En France, le tag est apparu en même temps que les graffitis dans les années 1970. Il n’a pas eu un réel succès sauf pour les jeunes qui allaient en bandes taguer les métros. Le tag a sa culture propre. Chaque tagueur a un pseudonyme et une signature (blaze) qu'il utilise pour revendiquer des œuvres ambitieuses mais aussi (plus couramment, car c'est plus facile) pour signaler sa présence dans un lieu et se faire connaître, transformant la ville en une sorte de jeu de piste et de stratégie géant. Il s'agit de la forme de graffiti qui déclenche le plus de controverses, notamment du fait de l'ampleur du phénomène mais aussi, sans doute, du fait qu'il est l'expression d'une culture bien définie.
Les graffitis existent depuis des époques reculées, et certains exemples remontent à la Grèce antique et à l'Empire romain. Le graffiti urbain se développe souvent dans un contexte de tensions politiques : pendant les révolutions, sous l'occupation. Vers la fin des années 1960, du fait notamment de la disponibilité d'aérosols de peintures “émaillées“ (originellement destinées à la peinture d'automobiles), une partie des graffitis a gagné une vocation esthétique. Dans la foulée de mai 1968, les messages politiques de la rue parisienne gagnent en poésie et en qualité graphique et font souvent preuve d’humour absurde ou d’un sens de la formule plutôt étudié : “Désobéir d’abord : alors écris sur les murs (Loi du 10 Mai 1968)“.
Chômage, nouvelle pauvreté, problèmes des banlieues, délinquance, montée du racisme, la société fonctionne à deux vitesses avec le monde des nantis et celui des exclus. Dans un monde sans espoir, le désespoir contenu dans les tags semble être une réponse à la violence sociale. Devant l’absence d’idéologie, il ne reste plus aux jeunes qu’à crier et à s’afficher pour dire qu’ils existent aussi, à côté du monde des nantis. Les tags sont des cris, mais à la différence d’un cri ils sont permanents et muets. Le pouvoir est détenu par ceux qui détiennent les moyens de communication, publicité et télévision. La communication fonctionne souvent en sens unique, des décideurs vers le public. Il ne s’agit pas de proposer quelque chose à voir mais forcer le public à voir. En couvrant l’espace urbain les tagueurs se situent sur le même terrain, ils s’approprient une marque du pouvoir en forçant le public à les voir, ils veulent imposer leur marque. Alors, qu’il n’en déplaise aux esprits chagrins qui s’émeuvent sur l’emploi judicieux de tel ou tel graffiti, sur les quelques endroits inappropriés… c’est l’essence même du graffiti !
Michel Bernard