen de la demande d’asile. Traîné entravé hors de la gendarmerie, frappé par un des gendarmes, le jeune faisait l’objet d’une évacuation rocambolesque et douloureuse vers le CRA du Mesnil Amelot (Cf. IPNS n°65).

    La préfète avait alors beau marteler qu’elle appliquait la loi et qu’il était « normal » que le jeune soit renvoyé, elle devait accepter, deux jours plus tard, sa libération par la Police aux Frontières au pied des pistes de Roissy. Et deux semaines plus tard, elle battait piteusement en retraite avant l’audience du 24 juillet 2018 au Tribunal Administratif de Limoges en décidant que l’examen de la demande d’asile relevait désormais de la France !

    N’ayant plus lieu à statuer, le Tribunal ne pouvait alors se prononcer sur la légalité des mesures prises. Il l’a fait depuis, par décision du 25 mars 2021 faisant droit à une demande d’indemnisation effectuée par le jeune concerné assisté de son avocat, Me Malabre, en estimant que, dès le 26 mai 2018, la France était devenue responsable de la demande d’asile et que « dès lors, en ne se reconnaissant pas responsable de l’examen de la demande d’asile […] à compter du 26 mai 2018 et, par suite, en prenant le 20 juin 2018 un arrêté prononçant le transfert du requérant aux autorités italiennes, en le convoquant le 9 juillet à la gendarmerie nationale de Felletin en vue de l’exécution de l’arrêté du 20 juin 2018, en ordonnant son placement en rétention […] et, enfin, en le déclarant en fuite, la préfète de la Creuse a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. »

    Ce même tribunal, le même jour, estimait à l’encontre de l’OFII que « alors même que la nouvelle demande d’asile de l’intéressé n’a été enregistrée le 9 novembre 2017 qu’en procédure dite « Dublin » », l’OFII avait « commis une faute en refusant d’accorder les conditions matérielles d’accueil à compter de cette date. » L’OFII était à son tour condamné à verser une indemnité du montant des allocations concernées, complétée par une indemnité au titre du « préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence ».

     

    Tentative n°3 : « Le préfet de la Creuse a commis une illégalité fautive »

    N’ayant toujours tiré aucun enseignement, la préfète a tenté deux mois plus tard le renvoi d’une troisième personne, convoquée cette fois à la gendarmerie de Guéret. Même mobilisation de nombreux habitants venus s’opposer au transfert en rétention, même gazage par la gendarmerie, même position intransigeante de la préfète et d’Olivier Maurel, secrétaire général de la préfecture, se sentant obligés de se fendre d’un communiqué de presse comminatoire, indiquant qu’il n’y avait « aucune raison de dispenser ce ressortissant soudanais » de sa « réadmission vers l’Italie » « seule compétente désormais » et qu’un retour sur le territoire après transfert constituait désormais « un délit puni de trois ans d’emprisonnement ». Las, une fois encore, deux jours après son envoi en centre de rétention, la libération était ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention d’Evry et, deux semaines plus tard, le Tribunal Administratif de Limoges jugeait qu’il avait été porté « une atteinte grave et manifestement illégale à son droit, constitutionnellement garanti, de solliciter le statut de réfugié » et enjoignait à la préfète d’enregistrer sa demande d’asile en procédure normale dans un délai de huit jours.

    Statuant en référé le 23 septembre 2020, le même tribunal accordait au jeune demandeur d’asile assisté lui aussi de Me Malabre, une provision sur indemnités tant à l’encontre de la Préfecture que de l’OFII.

    Puis, le 3 février 2022, il se prononçait sur le fond et rappelait qu’en 2018 « les autorités italiennes, confrontées à un afflux massif et sans précédent de demandeurs d’asile, se trouvaient en grande difficulté pour traiter ces demandes dans des conditions conformes à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile, situation qui était reconnue et déplorée par ces autorités elles-mêmes »  et que dans ces conditions, le jeune demandeur d’asile était « fondé à soutenir qu’en ne procédant pas à l’enregistrement de ses demandes d’asile afin de lui permettre de saisir l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et en décidant son transfert aux autorités italiennes […]sans mettre en œuvre la clause discrétionnaire prévue par l’article 17 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de la Creuse a commis une erreur manifeste d’appréciation de sa situation au regard des dispositions de cet article, commettant ainsi une illégalité fautive. Par voie de conséquence, la décision par laquelle le préfet de la Creuse l’a placé en rétention administrative le 17 septembre 2018 est illégale et cette illégalité est fautive et de nature à engager la responsabilité de l’Etat. »

     

    avion debatte

     

    La loi... bafouée par l’État

    Enfin, et tout récemment, par décision du 13 avril 2022, ce même tribunal décidait que c’était à tort que l’OFII avait refusé d’admettre le jeune demandeur d’asile au bénéfice des CMA (Conditions Matérielles d’Accueil) auxquelles il avait droit dès l’enregistrement de sa demande en mars 2018. Il lui reste encore à se prononcer sur le montant définitif de l’indemnisation due par l’OFII, décision qui devrait intervenir dans les prochains mois. Aucune de ces huit ordonnances du Tribunal Administratif, pourtant réputé pour rendre des décisions particulièrement peu favorables aux personnes exilées qui le saisissent, n’a fait l’objet d’un appel, ni de l’Etat, ni de l’OFII.

    Ainsi il s’avère que la « loi », sans cesse invoquée dans ces affaires par la préfecture comme par l’OFII pour justifier des décisions inhumaines, a systématiquement été bafouée alors qu’elle était bien du côté des habitants mobilisés pour la défense des droits et des personnes exilées subissant l’acharnement cruel des représentants de l’Etat.

    Depuis, ces personnes accueillies à Faux ont obtenu l’asile. Mais dans le même temps, combien d’autres, qui pouvaient y prétendre tout aussi légitimement, ont été empêchées de le faire, faute de bénéficier de connaissances et d’appuis dans la population et ainsi d’un accompagnement humain et juridique ?

     

    Marc Bourgeois

     

    Gaspillage financier

    Petit chiffrage des expulsions orchestrées illégalement par les positions obtuses et illégales de la préfète de la Creuse et de son secrétaire général. Le rapport parlementaire présenté en juin 2019, piloté par Jean-Noël Barrot (MoDem) et Alexandre Holroyd (LREM) a chiffré le coût d’une expulsion à 13 800 € en moyenne ; nous avions pour notre part estimé que l’opération illégale du mois de septembre 2018 à Guéret avait coûté au bas mot, compte tenu des moyens mobilisés, 55 000 € au contribuable ; les décisions citées ont généré la condamnation de l’Etat et de l’OFII à verser au total 9 200 € d’honoraires aux avocats des demandeurs et 11 900 € (montant encore provisoire) d’indemnités. Qu’auraient produit les mêmes sommes d’argent investies dans l’accompagnement social, des cours de français et des formations qualifiantes, permettant un accès à l’autonomie ? Et que dire de la « haine de la France » qui aurait ainsi pu être générée si ces personnes n’avaient pas, à l’inverse, constaté la formidable solidarité de simples habitants ?
  • 5 années de fouilles sur une villa romaine

    L’espace thermal de la villa antique de Chatain à Faux-la-Montagne, a fait l’objet de cinq années de fouilles programmées, de 2016 et 2020. Gentiane Davigo, l’archéologue qui a dirigé ce chantier, nous présente les résultats de ce travail de longue haleine.

     

    Le site antique de Chatain, découvert fortuitement en 1994 lors de travaux agricoles, a, dans un premier temps, été remis en avant dans le cadre d’un travail de master réalisé entre 2013 et 2015 sous la direction de Blaise Pichon (Université Clermont Auvergne). Il a ensuite bénéficié  d’une campagne de sondages en 2016. Les résultats obtenus ont conduit à la mise en place d’une fouille programmée annuelle de 2017 à 2020.

     

    villa romaine chatain

     

    De la découverte...

    Lors de sa découverte en 1994, les vestiges observés laissaient présager une bonne conservation des constructions. Des fragments de murs, de sols, ainsi que des éléments de décors avaient en effet pu être observés. Cette découverte, signalée au Service Régional de l’Archéologie de Limoges, avait ainsi été enregistrée et localisée dans la base de données nationales des sites archéologiques français. La tranchée ayant été réalisée lors de la visite des agents du SRA et les vestiges n’étant pas menacés par des constructions, l’ensemble avait été ré-enfoui afin d’assurer une protection maximale des vestiges.

    La réalisation d’un master entre 2013 et 2015 sur les dynamiques de peuplement du plateau de Millevaches entre la protohistoire et le début du haut Moyen Âge a permis de remettre en avant les vestiges découverts à Chatain (voir IPNS n°52 : « Le plateau de Millevaches sous l’oeil de l’archéologue »).

    Cet intérêt nouveau a conduit à la mise en place d’une première campagne de sondages sur le site en 2016. Deux sondages de 48 et 52 m² ont ainsi pu être réalisés sur une partie du tracé de la tranchée réalisée en 1994. Ces sondages ont livré plusieurs vestiges : sols en béton de tuileau, espaces chauffés, seuil dallé. Une prospection géophysique à l’aide d’un radar a également été menée. Cette méthode d’investigation consiste à arpenter la parcelle avec un radar qui envoie des ondes dans le sol ce qui permet, lorsque les ondes rencontrent des matériaux différents (tels des vestiges archéologiques) de revenir vers la surface légèrement modifiée. La cartographie de ces anomalies conduit à l’obtention d’un « plan » des vestiges détectés. Cette prospection réalisée à Chatain a mis en évidence la présence d’un ensemble bâti complexe s’étendant sur plusieurs dizaines de mètres carrés. L’ensemble de ces données, depuis la découverte de 1994 jusqu’à la réalisation des premiers sondages en 2016, a confirmé la présence d’une importante villa romaine.

     

    … à la fouille

    villa romaine chatain hypocausteÀ la suite de ces résultats prometteurs, une campagne de fouilles programmées a été mise en place à partir de 2017. Ainsi, chaque été durant un mois, une équipe, composée d’étudiants provenant de différentes universités de France et d’Europe, a petit à petit mis au jour les vestiges de l’espace thermal de la villa romaine de Chatain. Cette fouille s’est achevée à la fin de l’été 2020. Ces cinq années de fouilles ont dévoilé progressivement (100 m² d’ouverts en 2016, 356 m² en 2020) un établissement thermal accolé à un grand bâtiment rectangulaire dont la majeure partie correspond à une cour enclose et certainement partiellement couverte. Le mobilier recueilli, et plus particulièrement la céramique, a permis de dater l’occupation de ces vestiges entre le tout début du Ier siècle après J.-C. et la fin du IIIème siècle. Les fouilles ont également montré qu’au cours de l’occupation du site, les vestiges avaient subi des transformations. Les constructions ont en effet évolué entre le Ier et le IIIème siècle pour arriver à l’état dans lequel la fouille les a révélées.

    La villa de Chatain semble organisée en plusieurs espaces et les fouilles menées entre 2016 et 2020 se sont concentrées sur l’espace thermal et le bâtiment-cour accolé. La zone d’habitation à proprement parler se situe probablement à l’est et au nord de l’espace fouillé.

     

    Le bâtiment thermal

    Le complexe balnéaire de Chatain se compose actuellement de huit pièces. Ce dernier reprend les caractéristiques classiques des thermes romains. On retrouve notamment des vestiaires (apodyterium) (pièce 7) permettant d’accéder aux différents espaces du complexe et notamment à la salle tiède (tepidarium) (pièce 6). De cette dernière, on accède à une étuve (laconicum) (pièce 4) puis à la salle chaude (caldarium) avec son bain chaud semi-circulaire (solium) (pièce 3). Ce dernier disposait très certainement d’une voûte arborant des décors en stuc et des enduits peints ainsi que d’une ouverture vitrée comme l’indiquent les nombreux fragments de verre à vitre retrouvés. Il arborait aussi un dallage, soit en terre cuite, soit en pierre, comme l’attestent les négatifs encore visibles dans le mortier de tuileau. Le vestiaire permet également d’accéder à la salle froide avec sa piscine (frigidarium et piscina) (pièce 5). Cette petite pièce rectangulaire dispose d’un petit espace dallé pour circuler et d’un bassin carré (1,80 m de côté pour 1 m de profondeur) accessible par trois marches. Les trois pièces chaudes (le tepidarium, le laconicum et le caldarium) sont chauffés par des hypocaustes. Un hypocauste est une construction sur « pilettes » espacées les unes des autres permettant de surélever le sol des pièces et d’assurer ainsi la circulation de l’air chaud en dessous pour chauffer celles-ci. Chaque pièce dispose de son propre praefurnium (salle de chauffe où l’on entretient le foyer) (Pièces 1 et 2 et ST 1.19). Le bâtiment thermal est accolé à l’est à un second grand bâtiment présentant un plan rectangulaire. Celui-ci correspond à un espace de cour sans doute partiellement couverte par une toiture en tuiles, celle-ci disposait d’une entrée monumentalisée présentant un important dallage en blocs de granite. La relation entre l’espace thermal et la cour reste floue car, dans ce secteur de la fouille, les vestiges étaient particulièrement arasés.

     

    plan masse villa romaine chatain

     

    Ré-enfouissement

    Ces cinq années de fouilles ont donc permis de mettre au jour un beau complexe thermal et une grande cour pouvant correspondre à l’entrée de la villa. Ces vestiges ne sont cependant qu’une partie du domaine. En effet, les bâtiments d’habitation, de vie, semblent, d’après la prospection géophysique de 2016, être plus au nord. Il n’était pas rare que les thermes, au sein des villa, se retrouvent isolés des autres bâtiment afin de limiter les risques de propagation en cas d’incendie. Par ailleurs, l’emplacement des bâtiments dédiés à la production agricole, source de revenu du propriétaire, reste indéterminé tout comme les productions en elles-mêmes.

    À la fin de la campagne 2020, les vestiges ont été protégés puis ré-enfouis afin de garantir leur conservation. Une nouvelle prospection géophysique sera réalisée pour affiner nos connaissances sur l’organisation spatiale de la villa et son environnement.

     

    Gentiane Davigo

    Plan réalisé par Florian Baret
  • An english creusoise

    Sarah VareSarah Vare fait partie de ceux qui sont arrivés sur le Plateau de Millevaches après avoir pointé un doigt assuré, les yeux fermés, au dessus d'une carte de France dépliée.

    Pour cette citoyenne anglaise, ex-policeman devenue artiste peintre, “c'est le destin” qui l'a conduite jusqu'à La Villedieu en Creuse où elle est installée depuis près de 3 ans avec son mari et ses deux filles. “On en avait marre du bruit et des alarmes des voisins qui sonnaient sans arrêt”.

    De la France, Sarah ne connaît que l’Alsace, Bénodet en Bretagne et Paris, découverts à l'occasion d'un séjour scolaire.

    Le plus dur, au début , avoue t-elle, c'est la langue. “C'est pas tellement les questions que je fais, mais plutôt les réponses qu'on me donne qui me posent problème : un jour, le voisin m'a demandé si j'avais du boulot, j'ai pas compris ce que ça voulait dire alors je suis allée regarder dans mon dictionnaire à bouleau,  j'ai vu que c'était un arbre. J'ai pas compris ce qu'il voulait me dire.”

    Aujourd'hui, elle qui adore la pluie et la neige, vient d'acheter une maison à rénover sur la commune. Ses deux filles sont scolarisées à l'école de Faux la Montagne : “Les enfants sont en bottes à l'école, alors qu'en Angleterre tous sont en uniforme. C'est ça que j'aime ici, c'est qu'on ne fait pas de manières, tout est simple”.

    Pourtant, lorsque Thierry Letellier, le maire de la commune, lui propose de figurer sur sa liste pour les dernières élections municipales, la situation est confuse.

    “Au départ, je croyais qu'il venait nous voir pour qu'on vote pour lui…Quand j'ai compris qu'il voulait que je figure sur sa liste, je lui ai répondu que c'était impossible pour trois raisons : parce que j'étais anglaise, parce que j'étais une femme et parce que j'étais sur la commune depuis trop peu de temps. J’avais peur de ce qu'allaient pouvoir penser les gens… J'étais persuadée que figurer sur une liste électorale se méritait”.

    Au total, Sarah comptabilisera autant de voix que le maire. Pour cette citoyenne britannique, plus qu'une victoire électorale, ces résultats sont le symbole d'une intégration réussie. “A partir de là, je me suis vraiment sentie à l'aise, j'étais chez moi”.

    Si, aux dernières élections présidentielles, Sarah n'a pas pu voter, elle a participé à l'organisation du scrutin dans sa commune. Elle est également fière de ses concitoyens qui ont dit non à l'extrême droite avec 100% des voix pour Chirac au second tour.

    “J'étais présente aussi à Gentioux pour la manifestation du 1er mai et j'ai été touchée par la présence de toutes ces familles, ces parents avec leurs enfants sur les épaules pour manifester contre Le Pen. C'était formidable de me retrouver avec mes voisins au milieu de tout ce monde là…”.

    Aujourd'hui, Sarah Vare avoue volontiers qu'il faut une bonne dose de courage pour quitter son pays d’origine. Consciente qu'elle a eu beaucoup de chance, elle remercie encore le destin de l'avoir conduite jusqu'ici (et nous, le Plateau de Millevaches, de se trouver au centre de la France). A la réponse “et si c'était à refaire” elle m'a tout simplement répondu : “c'est la plus belle chose que j'ai réussie dans ma vie”.

     

    Samuel Deleron
  • Aux origines de Télé Millevaches : un curé agitateur

    Il y a 20 ans naissait Télé Millevaches. Un anniversaire que l'association fêtera dignement les 29 et 30 septembre prochains. Un livre sortira à cette occasion qui racontera l'histoire de cette télévision locale dont la notoriété a largement dépassé les limites de notre petit plateau. Nous en publions ici un extrait qui présente la figure de Charles Rousseau. Prêtre à Peyrelevade de 1983 jusqu'à sa mort en 1988, il fut à l'origine de deux associations qui demeurent aujourd'hui parmi les plus actives et dynamiques de notre territoire : Les Plateaux Limousins et Télé Millevaches. Regard sur la "préhistoire" de la petite télé du plateau.

     

    fete tele millevachesCharles Rousseau n'est pas un curé comme les autres. Le plateau a touché là un énergumène qui au sein même de son église fait figure de marginal et qui ne correspond pas à l'image passée et vaguement décolorée que bigotes ou Parisiens en vacances attendent du curé de campagne. A peine installé à Peyrelevade, Charles prend ses distances et refuse par exemple de procéder à la traditionnelle "bénédiction des chiens" de la Saint Hubert à la Chapelle du Rat. "D'accord pour la messe, mais pas pour jouer du goupillon avec les chiens !" proclame-t-il catégorique aux originaires du pays, un peu déçus de ne plus y retrouver lors de leurs retours estivaux le charme désuet de cette geste folklorique. Leurs plaintes arriveront jusqu'à l'oreille complaisante d'une ethnologue1 qui communiera dans la réprobation : "Les prêtres de la Mission de France veulent confier à la politique le rôle d'entraîneur de la société rurale (…) Ils répudient tout apparat et bannissent le faste. Ils ont même supprimé les aubes (…) Ils sont plus tentés de travailler de leurs mains que de secourir les agonisants (…) Ils se sont efforcés de vider la religion de la dimension du sacré et des esprits" et elle ne cache pas son aigreur en parlant d' "un clergé qui ne comprend pas ses ouailles" ou de "l'attitude restrictive des "animateurs liturgiques" qui fait maugréer quelques paroissiens : "Monsieur le Curé, vous êtes moins croyant que nous !"

     

    C'est que le plateau a changé et qu'il n'est plus le reliquaire statique d'une ruralité de toujours que le citadin ou l'ethnologue épisodiquement de retour au pays aimeraient retrouver chloroformée entre souvenirs d'enfance et schémas anthropologiques. Le plateau a changé, et surtout il doit continuer à changer, c'est-à-dire, dans l'esprit volontariste du "curé de Peyrelevade", chercher ses nouvelles vocations dans un monde mouvementé qui le cantonnera dans un rôle ou des fonctions non choisies s'il ne prend pas lui-même en main son devenir. C'est là sa profession de foi dans le territoire, une profession de foi qu'il partage avec de jeunes élus issus ou proches de la mouvance néorurale comme Bernard Coutaud, maire de Peyrelevade, François Chatoux, maire de Faux la Montagne ou Pierre Desrozier, maire de Gentioux. Les trois jeunes maires se connaissent, s'apprécient. Deux d'entre eux adhérent à un Parti Socialiste qui, à l'époque, pouvait encore faire rêver (le troisième les suivra quelques années plus tard) et décident de s'unir au sein d'une intercommunalité qui leur paraît la seule issue pour le développement de leurs communes respectives. Un sociologue2 de la même génération précise : "Sur le plateau, au centre du Limousin, à Faux la Montagne, Peyrelevade et Gentioux, François Chatoux, Bernard Coutaud et Pierre Desrozier mettent en oeuvre certaines des idées formulées pendant les années soixante-dix. Celles-ci avaient constitué la figure utopique de la recherche d'alternatives à la crise des outils de régulation macro-économique et macro-sociale. A l'épreuve du réel, il s'avère qu'une partie des solutions à cette crise passe par des voies locales" C'est aussi ce que pense et veut faire Charles Rousseau. Au sein de son église, il explique, répète, démontre, proclame que les chrétiens ne peuvent plus vivre leur foi - ni les curés leur sacerdoce - comme ils l'ont vécu depuis bientôt 2000 ans. Aux catholiques du plateau, éparpillés et disséminés, il propose de nouvelles formes d'engagement et, dans la logique des prêtres de la Mission de France, il insiste particulièrement sur l'ouverture au monde, aux gens et au pays dans lequel ils vivent. En aucun cas il ne s'imagine enfermé dans sa sacristie.

    En 1974 il crée avec quelques autres membres de la communauté chrétienne l'association "Les Plateaux Limousins", acquiert une maison et une petite grange au Villard, sur la commune de Royère de Vassivière, et entreprend d'y créer un lieu de rencontre et d'échanges. La petite équipe y construit des gîtes, y organise des débats et y lance la première des "fêtes des Plateaux" qui, de 1978 à 1986, deviendront chaque dernier week-end de septembre, le rendez-vous obligé de tous ceux qui se reconnaissent acteurs de la vie du pays.

    Charles Rousseau n'a pas oublié ses anciennes leçons de sociologie et de statistique. Il les ressort à l'occasion de la fête des Plateaux qui se décline chaque année sur un thème différent : l'agriculture, la forêt, les énergies, la vie associative, etc. Pendant l'hiver, le curé explore bibliothèques, revues, archives et administrations pour dresser le panorama argumenté et illustré du thème de l'année. Il transforme le tout en exposition qui sert ensuite de support aux débats organisés dans le cadre festif du rendez-vous de septembre. Entre flonflons et grillades, musique et jeux pour enfants, dans une ambiance hybride de kermesse et d'université d'été, on débat de ce qu'est et de ce que sera le plateau de Millevaches.

    C'est Charles Rousseau qui lancera le premier le slogan "Mille sources, mille ressources". C'est lui qui montrera, chiffres à l'appui, le dynamisme associatif du territoire. C'est lui qui pointera le risque de réduire le plateau au seul rôle de fournisseur de matières premières lorsqu'il centre la fête de 1983 sur les entreprises de transformation. C'est lui encore qui sent venir l'ère des "nouvelles technologies de l'information" lorsqu'il organise sur le thème de la communication la fête de 1986 (l'année même de la création de Télé Millevaches).

     

    Etudiant l'implantation au XIXème siècle des lignes de chemin de fer en Limousin, il a été frappé des réactions contradictoires des communes et s'est aperçu que la région aurait alors bien pu passer à côté de cette innovation technologique majeure. Il voit pointer un risque similaire avec ces nouveaux outils en "ique" dont on dit qu'ils seront à la révolution informatique du XXème siècle finissant, ce que les trains furent à la révolution industrielle. Il veut attirer l'attention de ses concitoyens sur ce nouvel enjeu et, du ton légèrement prophétique qu'il lui prenait parfois d'affecter, il n'hésite pas à appeler à la mobilisation populaire :

    "Des fêtes comme ça, apparemment, ce sont des fêtes pour rien. Ce sont des fêtes gratuites en quelque sorte, puisqu'elles ne sont pas payantes et qu'on ne peut pas dire que ce sont des fêtes rentables ! Alors on peut nous dire : c'est de l'argent fichu par les fenêtres ! A quoi bon ? Et bien nous, ce n'est pas du tout comme ça que nous voyons les choses.

    Qu'une information sur les atouts de l'avenir se passe dans un contexte comme celui-ci, où l'on n'est pas chacun chez soi mais où on est ensemble dans une fête qui est quand même une fête d'espérance, nous paraît être un facteur tout à fait important pour un processus de développement.

    Ce n'est pas le tout d'avoir des programmes, ce n'est pas le tout d'avoir des gens qui font des projets, il faut qu'il y ait un peuple qui se lève, il faut qu'il y ait une conscience commune qui se fasse et de ce point de vue, la fête des Plateaux, elle a contribué à cela" Charles Rousseau a alors 63 ans. Se sait-il déjà atteint du cancer qui l'emportera deux ans plus tard ? Sent-il s'effriter le dynamisme de son association après douze ans d'actifs défrichements ? Ou pense-t-il toucher aux limites d'une fête dont l'envergure commence à dépasser les forces du noyau actif des Plateaux Limousins ? Il cherche à passer le flambeau à des bras plus solides, et l'initiative perdurera en effet quelques années sous la houlette du Bureau d'accueil de la Montagne limousine (une structure rassemblant des élus qui sera à l'origine de la relance du projet de parc naturel régional dans les années suivantes).

    Mais Charles Rousseau pense aussi qu'un rendez-vous annuel reste insuffisant pour qu'un territoire s'interroge sur les enjeux de son avenir. Il voudrait créer un outil plus performant, qui intervienne de façon régulière et plus fréquente dans le débat public, un outil qui soit accessible au plus grand nombre, qui puisse demeurer facteur de vulgarisation, de débat et de prise de parole. Bref, inventer une "fête des Plateaux" qui s'étale sur toute l'année en touchant une population plus large et qui, sous d'autres formes, poursuive l'agitation citoyenne et territoriale qu'il animait depuis huit ans avec ses fêtes.

     

    logo tele millevachesIl a entendu parler de ces toutes premières équipes qui en différents endroits de France ont commencé à utiliser les nouveaux outils de communication sur leurs territoires. Il a quelque lien avec Paul Houée (un autre curé agitateur) qui dans le pays de Mené, en Bretagne, développe des projets faisant appel à l'informatique ou à la télématique. Il a repéré quelques expériences pionnières du côté de la Franche-Comté (Télé Saugeais) ou des Alpes (avec l'association d'animation du Beaufortain) qui se sont saisies de la vidéo comme support de communication locale. Il y perçoit la conjonction d'une démarche politique, d'une appropriation citoyenne de moyens techniques et d'une approche résolument moderniste des évolutions du monde rural. Il sait que ce dernier n'est plus ce qu'il était il y a seulement vingt ans et qu'il ne sera plus, dans vingt ans, ce qu'il est encore aujourd'hui. Il veut poursuivre le pari, pris en 1974 avec la création des Plateaux Limousins, que ces évolutions peuvent être maîtrisées, choisies et décidées par les populations qu'elles concernent. C'est dans ce contexte que l'idée de réaliser sur le plateau un "journal vidéo" lui vient à l'esprit. Ainsi naîtra en 1986 Télé Millevaches.

     

    Michel Lulek

    Ce texte est extrait du livre "Télé Millevaches, la télévision qui se mêle de ceux qui la regardent" à paraître en septembre 2006 pour les vingt ans de Télé Millevaches aux éditions REPAS.
    1 Anne Stamm L'échange et l'honneur, une société rurale en Haute-Corrèze, Société d'ethnologie du Limousin et de la Marche, Limoges 1983.
    2 Pierre Maclouf et Xavier Lambours Figures du Limousin, page 96. Ed. Herscher/Lucien Souny, Limoges, 1986.

  • ça chauffe du côte des chaudières et des journaux !

    Dans son numéro du 29 décembre 2007, Le Monde a publié une article intitulé «Des experts dénoncent la pollution due aux chaufferies à bois». Cet article a inquiété certains habitants de Felletin qui l’ont porté à la connaissance des élus municipaux. Nous publions ci-dessous les remarques de Jean-François Pressicaud présentées au conseil municipal de Felletin, visant à ramener à leur juste mesure les dangers dénoncés par «des responsables de l’environnement dans la région Rhône-Alpes».­

     

    Au-delà de Felletin, c’est tout le développement du chauffage à bois en Limousin (et ailleurs) qui peut être atteint par de telles controverses. Aucune activité humaine ne peut prétendre avoir un impact nul sur l’environnement, mais certaines génèrent moins de nuisances que d’autres. Le chauffage au bois ou l’énergie éolienne ne constituent pas la panacée des systèmes parfaits. Mais là où ils peuvent être utilisés, ils ont toute leur place dans le cadre d’une politique visant d’abord les économies et ensuite la diversification des énergies, avec priorité aux productions renouvelables et locales.

     

    De 2  à 20 MW th, ce n’est pas pareil !

    L’article du Monde vise principalement les chaudières d’une puissance inférieure à 2 MW th (mégawatts thermiques) qui “échapperaient à toute réglementation“. Ce n’est pas du tout le cas de l’installation felletinoise dont la puissance-bois est de 14 MW th. De plus, le ministère de l’industrie lui a appliqué la réglementation concernant les chaudières de plus de 20 MW th, en additionnant la puissance de la chaudière-bois et celle de la chaudière de secours à gaz (6,5 MW th) alors qu’elles ne peuvent jamais fonctionner simultanément.

    Le classement dans cette catégorie a eu des conséquences importantes : on est passé du régime de la déclaration à celui, beaucoup plus lourd, de l’autorisation, avec notamment la nécessité d’une enquête publique.

    Au final l’arrêté préfectoral (­n° 2005-0160) autorisant l’exploitation reprend les exigences de l’arrêté ministériel du 20 juin 2002 “relatif aux chaudières présentes dans une installation nouvelle ou modifiée d’une puissance supérieure à 20 MW th“. Il ressort de la lecture de ces deux arrêtés que, contrairement à ce que peut laisser croire l’article du Monde, la liste des polluants surveillés est impressionnante, et concerne en particulier les métaux lourds (cadmium, mercure, thallium, plomb, chrome, etc…) et les H.A.P. (hydrocarbures). Le texte intégral de ces arrêtés est consultable en mairie.

     

    chaudiere

     

    Un niveau de pollution très faible

    Les dernières analyses effectuées par le bureau Veritas en novembre 2007, montrent que tous les paramètres étudiés dans les rejets atmosphériques sont conformes aux exigences de l’arrêté d’autorisation. Cela n’est guère étonnant, car les travaux complémentaires effectués depuis deux ans, concernant notamment la préparation du combustible, les réglages et le revêtement intérieur du four, ont permis d’aboutir à un fonctionnement optimal de l’installation. La combustion étant bonne, le niveau de pollution se situe à un niveau très faible, et les normes sont aisément respectées.

     

    Nos arbres n’ont guère de produits dangereux à capter 

    L’article explique que “l’arbre capte les éléments contenus dans l’atmosphère et dans le sol… et on retrouve dans l’air des produits dangereux“. Or, nous savons que, dans notre région, les sols sont pauvres en sels minéraux ; c’est par exemple une caractéristique de nos eaux de source. Par ailleurs, et bien que la pollution atmosphérique ne connaisse pas de frontières, les forêts du  Plateau de Millevaches croissent dans un air moins pollué que celui des zones urbaines. Nous avons donc toutes les raisons de penser que la pollution due à la concentration dans les arbres d’éléments dangereux doit être très faible et peut-être même insignifiante. Cette supposition est confirmée par les résultats rassurants des analyses.

     

    Faire des comparaisons pertinentes

    L’article du Monde fait constamment le parallèle entre la chaufferie-bois et les incinérateurs d’ordures ménagères. A qui fera-t-on croire que les dangers sont les mêmes ? Entre la combustion du bois brut non traité et celle d’ordures ménagères comprenant des plastiques, des métaux et de nombreux produits chimiques dangereux, la différence saute aux yeux.

    Ce n’est pas avec les incinérateurs d’ordures ménagères que devraient être comparées les chaudières bois, qu’il s’agisse de Felletin, ou de celles, de dimensions diverses, qui existent à Bourganeuf, Egletons, Pontarion, Faux la Montagne ou ailleurs, c’est plutôt avec la pollution des installations individuelles au fioul ou au gaz qu’elles évitent que l’on pourrait établir des comparaisons. On constaterait alors que ce sont des milliers de tonnes de combustibles fossiles qui sont économisées grâce à ces chaufferies bois et que c’est bénéfique autant par la  non émission de gaz à effet de serre que par la diminution considérable des autres polluants. 

     

    Ne pas croire les experts sur parole 

    Nous pensons donc qu’il ne faut pas inquiéter les populations avec des dangers hypothétiques et de faible gravité alors que d’autres sont passés sous silence (bien qu’établis avec certitude) : déchets nucléaires, transports routiers ou aériens, chauffage au fioul ou au gaz …

    Bien que leur avis soit toujours utile et généralement nécessaire pour étayer notre jugement, il ne faut pas prendre la parole des experts pour une vérité indiscutable, les désaccords qui existent dans le milieu scientifique nous montrent que personne, même parmi les plus “savants“, n’échappe à des préjugés idéologiques (ou même à des intérêts) qui influencent leurs prises de position. Les controverses concernant les questions d’énergie sont très vives, les lobbies divers (nucléaires, pétrole) sont puissants et ils ont tout intérêt à discréditer les énergies renouvelables.

    Au-delà de ces débats, il faudrait que chacun comprenne que nous, Felletinois, devons être fiers d’une installation de co-génération qui a maintenant dépassée ses défauts de jeunesse et qui  produit proprement, à partir d’une ressource renouvelable et locale, de la chaleur utilisée par le réseau qui alimente les bâtiments collectifs et de l’électricité en quantité trois fois supérieure à la consommation de la ville.

     

    Au niveau national cette reconnaissance existe. Ainsi, le CLER (Comité de liaison des énergies renouvelables) a, pour la troisième année consécutive, décerné à la commune de Felletin la médaille d’or du championnat des énergies renouvelables des communes (catégorie bois-énergie, commune de moins de 2000 habitants). Il faut maintenant que, localement et régionalement, cette réalisation soit citée en exemple.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Conseillère générale à 14 ans

    clemence davigoChaque citoyen creusois a pu découvrir dans le Magazine de la Creuse des mois de novembre et de décembre 2003 qu'un Conseil général de jeunes venait tout juste d'être créé. Emportés par l'envie d'en savoir davantage et soucieux de connaître le représentant de notre secteur, nous voici partis à Faux la Montagne rencontrer Clémence Davigo, 14 ans, élue du collège de Felletin et responsable du secteur Sud.

     

    IPNS : Un Conseil général de jeunes, comment ça marche ?

    Clémence Davigo : Ce conseil est constitué d'élèves issus de quatrième et de troisième. Deux élèves sont élus par collège : un titulaire de troisième et un suppléant, élève de quatrième. Lors de son passage en troisième ce dernier devient automatiquement titulaire.

     

    IPNS : Comment se sont passées les élections ? Tu as fait campagne ?

    C.D : Dans chaque collège nous avons posé nos candidatures et nous nous sommes présentés avec nos projets. Un vote s'est tenu dans chaque collège avec un scrutin à la majorité relative.

     

    clemenceIPNS : A combien vous retrouvez vous à chaque rencontre ?

    C.D : Nous sommes deux par collège, répartis en quatre secteur (ouest - nord est - sud et centre) comprenant 17 collèges au total. En plénière, nous nous retrouvons donc à 34 jeunes. Cependant, seul les titulaires ont droit de vote. Ensuite, est élu un délégué par secteur. C'est à lui d'organiser les rencontres de manière tournante sur les collèges de son territoire. Ces rencontres servent à préparer les propositions soumises en Conseil général.

     

    IPNS : Alors tu es devenue un personnage politique "comme pour de vrai" ?

    C.D : Non. Par contre c'est certain que nous avons tous des projets que nous défendons en plénière et ce n'est pas toujours évident de prendre la parole devant tout le monde. En plus, c'est le président du Conseil général lui même qui anime les réunions, alors…

     

    IPNS : Alors quoi ?

    C.D : Alors c'est plutôt sérieux, nous avons chacun un temps bien précis, c'est structuré.

     

    IPNS : La place des adultes justement dans tout cela ?

