Avez-vous vu le dernier magazine de Télé Millevaches ?“ C’est la question la plus posée entre forestiers du plateau depuis que le magazine vidéo a consacré une heure entière à l’exploitation de la forêt du plateau. Bien argumenté, référencé et faisant intervenir de nombreux acteurs de la filière, le reportage est en effet très sévère pour la gestion forestière du plateau. Une gestion “industrielle“ qui n’a rien de durable et d’écologique et qui est même présentée comme quasiment dévastatrice parce que basée essentiellement sur la pratique de la coupe rase et la replantation monoculturale en douglas dans 90% des cas. Le label PEFC, qui garantit une forêt durable et renouvelée, fait les frais de la démonstration. On y découvre qu’il ne garantit rien du tout et n’est que de la poudre aux yeux : un “leurre“, “un certificat qui ne garantit rien au consommateur“, “une passoire à gros trous“, “du bidon“, un label “qui permet à chaque propriétaire ou exploitant, quel que soit son mode de gestion, d’être rapidement certifié sans contrôle préalable.“
Il n’en faut pas davantage pour que les réactions s’enchaînent. Les Amis de la Terre se mettent à diffuser le DVD largement, adressent un communiqué de presse aux journaux de consommateurs et organisent une conférence de presse le 16 juin 2010 ; un débat est organisé à Brive ; France bleu Creuse reprend le sujet et France Culture prépare une émission sur le même thème... De son côté, la rédaction de Télé Millevaches reçoit des coups de fil indignés de forestiers ou d’industriels, d’autres qui se déclarent “surpris“ et “déçus“... (mais arrivent aussi autant de messages de félicitations !). Pourtant personne ne remet fondamentalement en cause le fond du reportage de Télé Millevaches. Ses réalisateurs ont même rencontrés des scieurs qui reconnaissaient que le label PEFC “c’est bien n’importe quoi“ mais qu’ils en ont besoin pour vendre. Tel honorable forestier de Haute-Corrèze admettait être d’accord à 80% avec le constat porté par le reportage. Un responsable d’une coopérative se défendait en disant que le label FSC (le label concurrent de PEFC) “ce n’est pas mieux“. Curieusement plusieurs des personnes qui réagissent avaient été contactées par Télé Millevaches pour être interviewées dans le reportage, mais n’avaient pas donné suite. De même, Télé Millevaches a rencontré plusieurs professionnels de structures forestières qui lui ont confié – hors micro : “Je suis bien d’accord avec vous, mais je ne peux pas le dire devant une caméra ! “ Certains d’entre eux se sont même abstenus de se rendre à une diffusion publique du reportage, de peur d’y être vus...
Difficile pour certains forestiers du plateau d’accepter la vision noire de la forêt du plateau présentée par Télé Millevaches, une présentation qui les a “blessés “. Ils se déclarent “passionnés“, “amoureux de leur forêt“ et arguent de l’impossibilité de mettre en oeuvre les sylvicultures alternatives présentées en contre exemple dans le même magazine. Comme dit un scieur de Creuse : “Pro Sylva, c’est du rêve !“ Voire. La Lucienne du Morvan que vous pourrez découvrir dans le reportage n’apparaît pourtant pas comme une hurluberlue – ce qu’on lui reprochait dans son pays il y a quelques années (elle le raconte très bien et semble avoir davantage les pieds sur terre que la tête dans la lune). Plutôt que de s’offusquer, mieux vaudrait à tous ces forestiers d’affronter vraiment les questions posées par le reportage et de réfléchir à l’avenir forestier du plateau qui est loin d’être rose. Pourtant, au même moment, était élu le nouveau président du Groupement de développement forestier du plateau de Millevaches en la personne de Christian Bouthillon, un proche du système landais et des coupes rases à courte révolution... Une élection qui est tout un symbole !
Michel Lulek