Royère-de-Vassivière

  • À Royère-de-Vassivière, la petite médiathèque qui a tout d’une grande

    Pour beaucoup, habitants du Plateau ou touristes de passage, Royère-de-Vassivière est un bourg où l’on vient et revient. Café-restau animé, commerces fort pratiques et commerçants sympathiques, cours de musique enjoués, lac aux plages (parfois) ensoleillées… et, depuis quelques années, LA médiathèque dont beaucoup ont toujours rêvé !

     

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    Oubliez le charme suranné des veilles bibliothèques à la lumière tamisée, au silence religieux et à la légère odeur de poussière… Ici, c’est la vie au milieu de la culture, la culture au milieu de la vie !

    Évidemment, comme dans toute médiathèque, on y trouve des livres, des livres-lus, des CD et des DVD. Et pas qu’un peu car, au-delà du fonds déjà conséquent (plus de 13 000 documents), des nouveautés arrivent toutes les semaines grâce à la bibliothèque départementale de prêt. Mais on y trouve tellement plus… À commencer par un lieu chaleureux et accueillant. Tout frais rénové, l’ancien centre de secours de la commune est devenu un endroit baigné de lumière, coloré et qui respire la joie de vivre. Et ici, point d’archiviste qui passe sa vie à dire “chut !“, mais des bibliothécaires et bénévoles aux voix douces, aux yeux rieurs et aux sourires plus larges qu’une encyclopédie. Des transats ou des poufs pour vous installer et même un coin café-tisanerie... Bref, un endroit où l’on a envie de passer du temps et de revenir même si on n’est pas un inconditionnel de la lecture (Et que dire si on l’est!).

     

    Des animations

    mediatheque royere de vassiviere 03D’autant que de nombreuses animations y sont proposées tout au long de l’année : lectures, rencontres avec des artistes, expositions mais aussi ateliers de bricolage, de relaxation, de sophrologie, d’activités musicales et cinématographiques… Ce lieu est celui de ceux qui le font : chacun est invité à y suggérer voire animer des activités. C’est ainsi que Marta et Susan vous plongent dans un bain de langues en proposant des lectures en espagnol et en anglais ou que Lili et Monique vous initient à la couture.

    Les activités sont éclectiques et peuvent parfois soulever quelques interrogations. Quelle drôle d’idée par exemple que d’inviter une médium à venir parler de ses expériences et de ses livres… Mais si cela sort des sentiers battus, ça répond bien aux envies des gens. Preuve en est les quelques 200 personnes qui sont venues l’écouter.

     

    Une médiathèque troisième lieu

    Lorsqu’en 2011 la municipalité a décidé (car, oui, c’est une médiathèque municipale) de développer les activités de la bibliothèque dans des locaux plus spacieux que le petit appartement dans lequel elle était jusqu’alors, le but était d’offrir à la population une “médiathèque troisième lieu“, c’est-à-dire un endroit qui soit à la fois un lieu culturel mais également un espace de vie et de rencontres ouvert à tous, où pourraient se côtoyer jeunes et moins jeunes. Elle y a mis les moyens et continue de les mettre : grâce à deux employés (Nathalie et Rémi) et des bénévoles (Christine, Dominique et Ève) très impliqués, la médiathèque est ouverte quatre jours par semaine en hiver et cinq jours l’été sur de larges plages horaires, et ses services sont gratuits pour tous. Mais nul doute que cela en valait la peine puisque la médiathèque compte désormais environ 1 200 abonnés. L’an passé, pas moins de 11 000 visiteurs ont franchi ses portes et ils y restent de plus en plus longtemps. D’ailleurs, si vous regardez bien, au milieu de toutes les décorations, vous apercevrez une petite plaque signalant que notre petite médiathèque a bien tout d’une grande, puisqu’elle a reçu le prix du meilleur accueil des bibliothèques francophones (rien que ça !).

     

    Actrice du bien-vivre ensemble

    mediatheque royere de vassiviere 03Au service de tous, la médiathèque noue de plus en plus de partenariats avec des écoles, EHPAD ou associations de la commune ou alentours. Et, se voulant véritable actrice du bien-vivre ensemble, elle a encore plein d’initiatives dans sa besace. Par exemple, pensant à ceux qui ne se déplacent pas si facilement, elle envisage des manifestations hors-les-murs, par exemple des spectacles ou veillées chez l’habitant ou la mise en place d’un cinéma itinérant “ciné d’hiver“...

    Alors, si vous ne la fréquentez pas encore, venez faire un petit tour à la médiathèque de Royère. Que vous y croisiez un groupe d’enfants en pleine écoute de contes ou en train de suivre assidûment une course de bateaux autour du monde, un télétravailleur connecté à la toile, un joueur vidéo ou un passionné de bandes-dessinées, vous y ferez probablement de belles rencontres et passerez un bon moment. Et il y a fort à parier que vous aurez envie d’y revenir !

     

    Armelle, une habitante comblée

    Contact :
    Médiathèque Royère-de-Vassivière, rue Camille Bénassy 23 460 Royère de Vassivière
    05 55 64 12 05 Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 
    Facebook : www.facebook.com/mediathequeroyere 
  • Bientôt une SCIC Bois énergie

    Le bois énergie se développe à très grande vitesse. La prise de conscience du potentiel local et régional dont nous disposons est désormais acquise. De nombreux projets voient le jour, depuis les particuliers qui s’équipent en chaudières à granulés de bois jusqu’aux collectivités locales qui installent des chaufferies collectives.

     

    plaquettesA Gentioux et à Royère de Vassivière, deux projets de chaufferies communales se préparent. Sur ces deux communes existent deux gros consommateurs, le foyer occupationnel médicalisé à Gentioux et la maison de retraite à Royère, qui doivent renouveler leur équipement de chauffage. D’où l’idée, partie de Pierre Simons, le maire de Gentioux, d’organiser localement la filière bois énergie .

    Le projet élaboré avec le parc, se concrétisera par la création d’une SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) qui pourra fournir en plaquettes d’abord ces deux chaudières, puis tous ceux, particuliers ou collectifs, qui rechercheraient ce genre de combustible.

    En organisant l’offre, la SCIC permet à la fois une valorisation des sous-produits forestiers provenant des agriculteurs et forestiers du plateau tout en mettant sur le marché un combustible adapté et prêt à l’emploi. En effet, si la SCIC ne procédera pas elle-même au broyage des bois (des équipements de ce genre existent déjà sur le plateau), elle stockera les plaquettes qu’elle achètera sur une durée suffisamment longue pour homogénéiser le produit en terme d’humidité et de granulométrie.

    On disposera donc d’un produit affiné et stable qui permettra un approvisionnement de qualité et régulier (l’idée est de disposer d’un stock d’avance de six mois à un an). Hervé Pailloux, le technicien du parc qui suit le projet explique : “On pourra approvisionner aussi de plus petits projets et faire démarrer une filière plaquettes bois locale.“

    Concrètement deux premiers dépôts sont prévus à Gentioux et à Royère à proximité des deux chaufferies communales en projet. Mais à terme le parc imagine bien une place de dépôt dans chaque canton du plateau.

  • Carte blanche à Loren Gautier : Fantasmagories à Vassivière

    fantasmagorie carree 3Vous avez peut-être remarqué ces curieuses cartes postales qui détonnent tant dans les présentoirs autour de Vassivière... Leur créatrice, l’artiste photographe Loren Gautier, qui a exposé cet été à Royère-de-Vassivière, nous raconte ici comment elle a conçu ce travail qui donne tant envie d’envoyer à nouveau des cartes.

     

    Les cartes postales sont apparues dans la foulée de l’invention de la photographie. Une collection de cartes postales d’un village, c’est plus d’un siècle d’images de l’endroit ! M. Couegnat, de Vauveix, a consacré la sienne à Royère-de-Vassivière. Cette archive est le terrain de jeu visuel de ma rencontre avec le territoire où je vis depuis six ans. L’idée de faire des images spécifiquement pour cartes postales m’est venue très rapidement. En tant que photographe, le tourisme m’intéresse beaucoup : l’image est un support majeur de l’affaire ! J’ai apprécié l’idée de recycler des cartes déjà existantes. Ca permet de montrer la profondeur temporelle des lieux plutôt que de refaire sans cesse les mêmes vues.
    Comment c’était, avant que Vassivière soit « la mer à la montagne » ? Et la mer, c’est le lac, et la montagne, les résineux ? La collection témoigne des temps où ni les uns ni les autres n’existaient.
    D’ailleurs, Vassivière ce n’est pas un pays, c’est surtout une construction... Comme la modernité a généré des ruptures dans le paysage, j’ai eu envie de construire un paysage local où différentes époques se regardent. Le photomontage me permet de créer des constructions surréalistes, mais la force de l’archive persiste : Il y a quelque chose du territoire qui passe.
    J’aime imaginer des rencontres anachroniques. Que penseraient tous ces gens du passé, ramenés à la vie pendant la saison touristique ? Assez vite le mot « fantasmagorie » m’est venu à l’esprit. Au XVIIIe siècle, ça désigne « l’art de faire parler les fantômes en public ». C’est un jeu de projection sur des écrans mobiles. Les séances de « fantasmagories » étaient parfois l’occasion de rencontrer les morts, une idée qui m’anime quand je détoure un visage. Les fantasmagories relèvent du fantasme dont procède également l’imagerie touristique.
    J’ai le plaisir de diffuser localement mes cartes postales à Royère-de-Vassivière (restaurant l’Atelier), Faux-la-Montagne (épicerie Morel), Saint-Martin-Château (Auberge de la cascade), au CIAP sur l’île de Vassivière et à Tarnac (au Magasin Général), été comme hiver. N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez diffuser ces cartes postales dans votre boutique ou pour me partager vos cartes postales anciennes des alentours de Vassivière.

     

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    Loren Gautier
    06 60 51 53 69
    Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
  • Chemin faisant

    Tifenn Hervouët et Frédéric Gana, deux jeunes citadins, gastronomes, de 27 et 31 ans, ont parcouru la France du 28 mars au 28 septembre 2005 en camion aménagé à la rencontre de plus de 80 paysans, producteurs et artisans des métiers de bouche qui exercent leur activité dans le respect de l'environnement et des hommes. Dans leurs bagages ils avaient emporté un spectacle qu'ils présentaient régulièrement au gré de leurs étapes. Cette initiative personnelle, quête de sens et voyage initiatique à la recherche du lien entretenu entre l'homme et la terre, leur a permis d'appréhender la réalité d'une agriculture naturelle et respectueuse de la biodiversité, des écosystèmes et de la dignité humaine. Ils nous livrent aujourd'hui le fruit de leur expérience.

     

    Tout a commencé dans l'assiette…

    chemin faisantL'alimentation nous relie les uns aux autres. Mais aussi à la terre. Elle nous rassemble par-delà nos cultures, nos âges, nos sexes, nos religions, nos origines géographiques et sociales, et toutes nos différences.

    Nous avons pris conscience de cela il y a quelques années et rapidement, des questions récurrentes sont venues troubler notre petite vie citadine :

    D'où viennent nos aliments ? Par qui ont-ils été cultivés, élevés ? Par qui ont-ils été acheminés jusqu'à moi ?

    Dans quelles conditions ?

    Oui, dans quelles conditions vivent les êtres qui pourvoient à mon plaisir chaque jour. Animaux, végétaux… et humains !

    Et puis, est-il obligatoire d'utiliser pour cultiver la vie des produits en "cide" qui la tuent (pesticides, herbicides, fongicides, insecticides, etc.) ?

    Donner de la vache en poudre à manger aux vaches, est-ce le "progrès" ou est-ce insensé ?

    Pourquoi la fabrication d'un simple biscuit demande-t-elle jusqu'à 12 ingrédients à l'industrie agro-alimentaire, dont certains reconstitués, modifiés, hydrogénés et toxiques, alors que dans ma cuisine 3 suffisent ?

    Quelle est l'idéologie qui justifie le progrès par la disparition d'une ferme toutes les 15 minutes en France ?

    Pourquoi dit-on d'une agriculture qui brûle plus de 10 calories d'énergie pour produire une seule calorie alimentaire qu'elle est "hautement compétitive" ?

    En cherchant les réponses, nous nous sommes très vite heurtés à l'opacité, aux aberrations et aux contresens de l'alimentation dite "moderne".

    C'est ainsi que nous sommes partis en quête de notre responsabilité alimentaire, lorsque s'est éveillée la conscience du poids que font peser nos comportements alimentaires sur l'équilibre des écosystèmes, sur la biodiversité, sur l'aménagement du territoire et sur la dignité humaine, au Nord comme au Sud.

    Ce sont tous ces contresens qui nous ont fait prendre la route, avec le besoin de rencontrer les humains qui sont à la base de la chaîne alimentaire, femmes et hommes de la terre et de l'assiette, qui ont fait le choix d'autres agricultures, d'autres rapports à la vie.

    Nous souhaitions voir s'il était encore possible en 2005 de nourrir des cercles vertueux. Bien vite, nous nous sommes retrouvés sur les routes, de ferme en ferme, d'atelier en étable, à rencontrer des producteurs, plus de 80 en tout, "chemin faisant"… Et bientôt, nous arrivions en Limousin.

    Douze jours pour découvrir l'agriculture limousine…

    Nous quittons la Touraine le 8 septembre pour nous rendre en Limousin. C'est l'avant dernière étape de notre périple et nous sommes attendus là-bas de pied ferme par Sophie et Pierre de la Confédération Paysanne de la Haute Vienne, qui ont accepté de coordonner notre visite sur place.

    Ah ! Le Limousin ! C'est une région qui ne laisse pas indifférent. Les forêts sont magnifiques, mystérieuses et rappellent étrangement les plus beaux endroits de Bretagne, l'écorce moussue, les rochers de granit érodés, les arbres centenaires… Combien de fois avonsnous eu envie de pénétrer dans cette masse végétale avec la certitude d'y découvrir un trésor… Surtout aux premières heures du jour, lorsque la brume matinale semblent dissimuler quelques secrets…

    C'est dans ce contexte que nous avons fait de très belles rencontres. D'abord, le GAEC Champs Libres à Saint Julien le Petit, avec Jean-Luc, Corinne, Jean-Michel et Jean-Jacques qui mènent une ferme en polyculture élevage en biodynamie. Ils nous ont fait découvrir une biodynamie vivante et évolutive. La découverte de cette approche de la terre et de cette relation au vivant est toujours magnifique. Pour ces beaux personnages, agriculture rime avec culture. C'est ainsi qu'ils décident en 2000 de mettre en valeur le site magnifique dans lequel ils se trouvent en créant l'association "Contrechamps" dont les objectifs épousent la diffusion artistique dans une très belle grange restaurée ainsi que les animations pédagogiques avec visite de la ferme et accueil de groupes.

    Tifenn a joué le spectacle dans la "grange à foin". Une belle soirée de partage, et pour la première fois, grâce à Claude, technicien lumière intermittent du spectacle et bénévole de l'association, des conditions de jeu proche d'un théâtre professionnel.

    Comme un heureux hasard, le lendemain se déroulait à la ferme un atelier du Forum Social Limousin, avec comme thématique, l'agriculture durable. Eh bien soit, nous prolongerons notre halte pour suivre ces rencontres.

    Bref, le matin nous visitons la ferme sous l'angle "agriculture durable". Nous filmons, et le discours est magnifique, très proche de ce que nous éprouvons à ce stade de notre voyage. A suivre donc dans un prochain document vidéo…

    Nous apprenons avec étonnement l'après midi lors de l'atelier FSL que la région Limousin n'est autonome qu'à hauteur de 8 % par rapport à sa consommation alimentaire ! Surprenant pour une région agricole ! D'où viennent donc les 92% autres pourcents ? Que représente donc le poids écologique et social de telles migrations alimentaires ?

    C'est sur ces réflexions que nous quittons le GAEC Champs Libres. La route continue et nous faisons connaissance de Dominique et Agnès Diss, restaurateurs à Royère de Vassivière, un petit village étonnant du plateau. Le restaurant " Saveurs Buissonnières " mérite vraiment le détour ! Dominique en cuisine,

    Agnès en salle, proposent un menu unique réalisé à partir de produits paysans locaux et pour la plupart biologiques. Dans ce petit écrin qu'ils ont investi et restauré depuis 2001, ils cultivent un certain art de vivre, naturel et savoureux. Si votre chemin vous amène en ces contrées éloignées, ne manquez pas cette petite halte buissonnière…

    De là, comme nous avions un peu de mal à nous quitter, nous décidons de dormir sur place et de prendre le café le lendemain matin à "l'Atelier", au bourg de Royère de Vassivière. L'occasion pour nous de reprendre une "claque" tant ce lieu est magique : l'atelier est un bar, épicerie bio-équitable, restaurant, salle de spectacle, conférences, projection, cybercafé. Ce lieu, acheté par des jeunes du pays, partis à la ville, puis revenus à la "maison", montre à quel point la demande est forte pour la rencontre. Du matin au soir, vieux et plus jeunes se côtoient, échangent, se rencontrent autour d'un verre, d'une exposition, d'un spectacle. La vie a repris à Royère depuis que l'Atelier s'est ouvert ! Un bel exemple de dynamique locale autour d'un projet qui créé du lien social et culturel et qui démontre déjà une pérennité économique.

    De Royère, nous filons maintenant en Corrèze, direction Vitrac sur Montane, près de Tulle, où Raphaëlle de Seilhac nous attend.

    Comme nous n'en avons pas marre de sauter de surprise en surprise, nous débarquons dans une maison bourgeoise du 17ème siècle. Ferme un peu atypique que celle de Raphaëlle qui, suite à un héritage, se voit léguer ce lieu qu'elle réhabilite aussitôt en ferme avec un élevage de moutons et tout ce qui fait qu'une ferme est une ferme : potager, ânes, poules, oies, canards, cochons, chiens, chats, et j'en passe. C'est que la Raphaëlle, toute droit issue de la lignée des Seilhac, n'en est pas moins paysanne jusqu'au bout des ongles. Elle qui a toujours refusé les mirages des rallyes, écoles d'ingénieurs et autres lieux soi-disant destinés à certaines classes sociales, réalise sa passion, son chemin, en devenant paysanne ! Pour mettre en valeur le lieu, elle fait deux ans de travaux, seule, et fait de l'accueil en chambre et table d'hôte. C'est aussi un moyen pour elle de valoriser au maximum les produits de sa ferme qu'elle sert à sa table d'hôtes. Loin de se contenter de ces activités, elle s'engage aussi dans le mouvement des CIVAM et assume la présidence du FRCIVAM

    Limousin. Je n'en dis pas plus car la rencontre avec Raphaëlle a été magique et il va se passer pas mal de choses, prochainement, dans cet endroit aux vocations multiples.
    Affaire à suivre donc…

    Nous filons ensuite chez Catherine et Luc Rabuel, éleveurs de porcs cul noir et de moutons au Vigen, à quelques kilomètres au sud de Limoges. Ils ont réhabilité voilà une quinzaine d'année le porc cul noir du Limousin qui était en voie de disparition. Ce porc rustique, vit dehors et se nourrit de ce que la nature peut offrir dans ces contrées de chênes et de châtaigniers. Catherine et Luc complémentent l'alimentation des cochons avec un mélange de céréales qu'ils cultivent eux-mêmes en bio. La viande est goûteuse et le lard épais ! Ils transforment eux-mêmes toute la viande qu'ils élèvent et vendent l'intégralité de leur production à la ferme, en vente directe. Un sacré équilibre qu'ils ont trouvé là !

    Le lendemain, nous visitons un magasin de producteurs, au centre de Limoges. Le magasin "Saveurs Fermières", comme les autres magasins de producteurs que nous avons rencontrés, a l'atmosphère chaleureuse et paisible, et l'engagement des producteurs qui y participent n'y est pas pour rien. Les produits répondent à une charte élaborée collectivement par tous les coopérateurs, mettant en avant des pratiques paysannes, équitables et respectueuses de l'environnement. Ces démarches collectives sont étonnantes et nous en avons fait une petite présentation dans les " pratiques agricoles innovantes et durables " sur le site internet Chemin Faisant.

     

    De la collecte à la retransmission

    Nous avons découvert de nombreuses pratiques agricoles et organisations sociales innovantes et durables, de l'agriculture biologique et biodynamique à l'agroécologie, en passant par le Bois Raméal Fragmenté (BRF), la permaculture, l'agriculture paysanne, les travaux du réseau agriculture durable, les magasins de producteurs, le commerce équitable, les Associations pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne (AMAP), et d'autres encore. Toutes ces alternatives vertueuses sont explicitées dans le détail sur notre site internet. Il y a vraiment de quoi en faire un livre… Et ça tombe assez bien puisque après ces six mois de voyage et plus de 80 rencontres, nous consacrons une année à la valorisation de tout ce que nous avons collecté et vécu. Nous travaillons à la réalisation d'un livre, d'un film, d'un nouveau spectacle théâtral sur la paysannerie que nous avons rencontrée.

    Egalement, des projets de malle pédagogique et de livre pour enfant viendront enrichir ces outils et permettre aux plus jeunes d'appréhender de façon conviviale et ludique les enjeux de l'alimentation responsable et de l'agriculture durable. D'ores et déjà, une exposition photo est disponible. "Voix de la Terre" - l'expo - est composée de 24 clichés commentés et illustrés de portraits de producteurs. Elle peut être louée sur demande. Vous pouvez retrouver un dossier de synthèse sur notre voyage dans les numéros de janvier de Biocontact et de Village Magazine. Nous serons également aux Assises du Limousin les 9 et 10 février 2006 à Limoges où nous apporterons un habillage audiovisuel (ambiances sonores, extraits vidéos de portraits de producteurs, etc.).

    Et puis les 25 et 26 mars, nous organiserons chez Raphaëlle de Seilhac en Corrèze un colloque sur "l'agriculture durable et les nouveaux outils de régénération", en collaboration avec la FRCIVAM, la Confédération Paysanne et le Réseau Agriculture Durable.

    A suivre…

     

    Frédéric Gana et Tifenn Hervouet

    Contacts

    Frédéric GANA et Tifenn HERVOUET. Tél : 06 09 42 49 73 Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

    GAEC Champs Libres et Association Contrechamps - Trasrieux - 87460 St Julien le Petit - Tél : 05 55 69 13 18
    Saveurs Buissonnières - Dominique et Agnès DISS - 23460 Royère de Vassivière
    L'Atelier - 23460 Royère de Vassivière - Tél : 05 55 64 52 22
    Raphaëlle de Seilhac - Le Mons - 19800 Vitrac sur Montane - Tél : 05 55 27 60 87
    Catherine et Luc Rabuel - Le Boudaud - 87110 - Le Vigen - Tél : 05 55 00 41 03
    Saveurs Fermières - 10, rue de la Céramique - 87100 Limoges - Tél : 05 55 79 88 51

     

    Polémique autour des Assises du Limousin

    La Confédération Paysanne s'est retirée de l'organisation des Assises du Limousin dont la date lui semble ne pas laisser assez de temps pour une bonne préparation et concertation avec les acteurs régionaux. Son porte-parole, Philippe Babaudou, explique : "Issue d'une réflexion menée par différentes associations et militants dans le cadre de l'atelier Agriculture et Ruralité du Forum Social Limousin, l'idée d'Assises de l'Agriculture Limousine avait comme objectif de bâtir avec les acteurs locaux (organisations agricoles, associations, entreprises, Conseil Régional, etc.) une réflexion sur les alternatives crédibles et opérationnelles pour l'agriculture limousine face aux enjeux environnementaux, à la globalisation de l'économie agricole et à la fuite en avant des politiques agricoles. La recherche d'une plus grande indépendance alimentaire grâce à une agriculture plus diversifiée, de circuits courts limitant les transports, de systèmes de production plus économes, moins énergétivores sont parmi les pistes qu'il était souhaitable d'aborder ensemble sans contrainte de temps mais avec un souci d'ouverture et de dialogue". La Confédération estime que le temps nécessaire à cette préparation nécessitait de repousser les Assises à l'automne 2006. Intelligence Verte ayant maintenu la date des 9 et 10 février, le syndicat s'est retiré de l'organisation de cette manifestation dont l'objectif se réduit à ses yeux "à créer un événement coûteux, contre-productif au service d'une initiative politique et sans doute électorale, sans lien avec les acteurs locaux". A vérifier (ou non) les 9 et 10 février prochains…
  • Créer des filières locales pour des forêts vivantes

    grimpeursDepuis des décennies, le plateau de Millevaches subit une industrialisation de la gestion forestière : monocultures, coupes rases, court-termisme : une aberration écologique et sociale. Une situation similaire à ce qui se produit dans d'autres territoires. C’est pourquoi des membres de groupes locaux et d’organisations nationales de défense des forêts venus de toute la France se sont réunis fin juin au Villard, à Royère de Vassivière, accueillis par Le Syndicat de la Montagne Limousine. Durant 3 jours, ils et elles ont partagé leurs expériences autour des pratiques sylvicoles alternatives. Au cours d’un atelier animé par le Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF) une trentaine de personnes ont échangé autour de cette question : peut-on créer des filières locales et justes pour des forêts vivantes dans un contexte capitaliste ?

     

    Mieux partager la valeur

    Membres d’associations de sylviculture, de collectifs de défense des forêts, bûcherons, élagueurs, gestionnaires forestiers, charpentiers ou habitants de territoires forestiers : les participants et participantes sont réunis autour d’un cercle. La parole circule de manière fluide, chacun apportant sa vision et son expérience pour nourrir la discussion.

    “Comment faire émerger des propositions alternatives ?” commence un charpentier du plateau de Millevaches. Il poursuit son intervention en pointant l’importance de se réemparer des questions économiques : “On a laissé tomber ça, et du coup, on se retrouve totalement désarmé pour faire des propositions alternatives à l'industrie [...] pourquoi on n’est pas beaucoup plus affûté sur ces questions d’économie ? Tant qu'on ne le sera pas, on reproduira tout simplement les schémas capitalistes de domination et de non-partage de la valeur.”
    En forêt, se jouent en effet des rapports de dominations et d'inégalités de conditions sociales entre personnes aux métiers et statuts bien différents : les propriétaires, les gestionnaires, les bûcherons, les débardeurs, les conducteurs de camions, les scieurs, etc. Pour créer une filière locale et juste, il faudrait donc porter attention au travail de tous les acteurs de la chaîne pour s’assurer que tous les travailleurs soient correctement payés.
    Au cours de la discussion, plusieurs propositions émergent pour favoriser le partage de la valeur : limiter les intermédiaires pour que chacun ait droit à un peu plus de valeur ajoutée ? Privilégier la collectivisation : recréer du commun forestier ? Un membre d’une association de formation en sylviculture et bûcheronnage insiste sur la nécessité de développer une “écoute empathique” entre les acteurs de la filière comme les gestionnaires forestiers et les bûcherons par exemple : “j’entends surtout du bashing entre les deux” constate-t-il, en pointant l’importance des hiérarchies sociales dans le fonctionnement du système capitaliste. Il s’interroge sur la manière de rompre avec ces hiérarchies et ces rapports de domination économique : “comment fait-on pour que les gestionnaires assument de faire travailler des bûcherons très bien payés dans de la futaie irrégulière ? [...] Et qu’ils assument de dire au propriétaire : “tu vas baisser ton revenu” et que chaque étape soit plus socialisée et équilibrée dans les répartitions ? ”.

     

    Partager les tâches

    Selon plusieurs participants, un meilleur partage de la valeur pourrait passer par le fait de décloisonner les différents métiers de la forêt : ainsi, chaque travailleur aurait conscience des enjeux des uns et des autres, ce qui rendrait les chantiers beaucoup plus fluides et justes pour tous. Ils proposent aussi que les tâches les plus pénibles soient collectivisées.
    Une personne membre de l’association corrézienne Faîtes et Racines propose par exemple de généraliser la pratique collective du débardage ou d’impliquer les débardeurs dans d’autres étapes de l’exploitation forestière : “ le débardeur, il ne faut pas le laisser que débardeur. Moi non plus ça ne me vend pas du rêve quand on me dit : « y’a personne pour le faire » et qu’on va débarder.” Elle ajoute que le débardeur pourrait également assister au marquage (c’est-à-dire la sélection des arbres à abattre) car il pourrait ainsi communiquer directement ses contraintes et difficultés : “on choisit les arbres qu’on va couper, sauf que le débardeur, il arrive derrière et nous dit : “je m’en sors comment moi ? ”.

     

    Quelle valeur pour la forêt ?

    Enfin, se réemparer des questions économiques permet également de penser la valeur intrinsèque de la forêt : quelle est la valeur de la forêt aujourd'hui ? Comment l'inclure dans les réflexions économiques sur un modèle sylvicole alternatif ? Un bûcheron ardéchois invite par exemple à se questionner sur la pertinence de l'utilisation des arbres de la forêt, au-delà de l'aspect purement financier : “ y’a aucune raison d’exploiter une forêt si on n’en a pas besoin. Il n’y a aucune raison de couper un arbre si le résultat est de faire une palette avec : donc on ne prend pas d’arbres en forêt si on n’a pas un projet derrière.”

