« Olympique », on le sait, rime depuis bien longtemps avec « fric ». Les J.O. servent très souvent de prétexte aux autorités pour chasser sans ménagement les précaires et pour leur permettre de tester grandeur nature des protocoles inédits de surveillance de masse. Adoptée en procédure accélérée le 9 mai 2023, la loi relative aux Jeux Olympiques autorise – à titre expérimental – l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans les lieux publics jusqu’en mars 2025. Une première dans l’Union européenne.
La VSA est un système qui vise à automatiser le traitement d’images de caméras de surveillance. C’est une couche algorithmique ajoutée aux caméras classiques de vidéosurveillance. Les images captées par les caméras sont analysées par des algorithmes entraînés à détecter, en temps réel, des situations et comportements « suspects ». Mais qu’entend-on donc par « suspects » ? Hé bien, c’est justement ça le problème… Marcher à contresens de la foule, rester assis contre un mur ou s’allonger par terre dans un lieu public pourraient fort bien être considérés comme des comportements « suspects » !Ce système est en train d’être testé à plusieurs endroits durant ce printemps, afin de préparer le terrain pour les Jeux, pendant lesquels il devrait être utilisé dans une centaine de lieux différents. La SNCF l’a testé lors du match de football PSG-OL du 21 avril 2024 et lors du passage de la flamme olympique à Marseille le 8 mai 2024. La RATP aussi s’y est mise, à l’occasion des concerts de Black Eyed Peas et de Taylor Swift à La Défense. Et même si peu de signalements on été produits par les algorithmes pendant ces tests, ils permettent « d’accélérer la prise de décision et la réactivité des agents sur le terrain », tente de nous convaincre la RATP.Convaincus, les décideurs n’ont plus besoin de l’être, eux : alors qu’aucune évaluation des expérimentations en cours n’a encore été réalisée, la commission des lois de l’Assemblée a discuté le 15 mai 2024 d’une proposition de loi « relative au renforcement de la sûreté dans les transports », qui envisage une nouvelle expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique jusqu’en... 2027.
L’association La Quadrature du Net nous apprend que cette nouvelle expérimentation permettrait d’autoriser des traitements de données ayant pour but d’« extraire et exporter les images » réquisitionnées par la police dans le cadre d’enquêtes pénales1. Ce type de VSA (dit « a posteriori ») est en fait utilisé depuis des années – en toute illégalité – par la SNCF, la RATP, la Police nationale et par de nombreuses collectivités : l’association estime qu’environ deux cent villes françaises utiliseraient le logiciel de la Briefcam, société appartenant au groupe japonais Canon. Cette future nouvelle loi relative à la sûreté dans les transports ne servira donc qu’à légaliser des pratiques existantes et à préparer le terrain pour la suite... Tout cela sans aucun débat public.La prochaine étape ? Sans doute la légalisation des systèmes de reconnaissance faciale dans les lieux publics, déjà en cours d’expérimentation (illégale) dans plusieurs villes de France. Une technologie particulièrement intrusive et dangereuse pour les droits humains, qui augmentera encore de plusieurs crans le contrôle de l’espace public et la répression des dissidents par les autorités, si elle se généralise2.
1 – À lire absolument, l’excellent dossier qu’elle a réalisé sur ce sujet : https://laquadrature.net/toutsurlavsa2 – https://next.ink/132958/un manifestant-condamne-apres-avoir-ete-identifie-par-reconnaissance-faciale/b
Ygor