    C.D : Ils sont très présents car ils assurent l'animation, posent des questions, relancent le débat. Ce qui est vraiment bien, c'est le fait que nous ayons nos projets à défendre et qu'ils soient soumis aux votes.

     

    IPNS : Quels sont les projets en cours ?

    C.D : Chaque secteur a un projet différent. Le secteur nord -est veut réaliser un film afin de faire prendre conscience des difficultés rencontrées par les handicapés dans leur vie quotidienne. Le secteur ouest propose de participer à une action humanitaire avec pour objectif de créer des liens sur du long terme. Le secteur centre souhaite initier les élèves de troisième des collèges creusois aux gestes de premier secours.

    Le secteur sud veut mettre en place le tri sélectif afin de sensibiliser les collégiens à la question de la collecte des déchets ménagers mais aussi s'inscrire dans l'action en pratiquant le tri directement au sein de chaque collège.

    D'autre projets sont en cours : des rencontres inter générationnelles, des débats sur le racisme...

     

    IPNS : Comment tout cela est géré, est-ce que vous avez un budget ?

    C.D : Pour l'instant nous n'avons pas eu à gérer cela puisque nous n'en sommes qu'au démarrage. Nous avons proposé nos projets. Ils sont soumis au vote. Lors de la prochaine plénière, nous devons réaliser les démarches, rencontrer les partenaires et évaluer le coût budgétaire.

     

    IPNS : Ca te plait ?

    C.D : Oui, c'est bien. C'est différent du Conseil municipal de jeunes de Faux où nous sommes tous du même secteur et où nous nous connaissons depuis toujours. Là, c'est moins convivial mais c'est à l'échelle départementale, on voit les choses autrement.

     

    propos recueillis par Stéphane Lamontagne
  • Coronavirus : du confinement au déconfinement

    La séquence mars-mai 2020 avec le confinement puis un déconfinement progressif a suscité partout commentaires, tribunes, prises de position, bonnes intentions pour « le monde d’après », confirmations pour certains, découvertes pour d’autres. Sur quatre pages, nous revenons sur cette situation en commençant par quelques focus divers et variés qui mêlent le meilleur et le pire. Nous poursuivons avec une réflexion sur la société qui se profile derrière les mesures de contrôle prises pour lutter contre l’épidémie (page 6) et terminons en revenant sur les initiatives qui, sur le Plateau, ont tenté depuis plusieurs années de faire en sorte que les questions de santé soient au maximum prises en charge par tout un chacun (page 7).

     

    Le monde d’aujourd’hui... Côté pile

    Révisions de calcul

    calculSachant qu’une commune fait 50 km² et est peuplée de 400 habitants dont la moitié habite le village et l’autre est répartie dans des hameaux :

    1. Calculer la densité d’habitants au km² (révision de la division).
      Sachant qu’il a été décidé que les habitants ne devaient pas s’éloigner de leur habitation de plus d’1 km :
    2. Calculer la densité d’habitants au km² pour le village (révision du calcul de la surface du cercle  et de la division puisque seule la moitié des habitants habite au village).
      Sachant qu’une piste fait le tour du lac qui jouxte le village et mesure 5 km de long et 6 m de large et que les habitants du village décident au même moment d’en faire le tour :
    3. Quelle distance maximum peut séparer deux promeneurs se suivant et deux promeneurs se croisant ?
      Les questions suivantes sont peut-être plus difficiles pour un-e élève du primaire mais on peut toujours les poser pour l’éveil à l’éducation sanitaire et à l’éducation civique.
      Sachant que la propagation d’une épidémie est directement liée à la densité de population et sachant les réponses aux questions 1 et 2 :
    4. La décision prise de limiter la promenade à 1 km du domicile est-elle pertinente pour cette commune ? N’est-elle pas même contre-productive ?
      Sachant que pour lutter contre une épidémie une distance de 2 m est nécessaire entre deux personnes et sachant la réponse à la question 3 :
    5. La décision prise d’interdire le lac à la promenade est-elle pertinente pour cette commune ?
      Sachant les réponses à l’ensemble des questions, l’application stricte confirmée par la préfecture, amendes à l’appui, à cette commune des règles conçues pour une commune 2 500 fois plus dense a-t-elle un sens ?
      Sachant que le principe est que la loi s’applique à tous, ne peut-on prévoir dans la loi un principe d’adaptation à la diversité des situations, comme c’est déjà le cas dans d’autres domaines ?
    Christian Vaillant

    N. B. : Paradoxalement, je n’ai jamais rencontré autant de promeneurs sur les trois ou quatre itinéraires de 1 km partant du village, alors qu’avant ils se répartissaient sur les dizaines de kilomètres de chemins de la commune et qu’il était rare de rencontrer quelqu’un, même au bord du lac, sauf en été. Je cours et fais courir plus de risques qu’avant. Heureusement, en fait on ne risquait rien. Sauf une amende ! 

     

    Bozo le clown

    bozo le clownNous avons en Limousin un humoriste de première bourre. C’est l’évêque de Limoges qui s’appelle en plus Bozo (véridique). Sa dernière clownerie, sortir le crâne de Saint-Martial pour lutter contre le coronavirus mais pas que : « Nous avons demandé à Dieu de nous délivrer non seulement de ce mal, le Covid-19, mais aussi du virus du péché, qui abîme l’humanité. » Vaste programme comme disait un autre grand humoriste... Toujours à Limoges, l’Église catholique a également innové en inventant la « confession-drive » : un prête masqué reçoit sous une tente les confessions des automobilistes qui restent dans leur voiture, « Mon Père, j’ai pêché, je suis sorti sans attestation »...

     

    Ligne aérienne Bordeaux-Paris : où sont passés les engagements pour l’écologie ?

    Le gouvernement fait un pas, timide mais à saluer, vers la limitation du trafic aérien intérieur, en conditionnant une partie de ses aides économiques aux groupes de l’aéronautique. Dans le même temps, Alain Rousset, au nom de la Nouvelle-Aquitaine, se joint au président de Bordeaux Métropole, aux maires de Mérignac et Bordeaux et à la CCI de Bordeaux pour demander le maintien de la navette Bordeaux-Paris, concernée par les arrêts de lignes demandés par l’État. Une demande également en contradiction avec les engagements de la Région Nouvelle-Aquitaine en matière d’écologie, formalisés par la feuille de route NéoTerra qui affirme : « Les enjeux environnementaux liés au secteur des transports en Nouvelle-Aquitaine sont particulièrement prégnants et amènent trois obligations : réduction des émissions de gaz à effet de serre, économies d’énergies fossiles et amélioration de la qualité de l’air. » 

    Les groupes écologistes de la Région Nouvelle-Aquitaine et de Bordeaux métropole ont immédiatement dénoncé cette initiative qui va totalement à rebours des enjeux climatiques : « Plutôt que renflouer automatiquement l’industrie aéronautique, en prenant le risque de son crash à plus ou moins long terme, anticipons, soyons visionnaires, accompagnons leur réorientation vers d’autres secteurs. »

     

    Les vaches seront bien gardées...

    La lecture du Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) est parfois très instructive. Ainsi, au moment même où une surveillance tatillonne de la population s’est mise en place pour contrôler le confinement durant la crise du coronavirus, voici que le 12 avril 2020, l’État publie un avis de marché n°20-51423 pour « l’acquisition de drones, de passerelles de réception des trames wifi des drones collaboratifs et de prestations associées pour les besoins de la sécurité intérieure ». Le commanditaire est le Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) du ministère de l’Intérieur. Divisé par lots, il concerne l’achat de « micro-drones du quotidien » pour 1,8 million d’euros (lot 1), de « drones de capacité nationale » pour 1,58 million (lot 2), de « nano-drones spécialisés » pour 175 000 euros (lot 3), et des matériels afférents. Le mois précédent, un autre avis (n°20-31056) faisait part d’une offre d’achat « d’aérosols lacrymogènes au profit de la police nationale et de la gendarmerie nationale » pour un montant de 3,6 millions...

     

    La loi m’autorise à polluer...

    Une lectrice de Saint-Sulpice-le-Dunois (Creuse) nous écrit :  « Depuis le début du confinement, l’épandage de pesticides redouble. Je propose de mettre en bordure de champs empoisonnés un panneau : « La loi m’autorise à empoisonner la planète, alors je le fais !»

     

    drive confessionUn «drive confession» à Limoges

    «Drive Confession. Venez comme vous êtes» : les fidèles catholiques de Limoges (Haute-Vienne) peuvent continuer de se confesser... depuis leur voiture ! Un «drive» a été installé à l’église Sainte-Jeanne-d’Arc depuis le 25 avril dernier. «Accueillir des personnes et leur donner le pardon de Dieu est l’un des sept sacrements. Nous les prêtres, nous avons donc réfléchi sur la manière de pouvoir administrer la confession individuelle dans les règles tout en  s’adaptant à la crise actuelle», explique l’abbé David de Lestapis, 40 ans, à l’initiative de ce drive. Comment le «drive confession» s’organise-t-il ? Les fidèles se garent sur le parking où l’homme d’Église, masqué, est assis sous une tente. Le drive fermera ses portes le 11 mai, date du déconfinement.

    Est Républicain 2 mai 2020

     

    Le monde d’après... Côté face

    Hic et nunc !

    Marre du monde d’après
    Notre monde c’est ici et maintenant,
    C’est pas le monde d’après, 
    Cette cage dans laquelle on veut nous enfermer.
    On n’a pas arrêté de le vivre et de le réfléchir, le monde
    Et d’y agir 
    Et on continuera d’y être solidaire, amoureuse-x et casse-couille.

    Alain Détolle

     

    coronavirus clamouzat

    Ce qui a été arrêté un jour, peut l’être toujours

    Veille du « déconfinement », le 10 mai 2020, près de 200 personnes ont marché sur le Plateau pour se retrouver sur les rochers de Clamouzat (commune de Faux-la-Montagne), pour dire qu’elles n’ont pas besoin de l’État pour savoir ce qu’elles doivent faire ou ne pas faire face à l’épidémie de coronavirus. Surtout lorsqu’on leur enjoint de reprendre le travail et de remettre leurs enfants à l’école au moment même où on leur interdit de se rassembler à plus de 10 personnes ! 

    Nous publions ici le texte qui appelait à cette marche « pour un libre confinement ».

     

    Bientôt deux mois de confinement, et de suspension partielle mais réelle du bruit de fond de l’économie globalisée, et nous avons un peu partout bricolé des manières de faire face à la situation. Nous avons inventé sans attendre, en s’écoutant, en apprivoisant nos peurs et nos angoisses, en écoutant les soignants, ceux et celles qui ont assuré les fondamentaux quotidiens, en analysant la situation au fil de nouvelles et d’informations « officielles » confuses et contradictoires. Les flux se sont ralentis, presque réduits au strict nécessaire. La chape de pollution s’est brusquement dissipée au-dessus des métropoles, et l’air y est, comme par miracle, devenu respirable. L’horizon s’est réduit à l’échelle du quartier, du village, de la rue ou de l’immeuble, mais s’est par endroits ouvert de nouvelles perceptions. Et nous entamons à peine un travail d’inventaire, enfin rendu possible, de tout ce que a soudain été suspendu, contre toute attente.

    Mais voilà que les porte-paroles des puissants de ce monde, les communicants des maîtres de l’économie, un temps dépassés par la situation, s’apprêtent à essayer de reprendre la main sur notre temps, et nos vies. En sifflant le redémarrage du travail et de l’économie. À leur seul avantage, par un simple effet de calendrier. Qui tient le calendrier, pense être maître du cours des choses. Ce serait donc le 11 mai, sur ordonnance, comme une ligne de départ tracée sur des sables mouvants.

    Quant à nous toutes et tous, qui n’avons pas la main sur le calendrier, nous préférons à toute projection incertaine sur le « jour d’après » reprendre notre bâton et poursuivre notre lent cheminement vers la sortie du tunnel. Nous n’attendrons pas le coup de sifflet et proposons à toutes celles et ceux que la « reprise » angoisse au moins autant que le virus de se retrouver dès maintenant un peu partout pour prêter un serment commun. Nous ne nous laisserons plus prendre dans les rêves ou dans les cauchemars des puissants. Nous allons nous lever à 10, 20, 100 ou plus et marcher, dans le strict respect des mesures et des distances qui nous semblent justes. Marcher ici, pour converger en un point, où nous affirmerons ou ré-affirmerons ce que nous voulons pour nous-mêmes et les nôtres, et ce que nous voulons rendre possible pour tout un chacun.

    Pour beaucoup, nous n’avons pas attendu le confinement pour nous faire notre idée sur le cours du monde et sur les urgences légitimes. Nous pensons qu’il est temps de les ré-affirmer avec force et de se préparer à n’en plus rien céder. Il n’y aura pas « d’après », car la crise dont le virus n’est qu’un symptôme n’en est qu’à son commencement. Poursuivre ce qui nous paraît juste et arrêter, stopper, tout ce qui rend la vie impossible.

     

    Paroles d’habitant-es

    gendarmerie faux la montagneMarion, Nicole, Jacqueline, Colette et quelques autres habitant-es de Faux-la-Montagne, La Villedieu ou Saint-Merd-les-Oussines, témoignent sur la manière dont ils et elles ont vécu le confinement. Cette initiative de quelques personnes de Faux-la-Montagne part du constat suivant : « La période actuelle nécessite de prendre plus que jamais soin des uns des autres. 

    Pouvoir s’exprimer sur ce que l’on vit actuellement fait partie des actions qui permettent de renforcer des liens.» Pour cela une série d’interviews pour savoir comment voisins et voisines allaient et vivaient cette période de confinement a été réalisée : « Armés de nos masques et d’un micro, avec une longue poignée qui permet d’aller au-delà du mètre qui nous sépare, nous avons posé quelques questions. »

    À écouter ici : https://fauxlamontagne.fr/expression-libre-solidarite 

     

    La deuxième vague est celle de la colère

    Dans un appel à manifester le 16 juin 2020 à 12h devant l’hôpital d’Ussel, des gilets jaunes, des usagers et habitants s’indignent : « Il ne reste presque plus aucune frange de la population qui, depuis quelques années, n’en ait pris à son tour plein la gueule » et de citer en particulier « les travailleurs et travailleuses du soin méprisées et sacrifiés sur l’autel de la rentabilité, envoyés au front sans arme avant d’être encensées et médaillés à coup d’opérations de communication mensongères » ou « les retraités et les aînés emprisonnés dans les EHPAD et sacrifiés par l’absence d’un système de santé réellement public et accessible à tous.» Sous le slogan « Non au macronavirus », le diagnostic est foudroyant : « La démocratie partout capturée par les technocrates et blessée par les violences policières, la justice sociale transformée en inégalité organisée, la fin du monde et l’ombre d’un nouveau virus brandies comme de nouvelles menaces permanentes. Et ceux qui prétendent nous en sauver sont ceux-là mêmes qui ont provoqué leur émergence… Désormais nous devons le dire ensemble, de toutes nos forces, au-delà des fausses divisions et des petits intérêts corporatistes : ça suffit ! Mettons fin à ce monde toxique ! »

     

    covid 19 eymoutiers

  • Creusois.es, pas Creusois.es ?

    Le député creusois déclarait le 18 octobre 2024 sur France 3 à propos de notre territoire : « Il y a dans le sud du département des comportements tout à fait inacceptables et je ne veux pas que des gens qui ne sont pas creusois nous imposent leur culture ». Alain Détolle, premier adjoint au maire de Faux la Montagne, a aussitôt réagi à ces propos.

    Bien. On ne peut le contredire. Les résultats de vote d’une partie du Sud creusois montrent en effet une propension à voter majoritairement à gauche. Je comprends tout à fait que cela puisse le contrarier mais, encore pour quelques temps (?), nous avons la liberté de voter pour qui nous voulons. Je m’interroge en revanche sur les autres éléments articulant son discours.

     

    lenoir centenaire

    Au centenaire d'une habitante du Chauchet, le 27 octobre 2024 (compte Instagram de Bartolomé Lenoir)

    « Des gens qui ne sont pas creusois »

    Grâce à l’action concertée de plusieurs élu.es de ce « Sud creusois », beaucoup de personnes sont venues s’y installer au fil des décennies depuis le courant des années soixante. Ils y ont amené leurs compétences, leur savoir-faire mais aussi leurs enthousiasmes et y ont créé de nombreuses activités développant l’emploi et contribuant à la vitalité du territoire. Ils y ont fait souche et comptent, maintenant, deux voire trois générations de présence. Creusois.es ? Pas creusois.es?
    Leur présence a amené dans un cercle vertueux de nouvelles et nouveaux arrivants attirés par la dynamique créée et les nombreuses activités proposées. Nous constatons donc une arrivée importante de couples plus jeunes, actifs avec enfants. Ce qui nécessite par exemple d’ouvrir de nouvelles classes dans certaines communes et qui se traduit, dans d’autres, par un renversement de la tendance avec un solde migratoire désormais positif. Ils ont des projets de vie et d’activités très diversifiés et nous amènent des idées nouvelles mais aussi des énergies et des revenus. Creusois.es ? Pas creusois.es?
    Cette dynamique a contribué à attirer d’autres personnes recherchant des territoires solidaires qui sont venues s’installer dans ce sud à leur retraite, apportant patrimoine et revenus. Creusois.es ? Pas creusois.es?

     

    lenoir coordination rurale

    19 novembre 2024 : avec la coordination rurale

     

    « Des comportements tout à fait inacceptables »

    Et oui, les nouveaux arrivants viennent aussi parce que c’est un territoire dynamique, où se créent de nombreuses activités et où de nombreuses associations sont porteuses de diverses initiatives de solidarité, de culture, de réflexions et de rencontres, creuset de nouveaux rapports au monde et de nouvelles façons de vivre. Est-ce cela les comportements inacceptables ?
    Et oui, il y a localement une envie d’accueillir des réfugiés que les bouleversements du monde ont mis sur la route de l’exil. Cet accueil se fait dans des conditions de dignité et de solidarité qui portent fruit en matière d’intégration puisque ces réfugiés poursuivent des études, deviennent infirmiers, couvreurs, cuisiniers… – métiers dont notre territoire a le plus grand besoin. Comportements inacceptables, là encore ?

    Et oui, certains de ces nouveaux habitants mais aussi beaucoup des « natifs » souhaitent défendre un modèle de développement qui fait la part belle à l’humain, prend soin du territoire et réfléchit à des formes de développement qui ne mettent pas en danger notre patrimoine naturel commun. Ils et elles le font en manifestant, mais aussi en créant des alternatives aux solutions existantes. Comportements inacceptables, toujours ?
    Et oui, quelques groupes de jeunes et moins jeunes vivent des formes d’habitat communautaire, renouant avec des traditions de soutien mutuel que notre société à tendance à dissoudre. Inacceptable, donc ?

     

    lenoir auclair

    Avec son mentor, Jean Auclair à la cravate trumpiste

     

    « Nous imposent leur culture »

    Monsieur le député qui est ce « nous » que vous évoquez et à quelle culture faites vous allusion ?
    Faites vous allusion à celle des maçons de la Creuse qui rapportaient de leurs séjours réguliers dans les villes des idées et des modes d’organisation qui venaient irriguer nos campagnes ? Faites vous référence à ce communisme rural dont nombre de nos communes ont été le fer de lance ? Faites vous référence à l’admirable comportement des résistantes et résistants de notre territoire face à un État français inféodé au régime nazi ? Ou bien peut-être à celles et ceux qui décidèrent, ici ou là, que les monuments aux morts des guerres passées devraient refléter une volonté pacifiste ?
    Dans notre République, la liberté de penser, la liberté de circulation et d’installation sont constitutionnelles. Que les nouveaux arrivants sur un territoire soient respectueux de celles et ceux qui l’ont construit rien de plus normal et c’est la base incontournable. Pour autant, ce qui fait la richesse d’un territoire et de sa culture, c’est bien leur capacité d’intégrer les nouvelles personnes qui viennent y vivre dans toutes leurs dimensions, y compris culturelles. Et c’est dans le débat et la confrontation des idées et des modèles que se construit un projet de territoire. Les bouleversements du monde, ceux là même qui ont conduit beaucoup de réfugié.es sur notre sol, méritent que l’on s’attaque à leurs causes de manière responsable et réfléchie.
    Et combien de générations faut-il accumuler pour faire partie de ce « nous » mythique que vous évoquez ? Des personnes qui ont créé ou développé différentes activités économiques sur le territoire et qui ont depuis des décennies participé à sa gestion et à son développement seraient illégitimes ? Au nom de quoi ? De quelles valeurs immanentes ?

    Oui, les clivages existent. Nous ne sommes pas dans un monde où une pensée unique, quelle qu’elle soit, aurait le monopole de la raison. Nous avons à organiser le débat, accepter que l’autre pense et agisse différemment, respecter les minorités et trouver les compromis nécessaires au vivre ensemble. Voilà quelques unes des « vertus » que les élu.es, tous les élu.es, tout comme l’ensemble des citoyennes et des citoyens, doivent s’efforcer de mettre en œuvre si nous voulons éviter que notre société ne se disloque et ne sombre dans les visions totalitaires.

     

    Alain Détolle

     

    blaireau le chammetLe Chammet, cible récurrente des réactionnaires

    Quelques jours après son intervention sur France 3 dans laquelle Bartolomé Lenoir annonçait « une initiative forte contre l'extrême gauche en Creuse », il lançait une pétition pour demander l’expulsion de l’ancien centre de vacances d’EDF du Chammet et utilisait sa fonction de député pour attaquer, en question orale à l’Assemblée, les habitants du lieu.
    Cette lubie concernant le Chammet, c’est aussi celle de Jouany Chatoux, de Pigerolles, qui a appelé à la violence contre le Chammet dès novembre 2022 : « attaquez-vous à leurs symboles : la ZAD du Chammet, etc. La peur doit changer de camp ! » Cet inquiétant post Facebook était aussitôt liké par son ami ex-député macroniste Jean-Baptiste Moreau. Et peu après, une nuit de février 2023, les vitres d’un logement étaient effectivement explosées au Chammet, dans ce plateau de Millevaches où les fachos se lâchent de plus en plus. En février 2023 également, Alix Vermande, un militant du Figaro, publiait des photos du site dans un pamphlet à charge contre « l’ultragauche » qui « perturbait la tranquillité du Limousin ». Un stéréotype médiatique que le RN et ses alliés, de Lenoir à Retailleau, reprennent naturellement.

    J.-N. M.

  • Depuis 10 ans plus de 40 projets soutenus par La Solidaire

    Il y a dix ans déjà que le fonds de dotation La Solidaire existe. Créé par un groupe d'habitants de communes du Sud creusois, de l'Est de la Haute-Vienne et du Nord-ouest de la Corrèze, ce fonds de dotation est dédié au développement humain, social et économique du territoire. L'occasion de faire un bilan de son action et d'illustrer son intérêt avec l'exemple de trois projets qu'il a soutenus.

     

    À quoi sert ce fonds de dotation ?

    Comme tout fonds de dotation, La Solidaire sert à collecter puis redistribuer de l'argent au profit de projets, de personnes morales ou physiques. Il est habilité à recevoir, entre autres, des dons défiscalisés, c’est-à-dire que si les donateurs sont assujettis à l’impôt sur le revenu, ils peuvent déduire 66 % du montant de leurs dons de celui de leur impôt. Si cette redistribution est très encadrée par la loi, la Solidaire a pu néanmoins soutenir en dix ans, plus de quarante projets locaux dans le périmètre du Parc naturel régional de Millevaches.
    Cette redistribution par la Solidaire est possible grâce aux dons de quelques entreprises et de nombreux habitants, soucieuses et soucieux de contribuer au développement humain de notre territoire et de soutenir les initiatives qui leur paraissent les plus à même de le favoriser.
    Sa gestion est assurée par une équipe entièrement bénévole, regroupée sous forme associative.

     

    Quelles actions soutenues ?

    La Solidaire agit localement. À titre d'exemple, parmi les projets soutenus :

    • Des projets économiques individuels montés par des habitants du territoire comme la création d'un atelier de fabrication de galettes de sarrasin à La Nouaille, la mise en place d'une activité de maraîchage urbain à Aubusson ou la création d'un atelier de fumage de poissons à Eymoutiers.
    • Des projets immobiliers comme la réhabilitation de logements pour accueillir des personnes âgées en centre bourg de Faux-la-Montagne, le tiers-lieu La Renouée à Gentioux ou l’aide à l’achat du local du Café des Zenfants à Eymoutiers,
    • Des projets d'animation associatifs, comme le Café de l'espace à Flayat ou l’association Pang (Point d’accueil nouvellement autogéré) à la gare de Felletin, ou orientés plus spécifiquement vers les enfants, les adolescents et leurs parents, comme à Faux-la-Montagne (Cadet Roussel) ou à Eymoutiers (Le Café des Zenfants)
    • Des projets collectifs comme le garage associatif de Lacelle.

     

    Contacts :
    Pour contribuer : https://www.helloasso.com/associations/fonds-de-dotation-la-solidaire/formulaires/1
    Pour nous contacter : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
    ou tel : 06 71 57 40 65.

     

    La Solidaire1Des logements adaptés aux personnes âgées à Faux-la-Montagne

    Baptisés L’Archaban (en occitan : fauteuil en bois dans le cantou faisant office de coffre à sel), ces logements auront mis huit ans à voir le jour, après que la société coopérative d'intérêt collectif l’Arban ait acheté deux maisons délabrées du centre bourg. Il aura fallu des études, des enquêtes de terrain, un séminaire de réflexion avec des universitaires, des médecins, des travailleurs sociaux, des citoyens jeunes et âgés motivés par la question du vieillissement et des solutions d’hébergements adaptés. Sur cette base, un programme a pu être défini (concevoir le projet de travaux, rechercher des financements, désamianter, démolir, réhabiliter…). Les premiers locataires ont pu être accueillis à la fin de l’année 2022, dans deux logements agréables, sécurisés, adaptés, faits de matériaux sains et renouvelables, avec une isolation renforcée. Ils sont situés à proximité des services : pharmacie, épicerie, maison médicale, mairie, bibliothèque, maison des jeux, église, salle des fêtes et des associations.
    Le coût des travaux était de 323 486 € financés par emprunt (60.000 €), subventions (170 150 €), fondations (55 000 €) et fonds propres (38 336 €). Cette opération a vu le jour grâce à un partenariat très varié : la région Nouvelle Aquitaine, le département de la Creuse, la commune de Faux-la-Montagne, la fondation de France, France Active, le fonds de dotation La Solidaire, la Macif, la MSA, l’AG2R, le groupe Agrica, la Carsat, le Crédit Mutuel, les Petits frères des pauvres. Un appel à financement participatif lancé par La Solidaire et soutenu par la fondation Somfy mieux habiter ensemble et son fonds de dotation « Les petites pierres » a permis de récolter 10 000 € auprès des habitant-es de la commune, somme qui a ensuite été doublée par la fondation.

     

    La Solidaire2Le Café de l’espace de Flayat

    L’Espace associatif Alain Fauriaux (EAAF) est né en 2009 suite à la volonté de bénévoles issus de trois associations flayatoises : l'association culturelle Pays’Sage, l’Amicale des anciens footballeurs de Flayat et l’Entente Sud Est Creuse (association sportive). Agréé « espace de vie sociale » par la CAF, elle emploie trois salariés et fonctionne grâce au bénévolat de nombreux habitants de la commune. Véritable lieu hybride en milieu rural, l’EAAF propose de nombreuses activités socio-culturelles (concert, spectacles tout public, ateliers, rencontres, débats, conférences, scènes découvertes, soirées thématiques), un espace de travail partagé, un point connecté avec accès internet et reprographie, un Point Relais Poste, un Relais Information Jeunesse, une bibliothèque en libre service, une zone de gratuité ou encore une CD’thèque. Le café est identifié comme un lieu de ressources pour les activités, les acteurs et les événements qui se déroulent sur son territoire. Son « café famille » structure ses actions en direction de la famille, l’enfance et la jeunesse.

     

    La Solidaire4Maraîchage urbain à Aubusson

    Adrien nous a contacté, ainsi que l'Adear Limousin (Association pour le développement de l'emploi agricole et rural) et le Gab 23 (Groupement d'agriculture biologique de la Creuse), pour que nous l’aidions à donner vie à son projet. Localisé en proche périphérie d'Aubusson, sur des parcelles qui ont été longtemps cultivées en potagers vivriers et épargnées par l’urbanisation de la deuxième moitié du XXe siècle, le jardin principal doit permettre de produire des légumes (ainsi qu’un peu de fruits, d'aromates et des œufs) pour les particuliers, à travers la commande en ligne avec un point de livraison en centre ville ouvert une à deux fois par semaine entre 17h et 20h, pour s’adapter aux horaires des actifs. À deux pas de la Cité de la tapisserie, un petit jardin-verger laboratoire de 1 500m² devait avoir une vocation plus expérimentale : tester de nouveaux itinéraires techniques, modes de culture, outils, variétés, aménagements, etc. Un projet qui s'appuie sur les valeurs de l’agriculture paysanne.
  • Deux nouveaux “châteaux communs“ sur le Plateau


    C'est un phénomène qui n'est plus tout à fait anecdotique. Des groupes ou des collectifs d'ami.e.s qui viennent, ensemble, s'installer sur le Plateau. Pas par hasard. L'année dernière deux nouvelles bandes sont arrivées ainsi. L'une s'est installée à Lacelle, en Corrèze. L'autre dans l'ancienne colonie de vacances d'EDF, au bord du lac Chamet, à Faux-la-Montagne, en Creuse. IPNS leur a laissé carte blanche pour se présenter.

     

    amicale mille feuxA Lacelle, une Amicale à mille feux

    L'Amicale Mille Feux, c'est une bande d'artistes, récemment diplômé·es, venu·es s'installer à Lacelle, sur la Montagne limousine, il y a un a un an et demi. Elle nous raconte pourquoi elle a atterri ici et ce qu'elle compte y faire.

    À Paris, où l'on s'est rencontré·es, on s'est investis politiquement lors du mouvement contre la loi travail en 2016 en construisant des châteaux communs sur la place de la République, en lançant une occupation dans l'école des Beaux-arts, et en tissant des amitiés avec qui partageait la même envie de se réapproprier un espace politique. L'isolement urbain, avec ses minuscules chambres sous les combles, avec son décorum de sirènes hurlantes, nous a décidé à ouvrir un espace de vie collectif, de travail et de fête à Pantin (Seine-Saint-Denis). Pendant cette année, on a accueilli des ami·es, on s'est doté de grands espaces pour travailler, pour être ensemble et pouvoir s'organiser.

     

    Nous ne sommes pas venus pour nous isoler mais, bien au contraire, pour rencontrer le village, la Montagne limousine.

     

    La manière que nous avons eu d'arriver dans cet endroit inoccupé depuis des années a révélé qu'il est difficile de s'installer là où on ne nous attend pas. Nous nous sommes alors efforcé·es de nous réunir avec le voisinage et d'ouvrir les espaces au plus grand nombre. C'est à travers des fêtes de quartier et des bourses aux plantes que nous avons réussi à nouer des liens avec le quartier qui nous accueillait. 

     

    De Paris à Lacelle

    Quand l'expulsion a été déclarée, trois d'entre nous voulions quitter Paris pour la campagne, et c'est ainsi que nous avons rencontré Lacelle. Le Plateau ne nous connaissait pas, mais nous, nous connaissions, un peu, le Plateau. Nous étions attentifs, par exemple, à ce qui se passait à Tarnac, au travail de Peuple et Culture Corrèze, à la fête de la Montagne limousine, à l'école de la Terre, bref, à l'effervescence politique et philosophique de ce pays. Ce n'est sûrement pas un hasard si deux groupes d'ami·es de Paris se sont installés dans la région au même moment, et sans que nous nous soyons concertés : les uns font du théâtre à Eymoutiers, les autres ont lancé l'occupation du centre de vacances abandonné du Chammet.

     

    Un village en transition

    Nous avons trouvé, à Lacelle, ce vieux et grand bâtiment à vendre sur la place du village qui nous convenait bien. Il était suffisamment grand pour y créer des espaces de vie, des ateliers, et surtout il s'ouvrait sur la gare et jouxtait la route principale, il n'était pas reclus. La mairie nous a fait confiance et nous a tout de suite aidé en nous apportant son soutien. Pour nous, Lacelle, ce n'est pas la ville saturée d'espaces inaccessibles et calibrés, ce n'est pas non plus le charmant petit village de province englué dans le pittoresque, loin de là. C'est un village dépeuplé dont le charme réside chez ses habitants et ses habitantes qui ont en commun cette folie joyeuse de regarder les camions passer plutôt que les arbres pousser. C'est un village en transition mais qui revit avec, entre autres, le garage associatif GASEL, l'espace créations de la gare et les fêtes du syndicat agricole MODEF. Il semble que cette terre soit belle et bien fertile.

     

    Le Plateau ne nous connaissait pas, mais nous, nous connaissions, un peu, le Plateau.

     

    Pluriels

    Notre présence ici nous permet enfin de travailler dans nos domaines respectifs, avec l'envie de créer quelque-chose collectivement, de prendre le temps de nouer des liens dans un territoire dans lequel on se sent bien, dans lequel on peut grandir. Ici l'existence redevient tangible. Si on aime être plusieurs, on aime aussi être pluriels et différentes choses nous tiennent à cœur. Grâce au soutien de l'Arban, nous pouvons nous projeter à long terme dans cet espace. Une fois l'acquisition de la maison assurée, nous aimerions créer des espaces d'accueil pour des séjours adaptés à des enfants et des adultes en situation de handicap mais aussi pour des résidences artistiques, en supposant la prodigalité de ces futures rencontres. En somme, réunir au sein de l'Amicale, ce que l'on a fait depuis plusieurs années ailleurs et de manière séparée.

     

    La reprise du bar

    Nous souhaitons également créer des espaces de travail, des logements mais aussi, faisant le malheureux constat que le bar du village ferme ses portes dans les prochains mois, nous avons envie de réhabiliter l'ancien bar de notre bâtiment pour maintenir un lieu d'échanges et de convivialité dans le village. Nous ne sommes pas venus pour nous isoler mais, bien au contraire, pour rencontrer le village, la Montagne limousine, et tous ceux que ce projet intéresse. Gageons que nous nous rencontrerons d'ici peu, autour d'un café matinal ou d'une bière dansante. Le contrat d'occupation qui nous lie aux propriétaires arrive à son terme cet été et nous avons donc fait appel à l'Arban pour rassembler la somme nécessaire, gérer l'acquisition puis les travaux d'aménagement en accompagnement. Nous serons tous et toutes présent·es le samedi 30 mars, accompagné·es par la plupart des camarades qui nous ont aidés ou portés depuis. Nous lancerons alors la campagne de don autour d'un goûter, d'un repas et d'une soirée de soutien que l'on souhaite festive. Venez en nombre !

     

    Contact :  Amicale Mille Feux, 19 170 Lacelle Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 

     


     

    chapiteauNouvelles du Chamet

    L'ancienne colonie du lac Chamet sur la commune de Faux-la-Montagne, qui était abandonnée depuis dix ans, est à nouveau habitée. Le collectif qui s'y est installé veut en faire un lieu d'étude. Mais de quoi pourrait-il s'agir ? Leur réponse sous forme d'un petit “Discours de la méthode“...

    Pour celles et ceux qui se demandent ce qui se passe dans l’ancien centre de vacances du lac du Chamet, il ne suffira pas de dire qu’on y est depuis juillet 2018, qu’on a retapé trois bâtiments, que dans l’ancien “accueil“ renommé “la soucoupe“ on garde un piano comme un trésor volé aux dieux, et que dans ce qui fut la maison du directeur une bibliothèque est en train de naître. Il ne suffira pas non plus de dire quels sont les projets qui se dessinent, et comment seront les mois à venir. Tout se passe vite, et en même temps on apprend la lenteur juste, le rythme propice. Car c’est la fin d’un monde qui jalonne les commencements de ce lieu d’étude. Voici quelques pistes.

     

    Fins et commencements

    De même qu’il est impossible de continuer à penser sereinement la planète comme un stock de matières premières qui sert notre développement et notre Progrès, il est impossible de continuer à considérer que c’est d’engranger un stock de connaissances qui fait devenir plus intelligent·e. L’idée de l’exploitation infinie de la nature et celle de l’empilement infini des expertises dans une tour d’ivoire savante appartiennent aux mêmes mythologies et pulsions d’accumulation. 