     

    La concurrence des acteurs capitalistes

    Ces discussions autour des alternatives forestières, pointent un fait majeur : malgré leurs efforts pour inventer de nouvelles pratiques, ces travailleurs et travailleuses de la forêt constatent leur marginalité. Un participant évoque l’ambition “d’être réellement quelque chose qui existe dans la filière et pas juste une marge folklorique”.
    Plusieurs problématiques se dressent devant le développement d’une filière alternative, plus respectueuse du vivant et des travailleurs. L’une des principales est la concurrence des acteurs industriels : “Nous, on scie 500 mètres-cubes par an : c'est ce que Piveteau [la scierie d’Egletons] scie en ½ journée” témoigne un membre de Faîtes et Racines.
    Pour se démarquer, certains misent sur des secteurs où l’industrie ne peut pas répondre à une demande : que ce soit en termes de qualité du bois ou parce qu’un acheteur cherche un produit bien spécifique.
    Néanmoins, des obstacles demeurent. Un participant cite par exemple l'accès difficile au foncier forestier et aux machines/outils qui permettent d’exploiter la forêt “sans se ruiner la santé et sans être complètement hors-jeu par rapport aux réalités économiques capitalistes”. Malgré leurs pratiques diamétralement opposées au modèle dominant, ceux qui tentent de créer un modèle alternatif se voient en effet imposer des normes de tarifs et de valeurs définies par l’industrie. Mais certains s’opposent à cette recherche de compétitivité : “la référence des prix par rapport à l’industrie : on n’en a rien à foutre, c’est de l’esclavage !” affirme un participant venu d’Ardèche.
    Mais renoncer à se calquer sur les prix bas imposés par l’industrie soulève également des interrogations : une participante résume son dilemme ainsi : “quel est le sens si le prix est tellement élevé qu’on doit vendre à des personnes à très haut niveau de revenu ? ”.
    Enfin, un membre du RAF soulève ce qu’il pense être un impensé des discussions autour de la filière alternative : “ il ne faut pas oublier que l’État subventionne l’industrie et la gestion industrielle des forêts : c’est aussi pour ça qu’on s'épuise à essayer de se calquer sur eux ”.
    Le modèle de gestion industriel des forêts reçoit effectivement une part importante d’argent public. On peut citer par exemple la subvention de 650 000 euros accordée par la région Nouvelle-Aquitaine pour aider à l’installation de l’usine à pellets Biosyl à Guéret.

     

    Proposer un nouveau récit pour changer les imaginaires

    Pour sortir de la marginalité, et développer une sylviculture douce, des participants à la discussion pointent la nécessité de changer en profondeur les imaginaires.
    Selon l’un d’entre eux, cela passe avant tout par le fait de “se dépolluer” par rapport au modèle capitaliste : “Y’a un problème dans notre manière de parler : on est pollué par l’industrie (...) ! Donc tant qu’on reste pollué, on n'arrive pas à trouver de bonnes solutions : RAF ça veut dire Réseau pour les alternatives forestières. Une alternative, c’est donc autre-chose que ce qui est proposé. Allons-y : faut oser, tenter des choses ! ”.
    Une personne membre du collectif « méga scierie non-merci » exprime quant à elle le “besoin de nouveaux récits” : la nécessité de relater par exemple des expériences de collectivisation de forêts, de coopératives où l’on cherche à réduire la division du travail. Selon elle, “ ces systèmes sont très éloignés des réalités des gens et comportent donc un gros facteur d’inconnu pour eux : ça peut dissuader à se lancer ”. Elle estime donc que le partage de ces expériences le plus largement possible permettrait de lever un frein à des changements de pratiques chez de nombreux propriétaires et travailleurs forestiers.

     

    Eloi Boyé

     

    Aider la forêt à s’adapter au changement climatique ?

    Dans le cadre du volet forestier du plan France Relance lancé en décembre 2020, le gouvernement accorde des subventions pour l’achat et la plantation de plants d’arbres pour “aider la forêt à s’adapter au changement climatique”. Sur le plateau de Millevaches, on peut ainsi voir des forêts diversifiées être intégralement rasées puis remplacées par de jeunes résineux, plantés avec l’aide de subventions publiques. Ces plants, privés du microclimat forestier, laissés en milieu ouvert en contexte de réchauffement climatique, ont de grandes chances de mourir. En 2022, 38 % des plantations se sont soldées par un échec en France : un record depuis le début du suivi par le Département de la santé des forêts (DSF en 2007) en 2007.
  • Croque le plateau : Bandes dessinées et édition indépendantes

    Du 14 au 22 octobre se sont déroulées dans le pays de Vassivière, les troisièmes journées de l'édition et de la bande dessinée indépendantes. Un rendez-vous qui est désormais rentré dans les habitudes locales et jusque dans les maisons des habitants puisque les douze auteurs invités cette année étaient hébergés durant toute la semaine chez des particuliers, heureux d'accueillir ces hôtes talentueux qu'on ne voyait jamais sans leurs crayons et leurs carnets. Croquant sans cesse ce qu'ils découvraient (paysages ou personnages), ils avaient pour mission de réaliser quelques dessins qui ont tous été exposés à l'Atelier, à Royère. IPNS s'associe à cette heureuse initiative en publiant dans ce numéro les oeuvres de quelques uns d'entre eux. Mention spéciale à Choi Juhyun, une coréenne qui vit à Poitiers et que deux gamins du plateau, Pablo et Irène, ont emmenée à la cueillette aux champignons. Une balade qui lui a inspiré les planches que nous publions pages 8 et 9 de ce numéro - un petit récit qui, à son habitude, entremêle rêves et souvenirs...

    Sur cette page nous vous offrons un petit cocktail de styles et d'humeurs qui reflètent la diversité et le talent de la brochette d'auteurs qui a assuré le succès de ces journées où les amateurs de BD, de dessins et de paroles indépendantes ont pu faire le plein de découvertes et d'inventions.

    Et puisque le principe était d'associer le maximum de personnes, un recueil de trucs et d'astuces publié sous le titre Ma petite bricole a été réalisé avec les contributions de tous les gens du coin qui avaient envoyé leurs recettes de grand-mère, de bricoleur ou de professeur Tournesol. En achetant ce recueil au prix de 7 euros à l'Atelier ou auprès de l'association Emile a une vache, vous contribuerez à soutenir ce festival original et... indépendant.

     

    brunoBruno Bonhoure

    "Ce portrait représente Emilie et son Manu (deux des organisateurs du festival). Dès mon arrivée j'ai tout de suite été interpellé par les isolateurs EDF en faïence qui ornent les oreilles de cet "animal" creusois. Je suis à la fois un amateur de la production des faïenceries françaises de la première moitié du XXème siècle (Sarreguemines, Moulin des Loups, Gien... tasses, assiettes, bols, soupières...) et des isolateurs en porcelaine ou en verre (le dernier que j'ai trouvé était perdu au milieu de la steppe cet été à trois jours de jeep à l'ouest d'Ulan Bator en Mongolie). D'abord l'observation du vivant, ici des gens, puis je dessine directement au feutre noir en cherchant à évoquer un certain souvenir avec des formes simples et stylisées. Vous pouvez aller faire un tour sur le site internet de notre association et observer notre univers graphique et musical.

     

    nazNaz

    Né en 1975 à Saint Nazaire (d'où son pseudo), Naz fait partie de ces dessinateurs qui n'hésitent pas à lier une parole politique au trait de leur dessin. Il n'est que de voir les titres de ses différents livres : Guérilla avortée (essai dessiné où il traite du génocide rwandais), Ce qui fait tourner la terre ou la série intitulé : Le vol c'est la propriété (5 volumes parus). Il participe également activement à la revue hebdomadaire rennaise Chez Jérôme Comix. Au cours de son séjour sur le plateau il est allé danser la gigue au Villard avec des amateurs locaux de danse trad. Lui bien sûr n'avait pas oublié son calepin et son crayon qui était tout mine pour l’une des danseuses. Pour le retrouver sur le fanzine rennais.

     

    aliceAlice Lorenzi

    Alice Lorenzi vit et dessine à Liège. Elle a publié ses premières pages dans le revue belge Mycose. Ses lecteurs ne purent se défaire de ce trait en volutes aussi délicates qu'écorchées. La publication en 2006 de Les heures de verre confirme son art pour les récits de dissection des sentiments, servis comme sur un plateau par des jeunes femmes mystérieuses. Les deux silhouettes qui hantent le potager qu'elle a dessiné durant son séjour à Royère sont là pour en témoigner.

     

    Choi Juhyun

    choi

     

    Merci à tous ces dessinateurs de nous avoir autorisés à reproduire ici quelques uns de leurs dessins réalisés en octobre sur le plateau ainsi que Jonathan Larabie pour le dessin de couverture. Ce dernier habite Grenoble et anime depuis 1997 la revue La belle vie.

  • Culture et ruralité

    cocaUne enquête réalisée en 2003 par l'institut IPSOS à la demande de la Région Limousin révèle qu'à la question posée auprès de 200 nouveaux arrivants "Quelles sont selon vous les deux actions prioritaires qu'il faudrait mettre en œuvre dans votre commune pour y attirer de nouveaux habitants ?" 37% répondent : "développer des activités culturelles et de loisirs". Cette réponse arrive en deuxième position après le développement de l'offre de logements (47%) et avant le développement des services de proximité pour la petite enfance (36%).

    C'est dire que la culture est loin d'être un superflu ou un "plus" secondaire ou accessoire. Au contraire, elle apparaît, et sans doute de plus en plus, comme un élément primordial pour venir s'installer, puis demeurer, dans un espace rural comme le nôtre.

    Cette importance accordée à la culture n'est pas propre au plateau de Millevaches. On l'a bien vu lors des Rencontres Nationales du réseau RELIER qui se sont déroulées fin septembre 2004 à Royère de Vassivière (voir IPNS n°9). Les quelques 300 participants à ces journées témoignaient pour la plupart de cette place prééminente que les ruraux accordent à la culture, entendue comme la possibilité sans cesse renouvelée de rencontres, de découvertes et d'ouverture. Une manière de désenclaver les territoires ruraux autrement qu'avec des routes.

     

    La culture ? Combien de divisions ?

    En 2004, Hélène Domayala a réalisé pour le compte du parc naturel régional un "état des lieux des ressources culturelles" sur le plateau. Sans être totalement exhaustive son enquête balaie largement le champ culturel local sous ses formes les plus variées. Salles polyvalentes, lieux de diffusion spécialisés, art contemporain, musées, cinémas, bibliothèques, musique et chants, danse et médias sont auscultés assez précisément pour connaître ce qui se passe dans ces divers domaines. Les points faibles de chacun de ces secteurs sont relevés et quelques pistes d'actions sont proposées pour y remédier. Parallèlement à cette enquête deux autres études plus spécifiques sont en cours. La première, réalisée par la Scène nationale d'Aubusson établit un diagnostic technique de 23 salles de représentations de spectacles sur le plateau (4 en Haute-Vienne, 8 en Creuse et 11 en Corrèze). Les premiers éléments de ce travail mettent en évidence que la plupart des salles dans leur état actuel ne sont pas adaptées pour recevoir un spectacle et qu'elles doivent donc être réaménagées différemment.

    Le second diagnostic, confié à l'Institut d'Etudes Occitanes, concerne le recensement des acteurs qui travaillent sur la langue et la culture occitane.

    Mais l'état des lieux des ressources culturelles ne s'arrête pas aux salles et aux structures. Chacun sait qu'en la matière les acteurs, hommes et femmes, associations et groupes, sont plus importants ! Dans une seconde partie, sont donc étudiées les "ressources humaines" et les "actions culturelles" existantes : festivals (18 recensés), évènements culturels, pratiques amateurs et actions artistiques à destination des jeunes et des enfants. Enfin, un dernier chapitre fait un tour d'horizon des ressources et actions en terme de patrimoine.

    Hommage est rendu aux associations : "Leur rôle est important car elles prennent le relais des pouvoirs publics dans le cadre par exemple de la diffusion de la culture, elles contribuent au renforcement du lien social au sein d'une population très dispersée et enfin elles défendent l'identité des populations locales et la pluralité de la culture".

     

    Un groupe "culture" au sein du réseau d'acteurs

    A la suite des rencontres RELIER, une vingtaine de personnes intéressées pour développer des initiatives culturelles sur le plateau se sont réunies à deux reprises ces dernières semaines. Elles désirent échanger sur leurs projets, leurs

    difficultés et leurs envies et envisagent de renouveler en septembre prochain un événement culturel comme celui organisé fin septembre dans le cadre des rencontres nationales Culture et Ruralité.

    Soucieux de mieux se tenir au courant des initiatives des uns et des autres ce collectif informel d'acteurs culturels du plateau s'est constitué une liste internet de diffusion de l'information interne baptisée : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.. Par ailleurs le site millecultures.net lancé par Télé Millevaches et Activeprod s'est également associé à cette démarche.

    Le groupe, largement ouvert, poursuivra ses réflexions dans les prochaines semaines. Vous pouvez le rejoindre.

    Emilie Lordemus

     

    vacheLe dossier d'Antonin

    La vie culturelle en France est foisonnante, tout le monde nous l'envie.

    Toutes ces créations, toutes ces compagnies, tous ces théâtres, et pourtant toute cette vie culturelle est plate, terriblement plate, désespérément conformiste, formatée, attendue. Pourquoi si peu de secousses ? Si peu d'étonnement ? Explications :

    Quelle municipalité, quel ministère, aurait envie d'attribuer une subvention à Antonin Artaud ?

    On lui demanderait un dossier 21 x 29,7 avec ses intentions, et un budget dans lequel il lui faudrait montrer ses partenaires, scènes nationales, festivals, il aurait rendez-vous avec le maire qui ne sentirait pas ce créateur assez proche des électeurs. Il ferait un peu peur avec son regard étrange. On ne voudrait pas de lui non plus pour les animations scolaires de classe A 3.

    Et voilà pourquoi aujourd'hui l'avenir appartient aux artistes propres sur eux, ne faisant pas trop de vagues, tranquilles, et sachant surtout ficeler de solides dossiers rassemblant de bons partenaires.

    Jacques Livchine
    Ce billet est extrait de la revue Cassandre

     

    penseurPour aller plus loin

    Pour avoir un compte rendu des rencontres RELIER des 24, 25 et 26 septembre 2004 sur le plateau il faut lire le dernier numéro d' Alternatives Rurales qu'on peut se procurer auprès de Peuple et Culture, 108-110 rue St Maur, 75011 Paris, tel : 01 49 29 42 80. La revue Cassandre a publié deux numéros sur les initiatives culturelles en milieu rural, en donnant la part belle à de nombreux témoignages, sous le titre : "Retour aux sources rurales". Ce sont les numéros 52 (mars-avril 2003) et 53 (mai-juin 2003) qu'on peut se procurer pour 5,5 euros chaque numéro auprès de Co-Errances, 45 rue d'Aubervilliers, 75018 Paris, tel : 01 40 05 04 24.

    Cette agréable revue offre avec ces deux numéros un bouquet d'articles qui prouve la vitalité, le dynamisme et l'inventivité des campagnes en matière culturelle. Festivals, théâtres, associations d'éducation populaire, artistes installés à la campagne, fêtes ou musées, il y a de quoi glaner tout au long de ces pages. La devise de Cassandre : "l'art principe actif", n'est pas volée !

    Une autre revue, éditée conjointement par les Ministères de la culture et de l'agriculture mérite de retenir l'attention. Son titre : Champs culturels. Si de nombreuses initiatives, menées tout particulièrement dans les établissements d'enseignement agricole, y sont présentées, la revue ne craint pas d'aborder les problématiques les plus larges qui traversent le domaine culturel. En témoignent les trois derniers numéros dont les thèmes sont : "Corps, art et culture" (en 2002), "Arts, sciences, culture et technologies" (2003) et "Jardins et création" (2004).

    Pour se procurer ces numéros, il faut s'adresser en Limousin à Elisa Goulier : lycée des Vaseix, 05 55 48 44 00.

     

    La librairie où il fait bon passer du temps

    librairie eymoutiersAprès 25 années d'agriculture, j'ai cédé mon exploitation de production de petits fruits à un jeune agriculteur. Le temps de la retraite n'étant pas encore venu, il me fallait envisager une autre activité professionnelle. C'est dans cette perspective que depuis quelques temps un travail autour des livres me trottait dans la tête. En effet, ils font partie intégrante de mon univers tant pour leur contenu que pour l'objet qu'ils représentent. L'envie de transmettre ma passion de la lecture m'a conduit petit à petit vers le projet d'ouverture d'une librairie. Une opportunité de boutique à Eymoutiers, petite, mais avec des volumes intéressants et bien placée s'est présentée. Quelques mois de travaux et la librairie "Passe-temps" s'est ouverte fin mai 2004.

    J'ai choisi de proposer des livres neufs et d'occasion, un peu d'ancien pour le plaisir. L'espace restreint m'oblige à opérer un choix minutieux en fonction de mes goûts, de l'actualité et des conversations avec les gens. Je commande aussi tous les ouvrages que les clients souhaitent lire. Le livre d'occasion permet de remettre dans le circuit quelques titres oubliés.

    A l'étage une petite galerie d'exposition offre un espace à des artistes afin qu'ils montrent et qu'ils partagent leur création avec des gens et d'autres artistes. Raymond Valente a été le premier à présenter un travail sur son appartement avec des dessins en relief. Cet été, Golo, dessinateur de bande dessinée qui vit au Caire nous a fait découvrir la vie bouillonnante d'une ville égyptienne. Puis Isabelle Rousseau a présenté un travail très rigoureux qui demande qu'on s'y attarde et qui apporte beaucoup de sérénité.

    Deux soirées ont eu lieu en octobre et en décembre. Chacune d'elles a permis à une vingtaine de personnes de découvrir et d'échanger à propos de René Char, puis du roman policier. Au cours de l'année 2005, plusieurs rencontres sont prévues : soirée mathématique, poésie, polar, conte.

    En définitive j'espère pouvoir créer un lieu, une petite poche de résistance où il peut faire bon passer même quelques instants.

    Guy Valente

     

  • Dans mon HLM

    Malgré la réussite exemplaire de L’Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) conduite entre 1997 et 1999 « pour une politique d’accueil par l’habitat », la pénurie de logement sur le Plateau réduit considérablement ses capacités à accueillir de nouveaux habitants. On ne parlera pas ici de la folle et scandaleuse surenchère du prix de l’immobilier ni des trop nombreuses habitations vacantes abandonnées, mais de l’habitat locatif public. Parti à la rencontre de quelques résidents sollicités ici et là, on s’en retourne avec une triste et lourde impression d’échec...

     

    Le parc HLM est relativement important sur le territoire du PNR. Dans toutes les petites villes et dans bon nombre de bourgs, cet habitat social est présent. Alors que partout s’affiche le constat d’un manque criant de logement sur le Plateau, on est choqué par le nombre impressionnant de logements vides au sein de cette propriété publique. Et lorsqu’on interroge les résidents, il est non moins stupéfiant d’être submergé par toute une litanie de mécontentements. Nombre d’entre eux souhaitent quitter leur HLM et sont à la recherche d’un autre logement malheureusement introuvable ou inaccessible à leur budget. Certes, les loyers HLM demeurent parmi les moins chers. Mais quelques résidents, et notamment à Aubusson, se plaignent des charges locatives de plus en plus lourdes et toujours décidées sans préavis ni concertation. En d’autres lieux comme à Peyrelevade, c’est un autre refrain “les HLM c’est tout pourri“...



    Des factures de chauffage exorbitantes

    Dans la surcharge des coûts, ceux qui  concernent le chauffage sont les plus fréquents. Il y a l’aberration du chauffage électrique dans des bâtiments ou des pavillons construits à une époque où le coût énergétique était minime et l’isolation thermique totalement négligée. Si à Bourganeuf l’ensemble des HLM a été équipé d’huisseries isolantes avec double vitrage, à Royère de Vassivière, malgré des pétitions répétées, beaucoup se plaignent de fenêtres perméables à toutes les intempéries. A Tarnac dans un lotissement pavillonnaire, une pétition des résidents afin d’obtenir la construction de cheminées pour y installer un insert a été rejetée en 2004 par l’office public, alors que la municipalité était toute disposée à solliciter le concours d’autres partenaires pour la réalisation de cet investissement collectif ! L’augmentation des charges de chauffage est une des causes parmi les plus fréquentes dans la décision de quitter un HLM. Dans une région au climat rigoureux comme le Plateau de Millevaches, la règle de l’ouverture et fermeture du chauffage au 15 septembre et 15 mai suscite immanquablement chaque année toute une série de pétitions pour obtenir une dérogation à l’ineptie d’une application locale de règles nationales ! Face à tous ces dysfonctionnements, les résidents s’équipent d’appareils de chauffage d’appoint. Leur nombre impressionnant devrait inciter à une rapide modernisation des installations de chauffage autant par mesure de sécurité que pour l’économie d’énergie.  

     

    Éternelles difficultés du vivre ensemble 

    Bien plus que sur les questions de coût, le mécontentement porte sur les nombreuses nuisances qui ressortent de la vie en collectivité. L’agencement et la disposition des locaux d’habitation comme leur exposition et leur luminosité sont d’une manière générale très bien appréciés. A l’inverse, les parties collectives sont souvent décriées et mal utilisées. Citons des caves sans éclairage électrique avec des fermetures sans cesse détériorées et soumises au pillage. A cela s’ajoute toutes les questions relatives à l’entretien du quotidien, les doléances sur la salissure et la saleté des parties collectives : cages d’escaliers, corridors, halls d’entrée. Et les jérémiades se poursuivent sur la négligence de l’environnement paysager avec des pelouses et haies mal entretenues, des parkings sauvages, la multiplication des chiens plus agressifs que domestiques... Tous sans exception s’accordent à dénoncer le bruit comme l’un des caractères les plus perturbants de la cohabitation en HLM. Cette carence de l’isolation phonique introduit une gêne embarrassante dans  les relations de voisinage et se présente comme un facteur permanent de la détérioration des rapports entre les résidents dès lors que l’intimité de la vie familiale n’est plus préservée. L’accumulation de ces nuisances participe au rejet et à la mauvaise réputation du logement social. En même temps qu’il induit des comportements de ségrégation entre les générations, les origines culturelles, les habitudes éducatives...

     

    residents

     

    Nécessité de rassembler pour mieux revendiquer

    Au terme  de ce tour d’horizon pessimiste et malgré la diversité des résidents, force est de constater la difficulté de rencontrer quelque regroupement ou association de résidents susceptible de rassembler et porter l’ensemble des ces insatisfactions devant les responsables de la gestion de ce parc immobilier. La vie associative n’est pourtant pas absente au sein de cette population, au contraire. A Bourganeuf, par exemple, des associations sont actives et en quête de petites réalisations pour valoriser le brassage éducatif et culturel de ces habitats, comment apprendre à grandir ensemble dans le respect des personnes et des lieux, comment penser le collectif avant les solutions individuelles... Parmi les revendications pour l’amélioration de leurs conditions de vie : des jeux sécurisés dans les espaces paysagers, l’aménagement d’un barbecue à usage collectif...

     

    Manuel du parfait résident 

    L’incidence de toutes ces nuisances sur la dégradation du climat social dans cet habitat n’échappe pas à ses promoteurs et gestionnaires. Le 29 juillet 2008, l’Office public de l’habitat de la Creuse a adressé un courrier à quelques résidents. Dans cette lettre, il annonce qu’il s’est doté d’un nouveau nom : Creusalis “pour symboliser son lien fort avec le territoire creusois“ et d’un nouveau logo. Mais le message principal de cette correspondance est de transmettre une superbe bande dessinée : “Les Résidents“ due au talent d’un bon scénariste, flanqué de trois excellents dessinateurs et coloristes. Sous le mode de l’humour, cette BD se présente comme un manuel du parfait locataire, du bon et chic voisin participant à une association de résidents. Sous le trait des artistes, on retrouve tous les ingrédients des dégradations et nuisances rencontrées dans notre tour d’horizon : bruit, saleté, sans gêne et irrespect de l’autre... Selon l’AROLIM (l’association des organismes HLM du Limousin), à l’origine de l’ouvrage, “cette BD permet de rappeler que la vie en collectivité, quelles que soient les origines des locataires, leur culture, leur langue, s’inscrit dans un cadre réglementaire fondé sur le respect des autres et sur l’acceptation des différences“. On ne peut que souscrire à cette intention. Et souhaiter à ces bailleurs sociaux non plus seulement de réaliser le manuel du parfait résident mais d’offrir des logements dignes de ce mieux vivre ensemble. 

     

    Alain Carof

     

    Palisse offre une alternative bois

    “Quand nous avons fait construire nos deux logements HLM nous avons demandé aux HLM de la Corrèze qu’ils soient équipés d’un conduit de cheminée. Nous voulions que les locataires puissent choisir entre un chauffage tout électrique et la combinaison convecteurs/poêle à bois. Pour les locataires qui ont choisi de s’acheter un poêle, la différence sur les charges de chauffage est très intéressante“. Le maire de Palisse (19), M. Gaye, ne regrette pas d’avoir négocié cette option. Reste un constat assez affligeant : qu’un conseil municipal n’ayant pas de compétences particulières dans l’habitat soit amené à conseiller et négocier avec un gestionnaire de parc locatif dit “social“ pour choisir un type de chauffage qui ne soit pas un gouffre financier pour les locataires ! Les nouvelles réglementations thermiques (RT 2010) pour les constructions neuves pourront sans doute apporter des améliorations sur les dépenses énergétiques et donc les charges de chauffage mais quid des nombreux logements sociaux déjà existants et qui sont de véritables passoires thermiques ?

     

    Tarnac gardera t-il son organisation solidaire ?

    tarnacLa précédente municipalité de Tarnac avait mis en place des logements temporaires dans sa petite maison de retraite à gestion communale. Elle gardait quelques chambres libres afin d’accueillir les personnes âgées qui souhaitaient ne pas se retrouver seules dans leur village pendant les mois d’hiver, ou tout au long de l’année pour une période de convalescence après un séjour à l’hôpital ou une maladie. D’autres communes font de même. Mais à Tarnac, autour de ces logements temporaires, le maire avait mis en place une gestion originale de la solidarité villageoise. Elle s’organisait à partir de la cantine scolaire, qui fonctionnait toute l’année grâce au concours du service des  repas de la maison de retraite, et permettait le portage de repas chauds pour les personnes âgées qui le demandaient dans tous les hameaux de la commune. Avec ce système, la commune maintenait des emplois salariés pour la population locale et assurait ce service de proximité les 365 jours de l’année.

    Lorsqu’en début des années 2000, l’administration départementale a refusé l’agrément de la Maison de retraite parce qu’elle ne satisfaisait plus aux exigences des normes d’une maison médicalisée, la municipalité a tout simplement changé le nom de la structure. En l’appelant maison de la solidarité communale, elle pouvait continuer d’accueillir des résidents âgés et offrir des logements temporaires pour accueillir de nouvelles populations. En organisant cette sociabilité villageoise, la commune permettait à tous, jeunes ou vieux, de bien vivre et travailler au pays, elle rappelait aussi qu’elle demeurait ouverte et accueillante à de nouveaux habitants (fonction de logement passerelle, voir page 5). il n’est malheureusement pas certain que l’aveuglement technocratique des nouveaux élus poursuive aujourd’hui cette ambition de la solidarité communale.

    Alain Carof

     

    Royère de Vassivière : quand le bâtiment va... 

    L’exemple du parc locatif HLM sur la commune de Royère-de-Vassivière (23) est intéressant car il présente trois types de logements que l’on retrouve ailleurs sur le plateau de Millevaches : la construction ancienne rénovée ou réhabilitée, l’immeuble collectif et “les maisons de ville” avec terrain privatif.

    La construction traditionnelle en pierre 

    En 1994-95, l’Office Départemental des HLM de la Creuse a réhabilité l’ancienne gendarmerie de Royère en six appartements. Depuis, cette maison en pierre a bénéficié d’autres travaux, des peintures extérieures à la pose de fenêtres double vitrage. Les loyers sont de l’ordre de 300€ pour un studio, chauffage et charges comprises, à 400 € pour un T4. L’isolation acoustique y est correcte et il y a peu de problèmes de voisinage.

    L’immeuble collectif 

    immeubleFruit du programme de constructions de l’Office HLM, cet immeuble de 12 logements se caractérise par les inconvénients majeurs du béton, à savoir une très mauvaise isolation phonique et thermique. De fait, malgré des appartements clairs et bien distribués, les inconvénients liés aux bruits du voisinage et aux difficultés de chauffage ainsi qu’à son coût provoquent un changement fréquent des locataires. En effet, les loyers qui s’élèvent à environ 400 € pour un F4, chauffage et charges comprises, paraissent quelque peu élevés par rapport au confort réel offert.

    Les maisons de ville 

    Il s’agit d’une dizaine de maisons mitoyennes avec terrain privatif, qui correspondent bien à la demande actuelle. Mais en 2007, la très mauvaise isolation thermique qui les caractérise ainsi que le mauvais état des huisseries et d’autres problèmes (engorgements fréquents des canalisation d’assainissement) ont amené les locataires à adresser une lettre de réclamations à la mairie. A noter que les loyers sont d’environ 470 €, charges comprises pour un T4. Averti par la mairie, l’Office HLM n’a pas donné de suite favorable à cette lettre. C’est en 2008, après un deuxième avis adressé par la nouvelle équipe municipale que l’Office a bien voulu engager un diagnostic. Celui-ci a relevé l’insuffisance de l’isolation thermique, un chauffage inapproprié (au gaz), ainsi que l’obsolescence des maisons : mauvais état des huisseries, usure des revêtements de sol, urgence d’un ravalement de façade... En réponse à ce constat, l’Office a prévu d’engager des travaux pour 2009.

