Or, il me semble que la faible utilisation actuelle du vélo pour les déplacements quotidiens dans nos campagnes provient d’abord de réticences culturelles. Combien de personnes qui pratiquent volontiers le cyclotourisme ou le sport cycliste et qui parcourent des milliers de kilomètres par an, utilisent-elles leur monture pour aller au travail ou faire des achats ? Certainement très peu, comme sont peu nombreux les randonneurs pédestres qui ne prennent pas leur automobile pour aller chercher le pain ou le journal. Par ailleurs, des raisons pratiques telles que l’absence d’aménagements (parkings, itinéraires cyclables) expliquent aussi la faiblesse des déplacements cyclistes.
Pourtant, pour des raisons tant économiques (renchérissement du pétrole) qu’écologiques (diminution de la pollution), le vélo doit prendre sa place.
Pour aller plus loin dans la réflexion, j’ai consulté un spécialiste de la “mobilité douce“, responsable du cabinet Cyclomore à Nevers, Nicolas Pressicaud. Ce dernier, auteur de l’ouvrage “Le vélo à la reconquête des villes, bréviaire de vélorution tranquille “ (Ed. L’Harmattan), a justement achevé en 2009 une recherche sur le potentiel d’utilisation du deux-roues en milieu rural en combinaison avec les transports collectifs. Nous publions ici l’essentiel d’un texte rendant compte de ce travail.
Jean-François Pressicaud
Si les Plans de déplacements urbains (PDU) ont mis en exergue la combinaison entre transports collectifs (TC) et vélo, on a peu pensé à transposer l’idée aux zones rurales, comme si les transports collectifs s’y suffisaient par eux-mêmes. Or, c’est là qu’on trouve des lignes (notamment routières) très peu fréquentées. Et pour cause : elles irriguent mal la campagne à moins de faire du cabotage. Mais elles gagnent alors en potentiel de clientèle ce qu’elles perdent en compétitivité. Il en résulte des réseaux qui fonctionnent essentiellement à partir de publics spécifiques : scolaires, personnes âgées, ménages pauvres. En revanche, dans la perspective d’un renchérissement des prix du carburant, ils ne constituent généralement pas, en l’état actuel, d’alternative crédible à l’automobile. Il pourrait en être autrement s’ils intégraient un système d’intermodalité procurant, aux arrêts TC, du parking deux-roues sécurisé mais également, pour certains d’entre eux, des bicyclettes, des vélos à assistance électrique et des cyclomoteurs électriques. Ces deux-roues, réservés aux voyageurs, permettraient d’effectuer les trajets terminaux et de rallier efficacement des correspondances. Elargissant considérablement les zones d’accessibilité des points d’arrêt des lignes routières comme des petites gares, cette inclusion des deux-roues dans les systèmes départementaux et régionaux de transports permettrait de mieux couvrir les territoires ruraux tout en y rendant plus attractive l’offre TC.
Cette idée a fait l’objet d’une recherche1 comparée sur deux départements ruraux, l’un d’habitat dispersé (la Mayenne), l’autre d’habitat groupé (la Somme). Le type d’habitat génère en effet d’importantes différences de desserte du territoire par les infrastructures de communication et de transport. Dans un secteur d’habitat dispersé comme la Mayenne, où l’on trouve peu de petites villes, les liaisons ferroviaires ont presque toutes disparu, il y a peu d’autoroutes et les liaisons TC (essentiellement routières) maillent très incomplètement les campagnes. Dans un secteur d’habitat groupé comme la Somme, où l’on trouve davantage de petites villes, le réseau ferroviaire est encore assez dense et il y a également un kilométrage important d’autoroutes et de grandes routes. Du coup, les liaisons TC routières sont davantage orientées vers le cabotage.
Ces réseaux, en leur état actuel, sont-ils aptes à intégrer un système d’intermodalité TC - deux-roues ? Leur analyse conduit à répondre par la négative à plusieurs titres.
Tout d’abord, la maillage en lignes interurbaines routières apparaît largement insuffisant tandis que le réseau ferré actuel, considérablement réduit par rapport à son apogée des années 1920, offre un maillage bien trop lâche pour desservir suffisamment les campagnes. Des parties significatives des territoires départementaux apparaissent ainsi peu accessibles (sinon en voiture) et, inversement, leurs habitants sont très dépendants de l’automobile.
Dans la perspective d’une hausse importante des prix du carburant, les départements mais également les régions auraient donc tout d’abord à définir, en concertation, des réseaux et des services de lignes complémentaires, ferroviaires et routières, alliant performance et couverture des territoires.
Le second constat est la dégradation relative des conditions de circulation à vélo et en cyclomoteur. Il conviendrait donc, à l’échelle des départements, de travailler à l’élaboration d’un maillage du territoire au moyen d’un réseau structurant qu’on pourrait qualifier d’avenant aux deux-roues légers. Il serait constitué à la fois de petites routes apparaissant comme assez sûres aux cyclistes et cyclomotoristes (faible trafic, très peu de poids-lourds, faibles vitesses, bonne visibilité...) et d’anciens grands axes routiers aménagés.
C’est à ces deux conditions, une offre de transports interurbaine renouvelée et un réseau routier identifié offrant de bonnes conditions de circulation pour les vélos et cyclomoteurs, que l’intermodalité deux-roues depuis des petites gares ou des arrêts de cars trouverait sa pertinence comme alternative crédible à la voiture en zone rurale. L’accessibilité des sites d’activités isolés ou implantés en périphérie de villes en serait grandement améliorée et contribuerait à rendre plus attractive l’offre TC2.
Que donne l’investigation pour les deux départements étudiés : pour la Mayenne, un besoin d’environ 50 points d’arrêt à équiper en parkings deux-roues, dont une vingtaine dotés de deux-roues mis à la disposition des voyageurs, pour la Somme, respectivement 60 et 40.
Parmi les deux-roues à mettre en place, les cyclomoteurs électriques apparaissent pertinents dans les secteurs où la densité du maillage TC demeurera faible, du fait, principalement, de la faible densité démographique. Avec une vitesse moyenne une fois et demi supérieure au vélo, le voyageur disposerait ainsi d’un moyen d’effectuer un trajet terminal d’une dizaine de kilomètres en un temps raisonnable. Les vélos à assistance électrique présenteraient un grand intérêt dans la mesure où la campagne française est souvent vallonnée et où une partie importante des utilisateurs potentiels sont peu familiers de la dépense physique que demande la bicyclette. Les batteries des vélos à assistance électrique et des cyclomoteurs électriques seraient rechargées en station et celles-ci seraient équipées de panneaux photovoltaïques.
Une évaluation théorique de pertinence du système a été effectuée dans les deux départements étudiés. Elle valide indéniablement l’utilité du système d’intermodalité dès lors qu’il se greffe sur un maillage TC plus en phase avec les besoins de déplacement au départ ou à destination des cantons ruraux3.
Nicolas Pressicaud
Passer le mois de juillet 2010 à sillonner la France à bicyclette, sans forcer et en prenant le temps de découvrir les actions locales et militantes, voilà à quoi vous invite l’AlterTour...
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