     

    La modernité-rasoir

    Descartes, du fond de son lit où il avait l’habitude de faire la grasse matinée jusqu’à 14h, s’appliquait à écarter de son esprit toutes les impuretés qui l’entouraient, choses trivialement matérielles ou êtres bassement émotifs : les bruits qui arrivent par la fenêtre, les sensations, mais aussi la femme qui lui a préparé son petit-déjeuner, les gens qui ont construit sa maison et son lit... À force d’écarter toutes ces choses vivantes confuses, à force de se rendre méticuleusement indifférent à ce qui l’entoure, à force d’opiniâtreté pour anéantir l’empathie et la curiosité, Descartes a fini par trouver ce dont il était sûr : il existe... Ce départ de la pensée moderne ne pouvait être que de mauvais augure. 

    La méthodologie de la tabula rasa, transmise explicitement ou implicitement pendant de longs siècles, a participé à rendre acceptable l’idée, appliquée à plein de situations, qu’il faut d’abord commencer par raser : il faut raser ce à quoi l’on croit avant de commencer à raisonner, il faut raser les forêts pour les replanter bien droites, il faut raser les poils pour que les peaux soient comme des statues, il faut raser le Chamet pour conjurer une Zad (dixit la Préfète). 

     

    Au Chamet on a pris le parti des broussailles : on préfère l’indisciplinarité aux champs académiques rectilignes.

     

    Mais voilà qu’au Chamet on a pris le parti des broussailles : on préfère les attachements et les volutes des branches aux horizons plats et vides, comme on préfère l’indisciplinarité aux champs académiques rectilignes.

     

    Dans “définir“ il y a “finir“

    Ce que la science objective démontre le mieux aujourd’hui, ce sont ses propres impasses ; on pourrait donc abandonner, en même temps que l’objectif, les méthodes qui le soutiennent. Par exemple, on pourrait changer nos rapports aux concepts et aux définitions. Le besoin de commencer toute réflexion ou action par une recherche de définition est généré par la vieille conception moderne du savoir comme accumulation, et produit généralement surtout de l’anxiété. Ainsi, souvent, l’anxiété n’est pas existentielle mais épistémologique : non pas due à la vie même, mais à ce que la pensée a fait d’elle.Il y a d’autres manières de commencer à penser. Partir des mots que l’on entend, des êtres que l’on rencontre. Partir de ce dont on a envie. Faire confiance à ses désirs, non pas en tant qu’objectifs à accomplir ou assouvir coûte que coûte, mais en tant qu’impulsions justes.

    Les principes immuables ne sont plus garants de justesse, dans le chaos qui s’annonce. Pour être à la hauteur des enjeux de notre époque, mieux vaut miser sur nos capacités de bond et de rebond. Ce qui est nuisible, on le sent : un geste juste pourrait être d’arrêter de faire ce qu’on n’aime pas faire.

     

    Accueillir l’inouï

    Les ressources pour étudier autrement pourraient être celles-là mêmes que la modernité a méprisées, dédaignées, mises au rebut : les sensations, les anecdotes, les points de vue des femmes, l’imprévu. Si la pensée moderne se caractérise par sa volonté de tenir à distance les éléments qu’elle ne maîtrise pas, alors c’est à l’accueil des bouleversements qu’on peut travailler : accueillir l’inouï, l’exode, les récits, les formes du vivant.

    Pour accueillir pleinement les transformations, mieux vaut faire le deuil de ce qui n’existe déjà plus : une planète en pleine forme, un avenir simple, les pyramides en verre du Chamet intactes... Comme pour le deuil d’un être aimé, faire le deuil d’un monde permettra de libérer des énergies engourdies. On préfère éviter, en tout cas, la science critique ou analytique de la fin du monde : ce serait en rejouer les causes.

     

    Se saisir

    Nous avons commencé à habiter le Chamet sans autorisation. Nous avons aimé le mouvement de se saisir de ce lieu abandonné ou dévalorisé pour le réhabiliter et le réinventer, ici et maintenant. Mais le destin du site du Chamet n’est pas dissociable du pays où il est. En ce moment la contestation s’étend dans le temps et dans l’espace, chaque contrée peut trouver des formes qui correspondent aux situations présentes et à venir. La construction du syndicat de la Montagne limousine ou l’assemblée des gilets jaunes du plateau de Millevaches en donnent des exemples. Étant donné la pluralité et l’imprévisibilité des événements, plusieurs fronts sont et seront à tenir.

     

    Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 
  • Ecoquartiers à Faux-la-Montagne

    Depuis la fin de l'année 2004, une réflexion collective autour d'un projet d'Ecoquartier à Faux la Montagne est menée par un groupe d'acteurs et de citoyens constitué au sein de l'association De Fil en Réseaux, réseau d'acteurs de la montagne limousine. Ce projet se propose de résoudre, le plus pertinemment possible, une problématique discriminante pour le devenir de notre territoire : celle du manque flagrant de logements.

     

    Un groupe logement

    ecoquartierCe "Groupe Logement", tel qu'il est maintenant établi et nommé, s'est ainsi composé d'élus locaux, de responsables associatifs, de "chercheurs de toits" (individus ou familles désireuses de s'installer sur le territoire), de chercheurs et d'universitaires (juristes et sociologues), de particuliers possédant le même désir de trouver et de proposer des réponses concrètes, innovantes et efficaces à ce problème et s'étant retrouvés, chacun selon son activité professionnelle ou civile, face à ce constat évident.

    Ce processus, car il s'agit bien de cela, au départ "brain storming" des ressentis et des vécus, participatif et démocratique s'il en est, a regroupé, au fil du temps, plus d'une quinzaine de personnes, se réunissant mensuellement, qui ont essayé de caractériser et de solutionner cette faille territoriale qui tire vers le bas à la fois le maintien de jeunes actifs sur le territoire et l'accueil de nouvelles populations et de porteurs de projets.

    Volontés clairement affirmées des habitants et des élus, le développement des énergies renouvelables et l'accueil de population sur le territoire apparaissent, au jour d'aujourd'hui, comme des priorités majeures dans le processus de développement du territoire du Plateau de Millevaches. Face à la déficience quantitative et qualitative du parc locatif, notamment par la vétusté des lieux et leurs coûts énergétiques élevés, et face au coût prohibitif de l'acquisition et de la rénovation du bâti traditionnel, un projet d'Ecoquartier a naturellement vu le jour, fruit de cette réflexion concertée et partagée.

     

    une manière participative et citoyenne de répondre au problème du logement sur le Plateau

     

    Ce groupe a peu à peu concrétisé et spatialisé sa réflexion dont le thème central était : Créons des logements, mais de manière éthique. Concrètement, les critères mis en avant furent : de respecter l'environnement, par l'utilisation de matériaux locaux et écologiques associés à un souci de très faible consommation énergétique, de répondre de manière la plus complète possible à la demande en logements, par la réalisation de F1 aux F5, en passant par la viabilisation de parcelles découpées en lots à destination d'auto constructeurs, et enfin de participer à la redynamisation du bourg de Faux la Montagne (lieu de réunion, depuis sa constitution, du Groupe Logement) par la mise à disposition de locaux à destination de services et d'associations.

    Un partenariat fut ainsi mis en place en avril 2006, avec la Communauté de communes du Plateau de Gentioux, dont le président, Thierry Letellier partie prenante de la dynamique engagée, par la mise à disposition d'un stagiaire devant répondre à l'appel à projet lancé par la DIACT , concernant la création d'un "Pôle d'excellence rurale". Ce dernier, était une labellisation territoriale amenant une aide importante (jusqu'à un million d'euros) pour des projets d'investissements matériels en milieu rural. Exercice de style plus que de fond (le projet ayant été refusé début 2007) cette dynamique a cependant aidé le projet et a permis de localiser des parcelles et des bâtiments susceptibles de convenir au projet, de réaliser, dans un second temps, des plans de masses sur ces parcelles et de rédiger, de manière poussée, un cahier des charges, liste détaillée des attentes du groupe en matière sociale, environnementale et économique.

    L'embauche d'un animateur de projet en CDD d'un an a même eu lieu par De Fil en Réseaux, via le dispositif régional intitulé "incubation-montage de projets d'économie sociale et solidaire". Ce dispositif se propose de financer sur un an 80% d'un poste d'animateur de projets répondant aux objectifs de l'économie sociale et solidaire.

     

    Deux écoquartiers

    Toujours en mouvement, le projet se situe actuellement sur deux zones distinctes mais toutes deux contiguës au bourg de Faux la Montagne. La première, la plus avancée, concerne la réalisation d'un éco-lotissement sur une parcelle de deux hectares orientée plein sud. L'objectif est la viabilisation du terrain et sa segmentation en 10 lots de 1000 m2 environ. La place de l'espace collectif, sous forme de vergers, jardins communs, places de rencontres, est donc primordiale et doit permettre d'atténuer la logique du "chacun chez soi" opposée, entre autre à la création d'un véritable lien social. La réalisation de deux "logements passerelles" au sein de cet espace, F1 ou F2 à destination de personnes et de porteurs de projets désirant loués, à court terme, pour découvrir le territoire ou tester leur activités, seraient réalisés. Cet axe du projet se développe donc très rapidement et la rédaction d'un règlement et d'un cahier des charges du lotissement ainsi que la réalisation d'un plan détaillé sont en train d'être validés avant d'être proposés à la Communauté de communes du Plateau de Gentioux, maître d'ouvrage potentiel de l'éco-lotissement, ainsi qu'aux futurs acquéreurs qui seront associés le plus en amont possible à l'élaboration du projet.

    La deuxième zone concernée comporte un bâtiment actuellement non utilisé et associé à plus d'un hectare de terrain. Le bâtiment serait réhabilité et accueillerait les locaux collectifs pour associations et commerces, plus 4 petits logements dont certains à destination de personnes âgées désireuses de se rapprocher du bourg et de ses services. Sur le terrain, sont prévues quatre habitations neuves (F3 et F4) destinées à la location et dont tout ou partie sera conventionné HLM .

    Toutes ces futures constructions ont pour objectif de tendre vers la norme "maisons passives", c'est à dire avec une très faible consommation énergétique , en privilégiant l'orientation et la captation de l'énergie solaire, associées à une très bonne isolation. Les techniques de constructions utiliseront au maximum le bois local (ossature, bardeaux, murs avec remplissage paille, bois cordé, fustes…).

    Une maîtrise d'ouvrage collective du projet est en train d'être mise en oeuvre et aura pour but une co-concrétisation positive du projet avec les différents partenaires (PNR de Millevaches en Limousin, ADEME, Région Limousin, Conseil Général…).

    Si cette dernière aboutie, et pour engager au long terme une politique concrète et pertinente de logements, une société coopérative d'intérêt collectif sera créée et aura pour but de reproduire des expériences similaires de création de logements et de promotion de l'écoconstruction et peut-être, de devenir le "bras armé", l'observatoire du logement de la Communauté de communes du Plateau de Gentioux pour sa politique habitat.

    Ce projet d'écoquartier est donc une solution concrète qui émerge en plein centre du Plateau de Millevaches. Il propose de manière participative et citoyenne de répondre au manque de logements, tout en réalisant de la mixité sociale, en respectant l'environnement et en traitant de manière transversale l'épanouissement socio-économique du territoire. Le processus est engagé et , au vu de l'intérêt croissant porté à l'écoconstruction au niveau local et national, possède toutes les chances d'aboutir.

     

    Jérémy Veyret

  • Enduro et RSA

    Les incidents de l’enduro d’Aubusson ont donné l’occasion à l’ancien député de la Creuse (macroniste battu par LFI) et au maire d’Aubusson (PS) de ressortir l’« argument » des paresseux du plateau venus d’ailleurs, qui ne font rien, vivent du RSA et donnent des leçons aux natifs. Est-il possible de vérifier cet « argument » ? Faut-il répondre par les taux d’allocataires du RSA dans les communes de Moreau et Moine ?

     

    Revenu de solidarite active 2007 logoPrudence sur les chiffres

    Avant tout il faut avoir à l’esprit que la CAF elle-même attire l’attention sur l’imprécision et l’incomplétude des données qu’elle met en ligne sur les allocataires du RSA au niveau des communes, particulièrement sur les moins peuplées (nombreuses en Creuse). De plus, plus les communes sont petites plus les données peuvent varier d’une année à l’autre. Nous disposons des données pour 2020. Au niveau national les allocataires du RSA représentent 2,9 % de la population et en Creuse 4,1 %.
    Sur le territoire du parc, nous avons des résultats sur un tiers des communes représentant les deux tiers de la population. Les allocataires du RSA représentent 1,9 % de la population.
    Sur la communauté de communes Creuse Grand Sud, nous avons des résultats sur la moitié des communes représentant les trois quarts de la population. Les allocataires du RSA représentent 3,2 % de la population.

     

    Population éligible au RSA : prudence encore !

    Pour être plus juste, il convient de faire plutôt la comparaison avec la seule population éligible au RSA plutôt qu’avec la population totale. Avant 25 ans on n’y a pas droit, après 65 ans le minimum vieillesse, plus élevé, prend le relais. Au niveau national, le taux d’allocataires du RSA sur la population éligible est alors de 6 % et en Creuse de 9 %.
    Reconstituer les données de l’INSEE est un long travail que nous n’avons fait que sur Creuse Grand Sud. Le pourcentage d’allocataires du RSA passe alors à 6,6 % de la population éligible. La commune qui a la plus forte proportion d’allocataires du RSA en 2020 est Saint-Marc-à-Loubaud avec 9,9 %. Suivent Aubusson avec 8,8 %, Faux-la-Montagne avec 7,5 % et Felletin avec 6,5 %. Quant à Gentioux-Pigerolles, fortement mise en cause à l’occasion de l’enduro, elle est à 4,9 %.
    Ajoutons qu’à ce micro-niveau, il faudrait maîtriser nombre d’éléments complémentaires. Par exemple, le taux très bas de Gentioux-Pigerolle s’explique en grande partie par l’existence du foyer pour handicapés qui accueille jusqu’à 56 personnes à partir de 20 ans. Prises en charge par d’autres dispositifs, ces personnes ne sont pas éligibles au RSA. Corrigé de cette donnée, le pourcentage d’allocataires sur la population éligible au RSA monterait à 6 %. Inversement, dans la commune de Saint-Marc-à-Loubaud, des logements à loyers « très sociaux », qui ont amené des personnes en grande difficulté, expliquent la moitié du taux très élevé d’allocataires du RSA. Il existe probablement ailleurs dans les petites communes des situations particulières qui peuvent expliquer des « anomalies » très nombreuses.

     

    Conclusion prudente

    L’« argumentation » selon laquelle les communes « alternatives » du plateau seraient envahies et dirigées par des gens qui ne font rien et vivent du RSA n’a donc aucun fondement statistique. Sauf à considérer que les « pauvres » d’Aubusson ou d’Aulon (ferme de Moreau) sont plus honorables que ceux du plateau. Depuis le Moyen-Âge les classes dominantes considèrent, sans aucun fondement sérieux, qu’il y a des « vrais pauvres » et des « faux pauvres », des « bons » et des « mauvais », des « méritants » et des « profiteurs », des « venus d’ailleurs » et des « autochtones », et qu’il faut sévir. Il en va de même avec les chômeurs. À noter aussi l’absurdité quand on regarde les chiffres bruts : les 11 allocataires du RSA auraient pris le pouvoir à Gentioux ou les 17 à Faux !

    Christian Vaillant

  • Etre autonome matériellement pour être libre politiquement

    four painUn groupe d'une petite dizaine de personnes s'est installé depuis deux ans sur le plateau, à la ferme de Bellevue sur la commune de Faux la Montagne. Pratiquant une activité agricole pour leur propre consommation, fabriquant du pain qu'ils échangent, ce groupe recherche un maximum d'autonomie. Non pour s'enfermer sur luimême, mais pour établir avec les autres des relations qui ne passent pas par ces éléments sur lesquels nous n'avons guère de prise : l'Etat ou le marché. L'expérimentation avance à petits pas. Cet été, le groupe de la ferme de Bellevue accueillait une partie de la conférence européenne de "l'action mondiale des peuples", un réseau de résistance radicale au capitalisme. Le thème de la rencontre tournait justement autour de cette question de l'autonomie. Avec un préalable clairement exposé : "L'autonomie matérielle est une condition de l'autonomie politique". Explications par deux membres du groupe, Camille Madelain et Loïc Bielmann.

     

    IPNS : Pourquoi cette volonté d'autonomie matérielle ?

    L'autonomie politique, entendue comme capacité à décider en connaissance de cause des règles et des institutions nécessaires à la vie à plusieurs - que ce soit au sein d'un collectif, d'une communauté, d'un ensemble de communautés, d'une région... - n'est pas grand chose sans autonomie matérielle. Quelle maîtrise de nos vies si, pour la nourriture, la santé, le logement… nous avons recours au marché ou à l'Etat ? Autrement posée, l'autonomie politique a-t-elle un sens sans autonomie matérielle ?

     

    Qu'entendez-vous par "autonomie matérielle" ?

    L'autonomie matérielle, c'est l'état dans lequel une personne, une famille, un collectif une communauté… peut satisfaire ses besoins matériels avec le minimum de contraintes imposées par l'extérieur, ou encore, leur capacité à pouvoir choisir les contraintes associées à la satisfaction de leurs besoins matériels. L'identification et le choix de ces contraintes est inséparable d'une vision du monde. Pour nous, il s'agit autant de limiter nos dépendances à l'égard de telle ou telle source de biens matériels (Etat, marché…) que de construire un monde différent avec ses relations, ses outils, ses fonctionnements collectifs, etc. L'idée sous-jacente est bien que les formes de production, de propriété, d'échanges et de consommation ne sont pas neutres, mais produisent en partie la société. Autrement dit, au matériel est lié l'immatériel, le social.

     

    Comme on fait son pain

     

    Pour vous la question de l'autonomie matérielle (produire sa nourriture, répondre à ses besoins en matériaux, transports, etc. dans un cercle réduit et maîtrisable) dépasse donc la réponse à vos seuls besoins ?

    En effet. Au-delà de la satisfaction de nos besoins matériels, il s'agit aussi de la satisfaction des besoins matériels des autres. Ou comment une personne, une famille, un collectif, une communauté… décident de participer à la satisfaction des besoins matériels d'autres personnes. La question étant alors de savoir quelles sont ces autres personnes : voisins et voisines, amis et amies, parents, clients et clientes… D'une manière générale, avec qui et comment voulons-nous nous lier matériellement ? De qui voulons-nous dépendre, par défaut (le moins pire), ou par enthousiasme (être en situation d'interdépendance avec des personnes que l'on aime, que l'on estime) ? En règle générale ce ne sont pas des questions que dans notre société on a l'occasion de se poser.

     

    faire painConcrètement sur votre lieu de vie (la ferme de Bellevue) qu'avez-vous entrepris dans cette optique ?

    Nous avons pratiqué différents modes d'échanges notamment au travers de la fournée de pain que nous faisons tous les dimanches ou des coups de mains pour des gardes d'enfants, faire les foins, poser du carrelage, etc. Il y a des personnes à qui nous avons pu tour à tour vendre, puis troquer et parfois donner le pain. Des familles desquelles nous avons accepté le paiement de la garde d'enfants, puis l'échange du même service, enfin des gardes que nous faisons sans réciprocité apparente. Il y a des entreprises auxquelles nous demandons des produits en échange de coups de mains, d'autres où nous achetons mais aimerions plutôt échanger, etc.

     

    Pourquoi êtes-vous si attachés à avoir une production matérielle localement utile ?

    Il s'agit de prendre notre part dans la production matérielle, de ne pas laisser les travaux pénibles à celles et ceux qui n'ont pas eu le choix (ouvriers agricoles d'ici et surtout d'ailleurs), ni de vivre sur l'activité d'autres personnes comme c'est le cas de nombreux salariés associatifs qui ne seraient rien sans les "artistes" qu'ils font "tourner", les "porteurs de projets" qu'ils "accompagnent", les "jeunes" qu'ils "mettent en réseau", les "gens" qu'ils médiatisent. C'est être à la source. Se sentir lié à la matière, participer à toute la chaîne de production (de la graine à la conserve, du tronc à la maison, de la mise bas au fromage) pour donner sens et accomplir des tâches variées et nourrissantes. C'est aussi participer, prendre part à l'organisation de la production au niveau local et agir sur les échanges et la consommation locale. C'est encore obtenir une reconnaissance sociale. Il y a enfin du sens à produire chez nous, pour que tout ne vienne pas d'ailleurs, pour que nous rétablissions le lien entre ce que nous mangeons, la maison dans laquelle nous vivons et celles et ceux qui ont cultivé les légumes, ont fabriqué les matériaux de construction... Cela pour que le plateau ne devienne pas une réserve de nature dont les chambres d'hôtes et autres gîtes ruraux permettent aux travailleurs de la ville de venir y reconstituer leur force de travail. Ceux-ci ne verront pas les maisons de retraite, les instituts médico-éducatifs et autres foyers occupationnels médicalisés qui cachent les "improductifs", les "invalides" rejetés de leurs familles, de leurs quartiers, de leurs hameaux. Une infime partie de ce qui est consommé ici y est produit. L'agriculture produit bien des bovins de qualité mais pour être envoyés à l'engraissement en Italie. Les exploitations s'agrandissent, les sols s'appauvrissent.

     

    Ici sur le plateau, vous sentez-vous êtes seuls dans cette recherche ?

    Non. Nous avons constaté qu'il existait déjà des choses, des expériences qui d'une manière ou d'une autre pouvaient rejoindre nos préoccupations. Coopérative d'achat, circuits courts, auto-construction, médias alternatifs, agriculture bio-dynamique, scierie coopérative, trocs en tout genre... existent autour de chez nous. Nous avons aussi pris connaissance du fonctionnement de la coopérative d'utilisation de matériel agricole, la Cuma Vivre dans la Montagne Limousine, de l'existence multiséculaire en Limousin des sectionnaux et des communaux, c'est-à-dire des terres gérées collectivement par les habitants d'un hameau ou d'un village ou bien encore nous avons assisté à la création à Eymoutiers de la Société Civile Immobilière Chemin Faisant, sorte d'outil collectif d'accès au foncier et au bâti. Cet environnement a stimulé nos réflexions.

     

    Vous parlez de communs ou de communaux à préserver ou à recréer pour désigner des biens collectifs qui appartiennent à tout le monde. Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

    Les communs, ou communaux, sont des biens organisés et protégés en commun. Ils servent à combler des besoins sociaux par des moyens non-marchands. Ils permettent un accès direct à la richesse sociale sans le truchement des relations marchandes compétitives. Les communs sont nécessairement créés et portés par des communautés, c'est-à-dire des réseaux sociaux d'aide mutuelle, de solidarité et d'échange qui ne se réduisent pas aux formes marchandes. Les formes de communs sont diverses et émergent souvent dans des luttes contre leur négation (privatisation, exploitation de l'environnement...). Par exemple, autour de chez nous, nous pouvons transformer des biens privés en communs : bout de terrain pour jardin collectif, four à pain ouvert à tous, voitures partagées. La fontaine du village où coule une eau de source est un commun à préserver. Les sectionnaux sont des terres communes à tout un hameau. Un commun n'a pas seulement une valeur parce qu'il rend des services à des individus, il a aussi une valeur parce qu'il concrétise et donne un fondement stable à une communauté au sein de laquelle les générations peuvent se succéder.

     

    Mais un tel projet est-il réalisable à très petite échelle ? Ne faut-il pas qu'il réunisse des personnes au-delà d'un groupe de "convaincus" comme le vôtre ?

    Pour organiser l'utilisation et la protection d'un commun, nous devons rassembler les personnes susceptibles de participer à une communauté et définir des modes de participation et de prise de décision. Commun ne signifie pas "ouvert à tous", mais bien ouvert aux personnes qui se reconnaissent dans un projet, des valeurs ou un territoire commun, des personnes reliées. D'où nos réflexions ici : quels outils mettre en commun pour renforcer l'autonomie matérielle (jardins, pâturages, four, moulin...) ? Et avec qui ? Tous les habitants du village ? Le réseau de celles et ceux qui partagent nos valeurs ? Il est difficile de créer une communauté seulement sur une base territoriale mais cette base demeure essentielle.

  • Faux-tographies

    Françoise Romanet de Faux-la-Montagne a eu envie un jour de revisiter son village à l'aide de cartes postales anciennes. Avec son appareil photo elle est allée recadrer les mêmes vues qu'un siècle de distance a bien évidemment transformées.

    faux la montagne 01

    Pourtant les bâtiments, les maisons, l'église, les rues sont toujours là et ce ne sont pas ici que les plus grands changements sont perceptibles. C'est davantage l'ambiance, l'atmosphère, la vie telle qu'elle s'exprimait alors (tant de gens dans la rue vers 1900 et plus personne cent ans plus tard !) qui frappent lorsqu'on confronte les images d'hier et celles d'aujourd'hui.

     

    faux la montagne 02faux la montagne 03

    faux la montagne 04faux la montagne 05

     

    Il y a aussi tous ces fils électriques qui balafrent le ciel, l'horrible bâtiment de la poste qui défigure l'ancienne place si homogène au début du XXème siècle ou la petite fontaine remplacée par les poubelles homologuées et la cabine téléphonique…

    On ne résiste pas à une poussée de nostalgie…

     

    Les Gens de Viam

    Après Viam en Millevaches raconte son passé publié en 2004 et vendu à près de 800 exemplaires, l'association "Les Gens de Viam" poursuit son travail de mémoire individuelle et collective. Tout ce qui s'est passé dans le bourg et les villages de Viam mérite d'être raconté et publié et pour ce second ouvrage, 38 auteurs ont pris la plume afin que l'histoire de leur commune, de leurs villages et de leurs familles ne sombre pas dans l'oubli. Dans ce livre, la place d'honneur reviendra aux 52 morts de la guerre de 1914-1918. Des familles ayant vécu dans les villages de Plazanet, Monceaux, La Chapelle, La Voute, La Combeaujaux et Condeau se raconteront. On revivra les fêtes de Viam et d'autres événements marquants, joyeux ou plus sombres comme la tempête de décembre 1999. Ce livre de 320 pages avec plus de 300 photos, Histoire et histoires de Viam, paraîtra en avril 2006 et sera vendu au prix de 20 euros. On peut souscrire dès maintenant pour le réserver au prix de 17 euros pour le recevoir chez soi si l'on habite le canton de Bugeat, ou au prix de 20 euros si l'on habite plus loin (frais de port inclus dans ce prix).

    Envoyer votre souscription et votre chèque à l'association "Les Gens de Viam", le bourg, 19 170 Viam.
  • Folie ! les mots

    Traversez le bourg de Faux-la-Montagne

    Face à la pharmacie, arrêtez-vous un instant et regardez bien cette maison abandonnée depuis des années à l'angle de la route de Jallagnat. Ses portes aveugles et ses fenêtres aux vitres cassées arborent depuis cet été une avalanche de mots, de phrases ou de formules qui vont de l'envolée poétique au jeu de mots, de la sentence au cri. Il y a des mots qui ne sont là que pour leur sonorité, d'autres pour leur sens, de toutes les couleurs et de toutes les formes. En cherchant bien on trouve même quelques mots écrits dans d'étranges alphabets, un dazibao du maire ou un clin d'œil à Molière...

     

    folie les motsC'est ce qui reste et restera tout au long de l'année aux yeux de tous, habitants et passants, des trois jours que Faux la Montagne a consacrés fin juillet aux mots. La manifestation, intitulée Folie ! les mots, initiée par le comédien et metteur en scène Serge Ternisien (voir IPNS n°8), relayée sans hésitation par quelques habitants, le maire et son adjointe, et finalement portée par une trentaine de bénévoles, a offert aux amoureux des mots de multiples occasions de rencontres et de découvertes. C'était du reste l'enjeu de ce modeste festival dont le succès a tôt fait de le rendre indispensable à ses créateurs et aux personnes qui l'ont découvert. Les feux de la fête n'étaient pas encore éteints que l'on parlait déjà dans les rues du village creusois de la prochaine édition. Une semaine plus tard, tout était fait pour que ce coup d'essai ne soit qu'un début: l'association Folie ! les mots était née et préparait déjà le rendez-vous de juillet 2005.

    Mais quelle est l'alchimie qui a fait si vite prendre cette étonnante mayonnaise littéraire ? La recette ne serait-t-elle pas dans le mélange harmonieux de spectacles de qualité, de rencontres riches et d'une mobilisation villageoise efficace et complice ?

    La compagnie des Arts ménagers de Boulogne sur mer présentait une création : Roman. Deux comédiens du Théâtre du Rivage interprétaient un spectacle écrit par eux : Tu me fais souvenir que j'ai tout oublié. Des lectures spectacles nous entraînaient dans l'univers grinçant d'Emile Guillaumin (!'écrivain paysan du Bourbonnais dont on fête cette année le centenaire de son grand œuvre La vie d'un simple), dans les vers que les poètes surent dédier à l'amour (avec un spectacle intitulé  Les mots font l'amour - derrière l'église, rajoutait, polisson, le programme, en signalant où se déroulait le spectacle !) ou dans les labyrinthes du temps avec une lecture du texte de Robert Pinget Théo ou le temps neuf.

    Il y eut aussi les rencontres avec des auteurs africains en résidence à la maison des auteurs du festival des Francophonies de Limoges : la sénégalaise Fama Diagne Sène, lauréate du grand prix de littérature du Sénégal, et le dramaturge tchadien Dorsouma Vangdar. La voix fut également à l'honneur : le Chœur d'hommes départemental et la Chorale de St Julien le Petit firent déborder l'église et le dernier soir Hélène Feildel animait en chansons une soirée grillades-cabaret... Il y eut également place pour la prestation d'une troupe amateur du coin.

    Les mots étaient donc partout durant ces journées. Sur le marché de producteurs locaux où chacun était invité à venir écrire ou faire écrire ses mots sur des petites tablettes de bois qui s'éparpillèrent bien vite aux quatre coins du village : on vit s'orner des vitrines, des grilles et des fenêtres, des mots aujourd'hui rassemblés sur la vieille maison du centre bourg. Ils étaient encore sous le préau de l'école où une fresque de mots se construisait chaque matin. Encore des mots à l'atelier poésie ouvert aux enfants et aux adolescents avec la Bibliothèque Centrale de Prêt de la Creuse. Toujours des mots avec des apéros-lectures où chacun était invité à venir faire partager les textes qu'il aimait. Des mots il y en avait partout : on pouvait même en fabriquer avec les lettres en vermicelle du potage du soir !

    Mais l'originalité de ce festival est aussi dans le parti pris de mettre le théâtre, la lecture et le texte là où ils ne vont jamais. Les spectacles avaient lieu pour la plupart en plein air, là dans le jardin de Véra, ici dans celui de Monique, ou encore dans celui de l'ancien presbytère. Les habitants ouvraient ainsi de nouveaux espaces aux comédiens et à leurs voisins ! D'autres apportaient des denrées pour nourrir les artistes, d'autres encore s'affairaient à la préparation des repas, une coursière qui avait entendu parler du festival à la radio venait spontanément prendre des programmes qu'elle distribuait partout où elle allait, l'auberge  et le salon de thé ouvraient leurs portes pour des rendez-vous littéraires, quelques techniciens venaient installer lumières et micros, chacun mettant la main à la pâte selon ses moyens et ses compétences. Et à la fin des trois jours, de nouveaux jardins étaient candidats pour accueillir l'an prochain de nouveaux spectacles. Cette mobilisation 100% bénévole - y compris des artistes pour cette première édition - permettait d'offrir des spectacles 100% gratuits. Il y avait de la folie dans ce projet, parce qu'il y avait surtout du plaisir, de la gratuité, du désir et de la liberté. C'est à dire ce qui précisément manque peut-être le plus dans notre société.

    Les mots colorés aujourd'hui rassemblés sur la maison en ruines sont tout un symbole. Ils font renaître et voir autrement la triste façade morte d'hier. Pouvoir des mots, qui en trois belles journées d'été à Faux la Montagne, se sont incarnés en moments de fête, de vérité et de convivialité : Folie des mots et des hommes, des vies et des êtres !

     

    Michel Hulek

    Contact Folie ! les mots - 23340 Faux la Montagne

     

    Les mots

    Juste un mot en passant !
    C'est un mot de passe. Il passe.
    Avec les mots on cerne les maux et le mal.
    On fait mal aux mots.
    Alors, convulsés, ce sont des mots croisés.
    Maudire, c'est mal dire,
    Et sans mot dire, silence.

    Les gros mots font parler gras.
    Il est des mots gentils : tout miel,
    Des mots piquants, comme hérisson.
    On voit le maître mot, c'est le chef.
    Le mot d'ordre, c'est un militaire
    (répétez jugulaire)
    Mot tordu tel torticolis.

    Le mot d'esprit, espèce rare...
    Les mots d'amour, à la saison.
    Les étrangers ont basta.
    Vous prendre au mot, c'est un lasso
    Les mots grossiers, à la poubelle.
    Qui ne dit mot consent.
    Qu'on sent : quel flair !
    Les mots d'auteur, à la hauteur !

    Les mots crus après une cuite.
    C'est Sainte Catherine, tout prend racine.
    Grecque ou latine ?
    C'est votre dernier mot ?
    Le mot de la faim, c'est la famine.
    Le mot de la fin. Enfin.

    LO

     

    Les touristes

    Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
    Les touristes arrivaient et c'était très banal.
    Ils débarquent joyeux dans leurs grosses voitures
    Et sitôt installés font refaire la toiture.
    Leurs gamins et leurs chiens courent dans nos ruelles
    Et nous les poursuivons du balai, de la pelle.
    La pluie va les chasser, ils repartent chez eux
    Raconter aux voisins dans leurs vastes banlieues
    Du côté de Bondy et de Villetaneuse :
    On était chez "les ploucs" tout au fond de la Creuse.

    LO

    Elle a 85 ans, habite dans un village du plateau, et laisse parfois courir sa plume. En nous offrant ces deux petits textes, elle nous donne l'occasion de faire souffler jusque dans nos pages le vent de folie qui s'est emparé des mots, cet été, à Faux-la-Montagne.

  • Folie ! Les mots

    Les 25, 26 et 27 juillet 2004, aura lieu à Faux la Montagne une manifestation qui mettra les mots à l'honneur : lectures, spectacles, chant, théâtre. Une initiative que nous présente son promoteur, Serge Ternisien.

    folie les motsUne idée simple : sortir le théâtre et les mots des lieux convenus et permettre ainsi au plus grand nombre de se les approprier. Faux la Montagne accueillera donc durant trois jours des auteurs, des metteurs en scène, des comédiens. Il s'agira avant tout de favoriser la rencontre et l'échange de créateurs et d'une population qui accueillera chez elle (pour l'hébergement) ou qui mettra à disposition un garage, une grange ou un jardin (pour les représentations).

    Metteur en scène, comédien, j'ai, au fil des années, mis en place plusieurs projets de compagnies, créé différents espaces de création, additionné un certain nombre de postes dans différents services culturels (programmation et développement). Je suis, depuis sept années, un creusais saisonnier qui sillonne la région, curieux des lieux et des gens qui y vivent. C'est ainsi que j'ai découvert Faux La Montagne et ses environs. Depuis quelques temps, je cherchais un endroit où construire un projet de rencontre culturelle. Une fois pris un certain nombre d'informations nécessaires à la mise en place de ce type de projet, je rédigeai une première esquisse et considérai Faux La Montagne comme une terre d'accueil possible. Ma rencontre avec le Maire et son adjointe devait très vite confirmer mes impressions.

    L'essence du projet : un énorme désir de rencontre et de partage. Ca pourrait s'intituler : paroles estivales, variations théâtrales... Une rencontre de L'homme et de sa parole. Il y serait question de mots et d'usage de mots. Un univers festif avec comme toile de fond, un carré de verdure, un jardin potager, un banc public, une forêt de feuillus, une grange... Des lieux insolites où il ferait bon se rencontrer, où l'on prendrait le temps de distiller les mots de porteurs d'histoires venus d'ici et d'ailleurs.

    A l'heure où je rédige ces quelques mots le projet est devenu réalité, il s'intitule "Folie les mots... ". Un groupe s'est constitué, le bénévolat est de rigueur même si une aide financière (au total 800 euros), nous a été généreusement allouée par la commune et l'association culturelle et sportive de Faux la Montagne. De nombreux artistes nous ont rejoint au nom d'un militantisme des mots, la population est mise à contribution, chacun s'investit avec ce qu'il sait faire et rien ne serait possible autrement. La Bibliothèque départementale de prêt, la Maison des auteurs des Francophonies du Limousin nous soutiennent et participent au projet.

    J'aime à penser que ce projet est et restera une terre des possibles et donc de découverte (les spectacles sont pratiquement tous des créations). Ce sera n'en doutons pas trois jours de folie. Les mots seront à la fête et feront tourner à plus d'un la tête !