     

    L’exemple de Royère-de-Vassivière et de la nécessaire mobilisation des élus pour débloquer la situation traduit une certaine difficulté des Offices départementaux à mener une véritable politique en matière d’habitat. Sans doute les contraintes de gestion et d’investissement propres aux Offices HLM peuvent expliquer ce problème mais au final ce sont bien les locataires des Habitations à Loyers Modérés qui se retrouvent pénalisés !

     

    Madeleine Lemeignan
  • Deux rivières creusoises labellisées

    le Tourtouloux

    Le Pic change de nom et devient le Tourtouloux à Saint Martin-Château - le pont planche de Présinat

     

    la gioune et le pic rivieres sauvages

    Le label « Rivières Sauvages » est décerné par l’association European Rivers Network France (réseau fleuves d’Europe). Créé en 2014, il s’adresse exclusivement aux cours d’eau considérés comme sauvages et donc d’une excellente qualité. Pour obtenir ce label, les cours d’eau sont évalués selon 45 critères dont 12 sont éliminatoires, et doivent obtenir une note d’au moins 70/100. À ce jour seules 25 rivières ont été labellisées en France. Parmi elles, deux rivières creusoises.

    La Gioune prend sa source à proximité du Puy Renardier (863 m) sur la commune de Féniers. Elle traverse de vastes zones de tourbières en partie pâturées. Ce cours d’eau de tête de bassin présente des eaux naturellement chargées en acides humiques (provenant de l’humus) lui conférant une teinte ambrée caractéristique. Le Pic prend sa source sur la commune de Royère-de-Vassivière, entre le Puy des Gardes (748 m) et le signal du Pic (831 m), au sein d’une grande tourbière.

    Un magnifique fascicule détaillant joliment l’étude hydrographique, le biotope et l’écosystème de ces deux rivières vient d’être édité et permet de (presque) tout savoir sur elles.

     

    Pôle stratégies territoriales patrimoine et paysages Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. - Disponible en librairie, 8 €.
  • DOSADO ou la musique partagée

    dosado logoC’était au tout début de notre siècle, cinq adolescentes de Bujaleuf, Peyrat-le-Château et Royère-de-Vassivière, élèves assidues et volontaires des écoles de musique de la Creuse et d’Eymoutiers, font le pari de faire partager leur passion de la musique des années 1930 à tout public. Elles exercent leur talent sur plusieurs instruments. Voilà comment elles nous présentent leur projet, racontent la naissance de leur groupe et nous font part du succès qu’elles rencontrent depuis six ans. Une réussite confirmée par l’ attribution en 2006 de deux prix nationaux. Bravo et un grand coup de chapeau pour leur persévérance.

     

    Un projet

    Avant tout, il nous paraît important de préciser que notre but n’est pas de mettre en valeur notre groupe à travers le nom que nous lui donnons, mais bien la musique elle-même. Notre principale idée est de faire redécouvrir des «morceaux» qui ont connu un certain succès à une époque mais qui ont depuis été mis au placard. Nous pensons qu’il est temps de dépoussiérer les partitions et de les ressortir au grand jour afin que les notes reprennent vie. Les musiques de l’entre-deux guerres (année 1920-1930) présentent selon nous beaucoup d’intérêt. Elles restent parfois mal connues de la génération de nos parents et totalement ignorées, faute d’être diffusées, par la génération actuelle.

    Notre idée est de les «démystifier» en les actualisant de nouveau à travers nos instruments, étant entendu que nous adapterons nos mélodies par rapport au public visé. Par exemple, ceci risque de faire resurgir des souvenirs enfouis chez les personnes âgées dans les maisons de retraite, sachant qu’une musique est souvent associée à un moment fort de la vie. A l’inverse, la découverte d’un autre style musical constituera un enrichissement culturel parmi les jeunes qui pourront y être sensibles. Nous sommes persuadées que dans certains endroits il y a un vide musical à combler et qu’il est plus simple de faire déplacer un groupe de cinq personnes telles que nous, plutôt qu’un établissement complet (maison de retraite, club du troisième âge, crèche, école, centre de loisirs … et bien d’autres). Accompagner certaines manifestations publiques (fête de la musique, feu de la saint Jean, fête du pain, fête nationale, fête de la batteuse, fête de l’école, fête communale de Noël, commémoration de la guerre…), font également partie intégrante de ce projet.

    Grâce à la musique, des liens peuvent être créés entre les gens qui peuvent se découvrir des goûts communs. Nos instruments sont au service du partage, du relationnel, de la découverte, de l’accompagnement, du rapprochement de cultures différentes (nous pensons aux nombreux anglais qui ont de si grandes difficultés à échanger et à s’intégrer). La musique peut devenir une passerelle. Lorsque l’on a foi en quelque chose, la réussite nous attend forcément.

     

    La naissance du groupe

    dosado groupePour quatre d’entre nous, notre rencontre a eu lieu à l’école du village où nous jouions ensemble dans la cour de récréation… Puis chacune à notre tour, nous avons intégré l’école de musique où notre groupe s’est agrandi. Nous est venue l’idée de partager notre passion commune pour la musique en nous rassemblant de temps en temps autour d’une partition pour jouer quelques notes. Cela dure depuis six ans.

    Un beau jour, nous pensions avoir évoluées suffisamment pour oser sortir de l’ombre afin que les gens de Peyrat le Château voient de quoi nous étions capables. Il s’agissait de la fête de la musique en 2002. Nous avons joué sur la place du village un échantillon de tout ce que nous avions appris : musique brésilienne, musique de film, chants populaires…. L’engouement des spectateurs nous a surprises et motivées pour aller plus loin. Nous nous sentions heureuses de faire connaître notre art, fières de notre travail récompensé. Ce panel musical avait l’avantage de s’adresser à un large public.

    Depuis, nous participons à différentes manifestations, parfois de notre propre initiative : fête de la musique dans l’église en juin 2003 et 2005, feu de la saint Jean au bord de l’étang de Peyrat le Château, fête du pain en octobre les mêmes années, concert à la maison de retraite d’Eymoutiers car la solitude des personnes âgées nous touche particulièrement. Nous avons eu l’honneur de jouer à la messe de minuit en la Collégiale d’Eymoutiers à la demande de notre curé et de nous produire aux messes d’été du dimanche matin. Ensuite pour l’association Familles Rurales, nous nous sommes rendues à la halte-garderie Piccolo où les enfants ont été attentifs et joyeux de découvrir la musique autrement, c’est à dire en joignant l’image de l’instrument aux sons qu’ils entendaient. C’est à cette occasion que la notion d’échange prend tout son sens, notre volonté est d’initier les plus jeunes à nos instruments. Cependant notre plus grand plaisir cette année reste les deux invitations de nos professeurs pour clôturer l’audition de l’école de musique. C’est pour nous la récompense d’un travail reconnu et apprécié par ceux qui nous ont encadrées et encouragées.

    Il est impossible de terminer cette présentation sans raconter l’événement «choc» qui nous a profondément touchées. Lors de notre prestation musicale à la maison de retraite d’Eymoutiers, un papy centenaire et aveugle depuis la naissance, nous a joué quelques airs de musique de sa connaissance après nous avoir écoutées en manifestant son engouement. Il nous accompagnait avec des gestes (il fredonnait, tapait le tempo du pied et applaudissait). Son visage rayonnant a ancré notre volonté et notre plaisir à faire partager et découvrir nos instruments.

    Pour mener à bien et développer notre projet et nous insérer dans le tissu  local, nous avons sollicité l’association Familles Rurales de Peyrat le Château. Forte de ces 141 familles adhérentes elle propose de nombreux services et des loisirs. Elle est à même de nous faire bénéficier de son expérience et de nous accompagner matériellement dans de bonnes conditions. Elle nous a permis d’accéder à des appels à projet.

     

    Les trophées du mérite

    dosado sceneC’est ainsi que nous avons participé au concours des «Trophées J PASS 2006» organisé par le Crédit Mutuel et Familles Rurales à l’échelle nationale. Ces trophées ont pour objectif de faire émerger des groupes locaux de jeunes à partir d’un projet. Ils veulent valoriser les capacités d’initiatives et d’engagement des jeunes dans les territoires ruraux. En donnant un coup de pouce à leurs projets ils les impliquent dans la vie locale.

    Nous avons envoyé notre dossier de candidature et nous avons été sélectionnées pour passer «l’oral». Le rendez vous avait lieu à Orléans le 6 juillet. Et nous voilà parties en train toutes les cinq. La rencontre se déroulait en vidéo conférence, les membres du jury étaient à Paris. Nous devons avouer que c’était une expérience amusante. La réponse ne se fit pas attendre longtemps Monsieur Ribeil notre correspondant national de Familles Rurales nous a annoncé par téléphone la bonne nouvelle : «Vous avez le premier prix 2006, rendez-vous le 23 novembre à Paris à l’occasion du Congrès des Maires de France pour la remise des prix». Nous nous sommes réjouies de voir notre projet soutenu et récompensé. La confiance que nous portent ces organismes nous touche beaucoup.

    Et nous voilà, le 23 novembre 2006 à Paris à la Porte de Versailles pour la remise de notre prix. Devant les autres groupes de jeunes ainsi que les représentants de Familles Rurales et du Crédit Mutuel, nous avons présenté notre projet soutenu par un diaporama réalisé auparavant. A notre grande surprise nous avons reçu le prix de 2000 € ainsi qu’un autre chèque de 1500 € attribué par le Crédit Mutuel. Notre projet fut très apprécié. Comme nous avions emmené nos instruments (flûtes traversières, violon, guitare et violoncelle) la clôture de la cérémonie s’est faite en musique en jouant un morceau de notre répertoire.

    Parallèlement au concours des «Trophées J PASS», la Mutualité Sociale Agricole (MSA) de la Haute-Vienne nous a proposé de participer à leur appel à «projet jeunes». Comme pour le précédent concours nous avons déposé un dossier et nous avons été présélectionnées. Le 17 novembre nous sommes allées passer l’audition à la MSA de Limoges. Sur les huit p^rojets présentés, le nôtre fut placé en premier. Nous sommes pour la seconde fois en première ligne. Nous sommes très contentes que notre démarche d’aller vers les autres grâce à la musique puisse être accompagnée et soutenue par de grandes institutions comme la MSA qui ont une action au niveau local.

    Ce premier prix a été récompensé par un chèque de 1500 € et nous a permis de déposer un dossier pour concourir au niveau national. Notre action se poursuit, il nous faut continuer en donnant tout simplement un petit peu de notre temps. Nous devons nous montrer dignes de la confiance qui nous a été accordée. Selon nous faire de la musique c’est faire partager un message que chacun peut interpréter à sa manière. C’est un art et comme toute forme d’art, elle éveille une sensibilité et une imagination où l’on se laisse emporter. A quoi servent les mots lorsqu’il y a des sons ! Nous produire publiquement plutôt que cachées chez nous permet de faire découvrir la vision de l’instrument liée au son. Il reste valorisant de partager une passion avec d’autres

    Grâce à l’école de musique nous avons acquis un savoir qu’il nous paraît injuste de garder pour soi de façon égoïste. Dans la mesure où jouer d’un instrument est un privilège, car ceci est coûteux, requiert de la patience et demande du temps. L’apprentissage est long et parfois difficile.

    La musique est certes soumise à la mode des médias, mais les goûts sont personnels et chacun reste libre d’écouter ce qui lui plaît. Ce que nous proposons sort de la musique médiatique actuellement stéréotypée. Pour conclure, il est important de signaler que l’isolement est synonyme d’appauvrissement de l’être humain, alors que le regroupement est une force et un enrichissement. Nous éprouvons le plaisir d’être ensemble, et nous voulons être acteurs dans notre cadre de vie.

     

    Flûtes traversières : Vedna Goudour, Clémir Jobin,
    Violon : Claire Combastel,
    Violoncelle : Maëliss Jobin,
    Guitare : Florence Peyratout
  • Engraissement industriel sur le Plateau ? Non merci !

    maskInstallée depuis plusieurs générations sur la commune de Royère-de-Vassivière, au lieu-dit le Villard, la famille Vialatoux possède actuellement une exploitation de 120 vaches allaitantes sur 200 hectares et prévoit la création d’un atelier d’engraissement porcin pour 2025. Cyril et Alexandre, les deux plus jeunes, ont rejoint leur père et leur oncle au sein du GAEC il y a environ un an. Après avoir travaillé comme salarié dans plusieurs élevages de porcs, Cyril a pris goût à l’élevage porcin, et souhaite aujourd’hui lancer cette activité. Dans la crainte de manquer de fourrage dans les années à venir pour leur élevage bovin, les deux frères ont préféré diversifier l’activité de la ferme et s’orienter vers ce projet sur lequel ils travaillent depuis plus de deux ans.

     

    À quoi cela ressemblerait-il ?

    Le projet nécessite la construction d’un bâtiment de 1000 m² sur caillebotis, un sol en plastique ajouré, permettant l’évacuation des déjections animales et l’eau de lavage du sol, dans une fosse d’1,5 m de profondeur sous le bâtiment. Celle-ci permettrait de stocker jusqu’à 9 mois de lisier en attendant les périodes d’épandage dont le renouvellement se fera en moyenne tous les deux ou trois ans sur chaque parcelle, au printemps ou à l’automne, et soi-disant de limiter les odeurs au quotidien. Après étude réalisée par un cabinet privé pour établir le plan d’épandage, ce sont 266 hectares qui sont prévus sur les communes de Royère-de-Vassivière, Gentioux et Faux-la-Montagne, sur leurs propres terres, mais aussi chez d’autres agriculteur.rice.s à qui la prestation d’épandage de lisier sera vendue.

     

    Un projet clé en main porté par la coopérative Cyrhio1.

    La structure pourrait ainsi accueillir 1200 porcs au total dont 400 porcelets en post-sevrage (8 à 25kg) et 800 porcs en engraissage (25 à 110kg). Basée à Montluçon et présente sur plus d’une trentaine de départements, la coopérative Cyrhio vend le projet (un investissement d’environ 550 000 euros), conseille, approvisionne, gère les débouchés et le transport des animaux, qui dit mieux ? Elle compte déjà plus d’une quinzaine d’élevages porcins ayant déjà été autorisés en Creuse2. Et elle a accompagné récemment les membres du GAEC sur le terrain afin de présenter le projet à différents acteurs locaux tels que le Parc naturel régional de Millevaches ou encore les élu.e.s des communes concernées par le plan d’épandage.

     

    blaireau mille porcsVers la « simplification » des procédures...

    Une installation comme celle-ci fait partie des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE), c’est-à-dire, qui sont susceptibles de présenter des dangers ou des inconvénients pour l’humain, son environnement ou la nature3. Un dossier avec notamment le plan d’épandage a donc été déposé à la préfecture auprès de la DDPP(Direction Départementale de la Protection des Populations) pour contrôler l’absence de risques sanitaires et environnementaux, il est actuellement en cours d’instruction administrative pour vérifier la conformité aux réglementations en vigueur4.
    Une fois le dossier admis, ce qui pourrait très rapidement être le cas, il sera accessible en ligne et fera l’objet d’une consultation du public sur le site de la préfecture et en mairie. C’est au préfet que revient en dernier lieu la décision d’autoriser ou de refuser le projet par arrêté préfectoral, une procédure qui peut prendre entre 6 et 12 mois. Autant dire demain, d’autant que la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) a demandé, le 24 janvier 2024, à « limiter les recours » des associations de protection de l’environnement et la durée de l’instruction des projets en préfecture5 (notamment en raison des nombreux recours effectués à l’encontre de projets de mégabassines). Une demande entendue par Gabriel Attal qui a annoncé peu de temps après un ensemble de mesures dont celle de passer de quatre à deux mois le délai permettant de formuler un recours contre une installation agricole (le délai était d’un an jusqu’en 2017)6, un décret qui pourrait être publié dès le mois d’avril prochain. Une dérégulation qui se fera à terme et sans aucun doute au détriment de notre santé et de l’environnement.

     

    Pas de quoi s’inquiéter ! Vraiment ?

    Au niveau environnemental, impossible de ne pas craindre l’impact des intrants chimiques (dont les traitements antibiotiques) sur les sols et l’eau en particulier, le lisier étant, entre autres, une source d’émissions d’ammoniac importante et préjudiciable à la santé et à l’environnement. Quid de la pollution des eaux souterraines et du Lac de Vassivière en cas de lessivage des sols ? Qu’en pense le Parc naturel régional de Millevaches ? Et pour l’instant le projet prévoit 1200 bêtes, mais s’il venait à s’agrandir (déjà entre 2000 et 2010, le nombre de porcins par exploitation avait triplé7), les risques de pollution iraient croissant par la même occasion !
    En ce qui concerne la consommation en eau, ce sont 2900 m3 d’eau potable qui seraient prélevés annuellement sur le réseau public, de l’eau nécessaire aux abreuvoirs mais aussi au nettoyage régulier du bâtiment.
    Un plan d’intégration paysagère est également prévu pour rendre le bâtiment moins visible depuis la D8 au bord de laquelle il est prévu, mais qu’en est-il des odeurs ? Même s’il est positionné en dehors des vents dominants, quel sera le degré des nuisances olfactives ? Que ce soit pour les voisin.ne.s les plus proches du Villard qui comptent à la fois des habitant.e.s et l’association des Plateaux Limousins qui accueille toute l’année des activités d’animation jeunesse, des hébergements en gîtes et évènements accueillant du public, ou bien les voisin.e.s des 266 hectares de parcelles concernées par le plan d’épandage.

     

    Le bien-être animal dans tout ça ?

    En France, trois types d’élevage cohabitent : en bâtiment sur caillebotis, en bâtiment sur paille et en plein air. Grâce au caillebotis, un maximum d’animaux peuvent « grandir » sur un minimum de surface (la norme étant à 0,8m²/animal soit 20 porcs pour 16m²), sur un minimum de temps, avec un minimum de temps de travail. Il est de notoriété public que l’élevage conduit de manière industrielle repose sur des conditions de vie qui devraient questionner les citoyen.ne.s, qu’ils.elles soient consommateur.rice.s ou non, sur la notion de bien-être animal. En 2020, des images choquantes avaient été tournées dans un élevage appartenant justement à l’ancien président de Cyrhio sur la commune de Barrais-sur-Busseroles dans l’Allier ! Elles avaient été révélées par l’association L214, le jour même où une proposition de loi sur la condition animale devait être examinée8. De quoi porter un autre regard sur l’élevage intensif et choisir de cautionner ou non les pratiques qu’il induit.

     

    « On continue à nourrir le système ou on réoriente l’agriculture » ? 9

    Un élevage sous contrat ou comment le fait d’intégrer la coopérative Cyrhio revient à se retrouver dans une dépendance multiple : aux cours du porc, aux cours des céréales et aux cours du pétrole ! En effet, c’est l’activité tout entière qui dépendra du suivi, des conseils techniques et des directives de la coopérative. Le projet devrait engendrer un trafic routier incluant l’arrivage des porcelets et leur départ pour l’abattage, mais aussi le transport pour l’alimentation dont la provenance sera entièrement extérieure à l’exploitation. Une alimentation qui serait constituée pour 75 à 80% de céréales et pour 15% de résidus de produits végétaux.
    Plus globalement et sans chercher à incriminer les porteurs de ce projet, il paraît nécessaire d’élargir le débat. Ne pas se focaliser sur l’installation d’un projet agricole individuel, mais s’intéresser à l’agriculture que nous pouvons réellement aujourd’hui espérer et choisir de soutenir et maintenir sur nos territoires ou non, dans la diversité des pratiques possibles, en vertu de l’état actuel de la planète et des ressources naturelles encore disponibles compte tenu des diverses pressions exercées par l’agro-industrie entre autres.
    Comment faire pour éviter la perte de souveraineté liée à l’industrialisation de l’élevage à l’heure d’une dérégulation progressive du marché et d’une concurrence internationale de plus en plus rude ? La question de l’autonomie est cruciale, qu’elle soit technique, financière ou décisionnelle. Mais pour y travailler, ne devrions-nous pas nous réinterroger collectivement sur les moyens de coopération et d’entraide possibles à différentes échelles à commencer par le plus local possible ? Des expériences ailleurs pourraient éventuellement donner matière à y réfléchir...

     

    Mais concrètement ici et aujourd’hui...

    Une mobilisation contre ce projet est-elle souhaitable ? Sous quelles formes ? Peut-on espérer de la part de nos élu.e.s, du Parc naturel régional de Millevaches, du Syndicat du Lac, d’associations, qu’ils et elles prennent collectivement position, arguments à l’appui, auprès de la préfecture pour dénoncer les impacts potentiels de ce projet et demander son interdiction ?
    Si cet article a pour objet premier d’informer sur ce projet, peut-être pourrait-il par la même occasion vous inviter à vous regrouper pour en discuter, à solliciter vos élu.e.s et autres acteurs concernés. Gare à la dématérialisation des consultations du public et au temps qui file à toute allure, n’attendons pas pour nous rassembler, en discuter et nous mobiliser !

     

    1 - https://www.cirhyo.fr/
    2 - https://noporch23.wordpress.com/etat-de-la-situation/
    3 - https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043978078
    4 - https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028409472
    5 - https://www.lessurligneurs.eu/gestion-de-leau-et-agriculture-la-fnsea-demande-de-limiter-les-recours-et-les-durees-dinstruction/
    6 - https://reporterre.net/Agriculture-5-mesures-du-gouvernement-passees-au-crible
    7 - https://www.greenpeace.fr/elevage-industriel/
    https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2020/06/Rapport-industrialisation-de-l%C3%A9levage-en-France.pdf
    8 - https://www.l214.com/enquetes/2020/elevage-cochons-barrais-bussolles/#
    9 - https://www.confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?mc=34

     

    Histoire cochonne

    Considérant, d'après des données collectées auprès de l'IFIP, Institut du porc et de quelques autres sources spécialisées, qu'entre la boisson et le lavage 1200 porcs consomment environ 6800 m3 d'eau (dont 3000 en eau potable) ; comparant cette consommation avec celle d'un humain ; considérant qu'un cochon rejette à peu près dix fois plus de déchets qu'un humain ; on peut en déduire qu'une porcherie de 1200 porcs consomme en eau potable l'équivalent de la population d'une ville de 4200 habitants (Felletin + Bourganeuf) et rejette en déjections l'équivalent de la population d'une ville de 7600 habitants (Felletin + Bourganeuf + Eymoutiers + Peyrat-le-Château)... Ça va chier !

     

  • Éoliennes : ne nous trompons pas d’adversaire !

    Dans le n°66 d’IPNS, Joseph Mazé nous a alerté sur le danger des implantations massives d’éoliennes sur le territoire et en dénonce ce qu’il appelle une “énorme escroquerie“. Agacé par certains argumentaires des anti-éoliens, Jean-François Pressicaud tente de faire la part des choses.

     

    Habituellement, je suis assez indifférent aux propos des anti-éoliens, généralement motivés par le refus de la proximité des installations. De plus, beaucoup avouent être des pro-nucléaires, d’autres refusent de s’interroger. Mais, lorsque Joseph Mazé, dénonce une “énorme escroquerie“, il faut prendre son argumentation au sérieux, en essayant de distinguer ce qui est juste de ce qui prête à discussion, comme ce qui est exagéré ou abusif.

     

    Des dégâts moindres

    En France, écrit Joseph Mazé, l’éolien est d’abord un business. On ne peut qu’être d’accord avec lui sur ce point : le développement de l’éolien fait partie de la même logique industrielle et capitaliste que le nucléaire, l’industrie chimique, l’agro-alimentaire, les transports, etc. Mais il ne provoque pas les mêmes dégâts ! En effet, malgré tous les efforts des anti-éoliens pour mettre en avant les nuisances causées par les éoliennes, elles restent incomparablement moindres que celles du nucléaire, ou même de la chimie. Il n’en reste pas moins que l’éolien, dans son déploiement actuel, fait partie de la “croissance verte“, de la modernisation industrielle, de la diversification des sources d’énergie et autres formules montrant que le but est de l’adapter au développement techno-industriel, et non de le contester. C’est tout le contraire de la recherche de la décroissance et de la priorité donnée aux économies d’énergie, seule voie pour espérer – peut-être, en étant optimiste – restaurer les grands équilibres de l’écosystème terrestre.

     

    Changer de rythme

    Joseph Mazé a également raison de stigmatiser le manque de démocratie et d’information des populations. Il serait naïf de s’en étonner : quand a-t-on vu une industrie baser son activité sur la transparence et la démocratie ? Ce n’est pas pour autant qu’il faut accepter ces comportements. Mais, au-delà du constat, n’y a-t-il pas des inconvénients propres à l’éolien, qu’il conviendrait d’examiner ? Une des critiques majeures des anti-éoliens consiste à stigmatiser le caractère intermittent de la production d’électricité. Une telle critique n’est recevable que si on reste dans le cadre de nos sociétés d’abondance où chacun a pris l’habitude – agréable, j’en conviens – de disposer à tout moment de toute l’énergie désirée, en appuyant sur un bouton. Dans un monde décentralisé et décroissant, on chercherait certainement à s’adapter à une production variable, en réservant les moments de plus grande dépense énergétique aux périodes de production maximale. C’est ce que pratiquaient autrefois les meuniers : leurs installations travaillaient en cas de quantité optimale d’eau ou vent, puis étaient au repos dans les périodes de manque et dans les épisodes de crues ou de tempêtes.

     

    Laideur et démantèlement

    La question de l’atteinte aux paysages ne me paraît pas non plus déterminante. Les jugements sur l’esthétique des éoliennes ne peuvent être que subjectifs. Pour ma part, je ne les trouve pas laides, ne défigurant pas plus le paysage que les lignes à haute-tension, les aménagements routiers (autoroutes, voies rapides, ronds-points), les hangars agricoles ou industriels et autres merveilles de notre modernité. Il reste que leur implantation dans des secteurs pittoresques ou protégés est à proscrire, et qu’aucune installation ne doit être imposée aux populations. Derrière cette critique, on trouve souvent la crainte que les propriétés proches des éoliennes perdent de leur valeur. Dans La Montagne du 28 mars 2019, le maire de Bussière-Saint-Georges (nord de la Creuse), commune où 7 éoliennes ont été installées, déclare : “Depuis 2000, nous sommes passés de 189 à 255 habitants, les maisons proches des éoliennes se vendent toujours“.

    Quant au démantèlement, il est difficile de savoir où est la vérité. En effet, les pro disent que les 500 000 € légalement provisionnés par les exploitants de chaque éolienne sont largement suffisants, les recettes résultant du recyclage des métaux composant la machine en faisant une opération bénéficiaire. Quant aux anti, ils développent un argumentaire terrifiant, avec des chiffres astronomiques et des dangers insurmontables. Il me semble qu’il faut quand même raison garder. Par exemple, en ce qui concerne les socles de béton, décrits avec effroi par les anti-éoliens, ce n’est pas le seul secteur qui utilise de telles implantations et il doit bien exister un savoir-faire pour éliminer à peu près proprement ces vestiges encombrants.

     

    Gigantisme

    Il reste que la question de la taille pose un problème important : le gigantisme des machines actuelles ne facilite ni leur intégration dans le paysage, ni leur acceptation par les habitants. C’est un problème général dans notre société, quel que soit le domaine (institutions, régions, entreprises, machines, etc.). Il faut toujours voir plus grand, comme si nous devions tous devenir chinois ! Pour les techniciens, cette course au gigantisme serait rendue nécessaire parce qu’en Limousin, il n’y a pas beaucoup de vent, il faut donc aller le chercher en altitude. Je ne suis pas vraiment convaincu par cet argument. D’abord parce que l’augmentation de la taille ne concerne pas seulement le Limousin, mais aussi des régions très ventées, ensuite parce qu’il faut sortir du dogme de la rentabilité économique maximale et immédiate. Dans une conception alternative, il ne serait probablement pas rédhibitoire d’accepter une rentabilité moindre, mais plus durable.

    Finalement, je reste agacé par les anti-éoliens, parce que j’aimerais bien voir autant d’énergie pour lutter contre le nucléaire ou l’industrie chimique, que celle dont ils font montre contre l’éolien. Il est plus facile de dénoncer les éoliennes que de se passer de ces délices de la modernité qui ont nom : portables, ordinateurs, qui ne peuvent fonctionner qu’avec d’énormes dépenses d’énergie et utilisent des métaux rares, comme des composants divers extrêmement polluants et dramatiques socialement. Dans le cadre d’une production et d’une consommation d’électricité décentralisées, nous pourrions envisager l’utilisation d’éoliennes de taille modeste. Les collectivités de base (communes, villages, coopératives diverses, groupements associatifs ou professionnels) y gagneraient en autonomie, au plan énergétique, comme politique et social.

     

    Jean-François Pressicaud

     

    Pages de cassiniUn projet éolien à Royère-de-Vassivière

    Un groupe de citoyens regroupés au sein de l'association du parc éolien de Cassini, en partenariat avec Quadran, société spécialisée dans les énergies renouvelables rachetée en 2017 par le groupe Direct Énergie, étudie la faisabilité d'un projet éolien sur le Puy du Pic, sur la commune de Royère-de-Vassivière. 

