Au début du XXème siècle, le Limousin était reconnu comme producteur d’essaims et de miel au niveau européen, à côté d’autres productions locales comme le porc, le bovin et les cultures légumières. L’apiculture professionnelle et spécialisée n’était alors qu’à ses débuts et allait connaître son essor grâce au développement des monocultures.
L’Apis mellifera, abeille domestique, mieux que les autres abeilles, assure la pollinisation croisée donc la transmission des gènes, au prix d’un énorme labeur : le transport incessant de nombreux pollens. Un kilo de miel correspond à 5,6 millions de fleurs visitées et 40.000 km parcourus, soit le tour de la terre ! Un bon exemple, pour notre économie !
Les abeilles et leur rôle dans la fécondation des plantes sauvages sont à l’origine même du processus qui a permis à l’humanité de développer la sélection des espèces végétales : l’agriculture. On pourrait dire que l’Apis mellifera est l’ordonnatrice du passage des graines sauvages aux graines cultivées.
L’INRA parle de l’abeille comme directement responsable de 30% de notre alimentation et de 80% des influences indirectes sur l’écosystème sous-jacent au secteur alimentaire et à la biodiversité1.
Or, depuis 25 ans, les apiculteurs alertent les scientifiques, les Institutions et les médias. De nombreux drames (maladies, mortalité brutale, problèmes de reproduction, disparition d’essaims sauvages) se produisent dans les ruches et dans le monde des insectes en général.
Il est temps de se détacher d’une position purement anthropocentrique et d’intégrer à nos réflexions et actions sur les enjeux sociaux et économiques notre rapport à la nature et nos choix éthiques de relation avec les écosystèmes. Il nous appartient à tous d’agir pour garder ce patrimoine.
2010 nous offre l’opportunité de revenir sur ces alertes. Les plaintes des professionnels, les dossiers scientifiques, les recherches sur le rapport possible entre OGM et santé de l’abeille n’ont pas abouti. Comme si l’abeille était devenu “un insecte nuisible“ . Il est urgent de capitaliser les acquis scientifiques et de la société civile, qui démontrent la richesse de ce patrimoine-abeille.
2010 relance aussi le débat sur les applications du Grenelle de l’Environnement. Soixante ans de pollution agricole et industrielle rendent la sudation des plantes chargée de toxines. Le travail des abeilles devient véritablement impossible : la répugnance ou l’empoisonnement finiront par les tuer. La mort des abeilles n’est donc pas un mystère mais une simple suite de stress de leurs énergies vitales.
Aujourd’hui leur survie n’est pas une priorité face aux contraintes de fabrication et de production. Nous pouvons, par une attitude de citoyens planétaires, conscients et responsables, demander des comptes, dès maintenant, à l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) sur les autorisations de mise en marché des produits en tout genre : médicaments, traitements phytosanitaires, semences, nouvelles technologies.
Afin de formaliser cette démarche, nous demandons que la France soit le pays promoteur de la reconnaissance de l’abeille comme patrimoine écologique et social de l’humanité.
Il va de soi que les pouvoirs publics ont l’obligation de soutenir la profession, dans l’état actuel de la pathologie des abeilles, de donner les moyens pour re-populariser la connaissance de l’apis mellifera et la réinsérer dans tous les paysages. Arrêtons la logique du productivisme avec les abeilles pour penser plus simplement pollinisation, ressources, biodiversité et si le miel coule : c’est la cerise sur le gâteau !
Hélène Delaplace