     

    Serge Ternisien
  • Françoise Chandernagor, écrivaine mais piètre analyste...

    francoise chandernagorDans son dernier livre, L'Or des rivières (Gallimard, 2024), l'écrivaine creusoise Françoise Chandernagor rend hommage à une Creuse idyllique qu'elle aimerait tant garder pour elle : « En célébrant ce pays impénétrable et ignoré, je prends le risque de l'exposer quand, en vérité, je voudrais le garder caché. Je rêve que la forteresse soit admirée (de loin) et reste inviolée... » S'ensuivent deux pages stupéfiantes (que nous reproduisons ci-dessous) qui exigeaient a minima la réponse du berger à la bergère. Michel Lulek s'en est chargé dans un courrier qu'il lui a adressé début juillet et que nous publions dans la foulée.

     

    Quand Françoise Chandernagor se lâche...

    l or des rivieres« Combien de temps encore pourrons-nous vivre ainsi, heureux et cachés ? Toute terre inconnue, toute île non répertoriée, a ses pirates, hélas ! Les nôtres se sont installés sur la côte sud, avec vue sur les bruyères corréziennes. En quelques années, profitant de l'épaisseur de nos sapinières et de la faiblesse de la population (à Gentioux et Faux-la-Montagne, nos déserts ne comptent plus que six habitants au kilomètre carré), ces adeptes d'une insurrection violente et d'une vie nonchalante ont pris possession des hameaux les plus reculés de la Montagne limousine. Parisiens en rupture de ban, à la fois fils à papa et assistés sociaux, ils zonent, ils squattent, ils campent, ils « yourtent ». Profession : zadiste.
    De cette montagne devenue leur repère, leur « pays conquis », ils chassent les derniers indigènes, puis lancent des raids jusqu'à deux cents kilomètres de leurs bases. Après avoir, pour se distraire, vandalisé quelques antennes-relais et caillassé deux ou trois gendarmeries, ils remontent en maîtres dans nos forêts creusoises, créent des « collectifs » éphémères, des pseudo-syndicats illégaux, et s'amusent des médias locaux en se présentant tous sous le même nom et en posant de dos. Ils vivent entre eux, ne se mélangent pas : ce ne sont pas des immigrés, ce sont des colons.
    Ignorants er destructeurs.
    Certains brûlent les engins des bûcherons limousins ou coupent leurs câbles de freins parce qu'ils considèrent notre forêt de douglas comme une zone à défendre : ils la croient quasi primaire, alors qu'elle a été plantée il y a soixante ans pour remplacer les landes que ne parcouraient plus les moutons et les bergers.
    D'autres attaquent les étangs des vieux moulins qu'ils assimilent aux « bassines » honnies. Les plus ardents barbouillent nos monuments aux morts en effaçant les patronymes locaux et arrachent nos drapeaux du fronton des écoles pour y planter l'étendard palestinien. Ils barrent nos routes et déplacent, la nuit, les poteaux indicateurs pour égarer les motards en balade ; car, étrangers au pays, ils n'aiment guère à y croiser d'autres étrangers : se jugeant désormais propriétaires des lieux qu'ils ont envahis, ils craignent d'y voir arriver des rivaux...
    Ces colonisateurs agités ont peu à voir avec les doux hippies soixante-huitards , néo-bergers biberonnés à la marijuana qui s'installaient dans les fermes cévenoles avec l'intention affirmée de les « retaper », réveil1aient les écoles de village en y envoyant leurs enfants, relançaient l'élevage des brebis, et finissaient par vendre sur les marchés plus de fromage de chèvre que de barrettes de chanvre ; en dépit de leurs chemises indiennes et de leurs pantalons à franges, ces immigrés baba cool s'étaient vite intégrés à la culture locale. Nos rebelles contemporains s'opposent au peuple ancien, comme auraient dit les Khmers rouges. Ils prétendent « soulever la terre », mais l'ont-ils jamais binée ? Ils vivent sur la bête. Ne bâtissent pas, ne cultivent pas, n'engendrent pas. Aussi faut-il espérer que, comme autrefois les pirates des Caraïbes, ils disparaîtront par extinction naturelle. La sauvagine dévorera les derniers, la forêt effacera leurs traces. »

    Extrait de l'Or des rivières, pages 66-68.

     

    La réponse du berger à la bergère
    « La prochaine fois, tournez sept fois votre plume dans votre encrier ! »

    Madame,
    Non ! Pas encore ! Est-ce possible ? Je tombe avec stupéfaction sur deux pages de votre dernier livre, L'Or des rivières, pages 67-68, qui fustigent sans nuances celles et ceux que vous désignez sans argumentation solide comme des « zadistes », des « colonisateurs », des « pirates », des « adeptes d'une insurrection violente », des « fils à papa », des « assistés sociaux », des « étrangers au pays », etc. Un vocabulaire d'une grande violence, caricatural et stigmatisant, qui reprend sans distance les élucubrations publiées il y a deux ans dans des articles éminemment discutables parus dans Le Figaro et Le Point, ou qui ont circulé sur les réseaux sociaux sous la plume féroce de quelques personnalités locales qui mettent tout leur ressentiment à dénoncer de manière indistincte et irresponsable ce qu'ils appellent aussi « l'ultra-gauche » du Plateau (je pense entre autres à notre ancien député J.-B. Moreau, défait aux deux dernières élections, ou à l'ancien maire d'Aubusson, M. Moine, poursuivi actuellement pour le crime de faux et usage de faux en écriture publique... Ils ont en effet de quoi être aigris).

    Non ! Pas encore ! Pas elle ! me suis-je dit en lisant ces deux pages assassines qui cumulent amalgames, procès d'intention, accusations perfides et dénonciations calomnieuses. Partant de quelques faits avérés, certains anciens, mais pour la plupart non élucidés, vous établissez comme une vérité ce qui n'est en réalité que supposition, voire affabulation. À chaque ligne on pourrait corriger, rectifier, contredire, au minimum nuancer, atténuer ou recontextualiser.

    Habitant à demeure à Faux-la-Montagne depuis quarante ans, connaissant bien une bonne partie des personnes ou des groupes stigmatisés sous votre plume, étant moi-même partie prenante de quelques actions visées dans votre texte, je ne souhaite pas vous importuner trop longtemps avec des rectifications détaillées qui nécessiteraient trop de place, mais, à partir de quelques exemples, vous informer des erreurs que, j'imagine malgré vous, vous commettez.

    Ainsi, comme les calomniateurs qui vous ont précédée, vous érigez le squat et la yourte en symbole de la « zadisation » du territoire. Savez-vous combien d'évènements ou d'habitats de ce type il y eut ? Je compte 5 squats depuis 10 ans dont un a redonné vie depuis cinq ans en accord avec son propriétaire à un centre de vacances abandonné depuis 15 ans. Les quatre autres n'existent plus (dont l'un, avait mobilisé des logements vides depuis six ans appartenant à l'office HLM de la Haute-Vienne pour loger quelques familles à la rue, action menée non par quelques zadistes échevelés mais par des associations de solidarité dûment connues et reconnues). Quant aux quelques yourtes (il n'y en a pas des centaines !), elles font la plupart du temps l'objet de déclarations et d'autorisations en mairie, tout ce qu'il y a de plus régulier. Curieusement, des habitats non légaux comme quelques caravanes ou mobil-homes implantés ici ou là sont le fait en réalité d'habitants qui n'ont guère à voir avec les affreux que vous pointez du doigt. Je dirai du reste la même chose de quelques actions violentes contre des personnes ou des lieux qui ont eu lieu récemment et qui ne viennent pas de ceux que vous étiquetez avec mépris. Mais cela, évidemment, vous l'ignorez !

    Vous évoquez de « pseudo-syndicats illégaux ». J'imagine que vous faites référence au Syndicat de la Montagne limousine dont MM. Moreau et consorts disent pis que pendre ? Vous pouvez enlever le préfixe « pseudo » puisque ce regroupement syndical d'habitants autour de sujets locaux d'importance (l'eau, la forêt, le grand-âge, etc.) existe de manière tout à fait légale depuis 5 ans sous la forme d'une association de personnes conforme à la loi de 1901. Les « collectifs » que je connais sont peu éphémères, à l'inverse de ce que vous écrivez, et beaucoup ont contribué et contribuent à la revitalisation de notre territoire, contrairement à ce que vous affirmez de manière bien péremptoire sur un plateau de télévision (émission C à vous, avril 2024). Si votre commune de Méasne voit sa population baisser, si cette vérité s'impose aussi pour le département dans son entier, des communes du Plateau – dont celle que j'habite, Faux-la-Montagne – sont dans une dynamique inverse. La multiplication des initiatives économiques, culturelles, sociales, associatives, militantes aussi – elles ont bien le droit d'exister après tout, vous en conviendrez – qui irriguent ce territoire contribue en effet à l'arrivée de nouveaux habitants, confortant une évolution déjà ancienne où les soldes migratoires sont largement positifs. À l'école de Faux-la-Montagne qui comptait une classe unique de 12 élèves dans les années 1980, une quatrième classe va ouvrir à la rentrée de septembre. Les ouvertures de lieux culturels ou conviviaux n'ont cessé d'animer des communes. Je pense à l'effet dynamisant du bar restaurant l'Atelier à Royère de Vassivière, du tiers-lieu La Renouée à Gentioux, de collectifs (non éphémères!) d'artistes qui se sont installés à Lacelle ou à Meymac en Corrèze, du magasin général de Tarnac qui ne mérite certes pas votre mépris, des (très) nombreuses associations qui portent la vivacité locale et le pouvoir d'attraction du plateau de Millevaches dont l'image et la réalité ont considérablement changé en quarante ans. On pourrait passer des heures à égrener les initiatives plus récentes. Et, si je puis me permettre un pied de nez, sachez que ce sont deux anciens « squateurs » qui s'installent comme éleveurs dans la reprise d'une ferme à Gentioux ! Les « fils à papa » « adeptes d'une vie nonchalante » et « assistés sociaux » apprécieront... (Au passage nous avions tordu le cou à cette idée fausse d'une surreprésentation des bénéficiaires du RSA sur le Plateau que ressasse M. Moreau mais que la statistique contredit sèchement).

    Un mot encore sur le caillassage de « deux ou trois gendarmeries ». Je suppose que vous faites allusion au blocage de la gendarmerie de Felletin en 2018 où à plus de 200 habitants du coin – et de tous styles – nous avons tenté d'empêcher l'expulsion d'un jeune Soudanais que la préfète de la Creuse voulait renvoyer dans son pays (dit autrement à la mort). Sachez, Madame, que depuis, sur cette affaire, ainsi que sur deux autres du même acabit concernant également des jeunes Soudanais, la préfecture de la Creuse a été par trois fois condamnée par la justice pour « erreur de droit » (décision du TA de Limoges du 20 février 2018), pour « faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat » (décision du TA de Limoges du 25 mars 2021) et pour « illégalité fautive » (décision du TA de Limoges du 3 février 2022). Les « caillasseurs » étaient en réalité les défenseurs de la loi et des valeurs de la République face à un Etat qui, en la circonstance, les bafouaient. Vous devriez être fière de ces Creusois et Creusoises (de souche ou pas si je dois vraiment utiliser cette horrible expression dévoyée par l'extrême droite) qui se sont mobilisés ce jour-là et auxquels votre confrère corrézien en écriture, Pierre Bergounioux, avait, lui, apporté son soutien.

    Bon j'arrête là Madame, vous avez compris le propos. Enfiler des on-dit et des clichés comme ceux que vous alignez sur deux pages contribue à jeter le discrédit sur un territoire et, de manière plus grave, ostracise une partie de sa population alors que rien (ou bien peu de choses et pour certaines fort contestables) ne le justifie. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de tensions, de paroles déplacées ou quelques actes malveillants. Mais en attribuant ceux-ci sans discernement à l'autre, différent, pas pareil ou « étranger au pays », vous activez ce qu'un historien spécialiste de ces questions a appelé une « xénophobie à court rayon d'action ». Sans que cela soit, j'en suis sûr, votre intention, de tels propos mettent de l'huile sur le feu, activent les ressentiments et caricaturent l'autre dans ce qu'il peut avoir de différent. C'est la même tactique qu'hélas un parti qui arrive aux portes du pouvoir actionne depuis trop longtemps et dont la (triste) Creuse a élu un membre pour la représenter à l'Assemblée nationale.

    Merci de m'avoir lu jusqu'au bout. J'espère, à défaut de vous avoir convaincue, au moins vous avoir incitée à tourner sept fois votre plume dans votre encrier, avant d'inscrire sur la page imprimée, avec tout le poids que représente votre parole pour nombre de vos lecteurs, des propos outranciers, falsifiés et même mensongers.

    Je vous prie de recevoir, Madame, mes meilleures salutations depuis la « côte sud », certes plus turbulente que d'autres coins de Creuse, mais aussi plus vivante. N'est-ce pas le principal ?

    Michel Lulek
  • Il s’est encore passé quelque chose

    À l’initiative de Peuple et Culture Corrèze, trois artistes proches du travail de Marc Pataut, venu·es vivre et habiter sur la montagne limousine ont été invité·es pour travailler à ses côtés : d’anciennes étudiantes, Charlotte Victoire (artiste-chercheuse et travailleuse sociale), Olga Boudin (peintre, photographe et éditrice) et Jean-Robert Dantou (photographe documentaire, membre de l’Agence VU’). Leur travail s’est inscrit dans une résidence artistique pour répondre à l’appel à projets « Coopération, création et territoires » du Réseau Astre (DRAC et Région Nouvelle-Aquitaine).
    Le travail collectif entre Peyrelevade, Faux-la-Montagne, La Villedieu et Lacelle a suivi le fil d’une question commune : une invention de formes artistiques peut-elle nourrir une pratique politique du territoire ?

     

    Au départ, il y a le désir de Marc de continuer à tirer les fils d’une histoire qui a commencé avec l’équipe de Peuple et Culture il y a plus de vingt ans. Ensuite, il y a le hasard qui n’en est pas un de retrouver plusieurs photographes amies installés par ici. En arrière plan, il y a une histoire de la photographie ensevelie sous l’image spectacle qui prend toute la place, qui circule vite, qui se regarde plus qu’elle ne regarde l’autre. Derrière encore, dans un paysage qui semble bien effacé, il y a une histoire de la photographie qui s’est construite, dès la fin du dix-neuvième, avec l’idée qu’elle pourrait accompagner les grandes transformations sociales à venir [1].

     

    Et très vite, au même moment, il y a les grands retournements : une photographie qui se met au service de l’identification des récidivistes à la Préfecture de Police de Paris [2], de l’enfermement des aliénées à l’Hôpital de la Salpêtrière [3], des théories raciales avec Galton [4].
    La photographie participe alors à rendre crédibles des théories scientifiques qui ne vont pas tarder à perdre toute leur crédibilité. Mais ailleurs, dans d’autres espaces scientifiques, la géographie ou l’anthropologie naissante, se poursuivent d’autres histoires : Gusinde documente les cultures menacées d’extinction des Selk’nam du sud du Chili [5], Thomson la culture chinoise dans sa splendeur et sa complexité [6], Spencer et Gillen les aborigènes d’Australie [7]. Et toujours, cette même ambivalence : la peur de voir les entreprises de connaissance sur des cultures menacées, être retournées pour participer à leur destruction. La photographie est puissante autant qu’elle est dangereuse [8]. C’est la grand problème de l’anthropologie, c’est aussi celui de la photographie.

     

    Dès la fin de la première guerre mondiale, la photographie ouvrière est inventée par la propagande communiste et se propage à travers l’Europe [9]. Des groupes locaux se créent dans les usines pour que les ouvriers se servent eux-mêmes des appareils photographiques, devenus plus légers et maniables, pour décrire leurs conditions de vie, leurs aspirations au changement. Ce sont les heures de gloire des revues, l’Arbeiter Illustrierte Zeitung en Allemagne, Proletarskoe foto en URSS, le Worker’s International Pictorial en Grande-Bretagne. La photographie devient une « arme dans la lutte des classes » [10], dans le sillage de ce que Lewis Hine avait déjà pressenti au tournant du siècle [11]. Cette histoire en train de s’écrire, dans laquelle la photographie ambitionne de prendre toute sa part aux transformations du monde, se poursuit de l’autre côté de l’Atlantique, avec ce qui donnera lieu à l’une des entreprises fondatrices de la photographie documentaire : la grande commande publique de la Farm Security Administration, qui fait se rencontrer photographes et chercheurs en sciences sociales pour documenter la crise que traversent les Etats-Unis depuis les années 1930 [12]. Les photographies serviront à accompagner et à légitimer le New Deal de Roosevelt.

     

    À la sortie de la seconde guerre mondiale, c’est dans le sillage des expériences de résistance qui se sont forgées dans les maquis entre ouvriers syndicalistes, ingénieurs, officiers, étudiants, artistes, que s’écrit le Manifeste de Peuple et Culture de 1945 : « Nous ne voulons pas d’un art réservé à quelques élus »… Les luttes politiques des années 1960 et 1970 tireront parti de ce programme pour inventer des formes nouvelles d’engagement artistique.

     

    L’histoire d’une photographie qui allie art et combat politique est donc déjà ancienne lorsque Marc Pataut, dans les années 1990, se lance avec le collectif Ne Pas Plier aux côtés de chômeurs de l’Apeis dans les luttes qui s’insurgent contre la précarité découlant de la mondialisation [13]. Ici encore, la photographie est pensée comme un outil pour faire avec, pour rassembler, pour s’écouter, pour transformer.

     

    Tel est l’arrière plan des premières rencontres qui ont lieu ici, dans le courant de l’année 2021, sur fond de questionnements sur la place que pourrait occuper une pratique photographique sur le territoire dans lequel nous vivons.
    Parce qu’entre temps, depuis le début des années 2000, le métier de photographe s’est effondré [14] : les studios photographiques, qui avaient dans la seconde moitié du vingtième siècle trouvé place dans toute petite commune, ont massivement fermé. Et la mémoire lointaine des photographes itinérants qui, à la manière d’Antoine Coudert [15], arpentaient à la fin du dix-neuvième siècle la Montagne Limousine, s’est effacée depuis longtemps.

     

    Trois manières de faire de la photographie se sont croisées ici, au cours d’échanges de pratiques qui ont débuté à Peyrelevade et qui se sont poursuivis entre La Villedieu, Lacelle, Faux-la-Montagne, Gentioux, Tarnac. Trois manières d’être animé par la pratique photographique : d’abord, le goût pour l’invention de formes nouvelles. Le hasard des lignes qui se superposent, les visages des enfants de l’école élémentaire de Peyrelevade qui s’impriment et se mêlent sur la pellicule, aux côtés de ceux des résidents du CADA et de l’Ehpad.

     

    Invention de formes, mais invention de moments précieux, également : photographier, c’est aussi cela. C’est aussi renverser l’idée que la forme finale serait l’objectif premier, c’est dire que le moment de rencontre d’une femme qui vous fait le don de sa présence, alors que la vie touche à sa fin, vaut en tant que tel, certainement plus que l’œuvre elle-même. C’est être pudique, mettre à distance le spectacle, faire de l’instant vécu quelque chose qui se suffit à lui-même. Et s’insurger contre ce que les œuvres sont devenues, produits marchands circulant dans des espaces marchands. Pratiquer la photographie, c’est enfin être animé par la soif d’écouter et de comprendre. Faire de la photographie un outil pour documenter ce qui se tisse ici, un outil de réflexion, de discussion, de transmission.

     

    travail collectif photos

     

    De ces rencontres, de ces échanges de pratiques, restent des questions qui vont continuer à nous animer. Alors que l’on se méfie, sur la Montagne Limousine, de l’image en général et de la photographie en particulier, parce qu’elle identifie, parce qu’elle assigne, parce qu’elle fait courir des risques à celles et ceux qui en prennent, rappeler que ce medium est aussi un outil politique crédible au service de la critique sociale, voici peut-être un point de départ.
    Mettre la photographie au service des luttes locales, se servir d’elle, aussi, pour faire circuler la connaissance, pour que puisse s’exprimer la conflictualité, pour entendre et comprendre les autres dans leurs diversités, voici quelques premières lignes d’un programme.

     

    Crédits :
    Gauche : Prises de vue à l’Ephad., Charlotte Victoire.
    Centre : Marie Maziere, née le 12 septembre 1935 à Brive-la-Gaillarde, Corrèze. Ephad Ernest Coutaud,le 22 septembre 2022. Marc Pataut
    Droite : «Manhattan». Série «Coupes rases», commune de Faux-la-Montagne, le 24 janvier 2022 @ Jean-Robert Dantou / Agence VU’
    Notes
    [1] Christine Lapostolle, « Plus vrai que le vrai. Stratégie photographique et Commune de Paris », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 1988, vol. 73, no 1, p. 67-76.
    [2] Bertillon, Alphonse,1890. La photographie judiciaire, Gauthier-Villars et Fils, Paris.
    [3] Bourneville, Désiré et Regnard, Paul, 1877. Iconographie photographique de la Salpêtrière, Progrès Médical, Paris.
    [4] Galton, Francis, 1878. « Les portraits composites », Revue scientifique, 15, pp. 33-38
    [5] Martn Gusinde et al., El espíritu de los hombres de Tierra del Fuego: Selk’nam, Yamana, Kawésqar, Paris, Éditons Xavier Barral, 2015.
    [6] Thomson, John, 1874. Illustrations of China and its people, Vol. 1, Sampson Low, Marston, Low, and Searle, London.
    [7] Gillen, Walter Baldwin et Spencer, Francis James, 1899. The native tribes of Central Australia, Macmillan and Co., London.
    [8] Jean-Robert Dantou et al. (eds.), The walls don’t speak - Les murs ne parlent pas, Heidelberg, Kehrer, 2015, 342 p.
    [9] Véronique Yersin (ed.), Photographie ouvrière, Paris, Éditons Macula, 2020, 206 p.
    [10] Christan Joschke, Nouveaux regards sur la photographie ouvrière, Transbordeur, Paris, Éditons Macula, 2020
    [11] Didier Aubert, « Lewis Hine et les images anonymes du Pitsburgh Survey », Études photographiques, 25 novembre 2005, no 17, p. 112-135.
    [12] L’un des plus beaux exemples de cette production des années 1930 : Lange, Dorothea et Taylor, Paul, 1939. An American Exodus, A Record of Human Erosion, Reynal & Hitchcock, New-York.
    [13] Marc Pataut et al., Marc Pataut: De proche en proche = proximites, Trézélan, France, Filigranes éditons, 2019, 236 p.
    [14] Irène Jonas, Crise du photojournalisme et santé des photographes, s.l., SAIF/SCAM, 2019.
    [15] Georges Chatain, Antoine Coudert (1866-1910). Photographe ambulant, Les Cahiers de la Photographie de Saint- Benoît-Du-Sault., s.l., 1992.
  • L'homme aux gants

    Cet été, dans le cadre du festival "Folie les mots" de Faux la Montagne, l'artiste Gérard Villain a exposé une série de peintures consacrées aux... gants de travail. Il explique ici sa démarche et comment s'est imposée cette obsession.

     

    gerard villain 01

     

    Je vis à Saint-Nazaire.

    gerard villain 02J'ai eu un atelier et habité pendant plusieurs années sur le port, dans une "friche industrielle" au plus près de la zone industrieuse où se fabriquent les paquebots de croisière.

    J'arpentais à pied, lors de divagations aléatoires quasi quotidiennes, les quelques dizaines d'hectares que constituent cette zone où plus de 5000 personnes travaillent chaque jour.

    Ceux qui ont eu la chance de traverser un chantier naval savent ce que veut dire la démesure des formes et des masses, la brutalité apprivoisée de l'acier, le fourmillement des humains à la tâche, les accumulations de matières magnifiées ou laissées pour compte.

    Fasciné également par les lumières de l'estuaire sur ce festin pantagruélique et ses reliefs…

     

    Bref, je faisais des photos.

     

    Avec un appétit féroce.
    Boulimique et sans retenue.
    Comme on prend des notes.
    Avant que demain ne change le paysage.
    Ne déplace son petit million de tonnes et ce mètre-ruban hors d'usage.
    Je ramenais chaque jour chez mon Mac une pêche de plusieurs dizaines de photos qui venaient s'ébattre avec leurs semblables une fois relâchées dans la cour du disque dur.
    De quoi nourrir mon éléphant rose.

    Avec le temps, va, les images se regroupent entre elles, se découvrent des affinités. Un lointain catalogue commun qui raconte la même histoire renouvelée : Un angle plus obtus que la moyenne, un cousinage sur l'infini nuancier de la rouille, l'outrage du temps sur la peau du béton permettant de dater et de regrouper murs, pylônes, abrupts de quai et blocs de cale par classes d'âge…

    C'est ainsi qu'à mon insu, une petite clique de photos de gants au comportement particulièrement grégaire se mit à se tutoyer dans un murmure grandissant. L'air détaché, je les saluais poliment à leur approche, débonnaire et matois dans ce léger mépris. Puis, détournant le regard vers les grandes tours Eiffel, j'assistais, béat, dans une posture d'artiste, aux noces incendiées du ciel orange et des grues, du levant sur l'eau de fuel, des monstres d'inox embrassant à pleine bouche les candélabres au tungstène.

    J'éludais les reliques de cuir, ganses et polyamides : Les modestes images de ces mues dérisoires s'évanouissaient au profit de quatorze juillet en majesté. C'était mal connaître le gant qu'a touché au travail !

    gerard villain 03Le gant de travail t'agrippe par la manche du regard. Te demande quelle heure qu'il est. T'invite à s'en jeter un p'tit, vite fait, après le boulot. T'offre une clope en te montrant la photo de ses mômes et son emplacement à l'île d'Oléron. Te raconte la vie au Cap Vert et le naufrage d'une barcasse bondée à quelques encablures d'un port maltais. Te montre sa Clio Campus avec ses lumières de culasse ré-alésées. Rigole de tous ses doigts en rejouant le jour où la presse lui a mangé trois phalanges. Te balade six jours, le temps d'aller à Gdansk en bus et retour. Te singe la nervosité du petit chef dans les quinze jours qui précèdent la livraison… Les matins givrants sur la tôle et la soudure à l'arc dans un caisson étanche… La binouze en maraude derrière le container, et le pot de départ de ce veinard de Nono…

    J'avais trouvé à qui parler et je ne faisais plus trois pas sans me faire alpaguer par un gant dans la débine m'enjoignant d'écouter son histoire… Le bruit se répandit comme une traînée de poudre dans leur petite communauté : un humain les recueillait tous, sans distinction de taille, de couleur, d'attribution sexuée ou de classification fonctionnelle, les rapportait chez lui pour les disposer confortablement sur une table… dans le seul but de regarder le récit de leur vie! Leur accumulation, dans une cohabitation aussi resserrée, eu pour effet de les singulariser, de les individualiser encore un peu plus et de m'aider à maîtriser quelque peu mes angoisses (rôle premier de la collection, tout le monde sait ça).

    Du croquis négligeant pendant un coup de fil qui s'attarde, à l'exercice d'observation avec une obsession quasi hyperréaliste, je m'engouffrais, de la peinture plein les doigts, dans la constitution d'une galerie de portraits sur fonds de comptabilité douanière scribouillarde d'avant l'Excelomania Microsoftique.

    La boucle fut bouclée le jour où, mon ami l'Imprimeur me légua ses casses, mises au rencard par les megapixels, mais dont le vocabulaire est autrement plus poétique : Caractère à pleine chasse, approche, fonte, marbre, graisse, ligature, épreuve, truelle, labeur… Voilà le résultat.

     

    Gerard Villain
  • L’Archaban accueille ses premières locataires

    archabanDeux vieilles maisons inhabitées et à l’abandon depuis des années dans le bourg de Faux-la-Montagne sont à l’origine de l’Archaban (en occitan, le fauteuil du grand-père, près de l’âtre), deux logements pour personnes âgées dépendantes qui accueillent en cette fin d’année leurs premières locataires.

    Une des deux maisons a été partiellement rasée pour créer une cour ouverte sur la rue et l’autre a été séparée en deux, avec un logement à chaque étage mais tous les deux accessibles de plain-pied. Une opération menée par la Scic l’Arban qui n’a pu être réalisée qu’avec la participation financière de nombreux partenaires (y compris des habitants de la commune suite à une campagne de dons) de manière à proposer des loyers sociaux.

    Une initiative micro-locale qui est, selon le président de l’Arban, l’échelle la plus pertinente : « Nous avons la conviction que l’agir local par les acteurs locaux est une nécessité, que chaque commune doit mobiliser ses énergies, ses compétences pour maîtriser son devenir. C’est elle qui est le mieux placée pour relever les défis, faire face aux dangers. C’est cette échelle là qu’il faut privilégier. »

  • La photo du siècle, y aura-t-il du soleil le siècle prochain ?

    En mai 2004, un couple de photographes a traversé le plateau pour réaliser à Millevaches, à Cheissoux, à Faux la Montagne et à Sarran, la ''photo du siècle". Une expérience originale qui débouchera en 2005 sur un livre. Marie-Jo Magnière, qui est derrière l'objectif, évoque pour IPNS cette initiative chaleureuse: faire le portrait collectif des villages de France.

     

    Les photographes de La Photo du Siècle arrivent une heure avant l'heure. Ils posent la chambre photographique.

    La tête sous le rideau noir, ils préparent la photo, ouvrent grands leurs oreilles.

    Ils installent des chaises, des tables, repèrent une fenêtre, une chèvre, placent une remorque de tracteur.

    Il est l'heure.

    Ils arrivent. Presque tous ensemble. Presque une procession.

    Ils ne sont pas tous là. Ils sont nombreux pourtant. Malgré la chaleur. Malgré la bruine.

    Ils se disent bonjour, s'embrassent. Que deviens-tu? T'es toujours avec Jeanine ?...

    C'est vous qui habitez la belle petite maison à l'entrée du pays ? Non, je n'ai pas encore vu la tête de l'avocat anglais qui a racheté la ferme d'Emile.

    Approchez mesdames, approchez messieurs.

    Les petits derrière, les grands devant. Non, surtout pas. Chacun se met là où il veut. Reste dans l'ombre où mets-toi en évidence, fuis cette sale tête et rapproche- toi plutôt de l'amant.

    Mais il est interdit d'être caché.

    Tiens, le premier rang de chaises est étrangement vide. Qui va devant ? Le maire ne veut pas, le châtelain n'y tient pas. Mesdames se sauvent. Merci messieurs les chasseurs.

    Petit à petit, chacun trouve sa place. Devant, derrière, assis, debout, juché.

    Monsieur se décale. La vache le cache.

    On se remercie d'être là.

     

    photo du siecle

     

    Monsieur le maire passe l'écharpe tricolore, prend sa petite-fille dans ses bras. Il n'en revient pas. Jamais il n'aurait cru qu'autant de monde se déplace. Il les connaît ses administrés. Le 14 juillet, y'a plus personne, le 11 novembre, n'en parlons pas. La fête foraine, une peau de chagrin. Même le méchoui offert par la mairie est tombé à l'eau . Que faut-il leur donner pour qu'ils éteignent cette foutue télévision ? Du rare et pas cher. .. Une Photo du Siècle monsieur le maire.

    Les opposants sont là Les nouveaux se sont déplacés. Les adolescents sont venus voir.

    Et même si quelques illustres anciens ont boudé comme des gamins, le voilà rassuré.

    Le moment est imminent. Personne ne bouge. Tout le monde regarde.

    Un.

    Deux.

    Trois.

    Voilà pour la première.

    Et la voilà ! s'exclame Léon, clown pictural, brandissant un cliché sur fond de tournesols !

    On n'arrête pas le progrès !

    (éclats de rire)

    Le photographe a beau dire, que ça ne fait pas mal, le rire leur fait du bien à ces habitants qui se les gèlent en lisière de bois.

    Ce n'est pas rien d'avoir subitement un vent de conscience du temps qui passe, du temps qui fâche, du temps qui lasse....

    Le photographe attend le silence pour la troisième et dernière prise de vue... . Le silence démarre. Presque un recueillement.

    Le rideau tombe. Bravo à tous les acteurs.

    Ils respirent. Des os craquent. Des sourires fusent. Des enfants courent. Le vin d'honneur n'est pas loin. Pastis en bas de la carte de France, bière au Nord, Kir dans l'ancien duché de Bourgogne.

    Ils se racontent des choses... Une heure. Deux heures... Ils parlent du pays, d'avant-hier, d'après-demain, des absents qui n'ont pas toujours tort, de ce village voisin qui vient enfin de rejoindre la communauté de communes. Ce ne sont pas des faciles, nous non plus d'ailleurs.

    Ils espèrent que la photo sera belle. Parce que leur village est le plus beau du monde.

    Leur photo. Qu'ils vont mettre dans la salle à manger.

    Qui est aussi une photo parmi six cents autres. Une certaine France en ce changement de millénaire. Celle des vaches en vrai et des cafés fermés. Celle des Normands et des Corses. La France rurale comme on dit, dont il faut parler avant qu'elle ne s'éteigne encore, avant qu'elle ne devienne dans cent ans le jardin des riches.

    Alors merci à Monique d'être montée en haut de la colline en escarpins, un certain 22 août 2004 torride.

    Merci à Marguerite d'être venue avec ses jambes d'octogénaire s'asseoir aux côtés de sa sœur jumelle.

    Merci à Florence et Pascal d'avoir parqué leurs limousines en bas du pré.

    Merci à Anca et Eugène d'avoir fait le déplacement spécialement de Hollande.

    Merci au doyen de s'être mis sur son 31, un 19 au matin.

    Merci au chauffeur des pompiers d'avoir mis la pompe à eau là où il fallait.

    Merci à Riri d'avoir accueilli, non sans inquiétude, les habitants dans sa vigne.

    Merci à la jeune maman et son nouveau-né tout juste sortis de la maternité.

    Merci à ce maire d'avoir été convaincu qu'il y aurait tout au plus quarante personnes quand il y en eu cent vingt.

    Merci à la grande dame parée de bleu, assise sur le tabouret, d'avoir élevé la voix pour dire, haut et fort, qu'elle ne faisait jamais comme les autres...

    Merci aux habitants, en place au bord de l'eau, d'avoir attendu vingt minutes, sans bouger le petit doigt, l'arrivée de la secrétaire de mairie.

    Et merci au ciel qui, depuis six ans, joue avec nous.

     

    Marie-Jo Magnières

    Contact : Association l'Arbre à Imagos 26 rue du rempart 21140 Semur on Auxois
  • Le blaireau de bibliothèque : Folie ! les mots en rayonnage

    blaireau BibliothequesUne étude du ministère de la Culture de mai 2023 intitulée « Loisirs des villes, loisirs des champs ? », nous apprend que « les bibliothèques, bien qu'étant les équipements culturels les plus présents sur le territoire, affichent pourtant des différences de temps d'accès. Si 80% de la population résident ainsi à moins de 5 minutes d'un lieu de lecture publique, c'est le cas pour 92% des habitants des grands centres urbains mais pour seulement 48% de ceux des communes rurales à habitat dispersé ou très dispersé. » C'est notre cas. Mais on est loin pour autant d'être démuni... Après la bibliothèque du Chamet (IPNS n°85) nous poursuivons le tour des bibliothèques publiques ou privées du Plateau en restant à Faux-la-Montagne.

    Un anniversaire de plus à fêter en 2024 : les 20 ans du festival « Folie ! les mots », des rencontres festives autour des mots qui se déroulent sur trois jours à partir du quatrième dimanche de juillet dans le bourg de Faux-la-Montagne. Spectacles, lectures et concerts ont lieu dans les jardins des habitants qui ouvrent ainsi leurs portails et accueillent, selon les jauges, entre 60 à 200 personnes pour chaque spectacle. Un festival dont la programmation est faite des propositions variées d'artistes, de comédiens ou d'auteurs qui viennent gratuitement offrir leur prestation et sont accueillis chez l'habitant (pour dormir) et dans le restaurant bénévole du festival (pour se restaurer). Également présente depuis quasi le début de l'aventure, une librairie propose une sélection d'ouvrages, ceux qui font l'objet de la programmation de l'année bien sûr, mais aussi autour, ou un peu plus, ou beaucoup plus loin selon les goûts des libraires. Après la librairie Passe-temps d'Eymoutiers et son fondateur Guy Valente et la librairie jeunesse Chantepages de Tulle, ce sont désormais La Licorne d'Aubusson et La Limouzine, librairie itinérante, qui tiennent le stand où chacun peut venir faire ses emplettes et ses découvertes durant le festival.