    Pour ce faire, l'association a créé la société du parc éolien de Cassini, détenue à 50 % par 45 citoyens du territoire et à 50 % par Quadran. Mais derrière tout cela, c'est en réalité Total qui cherche, selon ses mots, à “se renforcer dans la commercialisation de l’électricité et la production bas carbone.“ En octobre 2018, le groupe Total a en effet finalisé une offre publique d’acquisition de Direct Énergie, devenue depuis Total Direct Énergie.

  • Et du côté des terres agricoles…

    agricole1Autant que le bâti, le foncier agricole ne se trouve pas facilement sur le plateau. Exemple concret avec les cantons creusois de Royère de Vassivière et Gentioux-Pigerolles que Guillaume Challet a étudié à la loupe.

     

    Depuis 1979, on observe un déclin de l'activité agricole ; selon les chiffres des recensements de la DDAF1, l'activité agricole du plateau de Millevaches s'est significativement réduite depuis quelques dizaines d'années. Le nombre de paysans a fortement chuté et la surface agricole utilisée (SAU) a beaucoup diminué, essentiellement au profit des plantations de conifères. De 1988 à 2000, alors que sur le département de la Creuse, la surface agricole a diminué de 2,4 %, sur le canton de Royère elle a reculé de 11 % (et 22 % entre 1979 et 2000). La diminution du nombre d'exploitation est encore plus flagrante : il y avait 206 exploitations en 1979, 144 en 1988 et 99 en 2000, soit une diminution de 32 % en 21 ans !

     

    L'extensification des systèmes de production

    Sous le joug du contexte politique agricole (très "encadrant") depuis la première PAC (Politique agricole commune), l'agriculture du plateau de Millevaches a beaucoup changé.

    Dans un contexte de baisse permanente des prix agricoles, la faible qualité des terres du plateau a provoqué l'abandon des cultures et une extensification des systèmes de production. Cette extensification a logiquement entraîné un fort agrandissement des surfaces moyennes et une spécialisation dans l'élevage bovin et caprin. En 1979, l'agriculture du canton de Royère était relativement diversifiée et la taille moyenne des fermes était seulement de 28 Ha. 1213 Ha de terres étaient destinées aux cultures pour nourrir autant de vaches que de volailles, de moutons ou de porcs. En 2000, la spécialisation est flagrante : on compte 2 fois moins de terres cultivées, 4 fois moins de volailles de moutons et de porcs. Seuls le nombre de bovins et de caprins a augmenté. Les systèmes de production agricole s'appuient presque uniquement sur l'élevage de bovins en extensif avec d'importantes surfaces de prairies permanentes. La taille des exploitations professionnelles2 a logiquement augmenté en passant de 46 Ha en moyenne en 1979 contre plus de 90 Ha aujourd'hui.

     

    L'agriculture n'est plus aujourd'hui l'activité principale du territoire

    Afin de souligner les particularités actuelles du territoire de Millevaches, je me suis appuyé sur un état des lieux des transactions foncières (achat-vente) des cantons de Royère et Gentioux, du mois d'avril 2004 au mois de février 20053. Ces transactions concernent aussi bien le bâti que des terres seules.

    Les chiffres sont très parlants et montrent sans grande surprise que l'agriculture n'est plus l'activité rurale principale : une petite moitié seulement des surfaces non bâties ont été échangées dans le milieu paysan et durant la période étudiée, 14 % des surfaces échangées sont sorties de l'activité agricole. Une autre donnée importante nous indique qu'aucun agriculteur n'a acheté de foncier bâti, ce qui nous permet de supposer que les transactions foncières continuent d'alimenter l'agrandissement des fermes décrit précédemment.

    Cette petite étude fait surtout ressortir un élément relativement nouveau qui marque particulièrement les problématiques territoriales du plateau aujourd'hui : sur la période étudiée, 20 % des transactions ont bénéficié à des personnes extérieures au monde paysan et domiciliées à l'étranger. Cette nouvelle concurrence apparaît uniquement sur le foncier bâti, puisque 7 habitations (sur 11 vendues au total) ont été acquises par des anglais. Cette nouvelle donnée a un impact non négligeable sur le prix des bâtiments et participe fortement à la spéculation du foncier. La hausse des prix touche particulièrement les maisons mais s'étend plus largement aux (anciens) bâtiments agricoles et aux terres en général.

     

    agricole2Aujourd'hui, les freins à l'installation agricole sont nombreux

    La spéculation des bâtiments limite fortement les installations. Leur prix rend les fermes presque inaccessibles aux jeunes porteurs de projets agricoles qui doivent soutenir un budget d'installation de plus en plus colossal. Et lorsque le bâti est séparé d'une ancienne ferme, le reste des terres est vendu plus facilement à l'agrandissement. Sans bâti, il reste encore la solution de construire ses propres bâtiments, mais il est aussi difficile d'obtenir quelques hectares pour s'installer face aux personnes extérieures à l'agriculture ou à des voisins paysans "hectarivores", malheureusement très soutenus par le contexte politique départemental.

    Et si toutes ces barrières sont franchies, il reste au jeune installé à faire le pari de pratiquer une agriculture moins gourmande en surface mais rentable, à "contre courant" de la PAC.

     

    Les outils de gestion du territoire sont loin d'être suffisants !

    Il existe pourtant des outils étatiques, mis en place pour contrôler les transactions foncières. Les SAFER sont des sociétés anonymes à but non lucratif destinées au contrôle des transactions foncières. Chaque transaction foncière est étudiée par un comité technique pluri-représentatif chargé de donner un avis sur chaque dossier. La SAFER a pour mission d'éviter que les terres sortent abusivement du domaine agricole. Elle possède pour cela un droit de préemption qui lui permet de devenir automatiquement acquéreur de terre pour la redistribuer à un paysan qui en fait la demande.

    Chaque transaction foncière donne lieu à une notification notariale de vente qui doit être diffusée pendant deux mois avant la signature définitive de la transaction pour permettre à un tiers de se porter concurrent à l'acquisition.

    C'est malheureusement à cette étape qu'apparaissent les lacunes du système car force est de constater que la diffusion de ces informations est objectivement insuffisante (quand elle n'est pas inexistante).

    Les locations sont quant à elles contrôlées par la Commission départementale d'orientation agricole (CDOA). Créées en 1995, elles se réunissent tous les mois à la DDAF. Elles ont pour rôle de donner un avis sur chaque location de terre agricole faisant passer une exploitation à plus de 90 Ha de surface. Les CDOA réunissent des représentants de l'Etat, des représentants du monde agricole et des représentants d'associations. Chaque demande de location concernée donne lieu à une demande préalable d'exploiter (DPE), qui doit être diffusée pour permettre à une tierce personne de poser une éventuelle candidature concurrente.

    Une fois de plus, on ne peut que regretter le manque d'effort de communication sur ces DPE qui limite fortement la concurrence.

     

    Quels leviers d'action nous reste-t-il ?

    La Confédération Paysanne de la Creuse s'intéresse depuis toujours au problème de la distribution des terres entre les paysans et avec le monde rural. Militant pour que chacun puisse accéder équitablement au foncier, elle souhaite aujourd'hui être plus efficace au sein des organisations départementales de gestion des structures. Il semble important de pallier les lacunes du système au niveau de la distribution des informations. Le travail syndical a débuté par la mise en place d'un réseau départemental de paysans et paysannes chargé de diffuser les informations sur les transactions foncières. Ce réseau d'interlocuteurs permet de diffuser les notifications notariales de vente et les DPE mais aussi de recueillir les informations de terrain afin de défendre au mieux les projets considérés comme intéressants dans les comités techniques SAFER et en CDOA. Si ce réseau fonctionne actuellement à l'échelle cantonale, il semble intéressant aujourd'hui de créer un maillage d'interlocuteurs locaux plus dense et particulièrement sensibilisés aux problèmes du foncier.

    Une première réunion sur le plateau devrait réunir beaucoup de forces rurales sensibilisées aux problèmes d'accession à la terre et au bâti afin de partager les différentes visions du territoire. Il s'agit de créer un réseau de diffusion d'information et de créer un éventuel groupe de pression capable de faire pencher la balance en faveur des projets que chacun souhaite voir se développer sur son territoire. A n'en point douter, d'autres perspectives seront envisagées mais cela dépendra de la dynamique dont ce travail fera écho.

     

    Guillaume Challet
    Guillaume Challet est animateur de la Confédération Paysanne creusoise
    Contact : 05.55.81.92.78

    1 Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt
    2 Exploitations dont le nombre d'unité de travail annuel (UTA) est supérieur ou égal à 0.75
    3 Etude statistique à partir des notifications notariales de vente par la Safer
  • Facteur de trouble

    L'affaire du facteur de Royère, morigéné par son administration pour avoir apporté lors de sa tournée quelques courses à des personnes (et qui écopa pour cette raison d'un blâme) s'est soldée par une mobilisation impressionnante d'habitants et de médias. La Poste de Bourganeuf assaillie de coups de téléphone finit par les renvoyer tous au service communication de la Poste de Limoges qui, au bout d'un moment, ne décrochait plus... Evidemment, ce n'est pas cette réaction vive et massive d'usagers qui transformera la Poste en "service public", elle qui est devenue entre temps une "entreprise performante"... Cependant, cela prouve que nous pouvons réagir et ne pas laisser tout passer. Nous publions ici une lettre ouverte à la Directrice du Service Courrier de Bourganeuf (dont dépend la poste de Royère) qui a été envoyée à l'initiative de quelques personnes de Royère.

     

    facteurLettre ouverte des usagers du service courrier de la poste de Royère-de-Vassivière

    à Madame la Directrice du Service Courrier,
    Bureau de Poste de Bourganeuf

    Madame,

    Nous tenons à exprimer notre opinion sur les derniers événements qui se sont produits dans l'organisation du service courrier de la Poste.

    Certains d'entre nous habitent dans le secteur couvert par la tournée du facteur Laurent Mallart.

    Nous tenons à témoigner que cette personne assure ses fonctions avec un grand sens de sa responsabilité. Depuis quelques années aucune erreur dans la distribution, aucun retard dans l'horaire de passage n'ont été constatés. Laurent Mallart manifeste une amabilité régulière tout en respectant la nécessité de ne pas s'attarder chez les uns ou les autres.

    Que demander de plus à une personne chargée de ce contact journalier si indispensable avec toutes les personnes de sa tournée ?

    Il nous semble qu'un blâme ou une sanction appliquée dans ce cas serait une énorme erreur et ternirait l'image de la Poste, service public cher au cœur des habitants et dont l'importance est si grande dans les campagnes.

    Il est clair que le service courrier et le service bancaire de la Poste sont maintenant indépendants. Cette réalité n'est cependant pas encore bien assimilée par la population si bien qu'un dérapage de l'un pourrait porter atteinte au potentiel de confiance dont jouit l'autre.

    Cette réflexion correspond d'autant plus à la réalité que récemment une publicité prônant le développement du rôle de la Banque Postale dans l'aide aux personnes a été distribuée. Il serait donc compatible que d'un côté la Banque Postale cherche à promouvoir l'aide aux personnes (moyennant une contractualisation) et que par ailleurs les facteurs du service courrier de la Poste soient punis d'exercer la réalité de cette aide au plus près des individus.

    Evidemment le service courrier n'est pas "rentable" si bien que le chronométrage du temps des tournées ne doit pas laisser de marge aux contacts personnels ! Dans quel monde sommes-nous arrivés !

    Croyez, Madame, à notre considération distinguée.

  • Forum social Limousin, des limousins en résistance

    La deuxième édition du Forum Social Limousin s'est déroulée le 25 octobre 2003 au Villard de Royère-de-Vassivière pour la seconde année consécutive. 400 personnes, des trois départements, étaient venues participer aux sept ateliers du matin et à la plénière de l'après-midi. Beaucoup de militants déjà croisés ici ou là dans la région à l'occasion d'une manif, d'une soirée débat ou d'un colloque. Mais pas que ! A côté des "vieilles barbes" du militantisme limougeaud (amical clin d'œil aux vétérans du cercle Gramsci !) on découvrait aussi quelques nouveaux visages : ces lycéens par exemple qui, après le mouvement du printemps, ont décidé de se constituer en coordination et de poursuivre ensemble la réflexion et l'action. Ou ces étudiants de la fac de Limoges qui projettent la création d'un "ATTAC Campus".

     

    fslUn melting-pot des résistances

    Le vin de ce forum limousin conjuguait ainsi vénérables cuvées et vin nouveau, dans un mélange qui caractérise également la composition hétéroclite de la manifestation - à l'image de ses homologues européens ou mondiaux, comme j'ai pu le constater il y a deux ans à Porto Alegre ou cette année à St Denis.

    L'opposition unanime à la "mondialisation néo-libérale" ne recouvre pas une nouvelle "pensée unique" de la contestation, mais bien plutôt une diversité de points de vue et d'opinions.

    L'atelier sur les nouveaux rapports dans le travail le montrait bien. S'y côtoyaient militants d'AC (Agir contre le chômage) aux harangues quasiment anarchistes contre le travail, tenants plus sages de l'économie solidaire et expérimentateurs associatifs ou économiques d'autres manières de produire ou d'échanger. Sur le terrain du Villard, qu'un soleil inespéré inondait - deux jours plus tôt la première neige était tombée sur le plateau, et les organisateurs durent en pleine nuit abattre les chapiteaux montés dans la journée pour ne pas les voir s'écraser sous le poids de la neige ! - se croisaient des militants de la Confédération Paysanne et de nombreux acteurs associatifs locaux, les jeunes socialistes et la LCR, des syndicalistes d'EDF et des anti-nucléaires, et même quelques candidats aux prochaines Régionales. Jean Paul Denanot, tête de liste du PS et maire de Feytiat, est ainsi passé faire un petit tour, le temps de se montrer et d'écouter les compte-rendu des ateliers. Mais il s'était déjà envolé lorsque Philippe Babaudou de la Confédération Paysanne l'interpellait sur le méga projet d'hypermarché en projet sur sa commune... Les plus sévères y virent une concession démagogique à la société civile de la part du candidat, les plus optimistes se réjouirent que le FSL soit ainsi devenu un lieu incontournable1.

    Cette diversité est bien sûr la grande richesse de ce lieu de rencontre et de débat. Mais, pour qu'il y ait vraiment rencontre et débat, une journée c'est un peu court. Dans certains ateliers, une fois les présentations faites et les interventions programmées écoutées, il ne restait bien souvent que peu de temps pour le débat et certains le regrettèrent. L'idée a donc été lancée de poursuivre les ateliers tout au long de l'année de façon à faire du forum social Limousin une véritable "université populaire" permanente.

     

    Clivages et questions

    Contrairement à l'image un peu réductrice que proposent souvent les médias, les forums sociaux, à l'image de la société, sont traversés de clivages et de questions. Qu'ils puissent être capables de les affronter est le grand défi auxquels ils sont confrontés.

    fsl2Il en est ainsi de la question qui oppose, pour faire vite, les écologistes et les tenants des forces traditionnelles de la gauche, autour de la question de la croissance. Le mot, tout neuf, mais conquérant dans ce genre d'assemblée, de "décroissance" est sorti plusieurs fois aux cours des débats. On ne coupera pas à repenser nos modes de vie et de consommation si on ne veut pas aller à la catastrophe disait en substance Freddy Le Saux de l'ALDER (Association Limousine pour le développement des énergies renouvelables), appelant nos sociétés occidentales à la décroissance. On lui rétorquait sur l'air de : "On n'est pas si privilégiés que ça, et un peu de (bonne) croissance ne ferait quand même pas de mal"... Ce qu'un intervenant africain relativisait grandement lorsqu'il condamnait les subventions agricoles dont bénéficient nos agriculteurs et dont les producteurs de son continent sont les premières victimes. D'où la réaction immédiate d'un agriculteur qui demandait qu'on n'amalgame pas sous la même cri tique toutes les aides, dont certaines sont indispensables au maintien d'une activité agricole dans une région comme la nôtre. On le voit, de vraies questions ont été abordées qui méritent d'être reprises pour que chacun puisse affiner sa vision des choses.

    Autre débat : comment toucher plus de monde et dynamiser davantage une prise de conscience citoyenne ? "Nous sommes entre convaincus" regrettait une jeune femme. "Convaincus de quoi ?" nuançait aussitôt une autre personne qui rappelait que tous les participants ne partageaient pas forcément les mêmes points de vue. N'empêche que la question de l'élargissement du mouvement en turlupine plus d'un. Un intervenant insistait : "On ne peut couper à la question des actions que nous devons développer si nous ne voulons pas que nos forums s'essoufflent au bout de quelques années".

    Et d'appeler à prendre la parole en tous lieux et en tous temps, par exemple au sein d'une presse régionale bien silencieuse pour montrer la richesse des actions concrètes qui existent en Limousin. Problème de visibilité ? Problème de communication ? Ou, plus profondément, problème d'une société en grande majorité passive et docile ? Là encore les acteurs du FSL ont un sujet de réflexion fondamental.

     

    Un lieu unique

    Reste cependant, à l'issue de cette journée bien pleine, la réconfortante impression qu'un énorme potentiel existe. Alors que, globalement, les choses ne vont pas forcément de mieux en mieux, du forum du 25 octobre ressortait un optimisme mesuré, mâtiné d'une forte volonté de résistance. Dans son genre, le FSL est un lieu unique où peuvent être débattus avec une large palette de militants, des sujets d'une très grande variété puisqu'ils recouvrent la quasi totalité du spectre social. Loin de baisser les bras et de céder aux sirènes de la démobilisation, le FSL s'engageait davantage dans un combat qu'il sait ne pas mener seul : à l'heure où les débats allaient céder la place au méchoui et à la musique, circulaient les informations pour organiser le départ en bloc des limousins qui iraient participer au prochain forum européen. Quant à celui de Bombay (4ème forum mondial), on devrait y voir partir quatre régionaux.

     

    Michel Lulek

    1 Incontournable, n'exagérons rien : les élus du plateau qui, pour une fois, n'étaient pas obligés d'aller jusqu'à Limoges, brillaient par leur absence.
  • Guy Valente, pionnier de la culture des petits fruits sur la Montagne limousine

    guy valenteGuy Valente est décédé le 17 janvier 2021. Celui que beaucoup connaissait comme le fondateur de la librairie Passe-Temps d’Eymoutiers, était aussi artiste et fut également paysan. C’est cette facette du personnage que Jean-François Pressicaud évoque aujourd’hui.

     

    En 1975, après de longs mois de recherches, Guy Valente quitte Paris et l’engagement politique au sein de la Gauche prolétarienne1 pour s’installer à Beaubier (commune de Royère de Vassivière) sur quelques hectares enfrichés qu’il a pu obtenir de la SAFER. La remise en état des parcelles et de leurs chemins d’accès lui prend beaucoup de temps et d’énergie et il démarre rapidement l’élevage, ovin d’abord, puis, en plus, de chevaux de race Mérens.

     

    Framboises et myrtilles

    Peu après, il complète son activité par la culture et la commercialisation des framboises. Il est le premier à s’y adonner dans ce territoire de la Montagne limousine. Il adhère à la Coopérative d’utilisation de matériel en commun (CUMA) des jeunes agriculteurs de Gentioux, Royère et Faux-la-Montagne  au sein de laquelle il rencontre d’autres néo-ruraux. 

    Avec les militants occitanistes et écologistes, il participe aux luttes contre l’enrésinement, dont un des moments emblématiques a été la marche aux Bordes de la Villedieu du 15 mai 1977 (voir IPNS n°71). Peu après, au tout début des années 1980, il commence la culture des myrtilles avec l’aide de ses voisins du Massoubrot de Saint-Martin-Château, Chantal et Christian Deplasse. Avec Jean-Jacques Peyrissaguet, du Mas, à Faux-la-Montagne, ils ont été les premiers à se lancer en lien avec l’INRA d’Angers dans cette culture qui avait alors un caractère expérimental.

     

    guy valente

     

    Syndicat et diversification

    Toujours avec Chantal et Christian, ils créent le syndicat des petits fruits, puis une CUMA qui leur permet d’équiper leur atelier (de la culture à la préparation des confitures) et un second à Chavanat autour d’un autre producteur, Alain Arlettaz. Très rapidement cette culture essaime sur toute la Montagne, en Creuse et en Corrèze. Des associations comme les CIVAM relaient l’information et ceux qui étaient considérés au départ comme des marginaux inefficaces ou utopistes sont montrés en exemple par la Somival (Société de mise en valeur du Massif central), le comité (d’expansion économique) Millevaches et d’autres institutions qui prônent la diversification en agriculture. 

     

    Pendant ces années-là, Guy prenait un certain plaisir à rappeler qu’il avait été regardé avec mépris, condescendance et suspicion lors de son installation, et que, quelques années après il recevait à Beaubier des visites nombreuses de représentants d’administrations ou d’institutions diverses, d’enseignants, d’étudiants et d’agriculteurs. Désormais il avait l’impression de faire partie du paysage local... Il fera partie de ces quelques-uns qui, selon un ethnologue venu travailler sur le Plateau, « ont réussi à créer et à imposer de nouvelles formes de production rurale : l’un d’eux [il s’agit de Guy] a fondé une petite entreprise de confitures qui lui permet de vivre correctement et de satisfaire sa passion pour les grandes randonnées. Jonglant habilement avec les contraintes et les opportunités, il commercialise ses produits en vente directe tout en bénéficiant du statut d’agriculteur, évitant ainsi la tenue fastidieuse d’une comptabilité. »

     

    Jean-François Pressicaud

    1 Cet engagement, Guy Valente l’a raconté en 2014 dans la revue Article 11. On peut le relire ici : http://www.article11.info/?La-theorie-je-m-en-foutais#nh1 

     

    guy valente les modillonsJe suis mort

    Autre lieu, autre visage... « Né en 1947 à Nice, Guy Valente entre à l’École Nationale des Arts Décoratifs de Nice, travaille à Paris puis s’installe dans Le Limousin. Aujourd’hui, il pratique différents métiers dont celui de libraire et de galeriste tout en prolongeant son travail photographique. ».

    Oui, c’est bien du même homme dont nous parle ici la notice de présentation d’une exposition de Guy Valente aux Modillons, un espace culturel en Charente. En 2011 il y expose, sous le titre osé de « Je suis mort », des photos qu’il réalise avec du papier froissé, des bouts de carton ou des morceaux de bâches. Comme ce remarquable Radeau de la Méduse, incarnation de la dérive du monde...
  • L’eau potable, régie directe ou délégation au privé ?

    illust eauComme la loi de 1992 le rappelle, l’eau est un bien commun et sa gestion est confiée aux communes. Au même titre que pour la restauration scolaire ou les ordures ménagères, les élus peuvent déléguer cette gestion à une entreprise privée. Un choix qui a donné lieu à des débats passionnés ! Des communes nous expliquent les atouts et les contraintes de la régie directe. 

     

    Royère de Vassivière : une décision politique

    Après des années de gestion par la SAUR, la commune de Royère s’est posée la question du retour en régie. En effet, le contrat arrivait à expiration et le coût annuel (76 000 €) ne semblait pas être justifié par une qualité de service rendu. De plus, l’équilibrage du budget aurait nécessité une forte augmentation du prix du mètre cube. Pour faire son choix, la commune a commandé un diagnostic du réseau et une étude de faisabilité à la DAAF, où est apparu que le retour en régie était tout à fait possible mais ne présentait pas nécessairement d’avantage financier. Il s’agissait donc surtout d’une décision politique. Considérant qu’un tel service public ne devait pas être une source de profit, le retour en régie a été décidé en décembre 2006 et les mesures qui s’imposaient ont été mises en place : formation du personnel, investissements en équipement, organisation du travail entre les ouvriers municipaux. Certaines opérations, cependant, sont confiées à des intervenants extérieurs. Mais le résultat est positif car la régie permet de maîtriser le budget eau et, surtout, redonne toute sa place à la collectivité dans le contrôle de cet élément clef de l’aménagement du territoire.

    Madelaine Lemeignan, ancienne conseillère municipale de Royère



    Le Palais sur Vienne : un prix plus bas et plus équitable

    Le grand intérêt du retour en gestion directe par la commune ou le syndicat intercommunal est la maîtrise du coût de l’eau. Une entreprise privée se doit de faire du bénéfice, pour les actionnaires et pour payer les sièges régionaux et nationaux, la publicité... Une régie n’a pas ces charges. Au Palais sur Vienne, où le retour en régie a été voté en 2001, le prix de l’eau a baissé de 30% et il est resté stable depuis, alors qu’il augmentait de 6 à 10 % par an dans le cadre de la gestion de la SAUR. Ce choix a également permis un débat sur l’abonnement, que nous avons décidé de supprimer. Ne correspondant à aucun service défini, c’est souvent le bénéfice que prend la société privée, et avec 6 mois d’avance. La nouvelle loi sur l’eau précise qu’il faut tendre à le rendre le plus faible possible car il est socialement injuste : le petit consommateur d’eau paie l’eau plus chère au m3 qu’un gros consommateur ! Les exemples que nous connaissons montrent que partout où il y a eu retour en régie, le prix a baissé et la qualité du service y a gagné.

    Yvan Tricart, conseiller municipal du Palais sur Vienne et membre d’Attac 87



    Felletin : le choix de l’indépendance

    Le Syndicat intercommunal d’adduction d’eau de la Haute-vallée de la Creuse regroupe trois communes : Clairavaux, Croze et Felletin, qui comptent ensemble 1400 abonnés et commercialisent entre 100 à 120 000 m3 d’eau. En régie directe depuis sa création dans les années 1960, le syndicat est confronté à plusieurs difficultés :

    • le faible débit des sources : parfois la production est inférieure à la consommation et il faut avoir recours à une alimentation de secours.
    • l’acidité de l’eau : l’eau de source non traitée est très appréciée par les abonnés, mais son acidité qui va de pair avec une faible minéralisation et une excellente qualité bactérienne, la met quelquefois au-dessous du PH minimum de 6,5. Ce n’est pas dommageable pour la santé humaine, mais favorise la corrosion des vieilles canalisations en fonte. Heureusement il n’en existe pas en plomb qui présenteraient, elles, un danger.
    • le coût des analyses : Les analyses de la DDASS deviennent de plus en plus nombreuses et sophistiquées donc plus onéreuses. Elles peuvent même conduire à des travaux très lourds (ex : installation d’unités de traitement contre l’arsenic suite à un durcissement de la norme). 
    • la diminution des subventions : Les aides de L’Etat et des agences de l’eau ont considérablement diminué, aussi les charges du syndicat s’alourdissent.

    Pour pallier ces difficultés, les élus se sont donnés les moyens d’une véritable indépendance, en formant et en équipant une équipe technique. Cette performance a un coût qui se répercute sur le prix de vente. Actuellement un peu inférieur à la moyenne départementale, il devra certainement être réajusté à la hausse. La gestion en régie a eu une conséquence très favorable en ce qui concerne le refus de neutraliser (diminuer l’acidité par un traitement approprié) l’eau distribuée. Connaissant l’attachement de la population à l’eau de source non traitée du syndicat, les élus ont refusé de s’engager dans la voie indiquée par les autorités sanitaires. C’est un choix qu’une entreprise privée n’aurait pas pu faire car elle n’aurait pas eu la légitimité nécessaire pour prendre une telle décision.

     

    Jean-François Pressicaud, ancien conseiller municipal de Felletin.

    Apparue au début des années 80, la délégation de service public au privé est une notion de droit français. Les communes restent propriétaires des infrastructures et l’entreprise privée assure le traitement, la distribution de l’eau et son assainissement, l’entretien des réseaux et la facturation. Trois entreprises se partagent le marché (sans réelle concurrence d’ailleurs car elles se sont mises d’accord  implicitement sur des secteurs géographiques) : Véolia (40%), Suez (27%) et Saur-Bouygues (10%). En 2001, la gestion par délégation privée atteignait 77% mais, suite à de nombreuses critiques, on assiste à un retour de la régie directe, à l’instar de la ville de Paris. L’accent est souvent mis sur la diminution du prix de vente mais ce bénéfice ne doit pas être exagéré car il dépend de nombreux paramètres. En revanche, le bénéfice est immense en terme de maîtrise de l’intérêt général. Les entreprises privées assurent que, dans un système délégué, la puissance publique conserve toutes ses prérogatives au service de l’intérêt général, l’entreprise n’apportant que son efficacité technique et économique. Mais la réalité montre qu’il n’en est rien. Le petit village peut-il réellement contester des décisions prises par ces géants de l’eau ? Que vaut la supériorité technique dans un système automatisé où le moindre contact avec un technicien passe par un serveur vocal national ? Quant à la soi-disant meilleure efficacité économique, ne vient-elle pas d’une gestion du personnel privilégiant les actionnaires au détriment des salariés ? 