     

    Du festival à la bibliothèque

    En contrepartie, les libraires ne remballent pas sans laisser en cadeau au festival un pourcentage de leurs ventes, en nature, sous la forme de livres à l'association organisatrice qui les dépose à la bibliothèque municipale de Faux. Installée avec l'agence postale et l'office du tourisme dans La Binhata (la ruche en occitan), un local ouvert tous les jours de la semaine et tenu par deux employées communales, Adelaïde et Florence, la bibliothèque est ainsi d'un accès facile et quotidien. Tout un rayonnage estampillé « Folie ! Les mots » offre ainsi une éclectique sélection de textes qui reflète la diversité du festival. Environ 250 ouvrages dont le catalogage commencé en décembre se termine bientôt et qui permettra d'accéder à leur liste complète sur un site dédié.

     

    Un tiers pour la jeunesse

    On trouvera donc aussi bien de la poésie (Maïakovski, Verlaine, Baudelaire, Ghérasim Lua...), des auteurs qui ont une attache avec le Plateau (Bergounioux, Quadruppani, K. Dewdney...), des écrivains étrangers (Jórn Riel, Herta Müller, Jim Dodge, Moussa Konaté...) que des classiques (Stendhal, Pasternak, Albert Cohen, Rousseau, Pinget...). On pourra aussi lire Les Misérables ou Les Mille et une nuits, deux monuments de la littérature qui ont fait l'objet durant deux festivals d'une lecture en continu 24 heures sur 24 durant 3 jours avec une centaine de lecteurs et lectrices qui se relayaient. Mais on trouvera aussi un large fonds de livres jeunesse illustrés, y compris pour les plus jeunes, qui représente environ un tiers de l'ensemble des titres. Et ce qui est formidable dans cette histoire c'est qu'elle n'est jamais finie : à chaque festival s'ajoutent de nouveaux titres !

     

    Michel Lulek

    Pour plus de renseignements : mabib.fr/folielesmots

     

    Digitales vagabondes Stephanie Barbarou Laurence HartensteinUn livre sorti des rayons

    Digitales vagabondes de Stéphanie Barbarou et Laurence Hartenstein, éditions de l'Amandier, 2011.

    C'est un livre que vous aurez certainement peu de chance de trouver ailleurs... Il est directement issu d'un spectacle écrit et joué par les deux autrices et est fait de photos, textes et dessins. Digitales vagabondes, ce sont ces fleurs dont les graines s'envolent pour un voyage autour du monde jusqu'en Chine chez les Miao. Que le jardinier planétaire Gilles Clément en signe la préface n'est pas étonnant car ces digitales fleurissent sur les délaissés et les talus, ce tiers-paysage qu'il a théorisé. Quant à nos deux voyageuses virtuelles elles le confessent dès l'entrée du livre : on y trouvera « tout ce que nous savons d'un voyage que nous n'avons pas fait ».

  • Le blaireau de bibliothèque : La bibliothèque au fond des bois

    blaireau BibliothequesAvec la lettre Z l'abécédaire du cyclisme en Limousin qui nous a tenus en haleine sur 26 numéros a pris fin. Après les mollets, notre nouvelle rubrique fera travailler nos yeux et nos méninges en proposant un petit tour des bibliothèques publiques ou privées du Plateau. Et à chaque étape on demandera au bibliothécaire de nous sortir des rayons un ouvrage de son fonds. On commence au bord d'un lac.

    Entre Peyrelevade et Faux-la-Montagne, une petite route mène à l'ancienne colonie de vacances d'EDF du lac Chamet, abandonnée depuis 15 ans, mais à nouveau habitée depuis 5 ans par une petite colonie de personnes qui ont voulu édifier ici une sorte de laboratoire de recherche informel, un « lieu d'étude » ouvert et hors les murs de l'université (Cf. IPNS n° 66). Qui dit labo de recherche (même informel !) dit aussi livres et bibliothèque. Le projet d'en installer une sur le lieu date de l'origine, mais il a fallu quelques années pour qu'il se réalise. Le temps de rendre habitable une des ruines de la vieille colo, la maison du gardien en l'occurrence, qui prenait l'eau et l'air – deux ennemis du papier !

     

    Ouvert tous les mercredis

    Aujourd'hui, deux salles entièrement refaites accueillent quelques milliers d'ouvrages et depuis cet été, cette bibliothèque privée s'est ouverte au public, à tous ceux qui voudraient d'abord y flâner pour repérer ce qui s'y trouve puis qui auraient envie de profiter de cette nouvelle ressource. Le lieu est donc ouvert tous les mercredis de 10h à 20h. Yannick, l'une des chevilles ouvrières de l'affaire, ancien bouquiniste sur les quais de Seine à Paris, est venu avec ses cartons remplis de livres auxquels se sont ajoutés des ouvrages donnés ou récupérés auprès d'amis et de relations. Aux quelques 5 à 6000 ouvrages ainsi réunis sont venus s'ajouter récemment 10 000 autres provenant du legs d'une psychanalyste décédée – ces livres ne sont pas encore en rayon car la place manque. Pas pour longtemps, car si la bibliothèque actuelle occupe le rez-de-chaussée de la maison, elle pourra se développer dans les années à venir en conquérant l'étage qui nécessite encore des travaux et surtout une réfection complète de la toiture – un gros budget. D'autres rayons s'y installeront un jour.

     

    Manuel de survie de Giorgio CesaranoSciences sociales

    Ce qu'on trouve dans cette bibliothèque ? Beaucoup de diversité. Mais ce qui domine ce sont les sciences sociales, un gros rayon philosophie, mais aussi des étagères consacrées à l'histoire, à la sociologie, à la politique, aux beaux-arts... On trouvera aussi un rayon sur la botanique et toute une partie consacrée à la littérature – française et étrangère – avec, entre autres, de la poésie et du théâtre. On pourra tomber sur un recueil de haïkus, sur les œuvres complètes de Lénine (une curiosité !), les livres de base des principales sciences humaines et des livres pour reconnaître les plantes ou jardiner. Un éclectisme apparent, tant l'ensemble respire une certaine unité, le reflet dirions-nous d'une aspiration à comprendre le monde et à y jouer un rôle actif, ne serait-ce que sur quelques arpents délaissés par le loisir social de la fin du XXe siècle.
    Sur place, on peut emprunter des livres (en particulier dans le rayon littérature et histoire) mais d'autres ne sont que consultables. Une table et des chaises et un gros poêle sont là pour ça. La bibliothèque n'est donc pas seulement un lieu de passage, c'est aussi un lieu de lecture, d'étude et d'échanges ; des évènements y seront parfois organisés et il y a même un coin lecture pour les enfants. Pour permettre de racheter les livres qui pourraient ne pas être rendus et participer aux frais quotidiens et à l'entretien du lieu, une caution-cotisation de 15 € est demandée qui permet d'adhérer à l'association. Alors, à un de ces mercredis au Chamet ?

     

    Michel Lulek

    Pour plus de renseignements :
    Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

     

    Un livre sorti des rayons

    Manuel de survie de Giorgio Cesarano, édition la Tempête.

    Dès les années 1970, Cesarano observe que le développement du capitalisme sur l’intégralité de la planète exige de penser à nouveaux frais. Le monde comme les subjectivités sont désormais devenus fictifs. Les termes du conflit sont redistribués. Non plus « socialisme ou barbarie », mais « communisme ou destruction de l’espèce humaine ». Loin d’invoquer les formes historiques de la révolution, Cesarano propose d’un même mouvement une analyse profonde des développements du capital et une critique radicale des subjectivités contemporaines.

  • Le Constance social club

    Le 21 juin 2023, le centre social à forte tendance culturelle et débile de Faux-la-Montagne en Creuse, né en 2011, s'enterre définitivement. Nous, équipe du CSC (pour les intimes), avons tenté de nommer pour chacun·e d'entre nous, de quoi la mort de cette association est le nom.

     

    constance2

     

    Il en ressort une liste à la Prévert aussi poétique qu'essentielle et finalement cohérente : tout à la fois une part de rêve, de paillettes, de chez-soi, de projet politique, de possibilité de concilier artistique, festif et social, un espoir de transformation sur laquelle on aurait prise, un outil pour les habitants du territoire... qui disparaît. Nous ressentons communément que ce projet n’a pas d’équivalent, que son identité était à bien des égards unique en son genre.

    Nous savons bien que partout déjà surgissent des nouvelles pousses de folies, des envies de s’ensauvager à long terme, des idées pour s’encanailler loin des sentiers battus. Et nous nous en réjouissons.

    Les raisons qui nous ont poussés à arrêter sont bien sûr multiples, bien des histoires s’enchevêtrent aux niveaux local et national, des histoires interpersonnelles et des manques d’énergie, des difficultés à enraciner de nouveaux membres sur le long terme, une crise Covid et des partenariats qui s’effritent… Difficile d’énoncer « les raisons » de notre arrêt. Des décisions très politiques toutefois nous ont mis des gros bâtons dans les roues…

     

    2017 et l’arrivée du nouveau président de la république a été un coup dur pour nous : la fin des emplois aidés nous a coupées dans notre élan de préfiguration de centre social. Malgré le soutien indéfectible de la CAF de la Creuse, l’association, alors en plein essor, a dû renoncer à renouveler les contrats de ses deux salariées. Recherche d’un nouveau fonctionnement interne, tentative d’ouvrir le CA... une période de « flottement » jusqu’à l’arrivée du Covid qui n’a bien sûr rien arrangé. Puis l’entrée en vigueur de la loi séparatisme avec son « contrat d’engagement républicain » gravé dans le marbre a rendu visible le mécanisme jusqu'alors souterrain qui vise le monde associatif comme un espace de contre-pouvoir dangereux. Au même titre que plusieurs autres associations locales, la relation devient ubuesque avec les institutions, menant au blocage. Comme l’impression que de vouloir vivre, construire et penser en dehors de la macronie était désormais un délit.

     

    Manifestement, promouvoir le rapprochement social, des pensées complexes et une pluralité de modèles de vie hors des sentiers de la marche libérale n'est plus au goût du jour. Lorsque la troisième résidence longue, soutenue par la DRAC, sur le thème « Faire ressurgir le beau » est bloquée en préfecture de Région, c'est le pompon et le dernier coût de poignard. Tout est dit. Et tout se confirme depuis... Faire ressurgir le beau n'est pas dans les lignes du projet national.
    Le temps d'une recherche pour un vivre ensemble plus malin est loin. L'ingéniosité devra se travailler ailleurs, hors des protocoles consentis. Retour en anormalité pour chacun·e d'entre nous.

     

    Le Constance social club c'était bien sûr les deux grands rendez-vous annuels de la fabrique du 1er mai et du Carnaval sauvage, un travail de réseau et de soutien social souterrain bien moins connu, et surtout des idées farfelues et atypiques qui resteront dans l'histoire comme pourvoyeuses de sourires et d'estime de soi : le Jovial Coiffure, le club de rire, les majorettes, les soirées chansons autour du piano, des animations d'une ingéniosité rare : le scrabble géant où chaque personne du public était porteuse d'une lettre de l'alphabet (palme de la meilleure animation d'intégration lors d'une soirée co-organisée avec les CADA), sans oublier en vrac : la construction de bacs à fleurs qui peuplent encore le village, le débroussaillage sans fin du jardin mis à disposition par l'Arban près de Tom Pousse où un verger, des poules et de nombreuses animations et représentations ont fleuri, de nombreuses expositions chez Constance, au Brin de zinc, à la Mairie, dans les médiathèques ou aux fenêtres des habitants et des commerces du bourg, des ateliers à destination des enfants et des familles à l'école, avec Cadet Roussel ou au Constance, des lotos fleuris, des karaokés géants, un dimanche à l'accordéon dans la salle des fêtes, une lecture poétique accompagnée de musique improvisée dans le hall de l'école, des battles de DJ, des concerts de très très jeunes talents, un cabaret débat politique avec Bernard Friot, des banquets gigantesques dans la cour de l'école, des soirées pop-corn-tchache ou soirées film débat, des marchés du livre de Noël parfois couplés avec des compétitions nationales de lancer de bûche, des matchs de blagues drôles, des concours de pull moche, l'accueil du réseau des Cafés culturels et associatifs et la participation à l'impulsion d'un réseau Limousin, des ateliers tango, du théâtre d'ombres, la distribution de Pass Culture et de Pass associatif, de l'information courante sur les bons plans, des ateliers de fabrication de badges, des performances poétiques, par exemple dans le cadre de Folie les mots, des tables rondes radiophoniques, des bibliothèques à thèmes à de multiples occasions, des concerts de chantiers, les « goguettes » écrites et interprétées localement, « à poil les papas » pour inciter à aller à la piscine ! Des ateliers de découverte de la sérigraphie, de la vannerie, de l'impression en typo, de gravure, de création de masques et de costumes, de couture, de dessin, de chanson, d'écriture poétique, d'improvisation musicale, de fabrication de bière, de cuisine végane, de fabrication de biscuits, de photographie et de développement, de réparation de vélos, de batucada, tampon en gomme, collages pour carte postale, pompon fleuri en papiers, loopers, mandala, des siestes musicotées, une programmation culturelle et musicale dont il est impossible de faire état : des résidences de musique à l'occasion du carnaval sauvage en partenariat avec Toutazimut, l'accueil du Vlad tour, du projet « des arts, des ânes et des hommes » et d'arts plastiques comme celle de Pascale Ben, d'Anna Gianferrari avec les célébrations de pleine lune, celle de Julie Jardel autour de l'enterrement du patriarcat, comme celle de Géraldine Stringer pour « Faire ressurgir le beau »…

     

    Mais aussi l'aide à la structuration et le soutien à des initiatives portées par des tiers : le théâtre pour les enfants et les ados, l'école de la forêt, l'éveil musical pour les tout petits, les ateliers beat box, etc... Une banque de matériel de prêt pour soutenir les initiatives des copaines : gobelets écocup, tables, chaises, batterie de cuisines et de service…

     

    Nous avons souhaité incarner une manière de vivre ensemble autant que faire se peut joyeuse et décalée, une usine à anecdotes loufoques qui ont enraciné l'esprit du social club : la distribution de graines de fleurs dans les boîtes aux lettres, l'attribution de costumes variés au pouti de la Fontaine de Faux-la-Montagne, Le punch "Béton" mythique au gingembre avec ou sans alcool... parfois servi à la bétonnière, des toboggans sans fin à balles de golf, la customisation du mur d'affichage sauvage de l'autre côté de la rue, notamment avec les coloriages géants (marque de fabrique des affiches du 1er mai), les barbeuks géants du 1er mai, un rendez-vous toujours loufoque et féministe pour la Saint Valentin ou la journée de la lutte des femmes... (atelier typographie, fée carabine, émission radiophonique de dédicaces et de conseils émotionnels...), une commission rhum arrangé qui a expérimenté pendant des années les meilleures recettes traditionnelles ou locales, des cartes postales du carnaval sauvage qui encore aujourd'hui s'exportent… L'ouvrage magnifique de Portraits réalisé à l'initiative de Lætitia Carton et avec le concours d’Edmond Baudouin, réunissant des portraits d'habitants de Faux-la-Montagne.
    Et donc la partie invisible de l'iceberg, un travail de fond de coordination sur les questions sociales et familiales : un groupe de parole sur les burn out dans les structures non hiérarchiques avec l'ARACT, groupe de travail sur les questions employeuses, le portage d'une référente famille avec un travail de fond sur une réflexion globale et une coordination des actions familles sur le territoire. Des projections pour enfants en parallèle de projections pour adultes en direction des familles, le safari des familles, de nombreux évènements autour des questions féministes au sens très large : une soirée sur le thème des nullipares, un atelier de création d'affiches à destination des lieux organisateurs de soirées concernant la prévention des risques sexistes avec Alouette Machine, un groupe de travail inter-structures autour de ces questions, un week-end à soi avec des arpentages, projections et des badges à destination des serveuses et serveurs. Une commission bistrot d'échange de pratiques sur la fonction de barman-maid ! des formations internes et en direction de nos partenaires réguliers, et beaucoup beaucoup beaucoup de frites et de repas délicieux…

     

    Faire part Constance rectoFaire part Constance verso

     

    Ça nous attriste de fermer la boutique, mais ça nous soulage aussi. Nous retrouverons alors de l’énergie pour réinventer ou participer individuellement à toutes sortes de propositions qui sauront donner vie à de la bordélisation joyeuse, de la créativité sans bornes, des soulèvements salvateurs, de l’organisation collective pour la réappropriation de nos modes de vie.

    C’était con, c’était intense, c’était Constance.

  • Le Magasin général de Tarnac fait sa mue

    Symbole d’une revitalisation du Plateau depuis 17 ans, le Magasin général de Tarnac (MGT) entame une seconde carrière via la création d’une structure associative en remplacement d’une société à responsabilité limitée (SARL).

     

    magasin general tarnac camion

    Historique

    À l’origine, l’arrivée d’un groupe de personnes liées par des désirs politiques et installées depuis 2004 sur la ferme du Goutailloux, à quelques encablures du village. Son but ? En faire un lieu d’expérimentation et d’organisation en dehors du mode de vie dominant.
    « Des dizaines de personnes sont venues acheter pas mal de petites fermes dans ce coin devenu un pilier de la contestation, explique un Tarnacois d’alors. Mais cette arrivée massive a divisé la population, les uns estimant que les Jeunes avaient semé la pagaille, les autres qu’ils ont fait vivre le Plateau. »
    Toujours est-il que, dès 2007, Trois d’entre eux avaient repris le restaurant ouvrier du bourg en louant les murs à son propriétaire dans le cadre d’une société à responsabilité limitée (SARL) pour que se maintiennent les activités d’épicerie, bar et cantine populaire. Ils avaient également continué à faire tourner le camion-relais pour approvisionner les hameaux et villages des alentours.
    Les bonnes volontés se sont ensuite succédé pour faire vivre le magasin et en 2018, le groupe a décidé d’acquérir les murs du MGT grâce notamment à un financement participatif.

     

    De la SARL à l’Association MGT

    Liquidée au 31 décembre 2023, la SARL passe alors le témoin à une association de bénévoles constituée le 8 janvier 2024, qui loue les murs à la SCI propriétaire. Son conseil d’administration, composé actuellement de sept membres, est collégial. Il pilotera entre autres les bénévoles, tant anciens que nouveaux, qui auront pour tâche d’œuvrer ensemble, en osmose, pour relever ce nouveau défi.
    Ses missions, inscrites dans une charte, visent à créer et développer un lieu de vie ouvert à toutes et tous, favorisant les rencontres et l’entraide, sur fond d’une offre générale accessible et respectueuse de l’environnement. Un règlement intérieur, destiné aux membres de l’association, en explique les modalités de fonctionnement interne.
    Afin de préparer la reprise dans les meilleures conditions possibles, divers groupes se sont formés en vue d’analyser les tenants et aboutissants des différentes composantes d’un tel enjeu : élaboration d’un planning des bénévoles susceptibles d’occuper les créneaux horaires concernant l’épicerie et le bar ; démarches juridiques et administratives ; embauche de deux salariés, l’un pour la comptabilité et le développement de l’épicerie, l’autre en charge des approvisionnements ; contact avec les fournisseurs et producteurs locaux ; réaménagement des locaux ; communication.
    Après l’ouverture, dans le cadre du fonctionnement régulier, des réunions se tiendront entre bénévoles par pôles concernés (épicerie-bar-cantine), afin de fluidifier les liaisons nécessaires.

     

    carte postale tarnacL’ADN de l’ancien…
    comme du nouveau commerce

    Enfin, il importe de mentionner un élément de poids, au sens propre comme au sens figuré, dans ce nouveau paysage : le célèbre camion des trois tournées différentes effectuées en campagne chaque semaine, et qui couvrent l’étendue de plusieurs communes : Tarnac, Peyrelevade, Gentioux, Faux-la-Montagne, La Villedieu, Nedde, Rempnat, La Nouaille... Bien reconnaissable, il fait partie de l’ADN du MGT, dont il est le phare ambulant. Parmi ses soixante à soixante-dix clients.es selon la saison, donnons la parole à Madame Rebière : « Je prends tout au camion du MGT, et ainsi, je ne demande rien à personne… » De fait, le véhicule institutionnel permet à cette dame âgée de continuer à vivre en autonomie et dignement, sans avoir à se sentir redevable. Il poursuit ainsi une mission de solidarité assignée de longue date.
    « La nouvelle équipe s’ouvre aux villageois », plaide le groupe producteurs : « Ce territoire peu peuplé, au climat rude, difficile à cultiver en raison de terres pauvres et acides, peu mécanisables, rend difficile le développement de projets agricoles et artisanaux. Le MGT offre aux producteurs et artisans locaux un soutien non négligeable. En favorisant au mieux les produits locaux dans ses rayons, il apporte une solution partielle à nos difficultés de commercialisation. Et là, contrairement à la grande distribution, il joue à plein un rôle social territorial essentiel en soutenant la pérennisation des petites activités économiques locales, ce qui est pour nous une chance, mais aussi une bonne chose pour la clientèle. »
    En parallèle, hommage est rendu au staff ancien qui, malgré les difficultés, a eu « le courage de se relancer dans un projet collectif ouvert à l’ensemble des habitants volontaires de Tarnac. Ainsi, le magasin se transforme dans l’objectif de mieux servir le village et le territoire environnant. Il serait même pertinent que d’autres magasins de ce type puissent voir le jour sur le Plateau. »
    Ce groupe « producteurs » compte dès maintenant 8 membres et devrait s’étoffer rapidement. Pour ceux qui acceptent de tenir une permanence à l’épicerie, le Magasin abaisse sa marge.
    Quant au groupe « fournisseurs », il a effectué un tri de produits pour plusieurs profils de clientèles, avec un glissement vers des produits écologiques en lieu et place de produits chimiques, « quand on a le choix, tout en ayant le souci de ne pas augmenter le prix du panier moyen. »

     

    Vendredi 19 avril 2024, jour J

    Il est 8h30. Après celles du bar la veille, l’épicerie du MGT vient de rouvrir ses portes, à l’issue d’un intermède de trois mois nécessaires au changement de structure juridique. À bas bruit pour une reprise en douceur…
    Christiane, cliente depuis longtemps, fait le tour des rayons : « C’est magnifique, ils ont bien travaillé !», s’exclame-t-elle. Quant à Bernadette et Liliane, qui vivent à Tarnac depuis une quarantaine d’années, elles affichent une fidélité sans faille à l’égard du Magasin qui représente pour elles beaucoup plus qu’un simple lieu où elles viennent s’approvisionner en duo : « On y vient tous les jours, pour nos courses bien sûr, mais surtout pour prendre au bar ou sur la terrasse un petit sirop ou un café, et y passer un moment convivial avec les uns et les autres. C’est bon de voir de nouveau le village revivre… » Quant au camion-relais, il a repris la route dès le vendredi 3 mai. « Les pilotes étaient impatients », a publié le groupe communication.
    Restera à la jeune association à envisager l’avenir du troisième pilier de la trilogie, à savoir la cantine. Il est à l’étude. Enfin, le tout sera agrémenté d’un programme d’activités festives et culturelles prévues dans l’enceinte du bar, et qui restent encore à définir.

     

    Michel Rouault
  • Les préfectures coupent sournoisement les vivres aux associations

    asso sub rougeCet article, voici des années qu’IPNS le couve. Si jusqu’alors nous n’avions pas pris le sujet à bras-le-corps c’était pour différentes raisons : des associations qui nous rapportaient leurs déboires avec l’administration ne voulaient pas « envenimer les choses », préféraient « jouer l’apaisement » et ne pas prêter le flanc à la critique, craignaient des rétorsions, si on révélait comment l’État, via les préfectures, s’immisçait dans leur financement, l’octroi d’un emploi aidé ou d’un agrément, au-delà pourtant de ce qui leur semblait légitime.
    Pour écrire cet article, nous avons rencontré de nombreuses actrices et acteurs associatifs qui préfèrent se taire. Ne paraissent donc ici qu’une petite partie de cette série de scandales. Pour « ne pas être reconnaissables ». Parce qu’elles craignent si elles parlent de perdre d’autres aides publiques qu’elles ont encore. Parce que les bénévoles et salariées associatives reçoivent des avertissements directs, de l’intérieur de l’administration, leur disant qu’ils sont surveillés.
    Ces derniers mois, nous avons reçu plusieurs nouveaux témoignages, y compris de cette administration, qui nous poussent tout de même à mettre une partie de ces informations sur la table. Il faut raconter ce qui se passe.

     

    Des associations limousines qui se retrouvent dans le collimateur de l’État et de ses préfectures, cela ne date pas d’hier. Il y a quelques années, une série de rétorsions a touché plusieurs associations. Nous sommes en 2018 et des mobilisations autour de la défense d’exilés sont très médiatisées. La préfète de la Creuse Magali Debatte et son secrétaire général Olivier Maurel se déclarent « en guerre » contre le Plateau (voir IPNS n°65). Même avant, les choses avaient commencé à mal tourner pour les associations considérées comme contestataires par ces représentants de l’État.

     

    Vengeance à l’emploi aidé

    En mai 2017, quelques citoyens souhaitent organiser une réunion sur le thème des « violences policières » et demandent à réserver la salle des fêtes de Faux-la-Montagne. Comme les organisateurs ne sont pas structurés en association 1901, ils demandent à l’association Pivoine de réserver la salle pour cette réunion, ce que l’association fait sans problème, comme elle le fait régulièrement pour que la salle soit assurée, et la commune couverte en cas d’accident. La préfecture repère aussitôt cette réunion qu’elle juge douteuse. Elle écrit à la mairie afin de la mettre en demeure de ne pas prêter la salle municipale, usant d’un chantage au financement. En substance :  Si vous tenez à ce que l’État finance la mise aux normes de l’école (gros chantier alors entrepris par la commune), n’accueillez pas cette réunion. (lettre de la préfecture à la maire de Faux-la-Montagne, mai 2017).
    La réunion est finalement délocalisée à La Villedieu. En réponse, l’État prive cette commune d’une Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), qui était réputée acquise quelques jours plus tôt.
    À la même période, d’autres communes de Creuse font l’objet d’un chantage à la DETR, la préfecture exigeant qu’elles changent des délibérations qui ne lui convenaient pas. « Messieurs, quand on me chie dans les bottes, je prends des mesures de rétorsion » leur déclare alors M. Maurel d’une façon puérile qui peut surprendre pour un haut fonctionnaire.
    D’autres mesures de rétorsion vont suivre en 2017. On est en pleine période de distribution des contrats aidés pour les associations. La préfecture n’ayant pas trouvé de moyen de pression financière sur Pivoine, tout se déroule comme si elle décidait de se venger sur d’autres associations de Faux-la-Montagne. Alors que les interlocuteurs à la direction de la Jeunesse et des Sports étaient confiants, le contrat aidé du Constance social club, une association de Faux-la-Montagne alors en train de se configurer en centre social, n’est pas renouvelé. Cette décision de janvier 2018 sapera le moral de l’association et de ses animatrices, qui n’en comprendront pas les raisons. L’association, bénéficiant d’un soutien indéfectible de la CAF, développera une énergie colossale pour se relever de ce coup de Trafalgar mais n’y parviendra jamais vraiment.

     

    Batailles de ministères

    Aujourd’hui, les préfectures généralisent cette nouvelle politique de suppression discrétionnaire des subventions. Dans des domaines où la décision de subventionner dépendait de critères comme l’intérêt du projet ou le sérieux de l’association, la décision dépend maintenant de l’opinion politique des préfets.
    Les préfectures et leurs services de police invalident des subventions y compris contre l’avis des fonctionnaires spécialisés qui étaient auparavant chargés d’en décider. C’est une répression financière que les victimes ne peuvent jamais prouver. Rien n’empêche l’administration d’écrire « votre projet est refusé faute de crédits », même lorsque quatre mois plus tôt on déclarait la subvention acquise (l’aventure est arrivée cette année à Télé Millevaches).

    Au journal IPNS, nous voyons des fonctionnaires nous parler tels des lanceurs d’alerte : discrètement et à condition que leur hiérarchie ne puisse pas les identifier.
    Ils et elles craignent de perdre leur emploi. Disent : je suis fonctionnaire de tel ministère, je suis chargé d’évaluer l’action des associations dans tel département, je défends leur demande de subvention auprès de ma hiérarchie. Puis j’apprends que la préfecture régionale leur interdit toute subvention ou bloque leur versement, ainsi qu’à plusieurs associations du Plateau de Millevaches ou assimilées, pour des raisons politiques. Je ne peux plus rien faire. Je fais remonter le scandale à ma hiérarchie, qui le fait remonter en face des services de renseignement et de police à la préfecture régionale à Bordeaux.
    Des fonctionnaires de l’Intérieur, de la Culture, de la Santé ou de Jeunesse et Sports bataillent entre eux. Maintenant, une subvention de 5 000 euros à une association culturelle du plateau de Millevaches fait l’objet de luttes entre d’un côté les fonctionnaires chargés de cela qui voient que l’association remplit bien son rôle, et d’un autre côté les fonctionnaires de police qui refusent que le moindre euro public ne soit donné à toute une série d’associations jugées trop politisées.

     

    monde associatif

     

    Ce sont des petites luttes

    Le Battement d’ailes, grand lieu d’expérimentation créé en 2005 à Cornil (Corrèze) grâce au soutien de subventions, a vu un financement d’Etat de 350 000 euros pour les « manufactures de proximité » lui être refusé début 2022 à cause de l’intervention de la préfecture de Nouvelle-Aquitaine. Le dossier du Battement d’ailes avait pourtant été classé premier à l’unanimité des fonctionnaires lors du premier examen en commission. L’ingérence des services de la préfète de Nouvelle-Aquitaine Fabienne Buccio et/ou du préfet délégué à la sécurité en Nouvelle-Aquitaine Martin Guespereau ont eu raison de la liberté d’action des projets du Battement d’Ailes. Nous avons tenté de joindre le préfet délégué à la sécurité pour le présent article. Il ne nous a pas répondu.

     

    Pour des ateliers d’éducation à l’image auprès d’enfants et d’adolescents qu’elle organise pourtant depuis plusieurs années grâce aux mêmes subventions, Télé Millevaches vient d’apprendre en octobre 2022 que, subitement, elle n’aurait plus les 8 500 euros prévus, que lui avait pourtant clairement octroyés la Direction régionale des affaires culturelles quatre mois plus tôt.

     

    IPNS, qui bénéficie depuis quatre ans du fonds de soutien aux médias de proximité (3 500 € par an) n’a appris que fin novembre 2022 qu’il recevra finalement bien cette somme. Le journal correspond parfaitement aux critères selon les fonctionnaires du ministère de la Culture en charge de ces dossiers. On explique à IPNS que l’aide arrivera bien mais qu’on cherche un circuit de versement qui permette « d’éviter le passage en préfecture de Région » !

     

    Toutes les associations ne reçoivent pas des subventions
    En France, environ 4 associations sur 10 ne perçoivent aucune subvention. Parmi celles qui en reçoivent, la plupart (57,2% des associations françaises) les reçoivent des communes. Celles-ci sont parfois très limitées (200 € par exemple) et ont surtout une dimension symbolique. Seules 14,7% des associations reçoivent des subventions des départements, 5,4% des régions, 5,4% de l’État et 0,4% de l’Europe. C’est dire que les associations sont loin d’être largement subventionnées !

     

    On est à un point où à l’intérieur de l’État des fonctionnaires d’autres ministères imaginent des circuits alambiqués de financement pour ne pas contredire ou déplaire à ceux, tout puissants, du ministère de l’Intérieur.
    On est dans une région où fleurissent de nombreux projets qui sont entravés alors qu’ils seraient soutenus à fond ailleurs, dans des villes ou des campagnes où il n’y a aucun projet.

     

    Le Planning familial de Peyrelevade a été supprimé d’une invitation dans un programme de la préfecture de la Corrèze pour les femmes victimes de violence en milieu rural en Haute-Corrèze alors qu’il fait partie du réseau violences de Haute-Corrèze et est référent sur les questions de santé sexuelle et de violences sexiste et sexuelle dans le Contrat local de santé de ce territoire.

     

    Quand le journal La Trousse corrézienne a demandé des crédits au Fonds de développement de la vie associative (FDVA) en 2022, prévus pour soutenir les actions des associations envers leurs bénévoles, il s’est vu opposer un « refus préfecture ».

    Lors d’une réunion de la commission qui attribue ces FDVA en 2022, ce sont cinq dossiers d’associations corréziennes qui sont apparus sur une liste noire fournie par la préfecture de la Corrèze aux membres de la commission. Cinq dossiers à jeter impérativement à la poubelle. Aux demandes de précisions émises par des participants, il a été répondu qu’elles appartenaient à « l’ultragauche » ou ne respectaient pas « le contrat d’engagement républicain » ou que « l’honorabilité de leurs dirigeants » n’était pas acquise. Il s’agit de l’association pour la Conservation et l’expérimentation paysanne et écologique (de Tarnac), de La Trousse corrézienne et de trois autres associations également extrêmement dangereuses pour la sûreté de l’État, dont nous n’avons pas pu nous assurer qu’elles accepteraient d’être citées dans le présent article.
    Pour expliquer le refus d’une subvention à Peuple et Culture, acteur historique de la vie culturelle de Tulle, il a été répondu à l’association que cela tenait à la participation d’une représentante de Peuple et Culture à une manifestation qui avait eu lieu lorsque Gérald Darmanin était venu à Tulle en septembre 2021.
    Le tiers-lieu de Tarnac, PTT, qui a postulé à un appel à manifestation d’intérêt « Fabrique de territoires » a reçu un « avis très défavorable » de la préfecture de la Corrèze. Vous devinez pourquoi ? En tout cas, le jour où PTT appelle la préfecture pour savoir où en est son dossier, c’est la panique. Le fonctionnaire bégaye au téléphone, ne sachant que dire, comment le dire, et faisant celui qui ne sait pas – mais sans le talent qui le rendrait crédible. Quelques mois plus tard, la même association qui était pourtant la mieux à même en Haute-Corrèze de répondre à un autre appel à projets pour mettre en place des conseillers numériques sur le territoire, a été prévenue indirectement que la préfecture avait été catégorique : « C’est même pas la peine que PTT se porte candidate » - sous-entendu : son dossier sera refusé d’office.
    Un photographe, en Creuse, a appris qu’une subvention prévue pour son travail serait interrompue sur consignes de la préfecture.

    Arrêtons ici la litanie. Il est clair que les bâtons dans les roues, la suspicion et les mesures de rétorsion ne sont pas anecdotiques et exceptionnelles. Elles peuvent aussi être lues à la lumière du positionnement de l’État vis-à-vis des associations tel qu’il s’est exprimé à travers la loi confortant les principes républicains (dite loi séparatisme) et son contrat d’engagement républicain. La Hongrie et la Pologne n’ont pas le monopole de l’illibéralisme.

     

    Tout le monde aime les subventions

    En France, la part de l’argent public dans l’économie est particulièrement importante. Les subventions ne soutiennent pas que les associations sans but lucratif, loin de là. D’importantes filières capitalistes promptes à critiquer l’intervention de l’État bénéficient largement de l’argent public. Quelques exemples :
    Aides à la presse : Le Parisien – Aujourd’hui en France : 11,9 millions d’euros de subventions en 2021 pour ce journal qui défend les intérêts de son propriétaire le milliardaire Bernard Arnault. Le Figaro : 7,7 millions d’euros de subventions en 2021 pour cet organe du groupe Dassault. La Montagne : 577 000 euros de subventions en 2021. (source : « Tableau des titres de presse aidés en 2021 », culture.gouv.fr)
    Aide à l’industrie : 42 millions d’euros en soutien aux 16 mégabassines dans les Deux-Sèvres dont celle de Sainte-Soline. Dans ce projet lamentable, les fonds publics payent 70 % des dépenses. - Dans l’exploitation industrielle de la forêt : 20 à 40 % du coût d’une abatteuse est aujourd’hui financé par l’argent public (avant, c’était encore plus). (« Aide à l’équipement des entreprises de mobilisation des produits forestiers », commission permanente de la Région Nouvelle-Aquitaine, 7 novembre 2022). - Un demi-million d’euros publics pour chauffer les serres de Rosiers-d’Égletons. - Plusieurs centaines de milliers d’euros publics pour ériger le méthaniseur de Pigerolles.
    Aides aux cabinets de conseil : 497 800 euros à McKinsey pour réfléchir au « marché de l’enseignement », pour un colloque finalement annulé ; minuscule exemple dans le milliard d’euros versé chaque année par le gouvernement Macron à ses amis des cabinets de conseil pour générer des « powerpoints » souvent très légers.

     

    Le contrat d’engagement républicain

    Depuis le premier janvier 2022, toute association recevant des financements publics doit signer un « contrat d’engagement républicain ». Imposé par la loi du 24 avril 2021 « confortant le respect des principes de la République », il s’agit d’un engagement unilatéral de l’association à respecter 7 engagements :

    - Engagement N° 1 : Respect des lois de la République (« Le respect des lois de la République s’impose aux associations et aux fondations, qui ne doivent entreprendre ni inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public. »)

    - Engagement N° 2 : Liberté de conscience (« L’association ou la fondation s’engage à respecter et protéger la liberté de conscience de ses membres et des tiers »)

    - Engagement N° 3 : Liberté des membres de l’association (« L’association s’engage à respecter la liberté de ses membres de s’en retirer »)

    - Engagement N° 4 : Égalité et non-discrimination (« L’association ou la fondation s’engage à respecter l’égalité de tous devant la loi. »)

    - Engagement N° 5 : Fraternité et prévention de la violence (« L’association ou la fondation s’engage à agir dans un esprit de fraternité et de civisme. »)

    - Engagement N° 6 : Respect de la dignité de la personne humaine

    - Engagement N° 7 : Respect des symboles de la République (« L’association s’engage à respecter le drapeau tricolore, l’hymne national, et la devise de la République. »)

    Certains de ces engagements ne choqueront personne, mais d’autres sont plus discutables et surtout plus interprétables... C’est pourquoi la plupart des représentants du monde associatif, Haut Conseil à la vie associative en tête (un organisme tout ce qu’il y a de plus officiel, placé auprès du Premier ministre) ont critiqué ce contrat d’engagement républicain. Qu’est ce qu’ « entraîner des troubles à l’ordre public » ? À partir de quand ne respecte-on pas les « symboles de la République » ? Où commence, où finit « un esprit de civisme » ? À Poitiers, le préfet de la Vienne a estimé que l’association Alternatiba avait enfreint le contrat d’engagement républicain en organisant un atelier sur la désobéissance civile... Chez nous, de manière informelle, c’est le non-respect de ce même contrat qui a été mis en avant pour justifier le retrait de plusieurs dossiers d’une commission d’attribution de subventions... Ce contrat est ressenti clairement par les associations comme un signe de défiance - ce qu’il est clairement - d’autant qu’en aucun cas il n’est demandé aux entreprises qui reçoivent aussi des subventions de l’État de signer un tel acte d’allégeance. Les entreprises seraient-elles naturellement républicaines ?

     

    Michel Lulek et Alan Balevi

    Lire aussi «Comment la loi « Séparatisme » permet aux préfectures de frapper les associations au porte-monnaie», paru sur basta.media le 23 novembre 2022.
  • Loi engagement et proximité

    “Les représentants de l’État doivent être à l’écoute de leur territoire et au service des élus“

    Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales, a sollicité fin juin l’avis des maires concernant son projet de loi « Engagement et Proximité » qui devrait être prochainement discuté au parlement. Ce projet de loi vise, selon les mots du ministre, « à renforcer les droits des élus mais également accorder plus de libertés locales pour agir au plus près du terrain » avec « un seul objectif : une meilleure reconnaissance de l’engagement des maires et de la commune. » Catherine Moulin, maire de Faux-la-Montagne, qui a lu les propositions du ministre lui a fait part de ses commentaires. 

     

    liberte egalite flashball

     

    Je commencerai par le positif. Enfin ! Une analyse un peu objective des dégâts des réformes territoriales précédentes ! Enfin ! Les aberrations d’une loi Notre qui s’est fourvoyée dans le fantasme de “grandes régions“ plus fortes, plus attractives, et, comble de l’ironie, “plus proches des citoyens“ - c’est l’argumentaire que l’on nous a servi en 2015 – sont peu ou prou admises par le Premier ministre en personne (“Des grandes régions qui sont parfois encore contestées et n’ont pas forcément contribué à rapprocher les citoyens des lieux de décision“ disait-il le 13 juin 2019 devant le Sénat, lors de sa déclaration de politique générale). Enfin ! Le fiasco des intercommunalités regroupées ou grossies à marche forcée est à demi-mot reconnu (Édouard Philippe toujours, lorsqu’il a évoqué “la création d’intercommunalités de taille XXL“). Je me réjouis donc de cette prise de conscience qui, même tardive, ne peut que satisfaire les élus et les citoyens (ils ont été nombreux dans ma commune) qui ont alerté sur cette dérive du “big is beautiful“.

     

    La concertation demande du temps

    Je ne suis pas pour autant réconfortée, puisque j’imagine mal un retour en arrière radical et ne vous proposerai donc pas des choses impossibles qui, à vous comme à moi, nous feraient inutilement perdre du temps. Sauf si le Gouvernement voulait vraiment reprendre les choses à la base – ce qui ne me semble guère être le cas. Mes remarques porteront donc sur plusieurs points de vos propositions telles que vous me les présentez dans votre mail du 19 juin 2019, reçu le 20, et telles qu’elles ont été dévoilées dans Le Monde quelques jours plus tôt, le 15 juin 2019 (journal daté des 16-17 juin 2019). Au passage, je m’étonne toujours qu’on sollicite dans l’urgence notre avis puisque je ne dispose qu’à peine de 10 jours pour faire un retour... Ce sera donc ma première remarque : toute démarche de co-construction, de participation, demande du temps et exclut la précipitation.

     

    Le dynamisme, l’innovation, la créativité d’une commune ne sont pas liés à un volume de population

     

    Demander leur avis aux élus dans un délai de 10 jours, comprenant deux week-ends, en une période de fin d’année scolaire traditionnellement chargée en activités, alors que les grandes lignes du projet sont déjà ficelées, qu’elles sont même déjà parues dans la presse avant même qu’on sollicite notre avis, est à peu près l’illustration parfaite de ce qu’il ne faut pas faire... On ne peut recueillir des avis et en tenir compte dans un tel contexte. C’est dommage.

     

    Richesse des “petites“ communes

    Autre point positif : je remarque que les “petites communes“ font l’objet dans le projet de loi d’une attention particulière. Il est vrai que l’on ne précise pas ce que l’on entend par là et l’on peut se demander si le terme “petites communes“ n’est pas en réalité une manière de parler de tout ce qui n’est pas ville... Certes je vois évoqué, plusieurs fois le seuil de 1 000 habitants, je suppose donc que notre commune (une “grosse“ commune, 420 habitants, comparée au 50 % de communes du Parc naturel régional de Millevaches qui ne dépassent pas 200 habitants) est encore pertinente dans le paysage institutionnel de la République. J’ai craint l’an dernier que ce ne soit plus le cas quand j’ai entendu notre député, Monsieur Moreau, déclarer, que “les communes de moins de 150 habitants c’est une aberration“, quand j’ai lu qu’aux yeux d’un DGS d’une “grosse“ commune creusoise, qu' “en dessous de 500 habitants ça n’a plus trop d’intérêt“, quand la préfète de la Creuse a proposé (sans succès au demeurant) à 70 communes de fusionner pour créer 23 communes nouvelles, en leur donnant dix jours pour répondre à cette proposition. Je vois que ces points de vue sont, si ce n’est, abandonnés, du moins largement atténués par la prise en compte des petites communes. Réagir en fonction d’une taille, d’un nombre d’habitants, c’est méconnaître une réalité : le dynamisme, l’innovation, la créativité ne sont pas liés à un volume de population. Je me permets de vous renvoyer à l’étude commandée par le Cget en 2015 “Innovation et territoires de faible densité“ qui montre comment l’innovation est loin de n’être qu’un phénomène urbain : “Les territoires de faible densité, y lit-on, représentent un potentiel d’innovation formidable à mieux exploiter.“ Et les travaux d’un géographe comme Jean-Baptiste Grison (Université Grenoble-Alpes) montrent que dans les très petites communes (moins de 50 habitants) “l’attachement des individus à leur localité est un des moteurs de leur valorisation, qui se traduit aussi dans une volonté de développement ou de préservation, selon les circonstances.“ Il insiste également sur la dimension démocratique de cette réalité : “On peut ajouter à cela le rôle des singularités de la gestion politique locale, lorsque le nombre d’électeurs inscrits ne dépasse pas quelques dizaines, et que la majorité des familles sont représentées au conseil municipal. Les détracteurs de ces cas extrêmes diront que l’absence d’un choix suffisant lors des élections limite leur intérêt démocratique, mais ne peut-on pas affirmer, au contraire, que l’implication plus ou moins forcée de toutes les couches de la population serait un gage de contrôle direct du territoire par ses citoyens ?“

     

    Pour des intercommunalités à géométrie variable

    Sur la question des “libertés locales“ et de la répartition des compétences et responsabilités entre les intercommunalités et communes, je crois que “la libre administration“ des collectivités doit redevenir une réalité. Il faut autoriser toutes les reconfigurations territoriales possibles dès lors que certaines communes souhaitent collaborer avec d’autres hors de leur cadre intercommunal actuel. Il faudrait aller vers des communautés de communes à géométrie variable selon les sujets et les compétences, permettre des coopérations intercommunales ponctuelles, faciliter les mutualisations locales entre communes limitrophes, en dehors même des limites et contraintes administratives. Il y aurait là des possibilités d’expérimentations plus grandes, le cadre figé de l’intercommunalité bloquant les initiatives innovantes lorsqu’elles ne sont le fait que de quelques communes volontaires face à une majorité de communes réticentes. Bref, tout ce qui contribuera à réaffecter à l’échelon communal la décision politique sera le bienvenu. Si le projet de loi cherche à résoudre les problèmes engendrés par les “intercommunalités démesurément grandes“ (les XXL de M. Édouard Philippe), il ne doit pas seulement aborder la question, là encore, selon le critère unique de la taille. “Grande“ ne signifie pas la même chose en Isère, en Creuse ou en région parisienne... Le seuil des 15 000 habitants pour les communautés de communes, et même celui dérogatoire de 5 000, ne devraient pas exister. Il faut penser “territoire“, “projet de développement“ et, comme pour les communes qui peuvent aller de 50 habitants à un ou deux millions, la même latitude devrait être permise pour les intercommunalités. Mais là, je rêve sans doute.

     

    Subsidiarité et déconcentration

    Faisant référence au discours de politique générale d’Édouard Philippe mentionné ci-dessus, vous évoquez la “réorganisation des services de l’État, autour du préfet, dans une logique de subsidiarité et de déconcentration“. Je n’ai guère trouvé dans le discours du Premier ministre au Sénat matière à m’éclairer sur cette formulation. S’agit-il de faire descendre du niveau national plus de choses et de décisions, aux niveaux départemental et régional, autour des préfets ? C’est ainsi que je le comprends. Dans ce cas, je souhaiterais vous alerter sur le risque qu’une telle déconcentration (une décentralisation interne à l’État en quelque sorte) peut poser. C’est la question du rôle même de l’agent préfectoral que je pose. Il est certes la courroie de transmission de l’État et de ses politiques sur le terrain, mais il se doit d’être aussi à l’écoute de son territoire et au service des élus. De tous les élus. Il faudra faire preuve d’une grande inventivité pour que le dialogue se consolide à partir de points de vue parfois très divergents. Les réalités et les dynamismes que nous vivons au jour le jour sur notre territoire nous amènent par exemple à soutenir des projets associatifs dynamiques mais qui peuvent paraître d’un point de vue strictement administratif, utopiques ou originaux. Et pourtant, ces projets qui trouvent écho auprès de partenaires aussi sérieux que la Région, la CAF ou la Communauté de communes sont mis en danger quand des incompréhensions amènent à ce que ne soient pas reconduits des emplois aidés par exemple.

     

    Jamais les problématiques ne sont aussi bien gérées que quand elle peuvent l’être au niveau le plus local

     

    De même, nous avons eu à reprendre en régie municipale la station service inter-communale parce que la nouvelle Communauté de communes ne voyait pas l’intérêt de conserver cet outil qui est pourtant vital pour le maintien de la vie de notre territoire (50 kilomètres sans station service entre Felletin et Eymoutiers). Citons encore les indispensables travaux de mise aux normes et d’agrandissement de l’école communale pour faire face à l’augmentation actuelle et future de la population scolaire qu’amène l’arrivée de jeunes couples sur notre territoire. La remise en cause ou la diminution des financements d’État sur ce type de projet, sans qu’aucune concertation n’intervienne, aurait des conséquences dramatiques aussi bien en matière d’obligation de scolarisation (porte ouverte à la déscolarisation) qu’en matière d’ordre public. Que pourrions-nous dire à ces jeunes femmes et hommes dans l’incapacité de scolariser leurs enfants sur leur lieu de vie ? (Nous parlons ici de cinquante huit enfants à scolariser). Nous comprenons tout à fait que les côtés atypiques de notre développement puissent être déconcertants. Ce fut le cas lorsque l’Insee a remis en question les résultats du recensement de 2011 en sous-entendant que les données pourraient avoir été faussées et en diligentant des contrôles. Il aura pourtant bien fallu qu’il se rende à l’évidence lors du recensement suivant et constate que nos 420 habitants étaient bien réels.

     

    Un État méfiant, voire hostile

    Enfin, je souhaite pointer le risque avéré d’arbitraire d’un État décideur en fonction d’une idéologie ou d’une logique privilégiée de maintien de l’ordre que nous avons eu à subir ces dernières années sur notre territoire. De façon plus grave, il est maintenant nécessaire d’arrêter la chasse aux sorcières et de remettre les choses en ordre de marche. Depuis l’affaire de Tarnac et le jugement en relaxe prononcé sereinement par la justice, il semble que les services de renseignements n’ont pas digéré cette conclusion et ils n’ont de cesse de relancer la machine à suspicion par des rapports sur l’ “ultra gauche“, qui, à les lire, voudraient faire croire que des groupes particulièrement dangereux tenteraient sournoisement de saper les fondements de la République… On s’aperçoit incidemment que tel responsable d’association, tel élu, fait l’objet de “fiches spéciales“, sa photo et son identité sur des documents de police exhibés lors de contrôles intempestifs en étant la preuve. On retrouve dans la presse des sous-entendus des services de l’État sur la radicalisation du Plateau, qu’ici se verserait “le premier sang“, pour reprendre mot pour mot les propos qu’un haut responsable de la préfecture prononça devant moi. Cette paranoïa pourrait faire rire quand on connaît bien tous les acteurs du territoire, mais à force cela fatigue, surtout quand l’ostracisme s’y met et a une dimension idéologique sous-jacente indéniable, et que ce positionnement relève de l’arbitraire et pas d’une vision d’un État partenaire des territoires. 

    On pourrait aussi s’en offusquer : nos impôts qui payent les personnels de renseignement sont-ils si mal utilisés ? Il ne s’agit pas ici de régler des comptes mais de montrer comment, quand l’aveuglement idéologique est en marche, une décentralisation des pouvoirs excessive peut entraîner des dysfonctionnements importants et contre-productifs. Dans les rencontres que mon travail d’élue m’amène à faire, y compris hors du département, je m’aperçois ainsi que notre cas est loin d’être isolé. Car on retrouve ici et là, plus que je me l’étais imaginé, des comportements qu’on pourrait qualifier d’anormalement autoritaires, frisant l’abus de pouvoir…

    Nous avons collectivement des défis capitaux à relever pour les décennies à venir, toutes les énergies sont nécessaires pour y parvenir, à tous les niveaux du pays et la seule méthode pour réussir c’est le partenariat, la confiance, le respect, l’imagination créative. Et surtout, enfin comprendre qu’à chaque fois qu’une décision peut-être prise au plus petit niveau, c’est une bonne décision. Que jamais les problématiques ne sont aussi bien gérées que quand elle peuvent l’être valablement au niveau le plus local. Dit autrement : quels seraient les garde-fous à une réorganisation des services de l’État qui donnerait encore plus de marge à l’échelon préfectoral ?

     

    L’engagement n’est pas que “municipal“

    Enfin, vous abordez la manière “d’encourager des citoyens nouveaux à s’engager sur nos territoires“. Sur ce point deux choses : l’engagement ne se traduit pas seulement par un mandat d’élu. Nombre de mes concitoyens s’engagent largement pour leur commune et leur territoire dans d’autres cadres que celui du conseil municipal : associations, initiatives citoyennes, groupes informels, entreprises, etc. Il est très important de reconnaître ces engagements au même titre que celui des élus municipaux. C’est pourquoi toute politique qui soutiendra l’emploi et l’engagement associatif est indispensable et complémentaire de toute politique visant à soutenir l’engagement municipal (rappelons-nous que l’engagement associatif est souvent un sas vers l’engagement politique, particulièrement en milieu rural où, selon une enquête menée en Côte d’Or, 56 % des élus adhéraient à une association et où seulement 22 % d’entre eux n’avaient jamais rejoint un groupement associatif). Second point : l’attractivité du mandat municipal n’est pas seulement liée à une indemnité plus importante, des simplifications administratives ou une sécurisation juridique concernant les responsabilités du maire, bien que toutes ces mesures me paraissent très positives. L’essentiel, ou pour le dire plus justement, le préalable est que l’État renoue avec les élus municipaux une relation de confiance et de collaboration dans laquelle nous aurions la sensation d’être des interlocuteurs reconnus et non des “empêcheurs de tourner en rond“, d’être écoutés avec attention comme reflets et porte-paroles de nos administrés et non comme des coqs de village qui n’ont d’horizon que leur clocher, d’être encouragés dans nos initiatives fussent-elles originales, hors normes ou pas dans l’air du temps, et non découragés d’entreprendre et de défricher de nouveaux territoires, d’être estimés comme des partenaires, non comme des subalternes.

     

    Catherine Moulin
    Maire de Faux-la-Montagne.

     

  • Malgré les obstacles dressés par la Préfecture de la Creuse, Abdel a obtenu son statut de réfugié

    Le 21 septembre 2018, la préfecture de la Creuse tentait une nouvelle fois d’expulser un jeune Soudanais vivant à Faux-la-Montagne depuis presque un an (voir IPNS n°65). Malgré la mobilisation de nombreux habitants encore une fois obligés de descendre dans la rue pour défendre les valeurs fondamentales de fraternité et de solidarité sans cesse bafouées par la politique migratoire du Gouvernement et appliquée avec une particulière dureté et même cruauté par la préfecture de la Creuse, Abdel était ce jour-là embarqué pour le centre de rétention de Palaiseau, après gazage des citoyens rassemblés autour de la gendarmerie. 

     

    gueret

     

    La préfecture, au soir du transfert en centre de rétention, se sentait même dans l’obligation de se fendre d’un communiqué de presse comminatoire, indiquant qu’il n’y avait “aucune raison de dispenser ce ressortissant soudanais“ de sa “réadmission vers l’Italie“ “seule compétente désormais“ et qu’un retour sur le territoire après transfert constituait désormais “un délit puni de trois ans d’emprisonnement“. Deux semaines plus tard, le 3 octobre, le tribunal administratif de Limoges opposait un cinglant démenti à la préfète de la Creuse. Il jugeait en effet que “le refus d’enregistrer la demande“ constituait “une atteinte grave et manifestement illégale“ au droit d’Abdel “constitutionnellement garanti de solliciter le statut de réfugié“ et enjoignait à la préfète “d’enregistrer la demande d’asile […] dans un délai de huit jours“. Fin février, épilogue de l'affaire, Abdel a reçu la décision du directeur général de l’OFPRA lui reconnaissant la qualité de réfugié, le plaçant sous la protection juridique et administrative de l’Office et lui donnant accès à un titre de séjour de 10 ans et à l’autorisation de travailler. Cela, il aurait pu en bénéficier dès le mois de mars 2018 si l’administration préfectorale ne s’était pas entêtée dans ses décisions illégales et inhumaines. Ainsi, pendant presque une année supplémentaire, il a vécu dans l’angoisse permanente, sans pouvoir ni se former, ni travailler pour assurer dignement sa subsistance. Ses défenseurs estiment que cette opération illégale a coûté au bas mot 55 000 € au contribuable, sans même prendre en considération le temps consacré par les habitants mobilisés à lutter contre des mesures iniques. Du temps qui aurait été tellement mieux employé à développer le réseau social d’Abdel et des personnes dans la même situation que lui. De l’argent qui, pour un coût bien moindre, aurait permis de financer des cours de français, des formations qualifiantes et tout le soutien nécessaire à des jeunes isolés avant qu’ils puissent trouver leur autonomie.

  • Moreau explose, une remise à plat s’impose...

    Blaireau batteLa réaction de Jean Baptiste Moreau lors de l’affaire de l’En’duo d’Aubusson évoquée page 3 et reproduite ci-dessous, illustre encore une fois les amalgames, les mélanges et les procès d’intention que cet ancien député ne cesse de mener contre les habitants des communes du Plateau. Il met dans le même sac tout et n’importe quoi, attaque les bénéficiaires du RSA ou des communes comme Faux-la-Montagne ou Gentioux-Pigerolles réputées « favorables » aux « traînes savates » ; cite pêle-mêle : « ultra gauche néo-fascite »,
    « yourtes », « allergiques au travail » ou « squat » ; et désigne régulièrement un « autre » extensif et général comme ennemi.
    Nous publions ici deux réactions à cette verve anti-plateau. L’une se présente comme une lettre ouverte à Monsieur Moreau et émane d’un conseiller municipal d’une des communes critiquées régulièrement par l’ex député, Faux-la-Montagne. L’autre, démontre, chiffres à l’appui, que les bataillons de bénéficiaires du RSA sur le Plateau... ne sont pas plus nombreux ici qu’ailleurs. Deux mises à plat qui s’imposaient.

     

    moreau1

     

    Lettre ouverte à Monsieur Moreau

    J‘habite à Faux la montagne et suis élu de cette commune. Les propos de Monsieur Moreau m’ont choqué venant d’un homme politique qui se définit comme modéré. Je m’adresse à vous, Monsieur Moreau, en tant qu’élu locad’un territoire que vous stigmatisez régulièrement, suggérant on ne sait quelle cascade d’irrégularités et de complicité dans la manière dont nous gérons nos communes
    Vous nous avez encore récemment accusé de laisser une urbanisation illégale et rampante sévir sur nos communes, en rajoutant qu’ « il fallait mettre de l’ordre dans tout ça assez rapidement ». Nous avons ici comme ailleurs quelques habitant-es qui essayent de déroger au code de l’urbanisme et nous essayons autant que possible de le faire respecter. Les extensions de maisons autant que l’installation de bâtiments non déclarés ne datent pas d’hier sur nos territoires (tout comme partout en France d’ailleurs) et très certainement sur votre territoire. Ces situations, très rares au demeurant, ne relèvent pas d’une catégorie particulière de citoyens comme vous le laissez entendre, mais beaucoup plus de « natifs historiques » que des nouveaux arrivants généralement plus respectueux des règlements d’urbanisme !
    À l’occasion des incidents qui ont émaillé l’En’duo vous montez encore la barre d’un cran en accusant les élus du Plateau de complicité avec les personnes qui ont réalisé les dégradations du fléchage dont l’action a été globalement condamnée. À part votre hostilité, évidemment politique, à notre égard, qu’est-ce qui vous permet ce genre d’affirmation calomnieuse ?

    Que connaissez vous des pratiques de ces territoires que vous livrez à la vindicte publique ?

    Que connaissez vous des initiatives qui s’y développent, des nouvelles manières de vivre qui s’y inventent, des débats et des réflexions qui s’y développent ?

    Croyez vous que ce soit par hasard que nos villages ont des taux de progression de leur population et de leur activité économique aussi importants, contrairement à ce que l’on constate dans d’autres parties de la Creuse ? Et cela avec des taux de RSA ou de chômage égaux ou inférieurs à ce que l’on retrouve sur le reste du territoire de Creuse Grand Sud contrairement à ce que vous affirmez.
    Savez vous que nos écoles sont pleines ? Que des restaurants et des bars viennent s’y installer ? Que des activités culturelles s’y multiplient ? Que des PME s’y implantent ? Que des agriculteurs et des éleveurs y vivent et y prospèrent et que des jeunes, parce qu’en effet il y a beaucoup de jeunes sur nos territoires, y créent leur activité professionnelle ?
    Alors oui, nous, élus locaux de ces territoires (élus démocratiquement avec de larges majorités incluant des habitants de toutes origines), nous assumons, avec la population qui s’y active, cette politique d’accueil volontariste. Et nous en sommes fièr-e-s, comme nous sommes fièr-e-s des générations précédentes d’élu-e-s qui ont initié les changements et fièr-e-s des habitant-e-s qui, génération après génération, ont su accueillir de nouveaux arrivants et les intégrer si solidairement.

    Nous accueillons en effet, comme cela se fait depuis de longues années, toutes celles et tous ceux qui ont envie de s’installer sur ce territoire de manière pérenne, pour y apporter leurs compétences, leurs savoir-faire, leur énergie et aussi quand, ils en ont, leurs capitaux.

    Nous accueillons sans discrimination, aussi bien des réfugié-e-s venus d’autres parties du globe, que de jeunes idéalistes avec leurs pratiques nouvelles. Nous accueillons aussi bien des personnes ayant des activités artistiques ou culturelles que des projets d’implantation d’activités innovantes ou traditionnelles. Nous accueillons aussi bien des retraité-e-s souhaitant s’investir dans les solidarités locales que des entrepreneur-e-s souhaitant développer leurs activités dans un environnement riche de multiples initiatives.
    Le monde change (comme vous même l’avez évoqué sur un autre dossier) et la Creuse aussi. Ses habitant-e-s changent eux et elles aussi, et ont envie d’inventer leur territoire. Parce que, si la valeur ajoutée première de notre territoire, c’est bien d’une part l’exceptionnelle qualité de vie qu’il propose et qui contraste avec les conditions que subissent la majorité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire national, c’est d’autre part, et peut être surtout, l’implication forte de la grande majorité de la population, toutes origines confondues, dans une série de réflexions et d’actions communes pour s’approprier l’avenir de ce territoire et ne pas le laisser aux mains de logiques économiques extérieures qui viendraient imposer une manière de penser unique.
    Les défis que nous avons à relever collectivement, que ce soit au niveau social ou au niveau écologique doivent nous amener à rassembler nos forces et à ne pas se tromper de combat. En respectant les pratiques de chacun et en les resituant dans un contexte global. La situation nationale et internationale est suffisamment grave pour que nous ne multiplions pas les divisions et les oppositions stériles. Donc ce n’est qu’en développant une concertation apaisée entre tous les acteurs et les actrices de bonne volonté que nous pourrons créer en commun une dynamique positive profitable à toutes et tous.

    Alain Détolle

  • Ne tombons pas dans le panneau (photovoltaïque) !

    À Aubusson, un agriculteur, Marc Lefranc, prévoit d’installer un parc photovoltaïque sur une surface de 21 hectares sur le plateau du Marchedieu, ce qui en ferait l’un des plus importants de la Creuse. Il a demandé à la communauté de communes Creuse Grand Sud la modification du classement de son terrain pour pouvoir bénéficier de meilleures conditions de rétribution pour l’électricité qu’il va produire. Sur les 42 élus présents le 28 juillet 2020 pour ce vote, seuls 5 ont voté contre. Parmi eux, Jacques Tournier, adjoint au maire à Vallières. Il a expliqué à ses collègues les raisons de son choix. Nous publions ici son intervention1.

     

    moutons photovoltaique

     

    En tant qu’élu d’un territoire rural dont l’une des activités majeures est l’agriculture (1 actif sur 4 est lié à cette activité en Creuse), en tant qu’agriculteur en activité, président du groupement de développement agricole (GDA) d’Aubusson, je me dois de vous faire part d’une autre vision, qui n’est pas uniquement la mienne, mais celle d’une grande majorité au sein de la profession. Ces projets de centrales au sol font débat sur le territoire national. La revue La France agricole a ainsi titré un article sur ce sujet : « Les panneaux de la discorde ! »

     

    Une agriculture en souffrance

    L’agriculture française est sans doute la plus diversifiée au monde et ses productions reconnues comme les plus sûres, les meilleures en matière de qualité et de traçabilité. La mission de l’agriculture est de nourrir la population. En France, pendant le confinement, aucun produit de base n’a manqué pour les consommateurs ou pour fournir l’industrie agroalimentaire. Malgré ses atouts, la production agricole nationale baisse tous les ans (de la troisième place mondiale en 2005, nous sommes aujourd’hui à la sixième en exportations de produits agricoles), et, d’après les experts, à partir de 2023 on importera plus qu’on exportera ! L’agriculture française est en souffrance depuis des décennies malgré sa modernisation à la pointe de la technologie et son adaptation constante. Cela reste un métier difficile et peu rémunérateur. Nous sommes de moins en moins nombreux (environ 400 000 aujourd’hui, contre 500 000 il y a 10 ans) et une projection annonce le chiffre de 200 000 pour les années 2030. Les raisons de cette hémorragie sont multiples... Finalement peu nombreux, donc peu représentés, peu défendus et surtout peu entendus, les agriculteurs sont critiqués. L’agriculture serait responsable de tous les maux : pollution, réchauffement climatique, manque d’eau, etc. Nos détracteurs sont nombreux et cet agribashing est croissant. Certes nos pratiques sont perfectibles et bien évidemment nous devons encore travailler pour les améliorer. Une seconde hémorragie lente et incessante est celle de la SAU (Surface agricole utile) : 76 000 hectares disparaissent tous les ans en France, grignotés en partie par l’urbanisation (routes, zones industrielles, artisanales, commerciales...). Par comparaison, cette surface est plus importante que la superficie de notre communauté de communes Creuse Grand Sud. Ce déclin du nombre d’exploitants et de leur outil de travail est une réalité presque invisible, mais c’est la vérité.

     

    30 terrains de foot

    Que dire du projet du Marchedieu dans ce contexte ? Il occuperait une vingtaine d’hectares. C’est peu... ou immense, car cela représente environ 30 terrains de foot ! Ce plateau du Marchedieu est magnifique, plat, sans obstacles, ni haie, ni talus, ni partie humide. Il est aujourd’hui cultivé de prairie, luzerne, blé ou maïs. C’est une terre labourable à fort potentiel, une richesse pour la production agricole, une richesse de notre patrimoine, que bon nombre d’agriculteurs creusois rêveraient d’avoir sur leur exploitation ! Le secteur agricole n’est pas opposé à la transition énergétique, au contraire. Le photovoltaïque utilisé sur des toitures a justement permis la modernisation des exploitations par la construction de bâtiments modernes. En revanche, les installations de panneaux photovoltaïques au sol doivent être réservées à des terres non productives, des pentes, des friches industrielles, militaires, des parkings.... 

    Nos dirigeants politiques ont d’ailleurs très tôt interdit ces installations sur des terres classées agricoles par une circulaire du 18 décembre 2009, signée du ministre de l’Écologie. La réglementation de ce type d’installation est également prévue par la loi du 12 juillet 2012, dite Grenelle 2. C’est une évidence, une terre couverte de panneaux, même qu’à 45 %, n’a plus sa capacité de production, plus la possibilité d’être labourée et semée. On nous demande de modifier la classification de ce terrain aujourd’hui classé A (agricole) pour le passer en zone N (naturelle : zone qui tend à préserver un caractère naturel à un site, donc qui préserve les sols agricoles et forestiers). Mais dans une zone N, par dérogation, des constructions « temporaires » ou « démontables » sont possibles ! Ce qui est le cas des panneaux photovoltaïques.

     

    Préservons notre sécurité alimentaire

    Ceux qui partagent mon point de vue ne sont pas contre le développement économique de notre territoire. Des projets de ce type bien situés ne nous posent aucun problème ! Le poste source EDF situé à proximité du projet est également très proche de la zone industrielle du Mont, environ à 800m. Pourquoi ne pas faire un projet collectif sur cette zone en utilisant toutes les toitures des bâtiments et tous les parkings pour faire des ombrières solaires ? De telles réalisations existent et n’ont aucun impact sur les espaces agricoles. Il y a vingt ans, voire seulement dix ans, personne ne pensait que l’on pourrait manquer d’eau en Creuse. Personne. De la même façon, dans dix ans, nous ne serons plus autosuffisants pour manger. Cette dépendance alimentaire (une de plus !) nous obligera à faire venir des produits, sans traçabilité, avec des transports multiples et donc un impact carbone très négatif. Où sera le bénéfice écologique ? 

     

    Ne tombons pas dans le panneau, faisons preuve de bon sens, ne sacrifions pas, au nom de la transition énergétique, des terres à fort potentiel agricole pour produire de l’électricité (et faire de l’argent). Préservons notre sécurité alimentaire et notre agriculture. Réservons ces installations à des zones adaptées, restons cohérents avec notre projet de territoire. Cette période de pandémie devrait être le moment de prioriser les choses indispensables à la vie.

     

    Jacques Tournier

    1 Compte-rendu intégral du conseil communautaire du 28 juillet 2020 de Creuse Grand Sud : https://frama.link/9vyYePCG

     

    panneau photovoltaique lac chammetUn parc photovoltaïque flottant sur le lac du Chammet ?

    C’est ce que la société Agrenergy propose à la commune de Faux-la-Montagne ! Dans un courriel adressé à la commune le 17 novembre 2020, la société se présente comme « une société française de développement de parcs photovoltaïques au sol et flottants. Dans le cadre de nos activités, nous avons identifié plusieurs secteurs qui seraient potentiellement favorables au développement d’un projet solaire sur le territoire communal [et] nous avons également identifié un potentiel photovoltaïque flottant. ».
    Avec photos aériennes à l’appui, « l’apporteur d’affaires » explique encore : « Nous sommes également à la recherche de terrains à faible valeur agronomique afin de développer une centrale photovoltaïque couplée à une co-activité agricole. N’hésitez pas à me demander d’analyser le potentiel de terrains communaux. » Évidemment, tout cela s’inscrit (comme toujours) de « façon vertueuse » « dans une démarche de développement durable et de production d’énergie verte ».

    Pas de panique ! Ce genre de projet ne fait pas vraiment partie des priorités de la commune...

     

     

  • Non, nous ne mangeons pas du chat !

    chatUne partie de la presse locale a rapporté sans nuance les propos de Bartolomé Lenoir, propos coupés-collés soit de sa pétition, soit de sa question au gouvernement, donnant le sentiment que ce qu'il disait reflétait la réalité. Véronique Decker, par ailleurs correspondante locale du journal La Montagne, a réagi en s'adressant à la station publique locale de Radio France, France Bleu Creuse, suite à la publication sur son site, le 14 novembre 2024, d'un article intitulé « Le député de la Creuse interpelle le ministre de l'Intérieur sur le risque de Zad sur le site du lac du Chammet »1. Nous reproduisons ici son courrier.

    Je lis encore une fois sur le site de France Bleu Creuse que le député Bartolomé Lenoir affirme qu’une centaine d’éco-terroristes habitent au bord du lac du Chammet à Faux la Montagne. Je suis accablée de voir que les journalistes désormais reprennent les propos proférés par les élus sans aucune distance critique ni vérification des faits.

    Je me permets de vous rappeler que les habitants de Faux-la-Montagne ne mangent pas non plus les chiens et les chats et, que s’il venait à l’idée du député de l’affirmer, cela ne rendrait pas aussitôt l’histoire réaliste. Donc, non il n y a pas 100 personnes au bord du lac du chammet. Nous ne sommes que 450 habitants à Faux-la-Montagne : on se rendrait compte, on verrait des voitures, la boulangère vendrait plus de pain, l’auberge serait bondée, bref, venez interroger les habitants du village, allez regarder le centre de vacances, interrogez le dentiste qui habite tout près du centre.

     

    Vous titrez sur le risque de Zad au lac du Chammet. Aucun risque je vous l’assure, car contrairement à Sivens, ou Notre-Dame-des-Landes, il n’y a aucun projet : pas de retenue d’eau, le lac existe déjà. Par d’aéroport international entre Peyrelevade et Faux-la-Montagne, aucune autoroute entre Guéret et Tulle… Pour qu’il y ait une zone a défendre il faut un projet commercial ou industriel ! Là encore, répéter en boucle les éléments de langage anxiogène du député ne fait que servir sa cause : faire croire à une zone dangereuse, dans laquelle il aurait peur de se montrer, car peuplée d’habitants violents et sauvages.
    Bruno Retailleau affirme « qu’aucun trouble à l’ordre public ne doit être laissé sans réponse ». Les bonnes questions à poser sont : « Est-ce que les habitants du Chammet créent un trouble ? Est-ce qu'il y a eu des dépôts de plaintes ? Est-ce que le sujet a été abordé en conseil municipal ? » Qui parle de trouble ? Les habitants de Faux ? Non. Aucune plainte n’a été déposée, c’est aisément vérifiable. Est-ce que c’est un sujet pour la municipalité ? Non, le sujet n’a pas été abordé depuis des années…

    Le député cite dans son intervention un texte issu du site du CREF (Centre de recherche et d'étude sur la forêt) comme s’il s’agissait du programme d’un parti politique. Il est pourtant facile d’aller vérifier sur le site que la « désertion » de la société, le rapprochement avec la nature, la recherche d’un sens poétique à l’existence sont à la base d’une démarche qui ne vise pas à terroriser le département.
    On attend de la presse et des médias une distance critique, une vérification des faits réels, une enquête de terrain. Ne vous contentez pas de répéter ce qu’on vous dit, car vous finiriez par perdre toute crédibilité. Je retourne cuisiner une patte de chat en attendant des articles plus conformes à l’éthique.