    Pour réussir sa gestion en régie, plusieurs conditions doivent toutefois être réunies : 

    - le bon moment : pour revenir en régie, il faut profiter de la fin d’un contrat avec la société privée car casser un contrat peut être onéreux. Si vous n’êtes pas encore prêt, prolongez le contrat d’un an, ne signez pas pour 10 ans de plus !
    - la taille du réseau : le millier d’abonnés permet d’employer deux personnes à temps plein, le minimum. En dessous, la recherche de regroupements avec collectivités gestionnaires paraît souhaitable.
    - l’équipe technique : elle doit être équipée, bien formée, et se sentir responsable. 
    - une vision stratégique : afin de pouvoir réaliser les investissements nécessaires et se préparer aux aléas, la gestion doit avoir pour objectif de pérenniser le réseau plutôt que de se targuer d’un faible prix de vente.

    Yvan Tricart et Jean-François Préssicaud

     

  • Les "anars" au Villard

    Du 10 au 12 mai 2008, week-end de la Pentecôte, la Fédération Anarchiste a tenu son 65ème congrès annuel sur le site des Plateaux Limousins à Royère-de-Vassivière. Au terme de  ces travaux elle a adopté une motion sur la décroissance que nous publions dans son intégralité.

     

    kapisprisonEn 2008, le constat d’une crise environnementale globale (épuisement des ressources, effet de serre, déforestation, dégradation de la biodiversité ..) est désormais largement partagé. Partout, la réponse des tenants du système capitaliste consiste à désamorcer la contestation en organisant le consensus autour de fausses solutions. En France, cette stratégie s’est traduite par l’organisation d’un Grenelle de l’Environnement. Les solutions proposées visent avant tout à offrir de nouveaux débouchés au complexe industriel. La fuite en avant technologique aboutit à des aberrations, comme les agrocarburants, dont le développement entre directement en concurrence avec la production alimentaire et accélère la déforestation.

    Face aux ravages causés par le développement durable du système capitaliste, les populations en sont réduites en France à contester la baisse de leur pouvoir d’achat tandis que dans plusieurs pays éclatent des émeutes de la faim. Le système connaît aujourd’hui un basculement. Si aucun gouvernement ne le reconnaît encore, ce sont bien les limites physiques de la planète qui sont largement dépassées : nous savons que, désormais, le coût du pétrole ne baissera plus.

    Le discours dominant s’enferre dans une attitude schizophrène : poursuivre la logique productiviste en accélérant la croissance (rapport Attali) tout en culpabilisant les individus par rapport à leur consommation (discours de Nicolas Hulot). 

    Le démantèlement des services publics participe en ce sens à la disparition de toute gestion collective en limitant ses prestations aux seuls individus solvables.

    Insister sur les solutions technologiques et entretenir l’illusion d’une croissance propre permet à la classe dirigeante d’éviter le niveau politique, notamment les questions explosives de la répartition et de la redéfinition des richesses. En effet, le capitalisme, qui tire profit du gaspillage des ressources, est condamné à la croissance. Sur une planète peuplée de neuf milliards d’individus en 2050, il n’y aura pas d’avenir durable sans un ralentissement du cycle production-consommation. La seule perspective est une forte réduction de la sphère marchande et donc une diminution du temps de travail (travailler moins pour vivre mieux), bénéfique tant pour l’individu que pour la société : développement du relationnel, usage optimal, social et économe des biens et des services produits.

     

    La croissance est vitale pour le capitalisme, la décroissance lui est mortelle.

     

    La relocalisation de l’activité économique doit permettre de renforcer l’autonomie des individus. Toutefois, il faut se garder de toute tentation autarcique de repli sur soi : aucun ilôt écologiste ne pouvant survivre dans un océan capitaliste, l’objectif reste l’élimination du système capitaliste.

    Contrairement au projet réformiste de décroissance soutenable, nous réaffirmons qu’il est parfaitement illusoire de s’en remettre à l’Etat, alors que celui-ci depuis toujours concentre les moyens et oriente la production au service des multinationales (subventions, infrastrutures, recherche et développement, crédits de formation, privatisations, externalisation des coûts, prise en charge des pertes financières, etc..).­

    La participation d’écologistes dans les institutions montre que les étapes vers l’accession au pouvoir sont jalonnées de tous les renoncements et de toutes les trahisons.

    L’autolimitation de l’activité humaine tenant compte des capacités de la planète ne peut résulter que des individus eux-mêmes, s’autogérant et se fédérant entre eux : c’est justement le projet de société libertaire !

    Un certain nombre de pratiques alternatives existent dans la société actuelle, préfigurant un autre futur. Mais aucune autre société ne sera possible tant que ne sera pas mis fin à l’exploitation capitaliste.   Aujourd’hui, les pays riches se satisfont de pseudo-progrès en matière d’environnement alors qu’ils tirent leur niveau de consommation insoutenable de l’exploitation des pays du Sud. Désormais, nous savons que la décroissance est inévitable, et l’humanité se trouve face à un choix décisif, l’organiser ou la subir : écologie sociale ou barbarie !

    Ne pas rompre définitivement avec la croissance, c’est condamner les populations à un avenir proche dans lequel les classes dirigeantes imposeront des restrictions toujours plus sévères au prix d’un contrôle social toujours plus fort et de populations livrées à toutes les guerres et à toutes les pénuries.

     

    A l’opposé, la Fédération anarchiste est porteuse d’un projet qui permet aux individus de gérer la société eux-mêmes : une révolution sociale, écologique et libertaire.

  • Les maçons limousins à Lyon et l’action syndicale (1914-1940)

    Dans son n°16, IPNS avait publié un article de l'historien Jean Luc De Ochandiano consacré à l'histoire des maçons limousins à Lyon de 1848 à 1914. Il nous livre ici la suite de ce travail, correspondant à la période 1914-1940. Bientôt, un ouvrage édité sous l'égide de l'association "Les maçons de la Creuse" reprendra l'ensemble du travail de Jean Luc De Ochandiano.

     

    lyonRetour sur la période 1848-1914

    Pour comprendre l’histoire des Limousins de la maçonnerie de Lyon au cours de la première moitié du 20e siècle, il faut d’abord se pencher sur le moment de rupture que constitua pour eux la fin du 19e siècle. Cette période constitua le moment d’apogée des migrations temporaires venant du plateau de Millevaches pour alimenter la corporation des maçons de Lyon, mais aussi le signal de leur déclin. A partir des années 1880, plusieurs facteurs se conjuguèrent (crise économique majeure et début de la seconde industrialisation, connexion du plateau au réseau de chemin de fer…) pour favoriser les départs définitifs qui s’amplifièrent dans les décennies suivantes.

    Ces départs définitifs, de même que les transformations urbaines de la seconde moitié du 19e siècle, permirent à cette population, qui vivait jusqu’alors complètement repliée sur elle-même, de s’insérer peu à peu dans l’espace urbain et de se fondre dans le monde ouvrier pour la plupart, ou de connaître une promotion sociale pour une minorité. Les transformations industrielles qui touchèrent le bâtiment pendant cette période permirent aussi aux maçons de prendre une place plus importante au sein de cette industrie, au point de devenir la corporation centrale du bâtiment de Lyon au tournant du 19e et du 20e siècle.

    La fin du 19e siècle vit aussi naître le phénomène syndical. Le syndicat des maçons fut créé en 1877 mais resta relativement marginal jusqu’au début du 20e siècle. Il fallut attendre la grande grève de 1910, qui dura quatre mois, pour que le syndicat prenne une place centrale dans la corporation. Lors de cette grève, une nouvelle génération d’ouvriers nés dans les années 1880, apparut sur le devant de la scène. Cette grève fut notamment dirigée par un maçon de 25 ans, Antoine Charial, originaire de Gourdon-Murat, qui s’imposa par son sens de l’organisation et sa capacité à mener cette grève qui fut une victoire pour les ouvriers. Antoine Charial devint secrétaire du syndicat des maçons de 1910 à 1913 puis secrétaire de l’Union Départementale CGT du Rhône jusqu’au déclenchement de la guerre.

    A l’issue de la grève de 1910, l’organisation dirigée par Charial imposa le syndicalisme obligatoire sur les chantiers lyonnais de la maçonnerie. Pour faire respecter la «discipline syndicale», le syndicat imposa, par le rapport de force avec les patrons, des délégués de chantier chargés de vérifier régulièrement que les ouvriers avaient leur carte de la CGT en règle. Le syndicat devint ainsi le centre de gravité de la corporation pour les ouvriers et comptait, en 1914, 3000 adhérents sur environ 4800 ouvriers.

     

    La Première Guerre mondiale et ses conséquences

    La 1ère Guerre mondiale eut un fort impact sur la corporation des maçons. Le bâtiment fut le secteur industriel le plus marqué par les saignées de la guerre. Les pertes furent massives dans les villages du plateau de Millevaches. Aussi, il manquait de nombreux bras sur les chantiers au moment de l’armistice et l’on se mit à pratiquer un recrutement massif d’ouvriers étrangers. Les Italiens notamment devinrent de plus en plus nombreux sur les chantiers pendant que la population limousine ne cessait de se réduire. La 1ère Guerre mondiale marqua donc le point de départ d’un lent déclin de la filière migratoire limousine au profit des filières venant de l’étranger.

    Les maçons de Lyon furent touchés par le conflit mondial d’une autre manière, toute aussi traumatique, à travers un événement qui se déroula au début de la guerre : le 19 avril 1915, à Flirey, commune de Meurthe-et-Moselle, la 5e compagnie du 63e Régiment d’Infanterie de Limoges fut désigné pour participer à un assaut. Les hommes, exténués par les attaques successives des jours précédents, refusèrent d’obéir à cet ordre. Pour les punir, quatre d’entre eux furent fusillés : le caporal Antoine Morange, né à Champagnac (Haute-Vienne), le soldat Félix Baudy, né à Royère-de-Vassivière (Creuse), le soldat Henri-Jean Prébost, né à Saint-Martin-Château (Creuse), le soldat François Fontanaud, né à Montbron (Charente). Les trois premiers étaient connus pour leur action syndicale avant guerre et auraient, semble-t-il, été désignés pour cette raison. Ils étaient tous trois installés à Lyon ou Villeurbanne avant leur mobilisation et Baudy appartenait au syndicat des maçons de Lyon. Après guerre, ce syndicat mena une campagne active pour la réhabilitation de son ancien adhérent et, en 1925, il organisa un rassemblement autour de sa tombe, à Royère-de-Vassivière, où il fit apposer une plaque commémorative sur laquelle il était écrit : «Maudite soit la guerre. Maudits soient ses bourreaux. Baudy n’est pas un lâche mais un martyr». Ce n’est qu’en 1934 que les quatre hommes furent réhabilités. La plaque est, encore aujourd’hui, sur la tombe de Félix Baudy (sur cette affaire, voir le dernier article du journal).

     

    Le bâtiment pendant l’entre-deux-guerres

    Pendant l’entre-deux-guerres, les constructions de HBM (Habitations bon marché), le développement des grandes usines, la croissance des banlieues et de l’habitat pavillonnaire, d’importants travaux publics permirent au BTP d’avoir une activité relativement soutenue mais qui connut un rythme très irrégulier et une chute importante après 1932-33. Cette époque fut marquée par un début d’industrialisation du bâtiment. La construction en pierre disparut presque complètement et fut remplacée par le pisé de mâchefer ou le béton armé. Les constructions monolithiques à l’aide de coffrage de bois s’imposaient sur les chantiers en même temps que se développait l’utilisation d’engins de chantiers : bétonnières, wagonnets Decauville sur rail pour le transport des matériaux, grues élévatrices, etc.

    Ce phénomène d’industrialisation favorisa une certaine concentration du secteur et l’émergence de quelques entreprises de taille importante, capables de mener de très grands chantiers. La plus importante, Pitance, avait été créée, à la fin du 19e siècle, par un migrant limousin originaire du Chalard, en Haute-Vienne. 

    A côté des entreprises privées, un autre acteur important de l’industrie du BTP de Lyon apparut en 1919. Il avait un caractère atypique puisqu’il s’agissait d’une coopérative ouvrière de production, l’Avenir, qui fut créée et dirigée par Antoine Charial, l’ancien responsable du syndicat des maçons de Lyon. La création de l’Avenir fut étroitement liée à l’action du maire de Lyon, Edouard Herriot, qui avança la moitié des fonds de départ (200 000 F) et dont Charial devint un étroit collaborateur à partir de 1920, date à laquelle il fut élu conseiller municipal SFIO et devint adjoint de Herriot pour le 3e arrondissement.

    L’Avenir devint rapidement un acteur majeur du BTP à Lyon. Elle participa à de nombreuses grandes réalisations de l’entre-deux guerres : construction de la faculté de médecine et de pharmacie (1928-29), de l’Hôtel-de-Ville de Villeurbanne, et d’une partie du quartier des Gratte-Ciel (1931-34), du quartier des Etats-Unis (1931- 34), de l’Hôtel des Postes de Lyon (1935-38). Cela lui permit de réaliser un certain nombre d’institutions sociales au profit des coopérateurs et des ouvriers de l’entreprise : acquisition, en 1920, d’une propriété servant de maison de retraite et de maison des jeunes ; création, en 1923, d’une caisse de retraite, etc. L’Avenir était un véritable rassemblement de Limousins. Les fondateurs étaient presque tous originaires du plateau de Millevaches, de même que la plupart des ouvriers qui devinrent coopérateurs pendant l’entre-deux-guerres. L’Avenir devint une sorte de niche pour les Limousins, au sein d’une corporation où ils étaient de moins en moins nombreux.

     

    Le syndicalisme et les conflits sociaux

    maconsL’entre-deux-guerres constitua un moment d’intense activité syndicale dans le bâtiment lyonnais. Dès la fin du conflit mondial, le syndicat des maçons se restructura et compta rapidement 4000 adhérents. Après 1920, il conserva cet effectif et constitua, à ce titre, une véritable anomalie dans le paysage syndical local et national car, après le grand mouvement de grèves de 1920, qui toucha l’ensemble de la France, les mobilisations ouvrières s’écroulèrent et les syndicats se vidèrent de leurs adhérents dans toutes les branches industrielles.

    Le syndicat des maçons fut confronté aux conflits entre les différents courants syndicaux (CGT confédérée proche de la SFIO, CGT unitaire liée au PCF, CGT syndicaliste révolutionnaire proche des anarchistes) qui s’affirmèrent après 1918 et qui menacèrent son unité. Pour éviter les risques de division et rester fidèle à la Charte d’Amiens – qui revendiquait l’indépendance des syndicats par rapport aux groupes et partis politiques – le syndicat décida, en 1924, d’entrer dans l’autonomie et la plupart des syndicats du bâtiment de Lyon le rejoignirent dans ce choix. Ils créèrent ensemble le Cartel autonome du bâtiment de Lyon dont le moteur fut incontestablement le syndicat des maçons du fait de sa structure organisationnelle très puissante qui s’appuyait sur plusieurs piliers.

    Le premier pilier était son journal. Depuis 1911, le syndicat publiait L’ouvrier maçon qui paraissait tous les 15 jours. En 1927, il acheta une imprimerie et, grâce à cette autonomie, donna de l’ampleur à son journal qui prit le titre de L’Effort et s’adressait à l’ensemble des ouvriers du bâtiment de Lyon. L’Effort paraissait toutes les semaines et était tiré à 10 000 exemplaires. C’était un journal de grande qualité, qui ne s’intéressait pas seulement aux questions professionnelles mais aussi aux nouvelles tendances de l’architecture, aux questions sociales et politiques, à la littérature.

    Le deuxième pilier sur lequel s’appuyait le syndicat était constitué par les “roulantes”. Le principe du syndicalisme obligatoire, mis en place avant la 1ère Guerre mondiale, fut rétabli dès 1919 et les moyens de son contrôle renforcés grâce à la mise en place de roulantes qui étaient des groupes de militants chargés, contre rémunération, de faire, en vélo, le tour des chantiers pour contrôler les cartes syndicales des ouvriers. Ces roulantes comptaient le plus souvent deux ou trois personnes mais pouvaient réunir, quelques fois, quelques dizaines de militants pour contrôler de manière systématique un gros chantier. Elles se mettaient aux portes du chantier à l’arrivée ou au départ des ouvriers et demandaient les cartes aux ouvriers. Si un ouvrier n’avait pas de carte, il était sommé d’aller au syndicat ou de s’adresser au délégué de chantier pour obtenir la carte et les timbres afin d’être en règle. S’il ne le faisait pas, s’il était “récalcitrant”, il risquait d’être malmené physiquement. Les roulantes se généralisèrent dans l’ensemble des corporations du bâtiment pendant l’entre-deux-guerres et assurèrent une discipline syndicale presque sans faille.

    Du fait de ce contrôle très serré de la corporation, un ouvrier pouvait difficilement travailler, sauf sur de très petits chantiers, s’il n’avait pas sa carte ou s’il se la voyait retirer. Cela arrivait notamment, après les grèves, pour punir les ouvriers non grévistes, ceux qui étaient appelés les “renards”. Privés de leur carte, ces ouvriers étaient d’une certaine manière exclus de la corporation et prenaient de gros risques s’ils essayaient de se faire embaucher sur la place de Lyon. Le syndicat, pour éviter de laisser trop d’ouvriers hors du syndicat, ce qui constituait un risque en cas de nouveau conflit, pratiquait régulièrement “l’amnistie” et réintégrait certains ouvriers, contre paiement d’arriérés de cotisation. Toute une “justice” syndicale, difficile à décrire dans le cadre de cet article, fonctionnait ainsi, au sein de la corporation afin de la réguler.

    Grâce à sa force et à son organisation, le syndicat des maçons mena des mouvements revendicatifs d’ampleur, extrêmement structurés et encadrés, comme ce fut le cas lors de la grève de 1920 ou lors du lock-out du bâtiment de 1930 qui dura trois mois et à l’issue duquel les maçons obtinrent 75 centimes et les cimentiers un franc d’augmentation. Ces mouvements conduisirent à une hausse conséquente des salaires lyonnais qui furent, entre le milieu des années 20 et le milieu des années 30, supérieurs à ceux des maçons parisiens qui n’avaient pas su garder une organisation syndicale dynamique. A l’inverse, l’organisation syndicale patronale de la maçonnerie ne connaissait pas la même vigueur, du moins jusqu’en 1936. Peu d’entrepreneurs étaient syndiqués et une ligne de fracture existait entre les quelques grandes et la multitude des petites entreprises. De plus, l’existence de l’Avenir constituait une faille dans l’organisation patronale puisque la coopérative acceptait automatiquement toutes les revendications du syndicat des maçons.

     

    Les choses changèrent à partir du moment où la crise s’installa de manière durable à partir de 1933, et jeta de nombreux ouvriers sur le pavé. Le syndicat eut de plus en plus de mal à faire respecter les tarifs et la durée du travail et connut des conflits internes. Le Parti Communiste prit alors les rênes du Syndicat des maçons et du Cartel du bâtiment. Il donna un caractère plus politique aux mobilisations ouvrières et les patrons montrèrent, de ce fait, de plus en plus de résistance face à l’action des syndicats. A partir de 1934, on assista à une longue montée en puissance des conflits entre patrons et ouvriers, et des violences qui les accompagnèrent. On a gardé de juin 1936 et, plus largement du Front Populaire, une image de grande solidarité populaire. Cette image renferme une part de vérité, mais elle dissimule aussi l’ensemble des conflits très âpres de cette période marquée par une crise économique persistante, des tensions internationales régulières, une montée lente de la xénophobie dans tous les milieux, et des luttes sociales extrêmement violentes. Dans la maçonnerie lyonnaise, patrons et ouvriers n’étaient plus en état de négocier à partir de cette date. Ils le montrèrent aussi bien lors du conflit de juin 36 que lors de celui de 1938 qui marqua, cette fois, l’échec des mobilisations ouvrières et le recul du syndicat des maçons, épuisé par la guerre menée pendant plusieurs années.

    A cette date, la filière migratoire limousine s’était fortement affaiblie. Les hommes originaires du limousin ne représentaient plus que 1,6% de l’électorat de Lyon en 1936. Le lieu où leur concentration était la plus importante était toujours le quartier de la Guillotière mais ils s’étaient largement disséminés dans les communes de banlieue, notamment à Villeurbanne.

    Les natifs du Limousin représentaient un tiers des maçons français de Lyon. Mais cette corporation comptait alors au moins 50% d’étrangers. Les limousins ne représentaient donc plus que 15% des maçons de Lyon et n’étaient plus en mesure de structurer cette corporation comme ils le faisaient encore à l’issue de la 1ère Guerre mondiale. Parmi l’ensemble des facteurs expliquant la déstructuration de la corporation et la montée des conflits, c’est un élément qu’il faut prendre en compte. La diaspora limousine avait toujours montré sa très grande cohésion. La forme du syndicalisme prise par la maçonnerie lyonnaise fut fortement marquée par la manière de se comporter de cette population limousine qui s’était toujours montrée très unanimiste et développait des pratiques d’auto-contrôle très grandes.

     

    Jean-Luc de Ochandiano
  • Les paysans doivent reprendre leur destin en main... mais ça ne se fera pas du jour au lendemain.

    Qu'un projet de porcherie industrielle suscite des craintes et des oppositions, rien de très anormal. Pourtant, au-delà de sa contestation, il faut se poser des questions sur les solutions alternatives. Elles ne sont pas si simples que ça et nous sommes loin d'avoir toutes les réponses en main.

     

    Si le projet de Royère est effectivement celui d'une porcherie de type industriel, il faut relativiser sa taille qui n'est pas non plus démentielle. Il s'agit d'un bâtiment de 1000 m² accueillant à un instant t 1200 porcs avec trois bandes de 400 sans compter le vide sanitaire nécessaire. Certes c'est de l'élevage hors sol, mais qui, à mes yeux, n'est pas si énorme que cela et n'est en rien comparable avec la ferme des 1200 taurillons. La question la plus problématique me semble être celle de son emplacement à proximité des gîtes collectifs de l'association Les Plateaux limousins, ce qui n'est pas sans poser quelques soucis, en été notamment.

     

    porc plein air

     

    Quelques aspects à nuancer

    Il faut d'abord corriger quelques arguments qu'on entend ça et là. « Moins de 1m² par porc » : c'est vrai. Mais c'est oublier que pour le bien-être du porc en post-sevrage, il ne faut pas qu'il soit perdu dans un espace et qu'il a besoin de proximité donc surtout pas un 1 m² par porcelet... En élevage porcin en particulier comme dans tout autre élevage, ramener la surface totale au nombre de bêtes n'est pas forcement pertinent.
    « Les consommateurs n'aspirent plus à ce type d'élevage » : alors à quoi aspirent-ils ? La bio et la vente directe ont traversé ces deux dernières années une crise sans précèdent. Dans cette crise, l'élevage qui a le plus trinqué, avec un nombre important de faillites, c'est l'élevage de porcs en bio. Une des raisons est qu'entre le porc bio et le porc conventionnel, normalement le différentiel de prix est important. Or, comme les porcs en bio ne trouvaient plus preneurs, ils ont été vendus en conventionnel et ça a été la cata ! Comment peut-on continuer à dire que les consommateurs plébiscitent la vente directe et le bio ? Certes l’inflation est passée par là, mais où sont les choix si clairement énoncés ?
    En réalité, la France manque de porc « bas de gamme » pour répondre à la demande des consommateurs de plus en plus nombreux qui n'ont pas le budget pour acheter du « haut de gamme »... On doit donc importer du porc des élevages industriels, entre autres d'Europe de l'Est dont un certain nombre sont de capitaux allemands ou français. C'est ça et uniquement ça la réflexion de Cyrhio : répondre à la demande. Mais en faisant cela, Cyrhio met des éleveurs dans la panade car le cycle du porc est connu depuis des décennies. Le coût du porc fait le yoyo en permanence car, quand il y a de la demande on installe à tout va, on est alors rapidement en excédent, les prix chutent, les élevages ne font plus face aux charges, on arrose avec des millions d'euros... Et c'est reparti pour un tour ! Dans ce modèle les paysans n'ont aucune autonomie et ils seront pris à la gorge quand ça ira mal.
    Autre argument à relativiser : « Le plein air est le top ». Je ne me prétends pas être éleveur de porcs. Je n'en ai que cinq, élevés en plein air avec comme principal objectif de valoriser le petit lait. Élever des porcs en plein air quand depuis octobre il pleut, sans avoir de bâtiment pour les mettre à l'abri... Je ne me sens pas toujours fier. Pourtant, oui, le porc est avant tout un animal « fouineur » qui aime se souiller dans la boue quand il a chaud... mais qui, pas plus que nous, aime patouiller dès qu'il sort de sa cabane. Un éleveur de porc me disait : « Quand je suis passé du plein air à l'élevage en bâtiment, quelle qualité de vie ! » Bien être animal et bien être des éleveurs et éleveuses : tout est lié ! Par ailleurs, élever les porcs en plein air à l'aube de l'arrivée de la peste porcine africaine qui est aux portes de la France, avec une réglementation de plus en plus démentielle et une épée de Damoclès au-dessus de la tête identique à celle que subissent les éleveurs de volaille en plein air à l'heure de la grippe aviaire : l'extermination de tous les porcs dès qu'un cas se présentera dans un rayon de x km... Ça donne vachement envie ! Et pourtant, oui, le porc en plein air est une viande de qualité.

     

    Un dialogue est-il possible ?

    Le problème central de l'élevage, quel qu'il soit, est le revenu... Certes il peut se dégager de différentes manières, notamment par un engraissement plus autonome et plus économe, ou par la vente directe. Mais cela reste des solutions de niche. Dénoncer tel ou tel mode d’élevage sans prendre en compte l’économie libérale « quoi qu’il en coûte » voulue par l’Etat et l’Europe, les accords de libre échange signés, le refus d’instaurer réellement des prix planchers accompagnés de prix minimum d’entrée et de closes miroirs, c’est un peu dire comme Molière « Cachez-moi ce sein que je ne saurais voir ». Alors, que faire ? Quoi dire ?
    J'ai le sentiment qu'on réagit de la même façon que les éleveurs traditionnels creusois qui ne connaissent que les vaches et qui prennent pour farfelu tout ce qui n'entre pas dans leur schéma et qu'ils ne connaissent pas. Ne risque-t-on pas en dénonçant frontalement un tel projet de jeter les agriculteurs dans les bras de syndicats agricoles qui disent « laissez-nous travailler » en creusant eux-mêmes leurs propres tombes également creusées par les décisions de l’État : libéraliser à tout va, limiter au maximum la réglementation et courir vers l'industrialisation au nom d'une soi-disante souveraineté alimentaire. Ne ferait-on pas mieux de travailler à un dialogue avec les agriculteurs et de pointer où sont les vrais responsabilités ?
    Il faut refaire rêver en tentant de reprendre son destin en main. Mais ça ne peut pas se faire du jour au lendemain. Ça ne peut pas se faire qu'avec des solutions de niches. Ça ne peut pas se faire en opposant consommateurs (et encore, pas tous !) et paysan-nes. Ça ne peut pas se faire sans avoir une réflexion de fonds pour que tous et toutes aient droit à une alimentation de qualité. Comment faire avancer tout ça ? Certainement pas en montrant du doigt les paysans et paysannes qui ne savent plus où aller pour vivre dignement.

     

    Des corrections à apporter

    Pour revenir au projet de porcherie de Royère, peut être que la réflexion initiale est bonne - vivre ici pour travailler au pays au sein du Gaec familial et diversifier pour installer une nouvelle personne plutôt que de reprendre des hectares et des hectares ce qui aboutirait in fine à créer une structure agricole intransmissible... Sauf à la vendre aux entreprises de la grande distribution, à l'industrie agro-alimentaire ou à des coopératives qui n'auront de coopératif que le nom. Faire un élevage hors-sol clef en main grâce à une coopérative, est ce la solution ? Pourquoi pas ? Tenter de répondre à un problème d' effluents par une fosse qui permettrait de stocker pendant un an et n'épandre que lorsque ça gênera le moins, est plutôt une bonne intention.
    N'est t-il pas possible cependant de faire autrement avec, par exemple, un élevage sur aire paillée plutôt que sur caillebotis - ce qui permet d'avoir du fumier et non du lisier ? L'élevage sur aire paillée, sans être en bio, prend davantage en compte le bien-être animal et le fumier a beaucoup moins de conséquences négatives que le lisier. Il soulève aussi d’autres questions, telles que le marché, l’approvisionnement en paille.
    Mais est-ce une voix de discussion possible ? L'emplacement de la porcherie est il vraiment adéquat ? Où la positionner pour qu'elle ait le moins de conséquences négatives, tant pour les Plateaux Limousins que pour d'autres activités touristiques, car oui, les odeurs peuvent avoir des conséquences très négatives.
    Est-ce que tout cela est possible ? Comment nouer un dialogue avec les personnes concernées par ce projet ? Comment impliquer d'autres éleveurs de porcs qui connaissent leur métier ? Comment, à défaut de fosses en béton, ne pas faire des murs en béton pour réinventer un vivre ensemble autrement?

     

    Olivier Thouret, paysan à Soubrebost, membre de la Confédération paysanne

     


     

    Nous devons inventer un autre modèle

    La plupart des productions et élevages doivent faire face aujourd'hui à des difficultés économiques importantes dont ont témoigné les manifestations du début de l’année. Aller vers le porc ou la volaille, c’est aller vers une diversification qui peut assurer un revenu tout en ne prenant qu'un minimum de temps de travail par jour, mais cela au détriment des éleveurs (pourtant accompagnés par une coopérative qui est censée leur appartenir !) et au détriment également de l'environnement, de la vie locale, de la dynamique du territoire... Comment former des futurs paysans à ces multi-usages comme on se pose ailleurs la question du multi-usage de la forêt ?