     

    Véronique Decker

    1 https://urls.fr/ojMv11
  • Parler souffrance psy sans avoir à rester assis.e.s !

    Peut-être le saviez vous déjà - les nouvelles vont vite ici - et, si vous l’ignoriez, voici l’information à retenir : les 14, 15 et 16 octobre, le groupe « psy psy » (1) en lien avec d’autres personnes, collectifs, équipes, services, soignant.e.s, soigné.e.s vous invite à passer du temps ensemble à Faux-la-Montagne pour trois journées autour des souffrances psychiques. En attendant, retour en arrière.

     

    affiche 3 joursPlus de dix ans ont passé depuis la première édition des « 3 jours autour des souffrances psy » organisés en octobre 2011. Souvenez-vous de cette époque insouciante où le covid n’existait pas, où l’amour était dans le pré et Sarko président. Tout allait bien dans le meilleur des mondes et une poignée d’illuminé.e.s décidaient de s’emparer collectivement et publiquement de questions gauches aussi vagues qu’un terrain à squatter : « Parce que la psychiatrie ne répond que très peu à nos attentes et que la norme sociale imposée nous semble parfois délirante, nous pensons qu’il serait bon  de mettre en partage nos désirs, connaissances et expériences. Et pourquoi pas ouvrir le débat sur ce que nous pouvons créer ici et ensemble ? » Tout un programme.

     

    « Lorsque qu’une personne tombe, tu la relèves »

    C’est qu’à l’époque ce groupe d’entraide était encore jeune et, bercé d’illusions révolutionnaires, il se voyait déjà à la pointe du soin en se basant sur l’adage suivant : « Lorsque qu’une personne tombe, tu la relèves ». Bien que cette phrase eût pu être extraite du manuel 1998 de formation des CRS, il y a fort à parier que tout un chacun devrait s’en inspirer et que derrière l’apparente niaiserie de cette phrase se cache une dynamite... euh, une dynamique salvatrice ; je m’explique.

    Les onze années qui viennent de filer en un éclair au goût scabreux n’ont fait que creuser toujours plus l’intense vide entourant les questions de santé mentale, rendant souterraine la souffrance, et souterrain le manque de moyens pour y répondre, le tout couvert d’un glaçant tapis doré. Rien, en fait, ne s’est amélioré depuis si ce n’est l’épatante aridification des déserts médicaux et, ça aussi vous le savez, le Plateau n’est toujours pas le meilleur endroit pour se péter une jambe ou souffrir d’une dépression saisonnière. Alors, dans certains milieux, le ton change et, face à ces problématiques psychiques, un petit monde s’organise ici et là pour permettre que soient entendus, visibilisés et accueillis ces maux aux rares traces physiques dont l’État n’a cure. Depuis sa création, le groupe « psypsy » a accompagné et conseillé plus d’une centaine de personnes sur le Plateau, pour des raisons aussi diverses que redondantes : qui déprime, qui décompense, qui s’isole, qui craque, qui s’auto-détruit à trop faire, qui souffre.

     

    « Si tout est possible, c’est que tout n’est pas souhaitable »

    La plupart du temps ça commence par un appel tombant direct sur une messagerie. Dommage. Dans les plus ou moins vingt-quatre heures selon le sérieux de la personne ayant le téléphone, ça rappelle et, enfin, on se parle. Souvent ça soulage assez vite. On discute de ce qui ne va pas, d’où ça se passe (19-23-87), de ce dont la personne croit avoir besoin, de qui l’entoure. Puis cela se dématérialise et les personnes réelles du groupe discutent virtuellement de ce qu’elles vont mettre en place dans le vrai monde pour permettre à quelqu’un.e de retrouver un équilibre, que dis-je, pour soulager la souffrance, pour faire soin. Un accompagnement régulier ? 

     

    S’auto-organiser pour faire soin ne signifie pas que l’on y arrive toujours

     

    Des balades ? Le contact d’un.e psy ? De l’aide pour garder les enfants ? Un refuge pour fuir des violences conjugales ? Une présence h24 anti-suicide ? Un contact avec le planning familial à envisager ? Tout est possible pour faire face et répondre à une demande d’aide. Enfin presque.

    Parce que « si tout est possible, c’est que tout n’est pas souhaitable », il a semblé important au groupe de venir questionner à nouveau ses pratiques, ses croyances et cette radicalité politique assumée : s’auto-organiser pour faire soin ne signifie pas que l’on y arrive, aussi qu’est-ce que faire soin ? Doit-on remplacer ce qui fait défaut ou créer du nouveau quitte à se planter ? Et, ô cruciale précision, qu’est-ce que faire soin lorsqu’on n’est pas des « vrai.e.s professionnel.le.s » et qu’on est confronté.e.s à de réels problèmes psychiques chez des personnes avec qui l’on vit parfois ?

    Car il y a toujours autant de personnes qui, sous couvert d’aider les autres, se font du mal ; il y a toujours autant de personnes qui veulent cesser de souffrir car la « société » leur intime, leur coûte, leur exige ; il y a toujours autant de personnes qui, dès le matin, ne savent pas pourquoi tout semble gris, fade et terne...

     

    Trois jours

    Allons, une info gaie en guise de Xanax : pourtant, un peu partout et de plus en plus, il y en a qui s’organisent. Se tisse, depuis et alors, un réseau de volonté de soin adapté aux besoins des personnes et des lieux, non à ceux des papiers ni des chiffres.

    C’est à ces initiatives que s’adressera le premier jour de ces rencontres d’octobre, car il y a un nombre croissant de groupes qui tentent de rendre tangibles des formes de soutien par et pour les communautés d’habitants sur leurs territoires de vie. Il nous a semblé primordial de s’offrir un temps pour qu’on s’aide entre groupes constitués ou en devenir, afin de se nourrir mutuellement de nos envies, de nos réflexions comme de nos réussites et de nos erreurs.

    Ensuite, on partira pour deux jours vers ces contrées étranges où règnent des questions telles que : dans un contexte de grande diversité des approches, méthodes, statuts, postures et lieux de soin, qu’est-ce qui fait soin ? Pourquoi ? Comment ? 

    Depuis quels endroits et avec quels gestes ? La déliquescence de la psychiatrie publique se poursuivant, pourquoi et comment s’organiser ? Dedans ? Dehors ? Au milieu ? Ailleurs ? Avec quelles situations extrêmes composer (violences, crises, trauma). Comment sortir de l’impuissance ? Prendre soin : souci de l’autre ? Souci de soi ? Pour le meilleur et pour le pire. Violences idéologiques, institutionnelles, communautaires : Quand le collectif fait mal… Quelle réelle place pour le soin entre idéologie du capitalisme, nouvelle doctrine révolutionnaire et fantasmes néopaïens ?

     

    Invitation

    Nous souhaitons conclure cet article par une invitation. Afin que ces rencontres puissent porter des fruits il nous faut les branches que vous êtes, vous qui habitez ici, vous qui avez peut-être fait appel à nous, vous qui avez accompagné, vous qui vous interrogez sur ce qu’ensemble on peut faire pour faire soin. Ces rencontres s’adressent à toutes celles et ceux qui se sentent concerné.e.s par les souffrances psychiques quel que soit ce qui les relie au sujet. Et elles s’adressent plus particulièrement à celles et ceux qui ont besoin et envie de regarder et d’entendre depuis d’autres points de vue, de faire bouger les lignes et se (re)mettre en mouvement hors de leur zone de confort, pour partager leurs doutes, interroger des certitudes ou remettre en jeu des pratiques.

    C’est pourquoi nous nous attacherons à proposer des formes suffisamment diverses pour que des sensibilités de natures variées puissent s’y retrouver selon les moments et les envies. Temps de plénières, d’ateliers en petits et grands groupes, de conférences, d’échanges de pratiques, de partages d’expériences, des groupes de paroles et des formes qui engagent le corps, l’esprit voire les deux à la fois. Promis, on peut parler souffrance psy sans avoir à rester assis.e.s !

     

    Johan Szerman

    Pour nous informer de votre venue, écrivez-nous à l’adresse suivante : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
    Prochaines infos sur https://syndicat-montagne.org/soutien-psy/

    1 Sur le groupe psypsy, lire IPNS n° 71 « Se (ré)approprier les questions de santé » (https://s.42l.fr/Santé)
  • Petite leçon de fiscalité locale pour Contribuables Associés (et bornés)

    Ah ! Ces communes dépensières qui ne savent pas gérer et qui augmentent sans cesse les impôts ! Regardez ce qui se passe à Faux-la-Montagne que les Contribuables Associés dotent d’un piteux 2/20 dans leur Argus des communes... Décryptage d’un Argus en réalité purement idéologique.

     

    argus communes faux la montagne 0Connaissez vous les Contribuables Associés ? Non ? Bon, d’accord, vous ne perdez rien. Mais c’est toujours intéressant d’aller voir la prose que produisent ces tenants de la défense à tout prix du contribuable. Pour donner une idée de leur positionnement, un de leurs slogans est  : « l’État arrose les banlieues, nous récoltons les impôts » avec comme explication de texte : « Territoires perdus. Plutôt que de restaurer l’ordre, l’État a préféré laisser la racaille et les trafiquants prendre le contrôle de cités où les forces de l’ordre ne vont plus. Pour laisser le pouvoir aux islamistes demain ? »

     

    Un Argus des communes

    Au-delà de ce positionnement bien caricatural, cette organisation a décidé de se lancer dans la notation des communes en mettant en ligne un Argus des communes. Quand on le dit comme cela, un Argus des communes, ça paraît sérieux et leur présentation revendique une objectivité totale puisque, comme ils le précisent « les données sources sont publiques, obtenues à partir du site fournissant des détails des comptes administratifs des communes. Ce site est publié par les services de la Direction générale des collectivités locales et du ministère de l’Économie et des Finances. » Donc à priori pas de manipulation possible, n’est-ce pas ? Et l’objectif de réduction des dépenses publiques que poursuit cette organisation doit résonner de manière très positive dans le cœur de toutes celles et ceux qui s’entendent répéter à longueur de média que les collectivités publiques dépensent trop et que nous payons trop d’impôts. Comme ils le disent sur leur site : « L’Argus des communes est un outil d’information des citoyens sur les performances de gestion de la commune où il vit [sic]. Fidèle à l’objectif privilégié des Contribuables Associés, réduire autant que possible les dépenses publiques pour réduire les impôts, les informations clés de l’Argus sont une note de dépense de la commune. Cette année s’ajoutent des informations sur la fiscalité de l’ensemble commune plus groupement de communes, une première évaluation qui a vocation à être développée dans le futur, compte-tenu du poids des groupements de communes. »

     

    Vilains canards et belles colombes

    Voilà, voilà. Donc dépenser c’est pas bien, économiser c’est bien, et les communes qui ont beaucoup de dépenses par habitant sont des vilains canards contrairement à celles vertueuses et économes qui dépensent le moins possible et qui sont de belles colombes. Du coup, on est allé jeter un coup d’œil sur la note de notre commune de Faux-la-Montagne, histoire de voir si on était bon ou mauvais. Aïe, non seulement on est mauvais mais on est même très mauvais : avec une note de 2/20 on se retrouve dans le peloton des 10 % des communes les moins bien gérées ! Honte sur nous ! J’en connais quelques-un-e-s qui diront « Vous voyez bien, c’est une bande d’incapables ». Et c’est bien vrai que nos dépenses de fonctionnement prises en compte (ce sont celles de l’année 2019) se montent à 561 000 € soit 1 339 € par habitant, soit plus du double de la dépense moyenne par habitants de notre strate (les communes équivalentes en population) qui est de 635 euros. 

     

    Nos Contribuables Associés ne se posent pas la question de ce qu’est une bonne gestion municipale, mais restent définitivement accrochés à leur leitmotiv : « Toute dépense publique est foncièrement mauvaise »

     

    argus communes faux la montagneBon, déjà on pourrait dire OK, il y a des dépenses (sans même se poser la question de ce à quoi elles servent, ce qui est un autre débat), mais il y a aussi des recettes. Alors voyons un peu quand on rapproche les deux ce qui passe. Tiens, là on constate que nous avons un résultat comptable recettes - dépenses de + 101 000 €, soit 241 € par habitant à rapprocher du résultat moyen par habitant pour une commune de notre strate qui est de... 156 € par habitant. Mais alors du point de vue strictement comptable on serait pas si mauvais, on serait même plutôt très bon ? Oui, oui, me dira le contribuable associé de service, mais si vous avez des recettes importantes c’est parce que vous pompez le pauvre contribuable. Allez, on va plaider coupable sur le seul impôt local sur lequel on a encore notre mot à dire : le foncier bâti. C’est une partie de l’impôt local que paient les propriétaires habitants. C’est vrai que nous avons un taux de 17,36 % alors que la moyenne de la strate est à 13,65 %. Mais quand on calcule la part des impôts locaux par rapport au montant total des ressources de la commune et qu’on le compare à notre strate on s’aperçoit qu’on est là encore bien meilleur puisque nous en sommes à 27 % alors que la part des impôts locaux dans les recettes pour la moyenne de la strate dépasse les 35 %.

     

    Dette

    Enfin, dernier critère pris en compte par nos adorables Contribuables Associés, celui de la dette de la commune. Rappelons d’abord que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, une collectivité locale ne peut pas s’endetter pour financer son fonctionnement ; ça, il n’y a que l’État qui peut le faire. L’endettement de la commune sera donc toujours lié au financement de ses investissements (sauf quand il y a eu des manipulations dans les présentations comptables, mais c’est une autre question). Par ailleurs elle doit dégager annuellement assez d’excédent de son fonctionnement pour pouvoir rembourser l’annuité de capital des emprunts déjà effectués les années précédentes (dit autrement, une commune ne peut pas emprunter pour rembourser des emprunts déjà contractés). 

    Alors que disent nos Contribuables associés ? Tiens ?! Ils constatent que notre dette a baissé puisqu’elle est passée de 1 006 000 € en 2014 à 865 000 € en 2019. Pourtant ils ne nous en félicitent même pas ! Et ils n’en tiennent pas compte dans leur note qui, rappelons-le, ne prend en compte que les dépenses de fonctionnement. Peu importe d’ailleurs, on voit bien que leur manière d’analyser les chiffres est particulièrement biaisée et partisane. Aveuglés par leur idéologie ultra-libérale, ils ne se posent aucune question sur ce qu’est une bonne gestion municipale, mais restent définitivement accrochés à leur leitmotiv, comme une bernacle accrochée à son rocher ou un journaliste économique à sa chronique journalière dans un média : « Toute dépense publique est foncièrement mauvaise ».

     

    Alain Détolle, conseiller municipal de Faux-la-Montagne

     

    « Dépense » ou « Investissement » ?

    Quand une commune comme Faux-la-Montagne développe un service d’accueil de « touristes », ce n’est pas pour en retirer directement des dividendes. L’accueil dans nos gîtes communaux et dans le camping municipal sert d’une part à soutenir l’activité économique des acteurs privés lucratifs ou non lucratifs locaux (bar-restaurant, biscuiterie, épicerie, boulangerie, pharmacie, etc.) mais aussi à consolider et développer un « bien vivre » sur notre territoire en permettant que les activités culturelles qui s’y développent puissent trouver un public plus large et que les personnes qui passent par Faux aient envie d’y revenir et même de s’y installer. Quand la commune reprend la gestion de la station-service que la communauté de communes ne voulait plus gérer parce que les sous-traitants privés n’y trouvaient plus leur compte, ce n’est évidemment pas pour produire des excédents mais bien pour assurer un service de proximité pour l’ensemble des habitants et conforter les activités économiques locales. Même remarque pour l’agence postale dont la commune a pris la gestion alors que La Poste estimait que ce service n’était plus « rentable ». On peut d’ailleurs examiner l’ensemble des services que prend en charge la commune de ce point de vue : ils s’inscrivent dans le cadre d’un développement de l’intérêt général.

    Bien entendu, cela ne se fait pas n’importe comment. Leur gestion est encadrée par la règlementation publique qui, en théorie, évite que les collectivités fassent n’importe quoi (règle de l’interdiction des déséquilibres des comptes de gestion). Il y va aussi de notre développement à long terme : si nous ne sommes pas capables de gérer de manière équilibrée l’ensemble de ces services, le développement humain de notre commune serait mis en péril. Alors, que veut dire le mot « dépense » dans ce contexte ? On peut, de manière légitime, préférer ici le mot « investissement » dans la mesure où toutes ces activités servent à la fois à procurer un service immédiat tout en confortant l’avenir. On est loin de l’idée de dépense telle que la propose une économie libérale qui n’y voit qu’une diminution de ses profits immédiats.
  • Positiver la migration

    jeunesCatherine Moulin, adjointe au maire de Faux la Montagne et responsable des relations avec le Conseil municipal des jeunes de sa commune, a participé l'été dernier à la quatrième Université Rurale du Québec. Elle s'est en particulier intéressée à un atelier consacré aux jeunes, dont l'intitulé était : "Jeunes adultes en milieu rural : une espèce en voie de disparition ?". Elle a répondu à nos questions.

     

    IPNS : Pour ce qui est des jeunes, la problématique québécoise vous a-t-elle parue différente de celle que nous pouvons connaître sur le plateau ?

    Catherine Moulin : Certainement pas ! En fait, toutes les zones rurales un peu éloignées des centres urbains connaissent à peu près les mêmes problèmes, que ce soit de ce côté-ci de l'Atlantique, ou de l'autre. Les campagnes québécoises n'échappent donc pas au problème de ce que deviennent les jeunes qui y habitent et qui, au moment des études ou du premier emploi quittent souvent leur village d'origine.

    Une équipe d'universitaires d'Abitibi Témiscamingue, une des provinces les plus reculées du Québec, s'est penchée sur cette question. Le but pour ce groupe de recherches sur les jeunes ruraux était à la fois de mieux connaître les comportements migratoires des jeunes, et, dans un second temps de proposer des pistes d'actions pour que ce phénomène puisse être vécu autrement que comme un échec irréversible, du style : les jeunes sont partis, il n'y a plus rien à faire.

     

    jeune 1IPNS : Quel est donc le résultat de leurs enquêtes ?

    C.M. : L'étude qu'ils ont menée repose sur une centaine d'entretiens approfondis avec des jeunes et sur un sondage effectué auprès de 5 500 jeunes dont un peu plus de 1 400 ruraux. De la masse de données sortie de cette vaste enquête il ressort que les ruraux sont effectivement plus mobiles que les urbains. On constate donc dans les communes de moins de 2 500 habitants un creux dans la population des 20-29 ans, et que seulement la moitié des jeunes est demeurée dans son village d'origine (et ce sont davantage les jeunes hommes qui restent que les jeunes femmes). Bref, pour répondre à votre précédente question, vous voyez que nous ne sommes pas sur le plateau aux antipodes de ce qui se passe au Québec !

    Mais ce qui est le plus intéressant dans la suite de l'enquête, c'est ce que répondent les jeunes qui ont quitté leur village, à la question : Si vous en aviez la possibilité, souhaiteriez- vous revenir dans votre village d'origine ? Ils sont 59% à répondre oui (contre 38% qui n'a pas envie de revenir). Evidemment cette réponse est conditionnée au fait qu'ils puissent trouver un emploi sur place. Leurs motivations pour justifier ce désir de retour est de se rapprocher de leur famille et de retrouver une qualité de vie qu'ils n'estiment pas avoir en ville. Et effectivement, dans les faits, on constate que 34% des jeunes reviennent dans leur région d'origine, et que 23% reviennent même dans leur propre village. C'est loin d'être marginal !

     

    IPNS : A l'origine quelles sont les motivations du départ ?

    C.M. : Outre la question des études et de l'emploi, il y a souvent à l'âge où l'on devient un jeune adulte, le ras le bol du village, le désir de partir voir ailleurs. En ce sens les universitaires qui ont mené ce travail, insistent pour dire que la migration des jeunes marque une prise d'autonomie, que c'est pour beaucoup une manière de marquer le passage à l'âge adulte. Dans le même temps, ils constatent qu'il n'y a pas de rupture radicale et que la migration ne constitue que rarement un départ définitif ou un rejet du village d'origine.

    Du coup, ils concluent que la migration ne doit pas être vue comme un échec ou un mal, mais, au contraire, comme quelque chose de positif et de formateur. Le fait que les jeunes aillent voir ailleurs est une bonne chose. Il faut positiver la migration.

     

    IPNS : "Positiver la migration", n'est-ce pas faire de nécessité vertu et accepter un phénomène qui tout de même est préjudiciable aux campagnes ?

    C.M. : Tout dépend comment on la vit, comment on l'accompagne. Et c'est là que l'expérience qui a été menée au Québec est porteuse d'enseignements. Prenant acte de la réalité de la migration, changeant de point de vue sur elle pour la considérer comme un acte positif, les responsables ruraux québécois ont développé toute une série de mesures destinées à faciliter le retour. Ce qui est intéressant, c'est qu'il ne s'agit pas uniquement d'actions en direction des jeunes qui sont partis. Elles prennent en compte les trois temps de la migration : avant (lorsque le jeune est encore au village), pendant (lorsqu'il est parti), et après (lorsqu'il est revenu).

    Avant l'âge du départ, il s'agit, pour reprendre leur formule, de "développer l'appartenance". Des activités de fin de semaines (vous savez que les québécois ne disent jamais "week-ends" !) sont organisées pour les enfants et les adolescents, des reportages sont réalisés avec eux sur ce qui se passe dans leur région, des "portraits de villages" sont faits dès l'école primaire. Un autre projet s'appelle "L'aventure des collines". Il s'agit de différents parcours en canoë effectués avec un historien qui fait ainsi découvrir le territoire, ses paysages et son histoire aux jeunes du pays. Outre de générer un sentiment d'appartenance, cette initiative développe aussi des liens très riches entre les générations. De même une expérience théâtrale a été menée. Le titre de la pièce était "La malle". C'est l'histoire d'un jeune qui veut quitter sa région. La pièce était destinée autant aux jeunes qu'aux parents qui ont souvent du mal à laisser partir leurs enfants. Cette pièce de théâtre était une véritable préparation à la migration.

     

    IPNS : Et lorsque les jeunes sont partis ?

    C.M. : Tout est fait pour garder le lien avec eux. On organise des retrouvailles estivales qui sont de vrais évènements festifs. On tient à jour des répertoires et des listes qui permettent de savoir ce que deviennent les jeunes de la commune. On a créé un site Internet des "accros des régions" sur lequel sont diffusées chaque semaine des informations sur la région d'origine, ainsi que les perspectives d'emplois ou d'activités. Bref, tout est fait pour que le lien avec le pays ne soit pas coupé définitivement, ou ne soit pas seulement entretenu par les réseaux familiaux.

    Par ailleurs, des campagnes de publicité tentent de montrer qu'une vie à la campagne est de meilleure qualité et qu'on peut y trouver beaucoup de points positifs. Des programmes d'immersion en région sont mêmes proposés aux jeunes urbains qui sont invités à séjourner un an à la campagne, leur hébergement étant pris en charge par la collectivité !

     

    IPNS : Cette politique est-elle payante en terme de retour ?

    C.M. : Comme je le disais, presque un quart des jeunes reviennent dans leur village (et un tiers si on compte les retours dans la même région). Mais un retour n'est jamais gagné d'avance et c'est pourquoi un effort particulier est fait vis à vis de ces jeunes migrants en terme d'insertion professionnelle et résidentielle. Certaines communes consentent des rabais sur les taxes d'habitation, les caisses d'épargne proposent des aides financières spécifiques, des entreprises labellisées "spécial jeunes" sont mises en place et un "support au conjoint" est proposé. Des formations à la vie municipale et des comités “jeune d'aujourd'hui, citoyen de demain" sont mis en place dans cette perspective. Bref des actions très nombreuses et qui prises individuellement demeurent modestes, tentent de créer les conditions les plus favorables aux retours des jeunes. D'autres initiatives, pas spécialement destinées aux jeunes migrants, y contribuent aussi. Ainsi certains comtés travaillent à mobiliser leurs diasporas en sollicitant des capitaux pour investir au pays ou en filant des coups de main en fonction de leurs savoir faire.

    Bref, en partant de l'idée que la migration fait partie de la vie des jeunes ruraux et leur permet de s'engager dans une démarche de choix, toute une série d'actions est possible et prend du sens. Il ne s'agit plus de diaboliser le départ, mais de travailler sur ce qu'il a de positif et d'éventuellement transitoire. Lorsque j'entends des témoignages comme celui-ci, je me sens confortée dans l'idée que faire un Conseil municipal des jeunes dans un village du plateau, s'investir dans la vie associative, développer des activités culturelles, sont des manières de travailler sur le long terme pour ceux qui aujourd'hui ont dix ans sur le plateau.

    Plus globalement je pense que ce serait là un véritable chantier qui devrait être prioritaire pour le futur parc naturel régional, en cohérence avec les actions que mènent ou pourraient encore mener la région Limousin. Il y a là un enjeu important, sur lequel la réflexion et l'énergie de ces structures devraient se concentrer.

     

    Pour en savoir plus sur l'étude québécoise sur les jeunes ruraux : www.obsjeunes.qc.ca photos Association Métamorphose (Ussel)
  • Pour que tom pousse, les parents gardent

    Un bref retour en arrière

    tom pousse 1Dans les années 80, naît l'association Tom Pousse à Faux-la-Montagne. Au départ, préparations à l’accouchement puis rencontres parents/enfants…des activités qui se mettent en place dans la suite logique des besoins.

    Fin des années 90, Tom Pousse propose pour les enfants de 0 à 6 ans des activités artistiques d’éveil, des spectacles, et toujours des rencontres parents/enfants.

    En septembre 98, ce sont une quinzaine de familles qui se retrouvent tous les mardis matins pour discuter, faire connaissance…les enfants jouent, s’essaient, ambiance étonnamment vivante pour ce petit village de 400 habitants du Plateau de Millevaches.

    L’idée de mettre en place une structure de garde trotte dans les têtes. C’est vrai que c’est sympa de se retrouver mais on aurait besoin de temps en temps de laisser nos enfants et partir pour diverses activités…ça se fait de façon informelle, mais rien d’organisé. A l’époque, il y a seulement une assistante maternelle agréée dans la commune, et les grands-parents sont pour la plupart loin.

    Pendant 2 ans, un groupe de parents va se retrouver pour écrire le projet, imaginer l’aménagement, visiter différentes structures, rechercher des financements, demander des devis… et mettre la main à la pâte pour les travaux et l’aménagement.

    La mairie a été partie prenante du projet dès le début en mettant à disposition les agents communaux pour l’agrandissement des locaux, en signant le contrat enfance.

    Tous les partenaires financiers sollicités ont répondu présents (CAF, Conseil Général, Communauté de communes, DDASS, UDAF, Caisse d’épargne, communes, MSA)



    Une organisation parentale

    Fin août 2000, la PMI a donné son accord pour l’ouverture d’une halte garderie parentale pouvant accueillir jusqu’à 9 enfants de 3 mois à 4 ans . Une dérogation nous est accordée par la PMI pour embaucher une assistante maternelle agréée moyennant la présence d’un adulte pour 3 enfants.

    Dès le début, nous avons fonctionné sur un mode parental : pour chaque période d’ouverture étaient présents la personne salariée et un ou deux parent(s) pour accueillir les enfants. Ce type de fonctionnement a duré 2 ans, chaque famille s’engageant à une présence de 2 demi-journées par mois.

     

    tom pousse 2Le budget

    La plupart des partenaires nous ont accordé des subventions pour l’investissement ou pour le fonctionnement de l’année de démarrage.

    En faisant beaucoup d’aménagements intérieurs et de décorations nous-mêmes, en sollicitant des chantiers de jeunes pour l'aménagement extérieur, nous avons aujourd’hui un lieu d’accueil adapté et agréable. Cependant, malgré les subventions accordées par la CAF, malgré la mise à disposition gratuite des locaux et la prise en charge des frais EDF par la mairie, nous avions peu de marge de manœuvre.

    Heureusement un concours de circonstances nous a permis d’embaucher une personne dont la situation nous permettait de bénéficier d’un CEC pris en charge à 80 % par l’Etat.

    Pour qu'une organisation comme la nôtre, basée en grande partie sur le bénévolat, puisse durer, il est important d’avoir une relative marge de manœuvre financière, qui permette une certaine souplesse. Ainsi, quand la demande d’accueil a été plus importante, au lieu de solliciter les parents, nous avons embauché une deuxième personne à raison de deux demi-journées par semaine.

    En septembre 2002 (3ème année d'ouverture), grosses questions concernant le budget de fonctionnement… Une subvention du FSE (droits des femmes et délégation à la ville), sur laquelle nous comptions, ne nous a pas été accordée.

    Cependant des familles attendaient l’ouverture de la halte-garderie. Que faire ? Nous décidons avec l’équipe de parents de continuer bénévolement avec la perspective d’une demande de subvention au syndicat mixte (par le biais de LEADER +) pour décembre.

    Deux personnes bénévoles et une personne salariée (pendant un jour et demi) assurent l’ouverture de la halte pendant trois jours. Les parents s ‘engagent alors à tenir trois permanences par mois au lieu de deux.

    La PMI nous accorde l’agrément pour l’ouverture seulement si une personne, dont la formation est légalement autorisée, est responsable. Une des bénévoles, infirmière, devient responsable.

    En décembre, le syndicat mixte n’est pas en mesure d’étudier notre dossier.

    Nous décidons de mobiliser tous les fonds de l’association pour salarier une personne pendant trois jours et une autre pendant un jour et demi jusqu’en juin… avec la perspective de fermer la halte-garderie en juillet 2003 si nous ne réussissons pas à réunir l’argent nécessaire d’ici là.

    La CAF continue à nous soutenir techniquement et financièrement et la volonté d’ouvrir le contrat enfance à la Communauté de communes ouvre des perspectives tant au niveau des projets que des financements.

    L'avenir de la halte-garderie est néanmoins suspendue au soutien des collectivités (Communauté de communes du Plateau de Gentioux et Syndicat Mixte de Millevaches entre autres) et à leur volonté de favoriser des initiatives comme celle-ci. Peut-être y arriverons-nous : une telle structure n'est-elle pas un atout considérable pour un territoire qui dit vouloir accueillir de nouveaux et jeunes habitants ?

     

    L’équipe d’adultes 

    Une équipe de personnes ayant des fonctions, des statuts différents, qui s’autogère…ce n’est pas une mince affaire.

    Pendant la première année, nous avons navigué à vue. Tâtonner pendant un an, sans professionnel de la petite enfance ou de la relation, sans aucune expérience dans ce domaine…ça a été dur.

    Pour la deuxième année, nous avons mis des moments en place pour que se vive au mieux cette collaboration parents/professionnels, bénévoles/salariés.

    Chaque mois, une professionnelle de l’écoute (psychologue clinicienne qui intervient déjà dans le cadre de la formation professionnelle des éducateurs de jeunes enfants et des assistantes maternelles) anime une réunion de coordination, de régulation, gère un espace de parole. De plus, le travail avec une personne formée (éducatrice de jeunes enfants) nous permet petit à petit de prendre du recul que nous n’avions pas, que nous n’avions plus.

    Pour que la fonction éducative soit portée par chacun des membres de l’équipe, nous veillons à participer ou à mettre en place des formations s’adressant aussi bien aux parents qu’aux professionnels (éveil culturel avec l’Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels-ACEPP-, chants pour les tout-petits avec Enfance et Musique)

     

    Quelques questions pour demain…

    Au départ, la halte-garderie n’accueillait que des enfants de Faux-la-Montagne. Etant donné le baby-boom de 98 (10 naissances dans l’année), nous n’avions pas de soucis de fréquentation… et ne pouvions de ce fait accueillir des enfants d’autres villages. Aujourd’hui, nous accueillons également des enfants d’autres villages. Il serait intéressant de développer une politique petite enfance sur un secteur plus vaste. Les besoins en matière de garde évoluent rapidement ; il est donc important d'y répondre rapidement. Se pose la question d’un mode de garde itinérant. Il pourrait s'agir d'un bus aménagé installé au gré des besoins dans les communes demandeuses. Il aurait le double avantage d'éviter aux communes des investissements lourds et de répondre immédiatement aux besoins.

    La halte-garderie a démarré avec un besoin de garde par famille au cours de la semaine. On rencontre aujourd’hui de plus en plus d’enfants qui viennent à la halte-garderie pendant toute la période d’ouverture. La demande de certains parents est 

    même d’augmenter l’amplitude d’ouverture.

    Se pose la question d’ouvrir quatre jours par semaine (au lieu de deux jours et demi pendant la première année et de trois jours pendant la deuxième année).

     Et pourquoi pas une ludothèque ? Avec dans un premier temps un prêt de jeux et de jouets pour les plus petits qui pourraient rapidement s'étendre à toutes les tranches d'âge.

     Tout reste à construire. Tom Pousse bouge !

     

    Combien ça coûte pour les familles ?

    Pour la première année, la participation financière des parents était la même pour tous, quels que soient les revenus. En milieu de deuxième année, nous avons mis en place un tarif dégressif en fonction des revenus des ménages. Pour la troisième année un système d'inscription anticipé des enfants subventionné par la CAF permet de baisser encore les tarifs.

    En 2001 : 12 F/h (1,8 euros) quel que soit le revenu des familles.
    En 2002 : entre 1,30 euro et 1,80 euro/h et par enfant en fonction du revenu des familles.
    En 2003 : entre 0,40 euro et 0,90 euro/h et par enfant en fonction du revenu des familles.

    Marie Odile Gallois – Catherine Moulin
  • Quand la télé-brouette devient télé-vélo

    tele velo 01Samedi 5 mai 2007, 9 heures en haut du bourg de Faux-la-Montagne, près de la mairie et du siège de Télémillevaches, malgré la fraîcheur ambiante et le brouillard épais, il règne une agitation inhabituelle pour un samedi.

    Des jeunes, des moins jeunes en tenue cycliste spécifique ou en vêtements sportifs moins voyants, et surtout tous revêtus de blousons imperméables. Sur des vélos de tous types, du vélo de course hyper sophistiqué au VTT passe partout, ils se regroupent pour aller distribuer les cassettes et les DVD du magasine du mois de Télémillevaches consacré essentiellement au thème des transports. On rencontre pêle-mêle les jeunes vététistes du club de Nedde, les cyclotouristes expérimentés de l'UC Felletin, des adolescents et des adultes de Faux et des environs, cyclistes occasionnels. Tous ont rempli leur sac à dos avec les enveloppes contenant les cassettes et DVD à distribuer dans chacune des 126 communes du Plateau, dans les mairies mais aussi dans d’autres endroits où les cassettes sont diffusées : bars, clubs d'aînés, particuliers, bibliothèques etc… soit au total 200 colis à distribuer

    Les jeunes neddois partent en direction d’Eymoutiers, un groupe de jeunes accompagne les felletinois à Pigerolles, d'autres directions sont prises par les derniers. Olivier, par exemple va se diriger vers Millevaches et effectuera, sans entraînement, un périple de 60 kilomètres, bravo la performance.

    tele velo 02A Pigerolles, le rendez-vous est fixé à l'Auberge des Nautas où la famille Chatoux offre le café à ceux qui arrivent de Faux comme à ceux qui vont repartir Gérard et Jacques sont venus de Felletin à vélo, dans le brouillard, ils s'en retournent alimenter deux relais à Felletin et St Georges Nigremont tout en desservant les communes traversées sur le parcours. Un autre groupe, lui aussi du club de Felletin, se dirige vers la Courtine et Eygurande en traversant la forêt de Chateauvert et le massif des Agriers, avant de revenir à Pigerolles ayant accompli un périple d'une centaine de kilomètres par des routes magnifiques ; malheureusement le brouillard épais empêche de jouir des nombreux et splendides panoramas offerts sur ces parcours. Pendant ce temps, d'autres relais sont pris à Bugeat par les cyclotouristes de Sarran, à St Junien la Bregère par les jeune de l'association Vasi Jeunes, etc …

    Au total, une centaine de cyclistes ont parcouru environ un millier de kilomètres pour effectuer cette livraison particulière de Télémillevaches. Quelques défections de dernière minute ont obligé à compléter les envois en utilisant la voiture ou tout simplement les services de La Poste. Mais à terme l'opération a été une réussite, même si elle a été gênée par le temps maussade ; c'est ainsi qu'à St Georges Nigremont le brouillard était si épais que deux relayeurs sur trois ont livré les cassettes en voiture, la troisième attendant pour se lancer à vélo qu'un début d'éclaircie rende l'exercice moins périlleux..