     

    Une reconnaissance spécifique aux élevages de montagne

    Je rêve, depuis quelques années maintenant, d’une reconnaissance spécifique du soutien à l’élevage de montagne. Une reconnaissance par paiement pour services environnementaux, reconnaissance du temps de travail (en heures par jour, mais aussi 7 jours sur 7 soit 365 jours par an), de l’entretien et de l'ouverture de nos paysages, de notre alimentation. Connaissez-vous beaucoup de métiers où la présence est quotidienne ? Où, quand les éleveurs partent en vacances, ils payent d’une part leurs vacances (comme tout un chacun), mais financent aussi leur remplacement ?
    Les coopératives ont déconnecté les éleveurs de la vente de leur animaux. Il faut donc quelqu’un d'autre pour s’en occuper. Au fur et à mesure des années, la perte de ce savoir-faire paysan a disparu. Il est donc tentant de s’appuyer sur quelqu’un qui s’y connaît. Où avons-nous échoué (nous, en tant que défenseurs et porteurs de l'agriculture paysanne) dans le fait de donner envie à des agriculteurs de transformer leur ferme d'une manière qui fasse sens à nos yeux et non de se mettre pieds et poings liés au service ou d’un modèle agricole comme Cyrhio ?

     

    Des solutions existent, mais pas à toutes les échelles

    Nous n’avons pas totalement échoué car il y a plein de projets qui marchent, qui donnent du sens, qui emploient et qui ne courent pas après les hectares. Je ne dis pas que ça va bien économiquement car la réalité est la même pour tous, mais le fait de trouver du sens permet de dire que ça existe. Ceux qui ont compris ces phénomènes s’installent en vente directe, élèvent, produisent, transforment, vendent et surtout consomment : ils ont le retour direct du goût de ce qu’ils produisent et du sourire du convive, et ça, ça n’a pas de prix !

    Aujourd’hui, les projets d'engraissements portés par des coopératives comme Cirhyo sont obsolètes. Mais les systèmes de remplacement, à la même échelle, n’existent pas. On le voit avec le projet de Pôle viande de Bourganeuf : les éleveurs ont créé un outil spécifique pour la vente directe et locale, un outil non délocalisable... mais qui n’a pas trouvé son modèle. Il était trop gros pour un ou quelques éleveurs, il était trop petit pour un industriel de la viande. Pourtant, il était adapté aux besoins des éleveurs qui valorisent leur travail du champ à l’assiette. Nous devons inventer ces modèles.

     

    Jérôme Orvain, ancien éleveur à Vidaillat (Creuse)

     


     

    La lutte paye toujours !

    Lorsque les citoyens s’organisent en collectif ou en association de défense de l’environnement, lorsqu'ils se manifestent en informant la population locale, souvent les projets de l’agro-industrie capotent. En voici quelques exemples dans notre région.

     

    Projet de Bujaleuf : Gaec Fraysse-Bosredon, 3459 porcs

    Le projet d'extension de la porcherie de Bujaleuf (Haute-Vienne) avec construction d'un méthaniseur est toujours en cours de demande d'autorisation. Dans un premier temps, début 2022, au vu du dossier présenté par le Gaec demandeur, la préfecture avait jugée suffisante une procédure d'agrément avec simple consultation publique sans obligation pour l'État d'en tenir compte. Et l'autorisation était quasiment accordée dans le courant 2022.

    Un collectif d'habitants s'étant dans le même temps informé a demandé le soutien de Sources et Rivières du Limousin et de son avocat qui a engagé un recours auprès du tribunal administratif, estimant que l'envergure du projet méritait une procédure d'autorisation à un niveau plus exigeant (ce recours devait être formé avant le 18 novembre 2022 et porté par une association reconnue pour la protection de l'environnement et âgée de 4 ans minimum, d'où la délégation donnée (avec assurance de financement) à Sources et Rivières par le collectif qui s'est constitué dans le même temps en association « De terre et d'eau : Vienne, Maulde, Combade ». L'affaire suit son cours au tribunal administratif. Le temps judiciaire est long. Si le tribunal déboute l'association de sa demande, le projet pourra démarrer. S'il accède à la demande d'une procédure plus exigeante, ce sur quoi l'association compte bien, on garde l'espoir d'un abandon.

     

    Projet de Augne : Gaec Mazaleigue, 880 porcs

    La création d'un élevage de porcs au lieu dit les Pradelles, dans la commune d'Augne (Haute-Vienne), implique la construction d'une porcherie de 800 places de porcs à l'engrais et 400 places de porcelets en post-sevrage. Le bâtiment sera aménagé sur caillebotis sur une superficie de 997 m².
    L'élevage comprendra 880 animaux-équivalents après projet. Le besoin de financement s’élève à près d’un demi-million d’euros. Cirhyo (la même coopérative que pour le projet du Villard à Royère-de-Vassivière) apporte son appui technique. Ce projet est actuellement en stand-by étant lié à celui de Bujaleuf, une partie des petits cochons naissant à Bujaleuf devant partir à Augne pour se faire engraisser.

     

    Projet de Tercillat : Gaec Jamet, 1008 porcs

    Le projet de construction d'une porcherie abritant 1008 porcs à Tercillat (Creuse) est officiellement abandonné. La Préfète de la Creuse avait autorisé l'exploitation de cette porcherie par un arrêté du 15 janvier 2021, mais la mobilisation exceptionnelle - 217 avis défavorables - avait contribué à retarder sa décision de six mois environ. Ce délai, combiné à la forte opposition au projet, a sans doute offert aux exploitants l'occasion de sérieusement réévaluer la pertinence de leur projet. Il semble qu'ils l'aient finalement abandonné depuis déjà un certain temps.

     

    Projet d'Évaux-les-Bains : Gaec Gayet, 1711 porcs

    À ce jour, il semblerait que le projet de porcherie Gayet sur la commune d'Évaux-les-Bains (Creuse) ne va pas se faire, tout du moins à cet endroit. Le panneau de permis de construire a été remplacé par un permis de construire d'une maison d'habitation et d'un bâtiment agricole avec toiture photovoltaïque. En espérant que le projet de porcherie passera bien aux oubliettes...

     

    Projet de Giat : Gaec Les Arômes, 1000 porcs

    Le préfet du Puy-de-Dôme accorde l'autorisation, assortie de plusieurs réserves dont une seule aurait dû le conduire à …ne pas accorder d'autorisation. Entre autres, surconsommation d'eau. L'épandage se fait sur plus de 400 ha en Creuse. Une association s'est montée (Association de défense et de protection des Combrailles et Millevaches) et a porté l'affaire en justice.
    Un habitant dont les étangs sont situés sous les zones d'épandage a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand. C'est la première fois qu'un projet Cirhyo (encore la même coopérative) est contesté. Depuis, le dossier est en cours, avec des contre-attaques furieuses de Cirhyo, des menaces des agriculteurs environnants d'empoisonner les étangs (des silures ont même été introduits), mais le projet n'est toujours pas fait.

     

     


     

    Le renard dans le poulailler

    La coopérative Cirhyo qu'on retrouve dans beaucoup de projets de porcheries développe une stratégie d'installation dans notre région, allant même jusqu'à investir les lieux de formation, comme le lycée agricole d'Ahun, en Creuse.

     

    Le journal La Montagne publiait le 19 octobre 2023 sur son site un article qui indiquait : «  Ahun. Conduite d’un élevage porcin. Le Certificat de spécialisation (CS) en élevage porcin vient de débuter au CFPPA de la Creuse au lycée agricole. Cette année, il y a des stagiaires provenant des élevages de la Creuse, de l’Allier, et de la Haute-Vienne. Ce sont principalement des élevages d’adhérents du groupement Cirhyo, partenaires de la formation. En effet, les techniciens interviennent en formation sur l’alimentation, la conception des bâtiments, les soins des animaux avec le cabinet vétérinaire de Marcillat-en-Combrailles. »
    Alors quoi de mieux pour se développer que de profiter des subsides de l’État qui assure la formation de ses futurs exploitants tout en bénéficiant de la maîtrise complète de la filière ? Pour la coopérative Cyrhio l'installation des jeunes demeure en effet le nerf de la filière. Comme l'indiquait en avril dernier Philippe Chanteloube, directeur de la coopérative, dans Réussir Porc, un site professionnel : « La pyramide des âges baisse, mais moins qu’en Bretagne. Beaucoup de petits naisseurs ont arrêté il y a une quinzaine d’années. » Sur le même site, Edgar Basset, le responsable technique de la coopérative explique : « En Creuse, à Ahun, nous avons six à sept élèves par an, mais c’est insuffisant. Nous pouvons fournir du travail pour 16 élèves par an dans notre zone. Nous avons du mal à recruter des salariés qualifiés. »
    Aussi le nombre d’installations de porcheries industrielles Cirhyo risque d’augmenter dans les années à venir, au titre – pourquoi pas ? – de « l’adaptation au changement climatique ». Est-il complètement chimérique d’imaginer qu’un jour la Creuse pourrait détenir le record du nombre de cochons par habitant, sous les coups conjugués de l'érosion démographique et du réchauffement climatique, lequel pénalise l’élevage bovin traditionnel ?

    Si l’on n’y prend garde, la Creuse, avec sa démographie flageolante, pourrait rejoindre l’Aragon dans le peloton des territoires qui comptent le plus de cochons par habitant. Dans la communauté espagnole susmentionnée1, on compte 8 millions de cochons pour 1,3 million d’habitants, soit plus de 6 cochons par habitant, ce qui constitue un record au niveau européen.
    Le département de la Creuse, quant à lui, est en tête du classement français pour le nombre de bovins par habitant : plus de 3 pour 1 (3,45 pour 1 exactement). On espère que la situation infecte comme en Espagne où les macro-fermes (des exploitations de plus de 8000 cochons2) « se développent à une vitesse folle », constituera un repoussoir…

     

    1 https://www.3trois3.com/derniere_heure/espagne-1%E80%99aragon-premier-producteur-de-porcs-pour-la-premiere-fois
    2 https://tf1info.fr/international/video-elevage-intensif-la-ferme-aux-8000-cochons-en-espagne-2221979.html

     


     

    Encore plus gros… en pire !

    Profitant du malaise paysan pour donner des gages aux acteurs de l’agro-industrie, le Gouvernement a préparé un décret destiné à faciliter l'agrandissement des élevages industriels (porcs, volailles) en relevant les seuils d'évaluation environnementale.
    Les élevages hors-sol de grande taille sont soumis à la réglementation sur les projets industriels qui articule plusieurs niveaux d'évaluation environnementale préalable. Pour les plus grands élevages, ayant le plus d'impacts écologiques et sanitaires, cette évaluation préalable est systématique. Pour les autres, elle se réalise au cas par cas (article R122-2 du code de l'Environnement). Le Gouvernement prévoit de faire basculer une partie des plus gros élevages de la première vers la deuxième catégorie, c'est-à-dire de les exonérer d'évaluations systématiques. Une évaluation ponctuelle pourra être exigée par l'Autorité environnementale, mais cette procédure deviendra d'autant plus aléatoire que cette institution manque de moyens pour assurer un suivi suffisant.

    Si le décret est validé en l'état, les seuils d'évaluations systématiques passeront :
    de 40 000 à 85 000 volailles (plus du double !),
    de 2 000 à 3 000 porcs en engraissement,
    de 750 à 900 truies.
    Le décret prévoit également de faciliter les aménagements fonciers agricoles et forestiers, ici encore au détriment de l'environnement.
    Sous prétexte de « simplification », ce décret vise en réalité à faciliter la course en avant vers le gigantisme, au détriment à la fois de l'environnement et de la sécurité des éleveurs. Faute d'une évaluation solide préalable, des éleveurs dont les exploitations provoqueront une pollution industrielle pourront toujours être poursuivis et sanctionnés, mais ce sera trop tard pour les écosystèmes. Il est préférable, aussi bien pour les éleveurs que pour les écosystèmes, que les risques soient sérieusement évalués en amont, plutôt que niés dans une perspective électoraliste ou économique à courte vue.

    En savoir plus sur la consultation publique concernant ce décret :
    https://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-portant-diverses-dispositions-a2984.html

     


     

    Porcherie varinas saint frionTémoignage : À Varinas, ça pue !

    J’habite un lieu-dit de la commune de Saint-Frion, Varinas. À quelques centaines de mètres d’un élevage industriel de porcs, d’un « centre d’engraissement », comme ils disent. Plus petit que certaines porcheries déjà implantées en Creuse, plus petit que d’autres en projet, il n’en est pas moins affligeant.
    Tous les étés, les jours de canicule, les bêtes hurlent, du matin au soir. Beaucoup meurent. On voit en tout cas souvent passer le camion de l’équarrisseur. Quand la température est déjà insupportable en plein air, combien fait-il dans le bâtiment où s’entassent ces animaux réputés sensibles à la chaleur ?
    Ces derniers mois, s’est ajoutée la puanteur. Il semble que les cochons, censés être élevés dans la paille, n’en aient pas, n’en aient plus, et vivent dans leurs excréments. Les habitants, au gré du vent, respirent des jours durant des effluves fétides. Ceux qui ont protesté se sont entendu répondre qu’ils ne connaissaient pas la campagne.
    L’entreprise qui gère l’établissement ne voit-elle rien, ne sent-elle rien ? Pourquoi continue-t-on à parquer des porcs dans un endroit pareil ?
    Lorsque j’entends le camion qui vient les chercher pour l’abattoir, au petit matin, après des mois de riant séjour dans leur merde, j’ai le cœur serré. Tant de misère, du début à la fin.

    Emmanuelle Saintin

     

  • Linky : les refus persistent et signent

    En ce début d’année 2020, Enedis annonce que « 23 millions de compteurs sur 35 millions ont été remplacés par des compteurs communicants Linky. Tout se passe bien et les implantations seront terminées comme prévu fin 2021 ». Tout se passe bien ? Pas dans toutes les communes où les responsables d’Enedis se trouvent confrontés, comme à Royère-de-Vassivière ou Vidaillat, à l’opposition d’une partie des habitants.

     

    « Le compteur Linky est un élément incontournable de la modernisation du réseau de distribution et s’inscrit dans le contexte global de la transition énergétique. Cette modernisation du réseau, de la production à la consommation, permettra un pilotage instantané plus efficace et favorisera l’intégration et le développement des énergies renouvelables (solaire, éolien …) », disent les responsables d’Enedis. L’entreprise est mandatée par l’État pour le déploiement des compteurs Linky et a donc obligation de réaliser cette mutation technologique, SAUF QUE, le client, lui, n’a pas obligation d’accepter ce compteur. Il peut donc s’opposer à ce remplacement à condition que la lecture des indices de consommation reste accessible.

     

    compteur linky

     

    Pourquoi accepter linky ?

    • Relevé automatique : le relevé se fait à distance via le courant CPL dans le circuit électrique de la maison puis par transmission GSM à partir du concentrateur vers les centres de gestion.
    • Puissance du compteur : le changement de puissance du compteur se fait à distance sous 24 heures et ne nécessite plus le déplacement d’un technicien. Ce service sera gratuit la première année suivant la pose du compteur.
    • Nouvelles offres tarifaires : les fournisseurs pourront proposer jusqu’à dix offres adaptées à votre consommation et vos appareillages, ceci dans le but de vous faire réaliser des économies.
    • Emménagement : lors de votre installation dans un nouveau logement, l’ouverture du compteur se fera sous 24 heures pour un coût divisé par deux.

     

    Stop Linky touche pas mon compteurPourquoi refuser Linky ?

    • Gaspillages : remplacer systématiquement 35 millions de compteurs en état de marche qui ont une durée de vie de 50 à 60 ans par des compteurs Linky dont la durée de vie n’excédera pas 20 ans (le recyclage d’une partie des 45 000 tonnes de matériaux est prévu dans des centres de réinsertion avec du « personnel empêché »).
    • Ondes électromagnétiques : au courant alternatif de 50 Hz se superpose un courant CPL de 36 à 90 kHz qui va créer des interférences et pourra provoquer des dysfonctionnements sur certains appareils. Le « courant sale » produit génère des ondes électromagnétiques qui vont s’ajouter à celles existantes dans la maison et dont les effets négatifs sur la santé se confirment selon diverses études scientifiques publiées.
    • Métrologie : tout appareil de comptage et de mesure doit être contrôlé individuellement par un service de métrologie. Dans les chaînes de production on prélève 1 compteur sur 400 pour vérification (si après pose vous avez une consommation supérieure, on vous répondra que votre ancien compteur était défectueux).
    • Sécurité : le compteur Linky est constitué de deux compartiments, l’un à courant faible pour toute la partie électronique, l’autre à courant fort pour le circuit 240 V ou 400 V. Ces deux compartiments sont très proches et peuvent être la source d’incendies. La platine sur laquelle est posé le compteur devrait, d’après la loi, être en résine ininflammable mais Enedis ne remplace pas les platines actuelles en bois. Si vous changez de puissance (ce qui est fréquent, vu que Linky n’accepte pas les dépassements) rien ne prouve que votre circuit électrique, surtout s’il est ancien, acceptera sans dommage cette augmentation de puissance. D’autre part, aucune assurance ne veut couvrir les frais liés aux éventuels dysfonctionnements de Linky.
    • Données et surveillance : le relevé est réalisé une fois par jour voire toutes les 10 minutes lors des pics de consommation. La courbe de charge collecte en continu la consommation individuelle et est tellement précise qu’il est possible de déterminer le type d’appareil en fonctionnement. Ces quantités phénoménales d’informations peuvent être revendues dans le marché du « big data » et ce n’est pas par hasard si la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) demande des garanties de confidentialité sur l’utilisation de ces données.

     

    Comment refuser ?

    Si vous choisissez de refuser la pose de ce compteur Linky, envoyez une lettre recommandée avec accusé de réception à :

    • Enedis, 19 bis avenue de la Révolution, 87 000 Limoges,
    • OTI France, 12 rue Eugène Renaux, 63 800 Cournon d’Auvergne,
    • et une copie au maire de votre commune.

    Accepter Linky, c’est accepter une société de consommation sans limite basée sur une croissance sans fin et une utilisation illimitée des ressources. C’est accepter un type de société où le contrôle et la surveillance sont omniprésents et où notre vie privée n’a plus aucun sens. Un type de société qui franchira un nouveau cap avec l’avènement de la 5G.

     

    À Royère-de-Vassivière, 111 réfractaires

    À l’automne, deux personnes se sont retrouvées sur la commune de Royère-de-Vassivière pour s’opposer à la pose du compteur Linky. Après avoir organisé une réunion publique d’information qui avait réuni une trentaine de personnes, et avoir rencontré à plusieurs reprises la municipalité pour lui demander de prendre un arrêté anti-Linky (en vain), elles se sont décidées à envoyer une lettre de refus collective (recommandée avec accusé de réception) à Enedis en allant au devant des habitants de Royère. Ce porte-à-porte a permis de réunir 111 signatures. Tous les habitants de Royère n’ont pas pu être vus (il y a beaucoup de résidences secondaires), mais ceux qui ont ouvert leur porte se sont montrés majoritairement intéressés et ont signé cette lettre. Les personnes signataires sont informées régulièrement de l’état de la situation et sont invitées à téléphoner en cas de souci. Les autres communes du secteur concernées peuvent s’inspirer de cette démarche des habitants de Royère-de-Vassivière.

    Modèle de la lettre de refus : https://frama.link/Anti-linky 
  • Municipales

    ­affiche voteDans les communes rurales, lorsqu’un scrutin municipal se profile à l’horizon la révision des listes électorales retient toute l’attention des équipes au pouvoir. Dans certaines communes on fait la chasse à la population en double compte : étudiante, hospitalisée, migrante, en double résidence, etc. Ailleurs on est moins regardant et il arrive dans bon nombre de communes de trouver autant et plus d’électeurs que d’habitants permanents. 
    Un survol rapide du territoire du Parc Naturel de Millevaches est assez révélateur de ce phénomène. Toutes les communes du PNR ont été visitées et quelques communes non adhérentes de leurs cantons ont été également observées.

     

    Plus d’électeurs que d’habitants : Un particularisme rural en Limousin

     

    En Haute-Vienne

    En Haute-Vienne dans deux communes, Beaumont-du-Lac et Saint-Gilles-les-Forêts, il y avait autant de votants que d’habitants le jour du premier tour de scrutin. Mieux que cela, à Beaumont-du-Lac, pour le second tour, le nombre des électeurs dépassait celui des résidents permanents ! Située en bordure du lac de Vassivière la commune détient un record avec une proportion considérable de résidences secondaires (plus des trois quarts de son parc immobilier) alors qu’à Saint-Gilles-les-forêts elles ne représentent qu’un tiers des logements.

    La possession d’une résidence secondaire, l’attachement aux racines familiales sont les mobiles les plus souvent invoqués pour justifier ce surnombre d’électeurs. On remarque quelquefois chez des jeunes et moins jeunes retraités le désir d’exercer un pouvoir local souvent mal perçu voire inaccessible dans les concentrations urbaines. Sans oublier la plénipotence du droit de propriété qui depuis 1789 a malheureusement défini les contours de notre citoyenneté française. Le traditionnel conservatisme des propriétaires fonciers non résidents est souvent le plus grand frein à l’émergence de nouvelles activités économiques agricoles ou autres dans les communes rurales.

     

    En Creuse et en Corrèze

    Quoiqu’il en soit, dans les cantons haut viennois et creusois seules des petites communes de moins de 165 habitants sont concernées. Elles sont deux sur sept dans les cantons de Royère-de-Vassivière et de Gentioux-Pigerolles. Elles sont cinq sur neuf dans le canton de La-Courtine et cinq sur quatorze dans celui de Crocq. Ces deux cantons sont en bordure de la Corrèze où la pratique des listes électorales gonflées semble mieux établie. Elles sont deux communes sur neuf dans le canton de Corrèze, trois sur dix dans celui d’Eygurande, trois sur huit à Sornac, cinq sur douze à Treignac, six sur dix à Meymac, sept sur onze à Bugeat, pour en rester sur le PNR et ses contours. On y rencontre des communes de plus de 300 habitants qui pratiquent cette surabondance d’électeurs. Cette singularité corrézienne aurait-elle quelque rapport avec l’importance de la pratique des sociétés d’originaires pour les Corréziens de Paris ? C’est bien dans ce cadre qu’en 1907 Henri Queuille qui se destinait à une carrière médicale à Paris a été sollicité par ses concitoyens émigrés à Paris pour se présenter aux suffrages des habitants de Neuvic d’Ussel. Une sollicitation qui l’a destiné à une carrière politique corrézienne et nationale prestigieuse.

     

    Des “listes ouvertes“ : Une avancée pour la démocratie ?

     

    Dans plusieurs communes du plateau, on a assisté lors des dernières élections municipales, à la présentation de «listes ouvertes», des listes uniques où s’inscrivent tous ceux qui font acte de candidature, ce qui aboutit à avoir plus de postulants que de sièges à pourvoir. Bien sûr ce système est seulement possible dans les petites communes où le panachage est de règle et très largement pratiqué.

    Deux communes du sud de la Creuse ont opté pour ce procédé de liste ouverte : Crocq, chef lieu de canton de 546 habitants, et Néoux, 300 habitants, dans le canton d’Aubusson.  

     

    chatoux

     

    A Crocq

    C’est la deuxième expérience de liste ouverte : en 2001 il y avait eu vingt cinq candidats pour quinze sièges à pourvoir. Parmi les candidats figurait Jacques Longchambon, marqué à gauche par sa candidature simultanée au poste de conseiller général. En 2008, la liste ouverte proposait 19 candidats, avec seulement cinq “rescapés“ de l’ancien conseil, le maire et la plupart des anciens conseillers ne se représentant pas. Cette fois Jacques Longchambon a été élu et sur la proposition des cinq conseillers sortants, il a été le seul postulant à la fonction de maire à laquelle il a été élu à l’unanimité du conseil.

    La profession de foi de la liste avec son programme avait été préparée d’abord au sein d’un petit groupe, puis discutée et amendée par l’ensemble des candidats. Ainsi, chacun d’eux se reconnaissait dans les propositions avancées.

     

    A Néoux

    C’est à l’initiative du maire sortant, candidat à sa propre succession, Jean-François Ruinaud que la liste ouverte s’est constituée. Il avait en effet gardé un souvenir amer de la campagne électorale de 2001, où il y avait deux listes en présence. Il souhaitait éviter en 2008 les fractures qui en avaient découlé. La liste comportait 16 candidats pour 11 sièges à pourvoir. La profession de foi a été établie lors d’une réunion entre tous les postulants au cours de laquelle seules les propositions acceptées par tous ont été retenues.

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    Les deux maires concernés sont très satisfaits de cette manière de procéder, qui paraît bien adaptée aux petites communes. Elle évite les oppositions, parfois durables, qui naissent ou s’exacerbent au cours des campagnes électorales. Elle permet de sélectionner ceux qui apparaissent les plus compétents ou qui sont le plus largement  appréciés. Enfin, l’énergie des candidats est concentrée sur les projets à réaliser plutôt que sur la lutte entre clans opposés : dans les communes de petite taille on ne peut guère se payer le luxe de reproduire les clivages politiques partisans.

     

    Néanmoins le procédé a des limites. D’abord il conduit à une certaine dépolitisation : même si beaucoup estiment que l’ancrage politique n’a que peu d’incidence sur l’action municipale dans une petite commune rurale, on peut aussi penser que l’attention aux problèmes sociaux tels que les inégalités ou l’exclusion sera plus grande de la part d’élus de gauche alors que ceux de droite chercheront plutôt à contenir les impôts et à diminuer les charges des entreprises. Et il reste quelques situations où l’opposition droite-gauche réapparaît, comme pour la désignation des délégués des conseils municipaux pour les élections sénatoriales. 

     

    Ensuite, la recherche de l’unanimité peut empêcher que soient retenus les projets les plus innovants, ceux qui peuvent heurter une partie de la population parce qu’ils traduisent une vision à plus long terme. Or les élus municipaux ne doivent pas chercher à faire le moins de vagues possible, ils ont aussi un rôle de leaders à exercer pour conduire la population vers de nouvelles perspectives. Mais ces inconvénients éventuels n’existent pas dans tous les cas. Il faut juger sur pièces en se souvenant que les conflits peuvent être féconds dans certaines circonstances – ils contribuent à faire avancer les choses – mais aussi paralysants et stérilisants dans d’autres occurrences.

     

    Hommes et femmes : la parité est encore loin

    Les faits ont encore beaucoup de mal à rejoindre les principes de la loi. Celle-ci exige que dans les communes de  plus de 3500 habitants il y ait parité hommes femmes sur les listes électorales. Au niveau des résultats on est loin du compte ! Les femmes ne représentent que 35% des élus municipaux. Et pour ce qui concerne la place des femmes comme maire on en est encore aux balbutiements. Moins de 14 % des villes et communes de France ont choisi une femme comme maire. C’était la proportion des femmes élues maires en Creuse en 2001. En élisant dix femmes de plus en 2008 le département de la Creuse avec 16,9 % rejoint les huit départements métropolitains qui ont 17 % et plus de femmes à la tête de leurs municipalités. Ce progrès dans la parité ne s’est pas retrouvé pour les élections au conseil général de la Creuse. La loi imposait aux candidats de prendre un suppléant de l’autre sexe. Mais au final la résultat est désastreux, une seule femme siège à l’assemblée départementale : 3,7 %, et 13,1 % pour la France ! 



    Une commune conflictuelle

    A Croze, les 211 habitants ne cultivent pas l’unanimisme. Qu’on en juge : en 2008 ils ont une nouvelle fois changé de maire, le quatrième depuis 1989 !

    La liste d’opposition a enlevé haut la main, mais en deux tours, les onze sièges à pourvoir. Cependant cette victoire n’a pas apaisé les tensions puisque les élus se sont ensuite divisés pour l’élection du maire : le vainqueur a été élu par six voix contre cinq. 

    Par ailleurs deux recours au tribunal administratif ont été déposés : le premier par la liste gagnante concernant le scrutin du premier tour et qu’elle a retiré après sa victoire au second tour. Le second par la maire sortante, visant un tract injurieux trouvé dans certaines boîtes aux lettres la veille du scrutin du premier tour.



    124 noms au dépouillement ! 

    A Saint-Quentin-la-Chabanne, commune de 357 habitants, une seule liste conduite par le maire sortant se présentait aux suffrages des habitants. Le maire et ses dix colistiers ont tous été élus dès le premier tour. Les suffrages se sont dispersés sur 124 noms et pas toujours à bon escient : outre la désignation d’une personne décédée, d’autres suffrages relevaient davantage de la malveillance ou de la discourtoisie, toutes preuves d’incivilités démocratiques. Le maire octogénaire et ancien agriculteur entame sa troisième magistrature à la tête de la commune. En se préparant  à célébrer son cinquantième anniversaire d’élu municipal il dit combien la vie municipale est absorbante : “si je n’étais pas maire je ne saurais pas quoi faire“. C’est une façon de voir les choses...

     

    Alain Carof et Jean François Pressicaud
  • Objecteurs de croissance

    Du 26 au 29 août 2007, se sont tenues à Royère-de-Vassivière les secondes rencontres des Objecteurs de Croissance. Jean Marie ROBERT, responsable de l’organisation de ces rencontres nationales, a répondu à nos questions pour mieux nous faire comprendre les idées et les propositions des “décroissants”.