    Un autre problème, plus inattendu, s'est posé. Les enveloppes étaient trop volumineuses pour les boîtes aux lettres normalisées dont sont équipées la plupart des mairies. Il a donc fallu trouver des endroits abrités pour les déposer ou parfois recourir au service du voisinage.

    tele velo 03Dans les milieux cyclotouristes, on a coutume de parler de trois facettes complémentaires de la pratique cycliste :

    • l'aspect sportif,
    • le volet touristique,
    • le côté utilitaire.

    En l'espèce, c'est avant tout le caractère utilitaire (livraison des cassettes) qui a été mis en évidence, mais l'aspect sportif n'était nullement absent. Quand à la découverte touristiques elle a surtout été contrecarrée par le temps très défavorable. Les enseignements de cette première expérience devraient permettre à une nouvelle édition de se dérouler l'année prochaine dans des conditions encore plus satisfaisantes.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Truffy : la coupe de trop

    En fin d’hiver, une coupe rase de plus est apparue sur la Montagne limousine. Sur ce territoire, la forêt a pourtant l’habitude de mourir en silence. Mais loin d’aller se perdre dans le paysage morne des autres parcelles rasées, celle-ci a provoqué la colère des habitant-es du territoire, qui se sont rassemblé-es le 17 avril dernier, en réponse à l’appel national « Contre la réintoxication du monde ».

     

    coupe truffy filiere bois

     

    En face du petit village de Truffy (sur la commune de Faux-la-Montagne), une forêt de feuillus diversifiée comptant entre autres des chênes et des hêtres pluricentenaires a été décimée en quelques jours à peine. Les machines, passées à une période de l’hiver tout particulièrement pluvieuse, ont endommagé un milieu vivant situé en zone de protection spéciale Natura 2000, détruisant au passage le lit d’un ruisseau et l’équilibre d’une zone humide, dans l’enceinte du PNR de Millevaches.

    Comble de l’absurde, aucune réglementation n’oblige les professionnels à déclarer une telle coupe. Les mairies de Faux-la-Montagne et la Villedieu ont pourtant réagi immédiatement après découverte du saccage, en faisant remonter l’information aux services départementaux. Mais qu’elles ne s’inquiètent guère : le département a assuré que tout a été réalisé dans le respect de la loi.

    En effet la réglementation stipule que seules les surfaces supérieures à 4 hectares d’un seul tenant et appartenant à un même propriétaire doivent être déclarées. Mais cette obligation ne correspond pas à la réalité du territoire : ici la plupart des parcelles sont de petites tailles et enclavées les unes dans les autres, ce qui permet de réaliser des ensembles boisés avec différents propriétaires, donc non concernés par la déclaration réglementaire.

    L’appel des deux mairies étant resté sans suite, il fallait trouver d’autres lieux de protestation. Ainsi le 17 avril 2021, ce sont plus de cent habitant-es, élu-es, naturalistes et forestier-es qui se sont rassemblé-es, malgré le confinement, pour dénoncer cette nouvelle disparition. L’un des objectifs de ce rassemblement était notamment d’ouvrir la communication entre les différents acteurs de l’industrie du bois. Y avaient donc été convié-es plusieurs forestiers et propriétaires de forêts, ainsi que l’exploitant et l’expert en charge de la parcelle de Truffy, qui ont cependant décliné l’invitation.

     

    Pas une coupe de plus

    coupe raseCette coupe rase de feuillus est une nouvelle fois la preuve qu’il existe toujours un fossé terrible entre discours et réalités : malgré l’existence de normes environnementales et un encadrement des coupes rases, la réglementation laisse la porte grande ouverte à des modes de gestion abusifs. Cette dissociation entre les paroles et les actes s’illustre parfaitement par la labellisation PEFC de l’entreprise, supposée assurer à l’acheteur une gestion durable de la forêt !

    Ce qui semble se rejouer à taille réelle, avec le cas de Truffy, c’est le débat qui avait déjà eu lieu lors de la réunion publique sur la forêt survenue en février 2020, entre industriels du bois et partisans d’une foresterie alternative1. Si les premiers reconnaissent désormais qu’une évolution de leurs pratiques est nécessaire et qu’elle a même déjà été entamée, les seconds rétorquent que ce changement est encore largement insuffisant et qu’il reste dérisoire face à l’ampleur de l’enjeu climatique et environnemental.

    Prendre acte collectivement de la nécessité du changement des pratiques pourrait permettre de pousser ensemble à changer le cadre légal, afin qu’il permette aux forestiers de vivre d’une activité résolument durable. Si nous nous en référons à ce point de concorde, il devrait dès lors être parfaitement convenu de s’indigner devant une exploitation de la forêt telle que réalisée à Truffy, y compris de la part des forestiers, sans qui le changement des pratiques ne pourra s’effectuer.

    La banderole érigée sur l’immense tas de grumes « La filière bois / La forêt trinque » déployée à l’occasion du 17 avril, ne dit finalement rien d’autre que ce sur quoi industriels et alternatifs s’accordent : l’exploitation intensive de la forêt doit cesser pour que la forêt continue de vivre pour elle-même ainsi que pour les usages que nous en aurons.

     

    Ne pas faire feu de tout feuillus

    Tristement symbolique, la coupe rase de Truffy est un cas d’école, l’exemple-type d’un mode de gestion forestière appartenant à l’ancien temps, mais qui perdure encore aujourd’hui et auquel il faut dire stop.

    Dans un premier temps, l’urgence semble être la préservation des forêts spontanées, mélangées et anciennes de feuillus. Déjà dans une étude de 2012, on constatait à l’échelle régionale une régression de la régénération des forêts, et une diminution de la forêt de feuillus, dévorée par la culture monospécifique de douglas2

    Une revendication forte et significative serait l’interdiction pure et simple de nouvelles coupes rases de feuillus. Ce n’est pas utopique si l’on s’en réfère à la Suisse ou la Slovénie, qui ont tout bonnement interdit les coupes rases3. Reste encore aux préfectures du territoire de prendre leurs responsabilités et de modifier la réglementation en ce sens.

    À Truffy, la propriétaire va sûrement être incitée à planter du douglas, comme c’est le cas de neuf arbres replantés sur dix sur le plateau limousin2. Mais elle pourrait laisser la parcelle se régénérer spontanément, ce qui serait le chemin vers une réparation lente et progressive. Il faudra cependant attendre 150 ans au moins avant de retrouver une richesse biologique digne de ce qui a été décimé…

     

    Mettre les bouchées doubles

    En attendant un engagement un tant soit peu sérieux des institutions, il n’est pas question de rester les bras croisés. La multiplication des initiatives locales, de la création des groupements forestiers ou fonds de dotation qui permettent le rachat collectif de forêts et la progression des alternatives forestières et de la sylviculture douce pour contrer la gestion intensive des forêts, en sont la preuve4

    Au Syndicat de la Montagne limousine, des groupes de travail pensent eux-aussi le rachat de parcelles forestières. Une fois acquises, ces forêts pourraient être les lieux de formations à la sylviculture douce et d’expérimentation d’une gestion respectueuse, afin d’ouvrir plus encore la voie vers les alternatives forestières. Une manière également de montrer par l’exemple aux propriétaires qu’un autre avenir est possible pour leur forêt.

    Une autre question posée par le Syndicat est celle des soins à apporter aux anciennes coupes rases : il s’agit avant tout de les sortir de la logique “coupe-plantation”. Ensuite pourront s’élaborer collectivement des usages adaptés à la restauration de chacune : pâturage pour favoriser le réenrichissement des sols, régénération spontanée et réduction des usages, replantation diversifiée pour les besoins en bois…

     

    Le Groupe Forêt du Syndicat de la Montagne limousine

    1 https://www.journal-ipns.org/les-articles/les-articles/1121-la-foret-en-debat
    2 https://www.journal-ipns.org/les-articles/467-vers-la-fin-des-feuillus-sur-le-plateau
    3 https://www.canopee-asso.org/coupes-rases/ 
    4 https://www.journal-ipns.org/les-articles/les-articles/1238-foret-limousine-ca-se-bouge-de-partout 
  • Un coup de Point dans la gueule

    journal pointDécidément ! Après Marianne, Le Figaro, 20 minutes, Le Point, voilà que ce dernier revient à la charge dans un long article intitulé « L'ultragauche investit les Millevaches » dans son édition du 10 août 2023.

    Passons sur « les » Millevaches qui sent bien son journaliste parisien, pour dire qu'on aurait eu besoin de deux pages dans IPNS pour corriger toutes les approximations ou recontextualiser les éléments fournis par un article qui ressasse de vieux faits divers, donne la parole aux mêmes témoins rancuniers et s'offre un petit air d'objectivité en rapportant avec un léger mépris les propos de deux élus de Faux-la-Montagne.
    Pour cette nouvelle salve contre le Plateau Le Point est même allé exhumer Dominique Simoneau, l'ancienne maire de Gentioux-Pigerolles : « Elle se dit persuadée que l'élection de 2020 a été faussée, à la marge, par des domiciliations difficiles à vérifier dans l'habitat informel. Entre 2014 et 2020 le village a perdu 40 habitants et il a gagné 9 électeurs . » Voilà un bel exemple de déontologie journalistique : laisser globalement sous-entendre que l'échec de Dominique Simoneau est dû à une fraude électorale !
    Il faudrait lui rappeler que la participation à cette élection a été de 84%, que le nombre de votants est strictement le même qu'en 2014 et que, tête de liste, Dominique Simoneau n'a fait que 27% des suffrages exprimés. Une déroute incontestable. Elle a perdu la moitié de ses électeurs de 2014... Le lecteur du Point l'ignorera bien sûr.

    La meilleure réponse à une telle charge est certainement dans l'humour, comme ont choisi de le faire deux « bousiers » du Plateau qui ont mis en ligne une savoureuse réplique : https://vimeo.com/854959564
    Pour notre part, nous en resterons là. Un point, c'est tout.

     

    Le Point 10 aout 2023

     

    IPNS
  • Une fournée avec le Pain levé

    pains reunis a la sortie du fourL’association qui boulange à Bellevue, à Faux-la-Montagne, depuis 16 ans, va bientôt déménager. L’aventure se poursuivra à la Villatte, à Gentioux-Pigerolles, où elle a déjà construit son propre four et bientôt son fournil. En attendant, j’ai pu participé à une fournée et recueillir des tranches de son histoire.

     

    Bellevue, 8h30. Sur la porte du fournil du Pain Levé, une affiche annonce un concert. Résistant à ma poussée, la porte finit par s’ouvrir en déchirant le silence matinal d’un terrible grincement.
    Une douce chaleur s’échappe de l’entrebâillement. Au fond de la petite pièce éclairée par un plafonnier, une personne se retourne. « Salut !, me lance-t-elle, entre et ferme la porte s’il te plaît !» Les manches remontées, ceinte d’un tablier, elle m’indique d’une main brandissant une spatule recouverte de pâte le porte-manteau fixé derrière la porte. J’y trouve un tablier que j’échange avec ma veste.
    « Moi, c’est Charlie, poursuit la boulanger.e en continuant à s’affairer devant sa balance à plateau supportant une bassine en plastique. Tu dois être Camille, si j’ai bien lu sur le planning des fournées ? »
    - Oui, je suis une amie de Lise de la coloc de la Vareille. C’est là-bas que j’ai goûté votre pain », j’enchaîne, pour me présenter. « On m’a dit que c’est possible de faire du pain avec vous. Cela fait longtemps que je veux essayer. Mais je dois te prévenir que je n’en ai jamais fait », je réponds, un peu intimidée.
    - Ne t’inquiète pas. Dans notre association, on fait du pain, mais on est là aussi pour permettre à des gens comme toi de s’initier à la boulange, poursuit Charlie sur un ton rassurant. Déjà, pour t’expliquer, on fait quatre sortes de pain. Il y a le blé T80 », dit-iel1 en m’indiquant une bassine contenant de la farine surmontée d’un écriteau en bois gravé d’un « BLÉ T80 ». « Il y a aussi le blé T140, c’est-à-dire un blé complet. Et puis nous faisons aussi du seigle et du méteil, ce qui signifie moitié blé moitié seigle. » Trois autres bassines semblent attendre que l’on s’occupe d’elles.

     

    pain leve 4Pétrir à la main

    Pour mon premier cours de boulangerie, j’apprends qu’une fournée commence la veille au soir par la préparation du levain, à partir d’un reliquat de levain de la fournée précédente re-nourri avec de la farine. « Tu vas t’occuper de pétrir le blé T80 », propose Charlie en versant de l’eau dans une bassine contenant le levain. Iel se saisit d’un grand fouet et mélange vigoureusement. Iel ajoute une bonne pellette de farine et fouette encore. « Tu continues à ajouter la farine et à mélanger jusqu’à ce que cela devienne trop difficile, indique-t-iel. Là, tu verseras le sel qui est dans ce bol inox. Tu ajouteras le reste de farine et tu pétris à la main jusqu’à obtenir un mélange homogène. » Je reprends le fouet, tandis que Charlie commence à s’occuper d’une deuxième pâte. Plus ma pâte épaissit, plus mes gestes exigent de la force. La chaleur monte. J’ôte mon pull et je remonte les manches de mon T-Shirt avant de plonger les deux bras dans la pâte.
    - Tu fais souvent le pain ?, je demande, en espérant que la discussion allègera l’effort de la pétrie.
    - Une fois par mois, me répond ma partenaire de boulange. « Cela dépend de mes dispos. Et des besoins en premier.e de fournée. Nous sommes une douzaine en ce moment à savoir mener une fournée du début à la fin », explique-t-iel. « On alterne, j’aime bien faire le pain. »

     

    Les boulanger.es et les mangeur.euses

    Tout en pétrissant, je continue à questionner Charlie sur le Pain Levé. Dans l’association, on distingue deux catégories d’adhérent.es : les boulanger.es et les mangeur.euses. Les boulanger.es font le pain régulièrement et s’impliquent dans les différents aspects du fonctionnement de l’association : faire du bois de chauffe, entretenir le matériel, gérer l’approvisionnement en farines, suivre la comptabilité, participer aux réunions d’organisation... Les boulanger.es discutent et se répartissent les taches sur un mode horizontal. Les mangeur.euses prennent du pain (et le mangent !), mais peuvent aussi participer aux fournées s’ielles le souhaitent. Ces termes ont été inventés pour remplacer ceux de producteurs.ices/consommateurs.ices, inadéquats dans le cas du Pain Levé. En effet, il y a la volonté au sein de l’association de bousculer le cadre commercial habituel et d’inventer d’autres formes d’échanges et d’implication dans la production. Ainsi, les boulanger.es font le pain pour elleux-mêmes et pour d’autres sans être rémunérées pour cela. Et les mangeur.euses donnent ce qu’ielles veulent en échange du pain - un autre produit, de l’argent, ou rien s’ielles n’ont rien à donner.
    Mais en permettant à toute personne intéressée de venir faire du pain, l’association vise autant à favoriser les échanges relationnels et les rencontres. « Des personnes qui arrivent dans la région viennent faire du pain avec nous parce qu’ielles ont envie de rencontrer du monde et de découvrir ce qui peut se vivre ici, m’explique Charlie. Nous avons aussi vu passer des personnes qui en ont fait leur métier, se sont installées aux quatre coins de la France ou même plus loin ! D’autres sont venues pour le plaisir ou le besoin d’une activité manuelle... Pour ça, faire du pain, c’est très gratifiant : tu commences le matin et le soir tu as fait du pain pour nourrir une bonne trentaine de foyers ! » s’exclame Charlie.
    La pétrie touche à sa fin. Nous remettons la pièce en ordre et recouvrons les bassines d’une toile de tissu. Il est bientôt 10h, une pause-café est la bienvenue.

     

    pain leve 2Faire corps avec la matière

    Nous nous installons dans la cuisine de la maison. Elle est habitée par plusieurs personnes qui y vivent en colocation. J’apprends que depuis 2005, plusieurs groupes s’y sont succédés. Certains sont partis un peu plus loin pour s’installer en collectif ; d’autres se sont dispersés dans plusieurs maisons. « On y retourne, il faut faire un premier pliage ». Charlie m’explique que durant la phase de levée, les pâtes doivent être « pliées » pour relancer la fermentation en remettant de l’air dans la pâte. « C’est une courte manipulation que je trouve très agréable, souligne Charlie. Tu fais vraiment corps avec la matière et tu sens la pâte qui prend de la force. »
    « Allez, je vais faire un petit somme, on se retrouve pour le deuxième pliage ? » C’est l’occasion pour moi de profiter du soleil dans la cour de l’ancienne ferme bordant la route entre Faux-la-Montagne et Gentioux.
    - Maintenant qu’on a fait le deuxième pliage, ça te dit de m’accompagner pour allumer le four ?
    - Bien sûr, mais il n’est pas à côté du fournil ?
    - Eh non, c’est un des gros problèmes du lieu… Il faut traverser la cour et c’est au bout du bâtiment là-bas. Alors quand tu dois transporter les planches chargées de pâtons, qu’il vente et qu’il pleut, c’est un peu galère… En plus c’est bien dommage de ne pas pouvoir utiliser la chaleur du four pour chauffer le fournil.
    Au bout de la longère en pierre se trouve une sorte de hangar abritant le four à pain.
    - C’est un four de ferme traditionnel, à chauffe directe, me dit Charlie.
    - Ça veut dire quoi ?
    - Ça signifie qu’on fait le feu directement dans le four, avec des fagots, des chutes de scieries, des perches de noisetiers ou toutes sortes de bois dont le diamètre ne doit pas dépasser la taille de mon poignet. Une fois que le four a atteint la bonne température, quand les pierres de la voûte ont blanchi, il faut débraiser, c’est-à-dire enlever toutes les braises avec ces outils, les recueillir dans une brouette, bien nettoyer la sole et enfourner le pain.
    - Ça doit être un peu physique, non ?
    - Comme tu dis ! En plus ce four est assez haut donc pour les personnes comme moi, pas très grandes, ça tire un peu… On va façonner ?

     

    Accroître l’autonomie matérielle

    Nous nous retrouvons à nouveau dans la petite pièce qui sert de fournil. Charlie opère un réaménagement pour installer la table de façonnage au milieu de la pièce, libérer les grandes planches pour y mettre les pâtons, installer la balance. Charlie, hissé.e sur une petite palette me montre comment peser la pâte et me propose de le faire à sa place. Une fois que j’ai pris mes marques, je peux jeter un œil aux mains de Charlie qui récupèrent les morceaux de pâte et les transforment en un tour de main et un geste qu’on sent maîtrisé en petits pâtons déjà fort appétissants, qu’iel dispose sur les planches recouvertes d’une toile de lin.
    - Ça fait longtemps que tu fais le pain ?
    - Je fais partie de l’équipe « historique » donc ça fait plus de 15 ans…
    - Et comment vous avez commencé ?
    - En 2005, nous sommes arrivé.es en location à Bellevue, nous étions une petite équipe qui avait l’ambition d’accroître son autonomie matérielle et donc alimentaire. Nous faisions un gros jardin potager, pas mal de transformations et à Bellevue il y a avait un four à pain qui n’avait pas servi depuis un bout de temps. Vers Noël, un ami boulanger est venu en visite et a proposé de faire une petite fournée, ça a super bien marché. Quelques mois après, ce sont deux ami.es boulanger.es de Saint-Moreil, Jérôme et Stéphanie, qui sont venues chez nous pour partager leur recette de pain au levain.
    - Vous faisiez une fournée rien que pour vous ?
    - Évidemment 30 kg par semaine c’était beaucoup trop pour notre maisonnée. Donc on a commencé par en donner ou en échanger avec d’autres habitant.es du coin. Et comme ça marchait bien, qu’on avait de plus en plus de demandes, on a créé l’association le Pain levé en novembre 2006. Depuis la recette a évolué, au gré des expériences et des rencontres. Une personne a passé un CAP de boulangerie, mais on a continué à faire en sorte que la fabrication du pain reste une histoire collective, avec deux personnes par fournée et ça change chaque semaine.
    - Et c’est toujours la même équipe depuis le début ?
    - Ça a pas mal bougé, il y a toujours quelques ancien.nes qui continuent mais plein d’autres se sont formé.es et ce ne sont plus les seul.es habitant.es du lieu qui font le pain. Et puis il y a toutes les personnes qui sont venues, une fois ou plusieurs pour découvrir la boulange. Au final ça doit représenter un paquet de monde ! Bon, je vais voir le four.
    Une fois le façonnage terminé, nous pouvons nous octroyer une petite pause déjeuner tout en continuant à alimenter le four en bois pour qu’il soit bien chaud lorsque les pâtons auront levé.

     

    Tout autour du pain

    Avec l’objectif d’accroître l’autonomie alimentaire locale, le Pain levé a exploré de nombreux chemins croisant la sûre route du pain. C’est ainsi que plusieurs boulanger.es ont expérimenté la culture de céréales et la multiplication de céréales anciennes. Si ielles ont finalement renoncé à produire elles-mêmes pour l’association, il faut souligner que le seigle provient depuis plus de dix ans de la ferme de Marion et Adrien Letellier, à La Villedieu. Quant au blé, nous l’achetons à Laurent Pénicaud, à Linards, qui cultive des variétés de blés anciens et a commencé voilà quelques années à faire sa farine dans sa meunerie exemplaire. Faute d’énergies suffisantes, nous avons dû renoncer à un projet de meunerie associative, mais sommes en lien avec des personnes œuvrant à un projet de meunerie sur le territoire.
    En 2015, le Pain levé a également monté une remorque Food Truck dans laquelle nous avons longtemps proposé des galettes de sarrasin, des sandwichs falafels et autres snacks élaborés avec des produits d’ici.
    La cartographie du Pain Levé ne serait pas complète si l’on omettait de mentionner les soirées pizzas au four à pain, la participation aux marchés d’été de Gentioux et actuellement de Faux-la-Montagne, la production de choucroute, ou encore l’accompagnement à la remise en service de fours anciens.

     

    pain leve 3Expérimenter d’autres formes d’échanges

    - Personne n’a jamais eu envie de s’installer boulanger.e pour en tirer un revenu ?
    - Forcément, cette question s’est posée et mille autres aussi. Où placer le curseur entre vouloir tirer de l’argent – dont nous avons besoin – de la fabrication du pain et continuer, avec cette production, à chercher et expérimenter d’autres formes d’échanges et de relations avec les gens du coin ?
    - Eh oui, c’est toute la tension entre ce qu’on aimerait faire et les contraintes que nous impose la culture capitaliste dans laquelle nous vivons…
    - C’est exactement ça ! Pour que ça marche, il faut que d’autres producteur.ices entrent dans le jeu des échanges hors du marché et de l’argent… Bon, je pense que le four est assez chaud, on va pouvoir débraiser puis enfourner.
    Charlie commence à tirer les braises avec une grosse raclette et les fait tomber dans une brouette placée en contrebas de la porte du four. Nous commençons à nous recouvrir d’une fine couche de cendre et je commence à voir les gouttes de sueur perler sur le front de ma partenaire. Je propose alors de la relayer pour le balai et je peux ainsi éprouver la partie la plus physique de la journée. Charlie finit le travail avant de refermer la porte du four pour laisser la chaleur s’arrondir. Ce qui nous octroie quelques minutes pour aller chercher les deux grandes planches de pâtons et retraverser la cour dans l’autre sens.

     

    Une danse à deux

    J’observe attentivement Charlie qui vérifie la température du four avec le fameux test de la feuille de papier journal : si elle s’enflamme dans le four en moins de dix secondes, le four est trop chaud et il faut attendre qu’il refroidisse un peu ; si elle est juste brunie par la chaleur, c’est bon !
    Puis c’est une danse à deux qui commence pour enfourner les 44 kg de pain de la fournée du jour : mettre les pâtons sur la pelle d’enfournement, grigner, fariner, poser au bon endroit ; humidifier de temps en temps ; il faut également que tous les pains trouvent leur place, les gros au fond, les seigles avant les blés, garder de l’espace pour les petits devant. Humidifier, fermer la porte, faire le joint avec les restes de pâte.
    - Pas mal, il est 15h54, on les laisse 40 minutes et on viendra voir ce que ça donne. On s’offre un thé ?

     

    Le goût de faire le pain l’a emporté

    - C’est vrai que le Pain levé projette de quitter Bellevue ?
    - Tout à fait. Tu as vu par toi-même que les conditions pour faire du pain ici sont loin d’être idéales : le fournil, le four et le point d’eau sont dispersés au quatre coins de la cour. Sans parler du four, qui nécessite beaucoup de bois ! Et puis notre association n’est que locataire, ce qui signifie que nous ne pouvons pas faire de travaux.
    - Alors vous allez acheter ailleurs ?
    - Pas exactement. Nous allons nous installer sur un lieu associatif créé à Gentioux, à la Villatte, par quelques un.es de nos boulanger.es, avec une forme de mise à disposition d’un bâtiment au Pain levé. La décision de déménager n’a pas été facile à prendre : notre fonctionnement fait que nos moyens financiers sont limités. Quant à savoir si nous aurions suffisamment d’énergie pour construire ensemble un four et un fournil... Nous avons longtemps tourné cette question dans tous les sens. C’est finalement le goût de faire du pain comme nous le faisons qui nous a poussé.es à choisir de poursuivre l’aventure du Pain levé.

     

    pain leve 1

     

    Charlie jette un œil sur l’horloge de son téléphone : les quarante minutes de cuisson se sont écoulées. Nous retournons au four. La porte s’ouvre sur une farandole de magnifiques pains dorés. Pour s’assurer qu’ils sont bien cuits, Charlie tape sur un pain avec un index replié comme s’iel frappait à une porte. Le son est mat : le pain est cuit. Les pains défournés sont entreposés sur les planches, avant d’être ramenés vers le fournil. Nous les répartissons dans des panières à coté des fiches de commande des boulanger.es et des mangeur.euses. Nous n’avons pas fini, que déjà une personne rentre pour récupérer son pain. « Hmm ! Ca sent bon ici ! » s’exclame-t-elle. Dans sa panière, elle trouve un pain à la croûte bien brune. « Ce qui me plaît avec le Pain levé, c’est que le pain n’est jamais tout à fait le même ! »

    Gageons que le Pain levé nous réservera à la Villatte encore bien des surprises.

     

    Des boulanger.es heureux.ses

    Pour plus d’infos sur les avancées du déménagement, consultez notre blog : Pour prendre contact avec le Pain Levé, pour participer aux chantiers, aux fournées ou toute autre question, écrivez à : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

    1 Pour les lecteurs désarçonnés par l’écriture inclusive : iel est le pronom neutre pour dire il et elle.

     

    Le Pain Levé a besoin de soutien pour construire son fournil !

    Ça y est ! Le déménagement du Pain Levé de Bellevue à La Villatte, à Gentioux-Pigerolles, a commencé ! En 2022, les compétences développées par un.e de nos boulanger.es nous ont permis de construire notre four2. Il s’agit d’un four à gueulard, en briques maçonnées. D’une capacité de 70 kg, ce four réduira fortement notre consommation en bois de chauffe et offrira une meilleure inertie thermique que le vieux four de ferme. Nous imaginons le mettre en service dans les prochains mois, en installant un fournil provisoire à proximité.
    Cette année, nous nous lançons dans la seconde étape du projet avec la construction du fournil. L’objectif est de reprendre et de reconfigurer le bâti autour du four, pour y aménager un petit fournil et une cuisine, le tout en ossature bois, paille et terre. Ce bâtiment est conçu pour de multiples usages : faire le pain, de la conservation d’aliments et de la transformation de cultures locales. Le chantier sera réalisé par des membres de l’association et coordonné par une personne salariée. Nous espérons le voir aboutir en 2024.
    C’est pour cette deuxième tranche de travaux que nous sollicitons un soutien financier. Nous estimons avoir besoin de 40 000 euros. Vous pouvez si vous le souhaitez effectuer un don via la plateforme helloasso en allant sur le lien :
    https://www.helloasso.com/associations/pain-leve/collectes/nouveau-fournil-et-four-a-pain

    2 Un article relate la construction du four : https://painleve.millevaches.net/2023/01/18/ca-y-est-le-four-est-presque-fini/
  • Vers un Emmaüs sur la Montagne limousine

    emmausDepuis plusieurs années, le projet de mieux structurer l'accueil des exilés chez nous est porté par différents groupes sur le Plateau, à Felletin, Tarnac, Royère, Peyrelevade, Eymoutiers, Faux-la-Montagne... Une partie de ceux-ci se retrouve aujourd'hui autour de la création d'un organisme d'accueil communautaire et d'activités solidaires (Oacas) qui prendrait la forme d'un Emmaüs. Explications des porteur.se.s du projet.

     

    Comment ce projet est-il né ?

    Le groupe Exilé·es du Syndicat de la Montagne limousine se crée en novembre 2020 et met en lien une dizaine de structures d'accueil d'exilé.es sur le territoire. Il se réunit régulièrement afin de mettre en commun ses réflexions sur l'accueil et les difficultés rencontrées comme l'obtention de titres de séjour, l'isolement des personnes accueillies par leur interdiction d'accès au travail, la nécessité d'une autonomie financière et leur envie pour la plupart d'activités régulières. Émerge alors l'idée de monter une structure à l’échelle du territoire pour fédérer ce qui existe déjà en partie de manière informelle mais aussi pour consolider l’accueil, répondre aux difficultés rencontrées et permettre une protection aux exilé.es. En mai 2022, une quinzaine de membres du groupe Exilé·es du Syndicat font un voyage d'étude à la rencontre de différentes structures d’accueil en France qui ont l'agrément Oacas pour mieux comprendre en quoi consiste cet agrément et ce qu'il pourrait nous apporter. Cela mène le groupe jusque dans la vallée de la Roya (où une ferme des Alpes-Maritimes a rejoint le réseau Emmaüs), avec notamment des étapes aux Restos du cœur Vogue la galère (à Aubagne), au Mas de Granier (une coopérative Longo Maï des Bouches-du-Rhône) et à l’Après M (un ancien Mc Do récupéré par ses salarié·es à Marseille). Suite à ce voyage, la quinzaine de personnes actives dans le groupe Exilé.es décide de devenir un groupe pilote et de travailler au montage et à la réalisation d'une structure d'accueil commune disposant de l'agrément Oacas.

     

    Mais pourquoi vous intéresser à cette formule Oacas ? Qu'apporte-elle de particulier ?

    Proposer aux personnes exilé.e.s de faire partie d’un Oacas/Emmaüs permet de leur offrir un cadre sécure au sein duquel elles pourront bénéficier à la fois d’activités régulières formant à un ou des métiers, d’un accompagnement administratif et juridique (obligatoire au sein d’un Oacas), de cours de français, d’une vie et d’un réseau communautaires.
    En plus de cela, trois ans passés au sein d’un Oacas peuvent constituer un atout majeur dans la demande de régularisation effectuée à l’issue de cette période, même si l’obtention d’un titre n’est pas automatique.

     

    Aujourd'hui où en êtes-vous ?

    En 2022, nous décidons de rejoindre les communautés Emmaüs parce qu’on partage les valeurs de ce mouvement international et que notre projet est en adéquation avec celles-ci : lutte contre l’exclusion et la pauvreté, solidarité, accueil inconditionnel. Des valeurs que nous portons sur notre territoire depuis la création de nos associations et parce que nous sommes déjà en contact avec d’autres communautés Emmaüs qui ont des projets similaires et que nous avons envie de pouvoir co-construire avec elles. Mais on ne devient pas Emmaüs par une simple adhésion. Avant cela, il y a une période probatoire qui dure deux ans avant d'être officiellement reconnu comme une communauté Emmaüs.

     

    groupe emmaus

     

    De par leur fondateur, l'abbé Pierre, les communautés Emmaüs sont-elles confessionnelles ?

    Les communautés Emmaüs ne sont subordonnées à aucune autorité spirituelle, religieuse ou autre, même si son fondateur était d’obédience chrétienne. Il s’agit avant tout d’un mouvement laïque dont l’accueil se veut inconditionnel, pour que toute personne puisse trouver une place dans la communauté quelque soit son parcours, son origine, sa situation administrative, ou sa religion.

     

    Plusieurs communautés Emmaüs ont été récemment critiquées pour la manière dont elles traitent les compagnes et compagnons qu'elles accueillent. Qu'en pensez-vous ?

    Il est important de savoir que chacune des 122 communautés Emmaüs qui existent en France actuellement est indépendante dans ses choix de gestion économique et sociale. Pour notre part nous désapprouvons les pratiques contraires aux valeurs du mouvement Emmaüs qui sont appliquées dans certaines communautés mises en lumière récemment. Le statut Oacas est un agrément qui est censé protéger les personnes et non les rendre esclaves d’un système. Les compagnes et compagnons d’Emmaüs participent à des activités solidaires et à la vie des communautés, non à un travail salarié. Nos réflexions concernant la participation aux activités des personnes accueillies ne sont pas encore finalisées dans les formes, mais nous sommes d'avis que l'objectif premier réside dans le fait de mettre en place un accompagnement personnalisé de chaque personne en fonction de ses besoins. D'ores et déjà, nous sommes particulièrement attentif.ve.s à la qualité des liens entre ceux et celles qui accueillent et qui sont accueillies. Nous avons le souhait d'élaborer le cadre de notre structure avec les personnes accueillies, de le penser ensemble. Un groupe de soutien psychologique qui existe déjà en lien avec des professionnel.le.s du soin au niveau local pourrait par ailleurs créer une cellule d'écoute et de suivi psychologique auprès des personnes accueillies et nous prévoyons d'embaucher un ou une psychologue.

     

    shema emmaus

     

    Concrètement que sera la communauté Emmaüs de la Montagne limousine ?

    Il s'agira d'une communauté agricole destinée à accueillir dignement et durablement des personnes exilé.es sans papiers. Ce sera une structure à l'image de notre territoire à la dynamique forte et à la géographie éclatée, une entité qui réunira trois lieux d’hébergements (à Tarnac, Faux-la-Montagne et Felletin) où se dérouleront des activités solidaires agricoles : une conserverie (en création avec des apports alimentaire des producteurs locaux), une cantine solidaire (en réflexion), du maraîchage (sur des terres cultivées en sol vivant depuis 15 ans et vendant en circuit court) et d’autres activités comme une pépinière (en cours de création), une boulangerie (pain au levain dans un fournil en marche depuis plus de 15 ans), de la menuiserie, des activités dans le bâtiment (rénovation en chantier solidaire encadré par des professionnels), des activités avec la ressourcerie Court-Circuit de Felletin, etc. Comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, il y aura des liens constants entre ces trois lieux et leurs activités.

     

    Combien de personnes pourront être accueillies ?

    Nous souhaitons accueillir 5 personnes au début, puis monter jusqu’à 15. Nous sommes actuellement en train d'acquérir une maison à Tarnac qui sera à la fois un lieu d'hébergement, lieu des activités de conserverie et de cantine solidaire, et un lieu d'événements communautaires.

     

    Vous pouvez nous en dire plus sur le projet de conserverie ?

    Des productions locales de légumes mais aussi des récoltes issues du glanage, une fois transformées, permettront de proposer un certain nombre de produits (jus, confitures, tartinades, chutneys, etc) au profit de l’association. Des entretiens sont en cours avec les producteurs et productrices de la Montagne limousine pour connaître leurs besoins et l’utilité que présenterait la conserverie pour leur activité. En effet, pour les artisan.e.s qui le souhaitent, un service de transformation personnalisé sera proposé.

     

    Quelles sont donc les prochaines étapes ?

    Nous sommes dans la phase de mise en œuvre du projet. Suite à un accompagnement du DLA (Dispositif Local d’Accompagnement), nous avons consolidé les budgets de fonctionnement et réalisé la charte et règlement intérieur de la structure. La prochaine étape, en janvier 2024, est l'achat de la maison communautaire à Tarnac. Nous y ferons ensuite des travaux pour pouvoir accueillir en septembre 2024 les premiers compas et mettre réellement en place la communauté. Aujourd'hui, notre priorité est de finaliser le financement de l'achat de la maison pour un montant de 180 000 € environ (frais de notaire et d'agence inclus) et pour cela nous avons lancé un appel à dons qui est toujours ouvert ! Des fondations nous soutiennent mais nous avons encore besoin d'apports pour boucler le budget en particulier pour financer les travaux qui suivront l'achat.

     

    Comment aider, soutenir, devenir bénévole ?

    > Faire un don sur la campagne Hello Asso : https://www.helloasso.com/associations/montagne-accueil-solidarite-de-peyrelevade
    > Rejoindre la page Facebook : https://www.facebook.com/MontagneAccueilSolidarite