     

    Pouvez-vous nous présenter ce que vous entendez par décroissance1 et qui en sont les principaux fondateurs ?

    objecteur de croissance 01La notion de décroissance est née avec le développement de l’économie de marché durant les trente glorieuses. Les premiers à en parler sont ceux qui doutaient du développement et du progrès perpétuel tels qu’ils ont été présentés après la seconde guerre mondiale. En effet, l’idéologie du développement, donc de la croissance économique, s’est imposée au monde en 1949 lorsque le président américain Harry Truman a déclaré que pour le bien de l’humanité il fallait développer et étendre le modèle économique des Etats Unis à l’échelle planétaire. Mais c’est à partir des années soixante que sont posées les premières bases de la décroissance notamment avec les travaux de l’économiste américain d’origine roumaine Nicholas Georgescu Roegen sur l’entropie2. L’entropie démontre que nous sommes dans un monde fini et qu’il ne peut y avoir de croissance infinie. Ses travaux seront récompensés par un prix Nobel.

    Aujourd’hui, les principaux “penseurs” de la décroissance en France sont Serge Latouche, Paul Aries, Jean-Pierre Dupuy, Pierre Rabhi, André Gorz... tous reconnus par les objecteurs de croissance ; ils font suite aux précurseurs comme Jacques Ellul, Yvan Illich, Cornélius Castoriadis, Bernard Charbonneau, François Partant, François Terrasson... et Fournier et Gébé, malheureusement partis trop tôt !

    Aujourd’hui, de nouveaux auteurs se positionnent sur cette thématique : Yves Paccalet auteur de deux livres dont le très controversé “L’humanité doit disparaître, bon débarras”, et Jean-Paul Besset.

     

    Pouvez-vous nous présenter les Objecteurs de Croissance (OC) ? Est-ce un groupe de réflexion, un mouvement politique... ?

    Les Objecteurs de Croissance sont ce que les médias appellent les “décroissants”. C’est un mouvement complètement informel qui regroupe différentes sensibilités. L’objectif des rencontres de Royère de Vassivière était justement de réunir les différents courants de la décroissance, toutes familles confondues (personnes engagées dans la simplicité volontaire, militants associatifs ou politiques), par le biais du ROCADe (Réseau des objecteurs de croissance et de l’après-développement).

    Ces secondes rencontres nous ont permis de définir ensemble une vision à moyen terme : les rencontres des OC seront dorénavant organisées par le ROCADe, ainsi que des actions spécifiques et médiatiques (marches, colloques, etc... ). Les militants politiques eux, vont créer un mouvement dont le nom n’est pas encore défini, mais qui permettra d’oeuvrer au sein de la mouvance altermondialiste. C’est pour rassembler les sympathisants que nous lançons l’appel “des objectrices et objecteurs de croissance pour d’autres mondes possibles”. L’objectif étant d’être visible au sein du mouvement social en France et en Europe et de préparer les élections européennes pour diffuser nos idées sur tout le continent.

     

    objecteur de croissance 02Dans un pays comme la France où l’ensemble des économistes et des politiques considèrent que le dynamisme économique et social du pays repose sur un taux de croissance de 2,5 % du PIB, comment peut-on appliquer les théories de la décroissance sans provoquer une crise économique et sociale ?

    Nous pensons que le système capitaliste est dans une impasse qui va de lui-même générer les crises qui précipiteront sa fin. Je prend, l’exemple de la crise financière qu’ont connue les Etats Unis cet été, étendue aux autres économies du globe : crise du crédit et de la consommation qui annonce des crises futures plus importantes. La décroissance repose sur des faits concrets. Sarkozy dit que nous voulons revenir à la bougie et à l’âge des cavernes. Nous ne voulons pas faire un pas en arrière mais un pas de côté, car nous sommes bien conscients que tout changement, s’il a lieu avant LA catastrophe, ne peut pas être immédiat mais qu’il passe obligatoirement par une période de transition. Il nous faut rentrer de plain-pied dans un autre système de valeur, une autre civilisation. Toutefois, avec l’inertie qui caractérise le monde dans lequel nous vivons, l’importance du pouvoir des lobbies financiers, je ne pense pas que les Hommes puissent prendre les mesures nécessaires pour permettre une décroissance organisée et acceptée. La société dans laquelle nous vivons s’essouffle et le changement de civilisation nécessaire ne peut se faire que s’il y a une nécessité absolue et imminente. Pour l’heure, la plupart des personnes pensent à tort qu’il y a encore des marges de manœuvre.

     

    Comment allez-vous faire pour amener les politiques, les lobbies financiers et industriels de même que l’ensemble des syndicats de salariés qui sont dans une logique productiviste, à tenir compte de vos idées ?

    Nous sommes déjà invités dans des colloques sur le développement durable et les organisateurs qui nous accueillent sont bien conscients que le système ne fonctionne plus. Cette prise de conscience tend à une certaine schizophrénie notamment chez de nombreux cadres et dirigeants d’entreprises qui ont compris la situation. D’ailleurs, les partisans de la décroissance ne sont pas et ne seront pas en majorité issus des couches populaires mais plutôt des classes moyennes ou supérieures... malheureusement ! La décroissance a déjà commencé en Europe. Un pays comme la France a doublé sa capacité de production en vingt ans alors que l’on ne consomme pas deux fois plus.

     

    Les Objecteurs de Croissance ont-ils déjà réfléchi et produit un plan d’action pour mettre en place à court ou moyen terme les principes de la décroissance ?

    Nous ne sommes que des lanceurs d’alerte et actuellement notre discours est totalement inaudible. Nous faisons bien des propositions mais celles-ci ne pourront pas éviter LA catastrophe qui vient. Prenons le réchauffement climatique : si demain toutes les activités humaines produisant des gaz à effet de serre cessaient, les émissions de ces gaz dans l’atmosphère perdureraient, par simple effet mécanique, pendant un siècle. Nous pensons qu’il vaut mieux se préparer à l’après catastrophe, donc à l’après-développement.

     

    En cela vous êtes proches des propos de Claude Allègre qui considère que le meilleur moyen pour lutter contre le réchauffement climatique reste l’acquisition d’un ventilateur !

    Sa position est masochiste et de toute façon il ne croit pas en ce que nous disons. Les membres du GIEC3 considèrent que si aucune mesure n’est prise pour lutter contre la dégradation du climat, les conditions sur Terre se dégraderont si vite que l’Humanité sera en danger, avec un risque de disparition dans six ou huit générations. Alors que pourront y faire les ventilateurs de Claude Allègre ? Sa religion, c’est la science toute puissante, et il croit qu’elle est la solution alors que pour nous, elle est une partie du problème.

     

    Le débat sur la décroissance n’avait-il pas sa place au sein de la campagne présidentielle de 2007 qui a été très axée sur la valeur travail ?

    Nous avons participé à la campagne avec les antilibéraux et les altermondialistes. Nous pensions que la campagne avec José Bové nous permettrait de faire entendre nos idées, puisque nous étions enfin émancipé du PC et des Trotskistes, toujours dans une logique productiviste (création de richesses) bien que Besancenot commence à se poser quelques questions. Nous espérions faire une campagne à la Coluche où nous aurions exposé les véritables alternatives. Aborder autrement la notion de travail en remplaçant le salariat et proposer la mise en place d’un revenu universel4 permettant à chacun de vivre et d’exister, qu’il travaille ou non. La campagne avec José Bové nous reste en travers de la gorge car il n’y a eu que très peu de place pour les alternatives au système... et pour les OC. Nous avons pu intervenir à Nantes car il existe là-bas un groupe décroissance qui est actif. Sinon, on ne nous a pas permis d’intervenir lors de grands meetings comme à Toulouse, Bordeaux, Lyon...

    Aujourd’hui, nous pensons que la décroissance est le carburant qui peut faire repartir le moteur altermondialiste.

     

    objecteur de croissance 03Pourquoi vous a-t-on tenu à l’écart ?

    Nous avons découvert après la campagne que l’un des responsables de la communication de José Bové était l’un de ceux qui avait travaillé avec Jospin en 2002. La campagne de Bové était surtout destinée à ratisser large pour Ségolène Royal. Malgré tout, je n’en veux pas à José Bové pour tout ce qu’il a fait par le passé (action contre l’OMC, Larzac, lutte contre les OGM, participation à la marche pour la décroissance en 2005...), même s’il n’est pas très clair sur ses orientations politiques.

     

    Pourquoi un parti comme les Verts ne se fait-il pas l’écho de la décroissance ?

    A titre individuel, certains Verts comme Yves Cochet sont pour la décroissance. Mais au sein du parti, il n’y a aucun groupe organisé autour de ce thème. Globalement, ils soutiennent le développement durable (avec des nuances) et donc la continuation du système. Ils préfèrent lui apporter quelques modifications plutôt que de le remettre totalement en cause.

     

    Le déroulement des secondes rencontres d’Objecteurs de Croissance (OC) sur Royère-de-Vassivière a permis à des personnes qui ne se reconnaissent pas dans la logique productiviste dominante de se sentir moins seules. Toutefois, elles restent isolées à l’échelle du Limousin. Existe-t-il des groupes régionaux où des OC peuvent se retrouver et échanger ?

    Il y a un groupe qui existe sur Limoges mais rien n’est très organisé, les échanges et les contacts se font principalement par internet. Pour en savoir plus, il faut se rendre sur le site “décroissance.info” où doivent se trouver plus d’informations sur ce groupe.

     

    Peut-on participer à la décroissance quand on habite un territoire comme le Plateau de Millevaches où le quotidien nécessite de se déplacer en voiture ?

    Il va falloir revenir au local mais sans pour autant parler de société autarcique. Nous serons en relation par le biais de transports moins polluants mais les moyens de locomotion seront bien moins nombreux : fini le “bougisme”, même en Creuse !

    Nous devons déjà tendre vers la fin des transports trop gourmands (avion, voiture particulière, le tout camion...). Sous dix- quinze ans, nous devons passer d’une société mondialisée à une société relocalisée : produire et consommer local... ça peut rappeler un slogan des années 70 : Vivre et travailler au pays... l’histoire continue !

     

    Avez-vous atteint les objectifs que vous vous étiez fixés pour ces secondes rencontres des OC à Royère de Vassivière ?

    Oui, comme je l’ai déjà dit nous avons décidé d’être plus visibles dans le champ politique, notamment pour les élections européennes de 2009. Pour continuer la dynamique initiée lors de la campagne de José Bové nous allons œuvrer au rapprochement avec les altermondialistes. Une rencontre est fixée en octobre à Limoges et nous espérons bien lancer au niveau national un appel “de Limoges” comme nous avons lancé un appel “de Royère-de-Vassivière”.

     

    Propos recueillis par Frédéric Thomas

    1 decroissance.info, decroissance.org, convivialement.free, ROCADe
    2 : The entropy law and the economic process
    3 : GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
    4 : Revenu universel sur wikipédia
  • Que "Maudite soit la guerre" !

    maudite soit la guerreComme chaque 11 novembre depuis 1990 (à la veille de la première guerre du Golfe), à l’initiative du Comité laïque des Amis du Monument aux morts de Gentioux, il fut organisé un rassemblement devant ce fameux monument (plus ou moins unique en France) dont le petit écolier, le poing dressé, nous rappelle sans aucune ambiguïté que « Maudite soit la guerre ». Ce fut, encore une fois, l’occasion pour quelques centaines de pacifistes de tous horizons, Libre Pensée, Mouvement de la Paix, Fédération Anarchiste... de se retrouver et d’affirmer par différents discours leur dégoût de ces boucheries orchestrées par un ordre capitaliste dont l’avidité financière est sans limite.

     

    tardiLe rassemblement attire de plus en plus de personnes venant des différentes régions de France : il est devenu, au fil des ans, une sorte de symbole pour tous ceux qui ne se résignent pas à accepter une certaine « fatalité » guerrière. Il est suivi pour certains d’un dépôt de gerbe, à Royère-de-Vassivière, sur la tombe de Félix Baudy, « Fusillé pour l’exemple » en 1915 et d’un banquet. Pour d’autres dont les libertaires, c’est l’occasion d’organiser un « repas des partageux » au cours duquel, des liens anciens se renouent, de nouveaux se tissent, des projets s’élaborent...

     

    Francis Laveix

    A lire :
    Creuse 1917-1922, du Soviet de la Courtine au monument aux morts de Gentioux. (Fédération de la Creuse de la Libre Pensée – 1997).
    Histoire de Félix Baudy, maçon creusois syndicaliste – De Royère au peloton d’exécusion —.1880-1915. (Fédération de la Creuse de la Libre Pensée – 1999).
    Autour de monuments aux morts pacifistes en France (Fédération Nationale Laïque des Associations des Amis des Monuments Pacifistes, Républicains et Anticléricaux – 1999).

     

    La "fabrique" des fusillés

    Dans une conférence donnée à Guéret consacrée aux conséquences de la première guerre mondiale en Creuse, Jean-Luc Léger, professeur d'histoire à Guéret, est revenu sur le cas des deux soldats creusois fusillés pour l'exemple. Nous reproduisons ici cette partie de son intervention.

    soldatEn 1915, deux soldats creusois sont fusillés à Flirey pour refus d'obéissance face à l'ennemi. Il s'agit de Baudy et Prébost de Royère-de-Vassivière et Saint-Martin-Château. Que s'est-il passé à Flirey le 20 avril 1915 ? Si l'on se rend sur la tombe de F. Baudy à Royère, on peut lire sur une plaque : "les maçons et aides de Lyon et banlieue à leur ami Félix Baudy fusillé innocent le 30 avril 1915 à Flirey. Maudite soit la guerre. Maudits soient ses bourreaux. Félix Baudy n'est pas un lâche mais un martyr." Félix Baudy est né le 18 septembre 1881 à Royère, il est maçon à Lyon comme beaucoup de jeunes hommes du plateau quand la guerre éclate. Il est syndiqué à la CGT. Incorporé au 63ème R.I. en août 1914, il participe à plusieurs grandes batailles avant d'être affecté en Lorraine où l'Etat major veut réduire le saillant de Saint Mihiel. La 5ème Compagnie attaque les 4 et 5 avril subissant de lourdes pertes. Malgré la sanction contre les généraux ayant mal préparé l'offensive, le 19 avril, la 5ème Compagnie doit à nouveau passer à l'attaque au nord de Flirey. Les troupes protestent, des hommes refusent de partir à l'assaut clamant que ce n'est pas à leur tour d'attaquer encore et que l'artillerie française a mal réglé son tir. La hiérarchie militaire décide de punir ce refus d'obéissance.
    Chaque section de la 5ème Compagnie doit désigner deux soldats pour être jugés. Une section tire au sort F. Baudy, son lieutenant supplie qu'on l'épargne. Une autre section désigne Morange et Prébost, une autre Coulon et Fontareaud. La dernière refuse toute désignation.
    Un conseil de guerre spécial est mis en place (les conseils de guerre ont été créés par décret du 6 mars 1914. Trois juges seulement siègent. La procédure est accélérée. L'exécution de la peine doit intervenir au plus, 24 heures après la sentence. Aucun recours n'est possible. Seule peut intervenir la grâce présidentielle). Si Coulon est acquitté, les quatre autres soldats sont fusillés. L'émoi soulevé est si profond que quatre autres soldats déclarés coupables dans une autre compagnie obtiennent un sursis. F. Baudy et H. Prébost font partie des 600 fusillés pour l'exemple de la Grande Guerre. Le 21 avril 1921, une loi d'amnistie est votée. En 1922, le député Vallière de la Haute-Vienne obtient l'ouverture d'une enquête pour réunion du procès, en vain. En 1927, la justice confirme le jugement de 1915.
    En revanche, en 1934, le jugement est annulé grâce à la loi du 9 mars 1932 qui institue une Cour Spéciale de Justice Militaire qui peut réviser les jugements rendus par juridiction militaire pendant la guerre. Au-delà du cas Baudy et Prébost, le 63ème R.I. a peut-être souffert de sa réputation. Alain, dans ses souvenirs de guerre, faisait état d'une rumeur qui parlait du 63ème R.I. de Limoges comme un régiment "pourri de socialistes".
    Comme tous les fusillés de France leur sort a fait l'objet d'une intense activité mémorielle mais avec des temps d'oublis et d'autres périodes au contraire de retour dans la mémoire collective. Il y a eu en particulier deux moments forts durant lesquels les fusillés de la Grande Guerre, du moins certains, ont occupé une grande place dans les débats à l'échelle nationale ou locale : l'entre-deux guerres, période de réhabilitation progressive des fusillés, et les années 1990, en particulier après le discours du Premier Ministre en novembre 1998 lorsqu'il demande que les fusillés "réintègrent la mémoire collective nationale". Naît alors une mémoire officielle accompagnée d'un regain d'intérêt pour les fusillés, les mutins... comme le montre l'activité de la Libre pensée en Creuse autour du sort de Baudy et Prébost.
    Selon l'historien N. Offenstadt, "les fusillés acquièrent presque le statut de cause autonome (...) Leur mémoire semble se défendre pour elle-même sans se rattacher immédiatement à des enjeux majeurs du moment". En effet, "jusque là elle avait beaucoup servi la lutte pour la paix, les attaques contre la justice aux armées, contre l'ensemble des institutions militaires voire les sociétés bourgeoises et le système capitaliste". A. Brossat (qui analyse d'une certaine façon les confins de la mémoire, de l'histoire et de la repentance qui s'est emparée du pays depuis une dizaine d'années) conclut : "la politique mémorielle conserve une aura et une trompeuse apparence de neutralité, de désintéressement, de moralité qui en assure (provisoirement) l'efficacité. La mémoire institutionnalisée des crimes occupe, dans ces nouveaux dispositifs, une place de choix".

    Jean-Luc Léger
  • Rencontres RELIER

    Culture et ruralité au cœur des débats

    Une vingtaine d'associations dont IPNS préparent les rencontres nationales du réseau RELIER qui auront lieu sur le plateau, principalement à Royère-de-Vassivière, les 24, 25 et 26 septembre 2004. Thème de ce moment fort d'échanges et de débats : la culture. Présentation.

     

    Qu'est-ce que RELIER ?

    relierRELIER (Réseau d'Expérimentation et de Liaison des Initiatives en Espace Rural) est une association nationale qui organise périodiquement des rencontres rassemblant des acteurs du milieu rural (porteurs de projets, créateurs d'activités, animateurs, institutionnels... ). Ces rencontres veulent favoriser les moments d'échanges et de construction entre les personnes présentes, qu'elles soient porteuses de projets ou déjà à l'oeuvre sur leur territoire.

    En septembre 2003, l'équipe d'animation de RELIER a sollicité des acteurs du plateau de Millevaches sur la possibilité d'organiser ici des rencontres autour du thème de la culture en milieu rural. En effet, le Plateau de Millevaches et son vivier socioculturel et associatif apparaissait comme un lieu idéal pour accueillir ces rencontres.

     

    Quelle thématique ?

    Le thème central de ces rencontres sera la culture et son développement en milieu rural. Cinq ateliers (voir ci-dessous) se proposeront de travailler sur différentes questions : Quelles sont les spécificités rurales des questions culturelles ? Dans un contexte actuel plutôt défavorable aux acteurs culturels et aux artistes, est-il possible de vivre localement d'un métier culturel et d'être pleinement acteur économique sur son territoire ? Comment mettre en place une économie solidaire et partagée dans le secteur de la culture ?

     

    Qui participe ?

    100 à 150 personnes en provenance de toute la France sont attendues pour ce rendez-vous : porteurs de pro· jets, actifs dans les milieux artistiques et culturels ruraux, élus, personnes à la recherche d'informations et de connexions... et tous ceux qui localement se sentent concernés par ces questions.

    L'objectif est de favoriser la rencontre entre les nombreux artistes et porteurs de projets à vocation culturel· le présents sur le territoire, les publics, les élus, les programmateurs, les habitants... afin de chercher ensemble des pistes pour aider à développer les initiatives culturelles de toutes sortes dans l'espace rural. Il s'agit aussi de permettre un espace d'échange d'expériences où se retrouvent des personnes et des structures d'ici ou d'ailleurs.

    En cohérence avec le thème des rencontres le collectif d'organisation a fait le choix de proposer en parallèle aux ateliers et aux débats une programmation culturelle dans le cadre de trois jours de fête, de spectacles et de concerts.

     

    Pour tout renseignement sur les rencontres : Solenne Piriou 06 10 46 18 91 ou auprès d'IPNS. Par ailleurs un programme détaillé sera édité durant l'été et sera disponible sur les lieux des cinq ateliers ainsi qu'auprès des associations organisatrices.

     

     

    Les ateliers

    Ils auront lieu sur différents sites le samedi 25 septembre.

    Au Centre National d'Art et du Paysage (Vassivière) : Les publics

    Comment vivre une pratique artistique avec différents publics ? Comment créer les conditions d'une vraie rencontre ?

    Qui est maître d'œuvre de l'accès à la culture?

     

    A Contrechamps (Saint Julien le Petit) : Les démarches transversales

    Pourquoi et comment des "non-professionnels" de la culture (agriculteurs, artisans... ) développent-ils, au sein ou en parallèle de leur activité, une dimension culturelle? Comment des actifs ruraux peuvent-ils accueillir des artistes ? Avec quels statuts ?

     

    A Télé Millevaches (Faux-la-Montagne) : Les réseaux culturels

    Comment le travail en réseau et la solidarité peuvent construire une nouvelle économie de la culture ? Comment compléter l'existant, par le biais d'échange de savoirs et par la mutualisation de matériels ou le développement de pratiques de troc ?

     

    Au Bar-boutique l'Atelier (Royère) : Les lieux culturels

    Comment des lieux qui n'ont pas a priori une vocation culturelle peuvent-ils le devenir ? Et quels échanges peut-on imaginer avec des lieux "labellisés" ?

     

    A la Librairie - galerie d'art "Passe temps" (Eymoutiers): Entre compromis et résistances

    Comment affirmer des choix culturels tout en assurant l'insertion dans le territoire et la viabilité économique d'un projet ? Quelles cohabitations entre des groupes culturels différents sur un même territoire ?

     

    Le lendemain matin, dimanche 26 septembre 2004 aura lieu un débat général centré sur la question très vaste : "Comment vivre d'une activité culturelle en milieu rural ?" . Avec différents témoignages.

  • Saveurs buissonnières

    Dans le cadre des nouvelles installations sur le Plateau de Millevaches, nous découvrons dans ce numéro d'IPNS, Agnès et Dominique Diss qui se sont établis à Royère-de-Vassivière pour ouvrir un restaurant dans le village des Bordes.

     

    Jeune couple bien sous tout rapport

    saveurs buissonnieresAgnès et Dominique Diss n'en font pas un fromage, mais ils se sont rencontrés en Gruyère. Vous avez un trou ? Il s'agit de la charmante vallée suisse du canton de Fribourg. Nos amis, nouveaux arrivants du Plateau de Millevaches n'en sont pas pour autant helvètes. Agnès est originaire de Bretagne et Dominique d'Alsace. Dans son genre, Agnès est une Crach, petite commune du Morbihan à une dizaine de kilomètres des alignements mégalithiques de Carnac et du Golfe du Morbihan. Dominique, lui, importe son léger accent alsacien du Haut-Rhin. Cet homme là s'est beaucoup déplacé au cours de son apprentissage de cuisinier. Il a fréquenté entre autres lieux : Paris, la Suisse et la Loire-Atlantique. Agnès aussi a connu la mobilité dans ses emplois : le transport, l'import-export et le métier de serveuse. Mais c'est au pays de Guillaume Tell que ces deux là ont croqué la pomme. Ils se sont rencontrés dans un restaurant de plantes aromatiques sauvages où ils travaillaient tous deux et y ont décidé de pimenter leur vie.



    De l'Atlantique à Vassivière

    A la suite d'une recherche pour monter un restaurant en Loire-Atlantique, ils sont arrivés l'année dernière pour concrétiser leur projet sur la commune de Royère-de-Vassivière. Entre-temps une annonce dans le mensuel "Village", pour la reprise d'un restaurant sur le Plateau de Millevaches, avait attiré leur attention. Avec les genêts et le granit, Agnès trouve ici des résonances avec son pays breton. Dominique quant à lui, ressent une adéquation entre sa cuisine et la nature environnante. Bref, si Agnès aime la Bretagne et Dominique les Vosges, le Plateau de Millevaches semble les satisfaire pleinement. Si la vie ici est présupposée  âpre et rigoureuse, si la froidure du premier hiver passé par ce jeune couple a vérifié cette impression, de nombreux contacts avec les habitants et un bon accueil du voisinage ont constitué une agréable surprise apte à réchauffer la maison. Dans la terre froide et pauvre qu'ils s'attendaient à trouver et qu'ils ont effectivement rencontrée, ils ont  découvert une pépite : des femmes et des hommes accueillants. Ils en parlent comme un "plus",  en quelque sorte le "bonus" à leur installation.

    Notre couple a débroussaillé, peint, mais aussi, décapé et  rénové la salle où 20 couverts sont servis. Pour cela l'aide spontanée des gens alentours leur a été à la fois précieuse dans l'avancée de leur projet et revigorante pour le mental. "Naturellement, nous nous étions dit que ce serait nos amis qui viendraient nous donner le coup de main; et les gens d'ici sont venus en nombre nous aider" Côté institutionnel, Agnès et Dominique, dans un élan de satisfaction saluent leurs bonnes relations avec la commune, la Chambre de Commerce et la Direction des Services Vétérinaires. Ils ont déposé un dossier pour bénéficier d'une aide sur le budget du programme européen "Leader +". Enfin, ils devraient bénéficier d'une aide de la Région Limousin qui offre une prime au déménagement de 3000 Euros pour ceux qui s'installent et créent une entreprise.

     

    Non pas Troisgros mais Diss

    Dominique est cuisinier, il a œuvré au sein de grands restaurants, travaillé avec de grands chefs. S'il est discret sur le sujet, il ne serait pas étonnant que certains fussent étoilés ou au niveau de l'être. Au-delà de ces supputations, une certitude, Dominique propose une cuisine simple et naturelle. C'est peut-être d'avoir côtoyé de grandes toques où restauration peut devenir le prétexte à un challenge permanent illimité, bien au delà des préoccupations culinaires, que Dominique s'oriente résolument vers la simplicité, ce qui n'exclut d'ailleurs aucunement la belle ouvrage. Avec du pain fabriqué maison, des plantes aromatiques cultivées sur place pour agrémenter leurs plats, ils mériteront sans nul doute leur nom : "Saveurs buissonnières".

    Remy Cholat
  • Va Lavoir si tu y es !

    À Royère-de-Vassivière, le vieil hôtel du Lavoir était à l’abandon depuis des années. Une ruine au milieu du bourg... Début juillet 2020, un groupe de jeunes décide de lui redonner vie, s’y installe et y projette de multiples choses. Pour le moment, elles et ils ont surtout nettoyé, réparé, assaini, amélioré un bâtiment dont plus personne, y compris sa propriétaire, ne s’occupait. IPNS leur a demandé de se présenter.

     

    Les premier.es d’entre nous ont débarqué un peu par hasard à Royère-de-Vassivière, le dernier jour de neige de février 2020. D’autres ami.es, rencontré.es dans de précédentes aventures collectives, sont arrivé.es au fil des mois. Fatigué.es des tournures que prenaient nos vies, en ville ou dans des campagnes-dortoirs, nous avons été attiré.es par les échos nous parvenant de ce coin du Limousin. Leur voyage jusqu’à nos oreilles ne les avait pas déformées, et nous avons donc cherché un endroit où nous installer ensemble.

     

    hotel lavoir

     

    Avoir le lavoir

    Pourtant située à trois jets de pierre de l’église de Royère-de-Vassivière, l’impasse de la rue du Lavoir n’est guère animée, sauf quand des voitures viennent y effectuer leur demi-tour. Lorsqu’on s’y promène, on remarque de loin une grande bâtisse un peu défraîchie : elle arbore encore son passé de bar sur le linteau de l’entrée. Comme d’autres bâtiments du centre-bourg aujourd’hui vacants, cette inscription gravée dans la pierre nous ramène à une époque où nous n’aurions pas eu assez de nos deux mains pour compter les bars du village. Au gré des rencontres et discussions avec les gens du bourg, l’histoire contrastée de ce bâtiment abandonné dans la rue du Lavoir se dévoile : salle de bal, hôtel, restaurant, bar, et finalement accueil d’enfants placés. Le départ précipité de la famille d’accueil ouvre une période de vacance d’une dizaine d’années, jusqu’à ce que nous entrions en juin dernier par la porte du garage, restée par chance entre-ouverte.

     

    Un choix réfléchi

    Nous avons en effet décidé de nous y installer sans demander d’autorisation préalable à la propriétaire actuelle. Cette appropriation du lieu – qui, tant qu’elle n’était pas faite, ne permettait pas de se présenter avant aux habitant.es – a dû sembler brutale et inappropriée à certain.es, comme nous avons pu le comprendre lors de plusieurs échanges. Nous espérons que nos recettes de gâteaux, et le temps qui passe, ont pu adoucir les plus réticent.es. Cette méthode d’installation est pour notre part un choix réfléchi, qui nous paraissait pertinent pour plusieurs raisons.

    Tout d’abord, il est compliqué de trouver de grandes maisons à louer sur le plateau de Millevaches, et les propriétaires de maisons inhabitées n’ont souvent ni l’envie ni le besoin de faire les démarches pour mettre leur bien en location. Cela peut se comprendre vu le faible loyer qu’ils toucheraient, mais c’est au risque du vide et de la détérioration progressive des centres-bourgs ou des villages, comme le montre la brochure sur les biens vacants du syndicat de la Montagne limousine, ou comme nous pouvons le constater nous-mêmes. Il y a plusieurs dizaines d’années s’élevaient juste derrière chez nous deux belles maisons en pierre. Aujourd’hui les bouleaux poussent au travers, et quand il vente un peu fort, des pierres en tombent dans un bruit sourd...

    Ensuite, nous avions déjà eu quelques expériences de ce type en ville, et nous avons eu envie d’essayer dans le centre-bourg d’un village pour côtoyer et parler avec des personnes qui ne sont pas forcément habituées à ces pratiques, pour essayer de changer l’idée que l’on s’en fait.

     

    On va bien (la)voir

    Durant ces premiers mois, nous avons principalement été occupé.es à vider, nettoyer et aménager les différents étages du bâtiment, afin de pouvoir passer l’hiver sereinement. Nous en profitons pour remercier ici les nombreuses personnes qui sont venues spontanément nous déposer du matériel, et celles qui nous rendent service au quotidien. En dehors de nos activités à l’hôtel du Lavoir, nous avons essayé de donner des coups de main le plus largement possible pour rencontrer les gens qui habitent autour de nous. Nous sommes très loin de connaître tout le monde, alors n’hésitez pas à nous contacter ou à passer nous dire bonjour !

    Au fil de ces quelques mois, nous nous sommes attaché.es au bâtiment, aux villages alentours et à celles et ceux qui les peuplent. Notre collectif s’est formé en investissant l’ancien hôtel de la rue du Lavoir et son occupation nous a permis d’imaginer quels en pourraient être les futurs usages. Nous aimerions y rester pour construire un espace de logements et d’activités collectives sur le long terme, comme cela peut se voir ailleurs sur le plateau de Millevaches ou au-delà. Le bâtiment et ses différents espaces offrent en effet de belles possibilités. Les étages seraient des habitations. Nous aimerions venir en aide à des gens qui, comme nous, se confronteraient au manque de logement sur le territoire et auraient besoin d’un endroit où atterrir, sur le court ou moyen terme. L’architecture intérieure de cet ancien hôtel nous permettrait de garder des chambres au deuxième étage, ainsi que plusieurs dortoirs et des espaces de vie commune pour les résident.es au premier étage.

     

    Ouvert au public

    Le rez-de-chaussée serait ouvert au public. La plus grande salle servirait aux personnes ou associations souhaitant y organiser des activités récurrentes ou des événements (réunions publiques, projections de films, cantines, vide-greniers...). Les autres espaces pourraient accueillir différents services, le premier étant l’installation d’une laverie. Nous voudrions aussi proposer un point d’accès internet avec des ordinateurs en libre accès ainsi que des temps d’initiation et d’aide à l’usage des outils informatiques. Il reste de la place pour d’autres envies et besoins, à définir avec celles et ceux qui souhaitent s’y investir. Pour pouvoir construire cela, nous ambitionnons de pérenniser notre installation par un rachat du bâtiment via des structures déjà existantes, comme par exemple l’Arban. Cette possibilité est bien sûr soumise au bon vouloir de l’actuelle propriétaire du bâtiment. S’ouvrirait alors une période relativement conséquente de travaux avant d’aboutir à ce que nous venons de décrire, mais nous sommes prêt.es à nous retrousser les manches pendant plusieurs années !

     

    Les habitant.es du lavoir

     

    Un film sur l’hôtel du Lavoir

    En parallèle à leur installation, les habitant.es de l’hôtel du Lavoir se sont engagé.es dans la production d’un petit film sur les différentes vies du bâtiment. Aussi, elles et ils sont à la recherche de tous les récits, photos ou vidéos qui leur permettraient de raconter son histoire. Vous pouvez les contacter par mail (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) ou en leur laissant un mot dans la boîte aux lettres du 4 rue du Lavoir.
  • Vers un Emmaüs sur la Montagne limousine

    emmausDepuis plusieurs années, le projet de mieux structurer l'accueil des exilés chez nous est porté par différents groupes sur le Plateau, à Felletin, Tarnac, Royère, Peyrelevade, Eymoutiers, Faux-la-Montagne... Une partie de ceux-ci se retrouve aujourd'hui autour de la création d'un organisme d'accueil communautaire et d'activités solidaires (Oacas) qui prendrait la forme d'un Emmaüs. Explications des porteur.se.s du projet.

     

    Comment ce projet est-il né ?

    Le groupe Exilé·es du Syndicat de la Montagne limousine se crée en novembre 2020 et met en lien une dizaine de structures d'accueil d'exilé.es sur le territoire. Il se réunit régulièrement afin de mettre en commun ses réflexions sur l'accueil et les difficultés rencontrées comme l'obtention de titres de séjour, l'isolement des personnes accueillies par leur interdiction d'accès au travail, la nécessité d'une autonomie financière et leur envie pour la plupart d'activités régulières. Émerge alors l'idée de monter une structure à l’échelle du territoire pour fédérer ce qui existe déjà en partie de manière informelle mais aussi pour consolider l’accueil, répondre aux difficultés rencontrées et permettre une protection aux exilé.es. En mai 2022, une quinzaine de membres du groupe Exilé·es du Syndicat font un voyage d'étude à la rencontre de différentes structures d’accueil en France qui ont l'agrément Oacas pour mieux comprendre en quoi consiste cet agrément et ce qu'il pourrait nous apporter. Cela mène le groupe jusque dans la vallée de la Roya (où une ferme des Alpes-Maritimes a rejoint le réseau Emmaüs), avec notamment des étapes aux Restos du cœur Vogue la galère (à Aubagne), au Mas de Granier (une coopérative Longo Maï des Bouches-du-Rhône) et à l’Après M (un ancien Mc Do récupéré par ses salarié·es à Marseille). Suite à ce voyage, la quinzaine de personnes actives dans le groupe Exilé.es décide de devenir un groupe pilote et de travailler au montage et à la réalisation d'une structure d'accueil commune disposant de l'agrément Oacas.

     

    Mais pourquoi vous intéresser à cette formule Oacas ? Qu'apporte-elle de particulier ?

    Proposer aux personnes exilé.e.s de faire partie d’un Oacas/Emmaüs permet de leur offrir un cadre sécure au sein duquel elles pourront bénéficier à la fois d’activités régulières formant à un ou des métiers, d’un accompagnement administratif et juridique (obligatoire au sein d’un Oacas), de cours de français, d’une vie et d’un réseau communautaires.
    En plus de cela, trois ans passés au sein d’un Oacas peuvent constituer un atout majeur dans la demande de régularisation effectuée à l’issue de cette période, même si l’obtention d’un titre n’est pas automatique.

     

    Aujourd'hui où en êtes-vous ?

    En 2022, nous décidons de rejoindre les communautés Emmaüs parce qu’on partage les valeurs de ce mouvement international et que notre projet est en adéquation avec celles-ci : lutte contre l’exclusion et la pauvreté, solidarité, accueil inconditionnel. Des valeurs que nous portons sur notre territoire depuis la création de nos associations et parce que nous sommes déjà en contact avec d’autres communautés Emmaüs qui ont des projets similaires et que nous avons envie de pouvoir co-construire avec elles. Mais on ne devient pas Emmaüs par une simple adhésion. Avant cela, il y a une période probatoire qui dure deux ans avant d'être officiellement reconnu comme une communauté Emmaüs.

     

    groupe emmaus

     

    De par leur fondateur, l'abbé Pierre, les communautés Emmaüs sont-elles confessionnelles ?

    Les communautés Emmaüs ne sont subordonnées à aucune autorité spirituelle, religieuse ou autre, même si son fondateur était d’obédience chrétienne. Il s’agit avant tout d’un mouvement laïque dont l’accueil se veut inconditionnel, pour que toute personne puisse trouver une place dans la communauté quelque soit son parcours, son origine, sa situation administrative, ou sa religion.

     

    Plusieurs communautés Emmaüs ont été récemment critiquées pour la manière dont elles traitent les compagnes et compagnons qu'elles accueillent. Qu'en pensez-vous ?

    Il est important de savoir que chacune des 122 communautés Emmaüs qui existent en France actuellement est indépendante dans ses choix de gestion économique et sociale. Pour notre part nous désapprouvons les pratiques contraires aux valeurs du mouvement Emmaüs qui sont appliquées dans certaines communautés mises en lumière récemment. Le statut Oacas est un agrément qui est censé protéger les personnes et non les rendre esclaves d’un système. Les compagnes et compagnons d’Emmaüs participent à des activités solidaires et à la vie des communautés, non à un travail salarié. Nos réflexions concernant la participation aux activités des personnes accueillies ne sont pas encore finalisées dans les formes, mais nous sommes d'avis que l'objectif premier réside dans le fait de mettre en place un accompagnement personnalisé de chaque personne en fonction de ses besoins. D'ores et déjà, nous sommes particulièrement attentif.ve.s à la qualité des liens entre ceux et celles qui accueillent et qui sont accueillies. Nous avons le souhait d'élaborer le cadre de notre structure avec les personnes accueillies, de le penser ensemble. Un groupe de soutien psychologique qui existe déjà en lien avec des professionnel.le.s du soin au niveau local pourrait par ailleurs créer une cellule d'écoute et de suivi psychologique auprès des personnes accueillies et nous prévoyons d'embaucher un ou une psychologue.

     

    shema emmaus

     

    Concrètement que sera la communauté Emmaüs de la Montagne limousine ?

    Il s'agira d'une communauté agricole destinée à accueillir dignement et durablement des personnes exilé.es sans papiers. Ce sera une structure à l'image de notre territoire à la dynamique forte et à la géographie éclatée, une entité qui réunira trois lieux d’hébergements (à Tarnac, Faux-la-Montagne et Felletin) où se dérouleront des activités solidaires agricoles : une conserverie (en création avec des apports alimentaire des producteurs locaux), une cantine solidaire (en réflexion), du maraîchage (sur des terres cultivées en sol vivant depuis 15 ans et vendant en circuit court) et d’autres activités comme une pépinière (en cours de création), une boulangerie (pain au levain dans un fournil en marche depuis plus de 15 ans), de la menuiserie, des activités dans le bâtiment (rénovation en chantier solidaire encadré par des professionnels), des activités avec la ressourcerie Court-Circuit de Felletin, etc. Comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, il y aura des liens constants entre ces trois lieux et leurs activités.

     

    Combien de personnes pourront être accueillies ?

    Nous souhaitons accueillir 5 personnes au début, puis monter jusqu’à 15. Nous sommes actuellement en train d'acquérir une maison à Tarnac qui sera à la fois un lieu d'hébergement, lieu des activités de conserverie et de cantine solidaire, et un lieu d'événements communautaires.

     

    Vous pouvez nous en dire plus sur le projet de conserverie ?

    Des productions locales de légumes mais aussi des récoltes issues du glanage, une fois transformées, permettront de proposer un certain nombre de produits (jus, confitures, tartinades, chutneys, etc) au profit de l’association. Des entretiens sont en cours avec les producteurs et productrices de la Montagne limousine pour connaître leurs besoins et l’utilité que présenterait la conserverie pour leur activité. En effet, pour les artisan.e.s qui le souhaitent, un service de transformation personnalisé sera proposé.

     

    Quelles sont donc les prochaines étapes ?

    Nous sommes dans la phase de mise en œuvre du projet. Suite à un accompagnement du DLA (Dispositif Local d’Accompagnement), nous avons consolidé les budgets de fonctionnement et réalisé la charte et règlement intérieur de la structure. La prochaine étape, en janvier 2024, est l'achat de la maison communautaire à Tarnac. Nous y ferons ensuite des travaux pour pouvoir accueillir en septembre 2024 les premiers compas et mettre réellement en place la communauté. Aujourd'hui, notre priorité est de finaliser le financement de l'achat de la maison pour un montant de 180 000 € environ (frais de notaire et d'agence inclus) et pour cela nous avons lancé un appel à dons qui est toujours ouvert ! Des fondations nous soutiennent mais nous avons encore besoin d'apports pour boucler le budget en particulier pour financer les travaux qui suivront l'achat.

     

    Comment aider, soutenir, devenir bénévole ?

    > Faire un don sur la campagne Hello Asso : https://www.helloasso.com/associations/montagne-accueil-solidarite-de-peyrelevade
    > Rejoindre la page Facebook : https://www.facebook.com/MontagneAccueilSolidarite
  • Y-a-t-il une alternative à l'élevage industriel ?

    porc bioIl y a quelques mois, l'annonce d'un projet de porcherie sur la commune de Royère-de-Vassivière, au Villard, a vite suscité des craintes dont nous nous sommes fait l'écho dans notre dernier numéro. Ce projet n'est pas le seul à voir le jour en Limousin. Une coopérative de l'agro-alimentaire, la coopérative Cyrhio, est souvent derrière ces projets. On comprend son intérêt : développer dans des régions non encore sur-polluées comme la Bretagne, de nouvelles porcheries qui seraient plus « acceptables ». On peut se demander ce qui pousse des agriculteurs comme ceux de Royère, par ailleurs renommés dans l'élevage de bovins reproducteurs, à se tourner vers un tel projet. Nous avons cherché à comprendre cela en soumettant cette question à un paysan membre de la Confédération paysanne, Olivier Thouret, et à un ancien éleveur, Jérôme Orvain. Pour autant, et quelles que soient les éventuelles « bonnes raisons » qui peuvent expliquer un tel choix, il n'en demeure pas moins qu'un tel projet génère des effets sur l'environnement, les eaux, le voisinage. Sans compter qu'il incarne un modèle de développement qui regarde plutôt vers hier que vers demain. Comme l'explique Michel Bernard, en se basant sur l'étude d'un projet similaire (celui de Giat dans le Puy-de-Dôme), le modèle industriel annonce des catastrophes. Ne devrait-on pas déjà le savoir ?

     

    Avec le modèle industriel c'est la catastrophe annoncée !

    Le dossier du projet de porcherie de Royère n'est pas encore public à ce jour. Il ne pourra l'être que lorsque son étude administrative en préfecture sera terminée. À Giat, dans le Puy-de-Dôme, existe un projet similaire qui est très largement contesté. Il concerne l'élevage de 1000 porcs (contre 1200 dans le projet de Royère). C'est en comparant les deux projets à partir de l'analyse du dossier de Giat par différentes associations, que Michel Bernard montre les effets dévastateurs d'une porcherie industrielle.

     

    porcherie le villard

     

    Critiquer le projet de Royère n'est pas s'attaquer aux agriculteurs qui le portent, mais c'est s'attaquer à un modèle : celui de l'agriculture industrielle. De tels projets relèvent d’une vision dépassée de l’agriculture et ne correspondent plus à notre époque, ses besoins et ses contraintes. Les cochons y sont tout sauf en villégiature. Confinés, disposant de moins de 1 m² de superficie au sol par individu, les 1 200 bêtes (400 en post sevrage et 800 en engraissement) ne verront jamais la lumière du jour. Dans un flyer de présentation, les promoteurs du projet expliquent : « Le bâtiment d’élevage sera situé à plus de 230 m du tiers le plus proche. Il a été positionné de manière à être en dehors des vents dominants. » Vaste fumisterie quant on connaît les conditions météorologiques de ces dernières années : régulièrement des vents forts d’est et de nord avec des modifications imprévisibles.

     

    Une menace sur la ressource en eau

    Ces dernières années, comme en attestent les différents arrêtés sécheresse pris dans les départements limousins, nous avons été fortement touchés par le manque d'eau. Avec un tel projet, le réseau d'eau potable devra fournir un prélèvement supplémentaire de plus de 2 500 m3 annuels pour la consommation des porcs (selon la coopérative Cirhyo). Il faut y ajouter les eaux de lavage (prélevées sur le réseau d’eau potable, ce qui constitue une hérésie en matière économique comme en matière de préservation des ressources naturelles...). Le réseau aura-t-il les capacités suffisantes pour éviter les coupures d'eau aux habitants en période d’étiage ? Quelles sont les fréquences de lavage, les quantités d’eaux sales produites et leur traitement ?

     

    Épandage du lisier

    Le lisier de porcs est un effluent d’élevage sous forme liquide, très chargé en azote (ammoniacale et organique). Il sera épandu sur des parcelles agricoles, en l'occurence 266 hectares répartis sur les communes de Gentioux, Faux-la-Montagne et Royère-de-Vassivière. Il est considéré comme un engrais « naturel » malgré les produits chimiques qu’il peut contenir (produits de traitement et de nettoyage, médicaments vétérinaires...). Selon des calculs effectués à partir de données issues de la littérature (http://ifip.asso.fr) la quantité annuelle de lisier produite est d’environ 2000 m³ (1380 m³ selon Cirhyo). Cette estimation impacte en cascade le dimensionnement des cuves en sous-sol des bâtiments ainsi que les quantités à épandre sur les zones prévues à cet effet.
    Les zones d’épandage prévues ont-elles fait préalablement l’objet d’une étude géologique et de lixiviation (entraînement par l'eau des nutriments sous forme dissoute : les nitrates) pour s’assurer de l’absence de poches de rétention et (ou) de possibilités d’infiltration des eaux souterraines pouvant générer des pollutions ? Qu’en est-il de la pollution éventuelle du ruisseau du Mazeau qui va directement dans le Lac de Vassivière et quid de la station de pompage situé 400 m plus bas ? Pierre Ferrand et André Leycure (créateurs du Symiva, Lac de Vassivière, dans les années 1960) s’étaient engagés à l'époque à ne pas implanter de station d’épuration dans le bassin versant du lac pour éviter toute pollution. Là ce n’est pas une station, ce seront directement les effluents qui iront dans le lac !
    Quid des substances retrouvées dans les effluents et du risque de contamination des cours d’eau ? Les épandages étant prévus sur des communes du Parc naturel régional de Millevaches, le projet prend-il en compte les recommandations spécifiques au PNR ?

     

    modele economique porc industrie

     

    Action chimique du lisier de porc sur l’environnement

    Les nitrates, phase ultime de la transformation de l’azote, sont soit absorbés par les plantes, soit rejoignent, par ruissellement ou pénétration, les ruisseaux ou les nappes phréatiques. Faut-il rappeler les impacts redoutables des nitrates sur la qualité de l’eau ? En Bretagne, terre d’élevage de porcs, plus de 30 % des ressources en eau sont devenues impropres à la consommation. L’excès de nitrate dans l’eau provoque un phénomène : l’eutrophisation, qui est un excédent de nutriments dans un milieu. Une trop grande quantité de nitrates entraîne une croissance excessive de certaines plantes, algues et certaines cyanobactéries toxiques asphyxiant l’écosystème. L’apport excessif de nitrates agricoles est la première cause d’eutrophisation.
    Rappelons que ces dernières années des lacs du Plateau ont été interdits à la baignade suite à la prolifération de cyanobactéries ou d'algues. Ayant déjà une eau très acide, la grande solubilité des nitrates dans l’eau accélèrera davantage l’acidification des cours d’eau. Ceux-ci pourront-ils supporter l'apport engendré par l'épandage du lisier ? Quelle sera la conséquence sur le milieu aquatique ? Il en va de même des zones humides, certes petites, mais néanmoins importantes par leur rôle, et situées à proximité des zones d’épandage.
    L’impact sur les milieux aquatiques en aval est donc loin d’être inexistant. Les nitrates entraînent des réactions chimiques amenant à la création de molécules d’acides sulfuriques et nitriques. Cela augmente la concentration d’aluminium et de certains métaux lourds impactant très négativement le développement de la flore et de la faune aquatiques, avec également des conséquences sur le traitement des eaux et donc des coûts supplémentaires pour les collectivités.

     

    Pollution et contamination biologique

    Il est également important de tenir compte des autres polluants : antibiotiques, produits d’hygiène, dératisation… et de leurs conséquences sur les sols, les eaux, la faune et la flore sur le long terme. Rappelons que beaucoup de stations de production d'eau potable ne sont pas suffisamment équipées pour arrêter ces polluants et contaminations biologiques. Par ailleurs, ce type d'élevage étant plus sensible aux maladies, le risque de contamination par des virus (peste ovine africaine par exemple) ou des bactéries et de leur propagation est accrue.

     

    Un modèle économique obsolète

    En fait, on se retrouve ici devant une nouvelle tendance de l’agriculture, déjà connue par les chauffeurs de taxi ou les livreurs à vélo : l’ubérisation. L’agriculteur a un statut d’indépendant. C’est lui qui fait les investissements financiers, c’est lui qui travaille, mais il ne maîtrise ni ce qu’il achète ni ce qu’il vend. Et comme il produit du bas de gamme, il se retrouve directement confronté au marché mondial, avec ses variations et ses accords de libre-échange avec le Brésil ou le Canada. Et c’est Cirhyo, la coopérative acheteuse, qui décide des prix.
    D’autre part, le comportement des consommateurs en France évolue fortement depuis une dizaine d’années à travers deux nouveaux schémas : la recherche de qualité et le changement de régime alimentaire. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici le développement des circuits courts de distribution, allié à la recherche d’une alimentation saine liée à une labellisation de l’agriculture biologique. Les élevages type Cyrhio correspondent au modèle triomphant des années 1980, en forte régression depuis. Les agriculteurs vont s’endetter fortement sur de longues années pour développer la production sur un marché en récession au niveau européen. Où est la logique ?
    Concernant le système d’élevage choisi, il est en radicale contradiction avec les attentes des consommateurs qui recherchent aujourd’hui des produits de qualité. Or nous savons que la densité et les conditions sanitaires dans ce type d’élevage industriel induisent l’utilisation massive de produits pharmaceutiques qui se retrouvent dans la viande et dans l'eau.

     

    Un danger majeur pour le tourisme local

    La Creuse souffre depuis longtemps d’un solde démographique négatif que toutes les politiques entreprises jusqu’ici n'ont pas compensé. La crise actuelle a conduit une forte population urbaine à réfléchir sur son mode de vie. On l’a vu au cours de l’été 2020, de nombreuses maisons ont trouvé preneurs. Une population nouvelle souhaite un territoire pourvu de qualités environnementales fortes (air, eau, alimentation, paysages) avec des services de proximité et des expériences de bon voisinage. C’est l’opportunité que la Creuse, et le Limousin en général, n’espérait plus. Ce type de projet va à l’encontre du développement tel qu’il est maintenant possible sur nos territoires de petite montagne. C’est la politique de la terre brûlée, de tels projets ayant aujourd’hui tendance à se multiplier et les épandages vont créer des nuisances olfactives régulières et récurrentes.

     

    Destruction d'emplois locaux

    Le projet de Royère ne va pas créer d'emploi sur notre territoire. Il va même en détruire. En effet, sur le hameau du Villard, à 300 m du bâtiment d’élevage, est installée depuis 50 ans l’association les Plateaux Limousins, qui œuvre sur le territoire pour l’accueil de publics divers et qui emploie 5 salariés. Comment cette association pourra-t-elle continuer son activité et maintenir ces emplois ? Quels touristes accepteront de venir passer un séjour dans les odeurs d'une porcherie ?
    Le type d’exploitation proposé par la coopérative Cirhyo repose sur une relation contractuelle exclusive entre la coopérative et l’agriculteur. Celui-ci achète les porcs et la nourriture à la coopérative, qui rachète les bêtes à l’issue de l’engraissage. L’agriculteur n’a pas de garantie si les prix fluctuent à la baisse. L’agriculteur qui a investit (ce n’est pas Cirhyo qui paie son installation) se retrouvera dans un marché en surproduction, avec des dettes.
    Toute la chaîne de traitement (abattage, découpage, transformation…) se trouve ainsi délocalisée.
    Ce sont des emplois directs qui sont ainsi perdus pour notre département qui se retrouve à ne fournir que de la matière première, comme le ferait un pays en voie de développement. Or la richesse vient de la création de valeur et, ici, du découpage puis de la transformation du porc. Les bouchers, le personnel de cuisine, les conserveries et unités de salaisons sont tous déportés ailleurs.

     

    sauvons eau stoppons les fermes usines

     

    Maltraitance animale

    En France, 95 % des cochons sont élevés selon le modèle le plus intensif : une vie sur du béton ou des caillebotis sans paille ni accès à l’extérieur, des truies encagées, des verrats isolés toute leur vie… À peine âgés de 7 jours, les porcelets subissent trois mutilations extrêmement douloureuses : la coupe de la queue, l’épointage des dents et, pour les mâles, la castration.1
    Les 1200 porcs seront enfermés dans un bâtiment, sans aucun accès à l’extérieur, si ce projet voit le jour. Chaque animal disposera donc de moins de 1 m². Avec des cycles d'engraissement de 111 jours en moyenne avant le départ à l'abattoir (Ifip, 2007), ce sont plusieurs milliers de porcs qui seront exploités chaque année. Les animaux seront élevés sur caillebotis intégral, une technique particulièrement mauvaise selon le docteur Anne Vonesch et Sébastien Rigal, du collectif « Plein air ». À l’origine de détresse, un tel sol est inconfortable à l’appui, favorise les lésions et les boiteries, n’assure aucun confort (ni physique ni thermique) au repos et expose les animaux aux émissions d’ammoniac des déjections stockées dans les fosses situées au-dessous (Vonesch & Rigal, 2015).
    Les maladies qui se développent dans l’élevage engendrent une surconsommation de médicaments : antibiotiques, antiparasitaires, mais aussi de plus en plus de probiotiques, divers additifs, etc., et beaucoup de vaccins et désinfectants servant à pérenniser le système industriel (Vonesch & coll., 2010). Remarquons que dans un passé récent, 33% des antibiotiques vendus en élevage ont été destinés aux porcs, avec 50 mg par kg de poids vif (Anses, 2020)2. Ceux-ci peuvent se retrouver, sous forme de résidus, dans la viande consommée et les effluents d’élevage, avec à la clé le risque de développement de résistance microbienne ou d’antibiorésistance en matière de santé humaine.

     

    Augmentation du trafic poids lourds

    Toujours dans le flyer de présentation du projet le trafic poids lourds est estimé à 52 camions par an (arrivée + livraison d’aliment). On peut penser que ce chiffre est largement sous-estimé (sans doute pour ne pas effrayer), car si nous prenons l’exemple du dossier du Gaec Le Breuil déposé en Creuse en avril 2021 (1000 équivalents/porcs), l'estimation est d'une livraison de céréales de 2 semi-remorques par jour auxquels il faut ajouter les autres livraisons... Ce trafic supplémentaire nécessitera un entretien renforcé de la voirie, à la charge de la commune et du département (pour rappel, on estime qu’un poids-lourd abîme autant la chaussée que le passage de 45 000 voitures).

    D'autres méthodes d'élevage existent et ont fait leurs preuves. Dans un objectif de diversification de l'élevage bovin, mais pas de spécialisation pour autant, notre territoire peut accueillir des élevages paysans de porcins en agriculture plus respectueuse. Selon les sondages, 89 % des Français se déclarent opposés à de tels élevages de porcs. Notre région, géologiquement proche du Massif armoricain ne doit pas devenir une deuxième Bretagne avec les mêmes problématiques sur l'eau et les sols. Ces problématiques ont un coût financier très élevé pour la collectivité quand il s'agit ensuite de remédier aux problèmes ainsi créés.
    L'agriculture en général et notre département en particulier ont des atouts pour une alimentation de qualité dans des conditions respectueuses de la nature et des animaux. Ce projet ne correspond ni à cette attente ni à la transformation actuelle du marché.

     

    Michel Bernard

    Sources :
    - Collectif Creuse 2021
    - Association de défense et de protection des Combrailles et Millevaches
    - Noporch 23

    1 - https://www.l214.com/animaux/cochons/mutilations-des-porcelets
    2 - ANSES, 2020. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2019.
    Rapport annuel. https://www.anses.fr/fr/system/files/ANMV-Ra-Antibiotiques2019.pdf
    - Vonesh A., Molé T., Thoraval J., Tribondeau C. Nous et les cochons, 2010. Réseau Cohérence :
    https://welfarm.fr/pdf/Nous%20et%20les%20cochons%20versionreduite.pdf
    - Vonesch A., Rigal S., Une “vie” de cochon en question, 2015, Collectif Plein air :
    https://collectifpleinair.eu/wp-content/uploads/2015/08/AlbumUVDCac.pdf

     

    La peste porcine se développe en Europe

    L'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) vient de publier son rapport épidémiologique annuel sur la peste porcine africaine (PPA). Selon ce rapport en 2023, 14 États membres ont été touchés par la maladie et les cas de PPA chez les porcs domestiques dans les États membres de l'UE ont été multipliés par cinq,
    Toujours selon le rapport de l'EFSA, pour les porcs domestiques, 2023 a vu le plus grand nombre de foyers de peste porcine africaine (PPA) depuis 2014. La Croatie et la Roumanie, avec respectivement 1124 et 740 foyers, ont déclaré 96 % du nombre total de foyers.

    Source : https://www.3trois3.com