Il y a 50 ans, en 1974, naissait au Villard, sur la commune de Royère de Vassivière, l'association Les Plateaux limousins, une association qui, tout au long de ces cinq décennies, a suivi les évolutions qui ont marqué notre territoire, mais qui d'une certaine manière les a accompagnées, encouragées, parfois même anticipées.Les Plateaux, ou le Villard, comme on l'appelle généralement, est un lieu emblématique pour la région. C'est là que se sont déroulées de 1979 à 1986 les « Fêtes des Plateaux » dont les actuelles fêtes de la Montagne limousine sont les héritières. C'est là que se sont déroulés les premiers forums sociaux régionaux dans les années 2000. Le Villard a été le lieu d'accueil de nombreux évènements qui ont marqué l'histoire locale : les premiers débats autour du projet de parc naturel régional dans les années 1990, le centenaire de la loi de 1901 en 2001 (où IPNS puise son origine), les rencontres Relier sur « Culture et ruralité » en 2004, les rencontres annuelles des chorales révolutionnaires jusqu'aux toutes récentes rencontres pour des forêts vivantes en juin 2024. Les Plateaux ont ainsi incarné, en dehors des institutions, un pôle citoyen et militant, promouvant les dynamiques d'habitants, les initiatives associatives et l'exploration des différents enjeux qui touchent notre région.Pour beaucoup des habitants actuels du territoire, l'histoire de cette association est pourtant peu connue et son origine ignorée. Elle doit sa création à des chrétiens et quelques prêtres engagés qui, dans un pays largement déchristianisé, ont cherché à vivre leur foi en s'intégrant dans la vie locale et en défendant une vision propre du développement du Plateau. Abandonnant officiellement en 2003 la référence à l'Evangile qui était jusqu'alors constitutive de son identité, l'association n'en a pas moins été marquée à ses débuts par son origine religieuse, en particulier du fait de la personnalité de Charles Rousseau, dont Gilles Gracineau nous trace le portrait tout en nous racontant les premières années de l'association.
Le Villard, c’est l’histoire du fol amour d’un homme avec l’Evangile et un territoire. C’est l’histoire de Charles Rousseau (photo ci-contre). Il débarque en 1972 venant, du groupe prêtre de la Mission de France où il a exercé diverses responsabilités au sein de cette association qui envoie ses prêtres au plus près des réalités humaines et qu'on connaît mieux sous le nom de « prêtres ouvriers ». Ses compétences sont celles de la sociologie rurale. Le Plateau l’attire d’emblée et il va y engager toutes ses forces pour ressusciter la vie dans un pays où réside, à ses yeux experts, le sommeil de la résignation.
Résidant d'abord à Aubusson, il s’évertue à créer des pôles de réflexion pour les (peu nombreux) Chrétiens du coin. Il dynamise ceux et celles qui sont en attente d’un autre style de vie chrétienne, de plein vent au sein de la société, hors des sacristies poussiéreuses. Ce qu’il souhaite, c’est que souffle « le vent frais de l’Evangile ». Il voudrait qu’on aille de l’Eglise-institution à l’Evangile. Son expertise s’exprime dans cette phrase lapidaire : « L’Eglise continue de couver ses œufs sans se rendre compte que les coquilles sont vides ». Une telle situation brûle sa patience et lui cause une douleur intolérable à la jointure de sa foi et des besoins d’une société en mal d’avenir. Elle n'est pas forcément partagée par les personnes qui ont une vision conservatrice et traditionnelle de l'église.Dans le même temps, fort heureusement, les évêques de Limoges et de Tulle, sous l’impulsion de Hervé de Bellefon, prêtre du Prado (un institut de prêtres travaillant auprès des plus pauvres), sont sensibles à l’inadéquation de l’Eglise à la société et tentent en avril 1971 d’impulser une réflexion sur les zones rurales déshéritées avec trois axes de travail : « Établir un état de la situation de l’Eglise, relever les signes d’un projet humain qui se cherche à travers les changements en cours, réfléchir à une Eglise signe du Christ libérateur. » Une attitude qui n'est pas partagée par tout le monde au sein de l'église catholique.
Une telle parole encourage Charles Rousseau. Il réalise des études sociologiques, crée des cartes et ébauche en 1973 une hypothèse à la manière d’un manifeste. Elle traduit l’aspiration à rejoindre « ces grands espaces aux horizons calmes et austères, aux paysages à la fois dépouillé et riche de verdure, tantôt couverts de la fleur des genêts, tantôt de celle des bruyères, tantôt des teintes d’un automne de feu, puis des frimas et des neiges, qui sont en train de devenir symbole de liberté, de paix, d’authenticité de vie. Bientôt ils seront un bien rare, au risque de devenir un enjeu commercial. » C’est une vision prophétique ! « Pour les gens du pays comme pour les hôtes occasionnels, ces lieux se prêtent à la rencontre, dans la vérité et la gratuité ; rencontre avec soi-même, avec ses semblables, avec Dieu ». « Il ne s’agit pas seulement de permettre aux citadins de retrouver leur âme dans un certain retour aux sources mais que l’homme du pays renouvelle la sienne sous la provocation de la modernité ». « L’Eglise n’étend plus sur le monde le maillage serré de ses paroisses à l’ambition totalisante et englobante. Elle sème en des points accueillants les germes ici-bas d’un autre monde qui doit pousser au sein de celui-ci ».Diverses journées sont organisées en forme d’ateliers (bois, industrie, tourisme, agriculture). Elles se tiennent en divers lieux à travers le Plateau tels Aubusson, Felletin, Bugeat, Peyrelevade, Pierrefitte… « Un comité d’action pilote » assure le suivi. Les participants sont un poignée de convaincus. Ils sont cependant en mesure, le 23 mai 1974, d’organiser une rencontre au cœur de la Montagne, au lac du Chamet. Mais la tempête oblige à se réfugier à Peyrelevade. Cette assemblée « au désert » devient fondatrice. Elle décide que le nomadisme des ateliers et rencontres à travers le pays est certes significatif d’une belle itinérance mais qu’une implantation sur une terre s’avère nécessaire pour faire corps avec le terroir. Décision est prise d’acquérir un terrain. Un « comité juridique » s’avère utile pour rester dans les normes de la République. Il deviendra plus tard « le conseil d’administration » de l’association qui allait changer de nom.
Le 27 juillet 1974 à l’initiative de Charles Rousseau et de ces quelques chrétiens, est créée « l’Assemblée chrétienne des plateaux limousins » en forme d’association loi 1901 (voir l'appel à une assemblée chrétienne d'un nouveau genre, document ci-contre). Elle a pour but de raviver les braises d’un feu qui s’éteint et, en même temps, elle veut entrainer des chrétiens au cœur du Plateau pour inventer une réalité nouvelle de vie chrétienne au service de la vie du pays. « Par ses références culturelles, par son esprit, elle s’apparente à tout un passé de vie collective dans ce pays. Par sa volonté d’ouverture à un avenir autre, par son parti-pris d’optimisme en face d’une situation très sérieuse, elle peut être un élément important pour la restructuration de la vie sociale. »L’association organise des rencontres trimestrielles tandis que Gérard Caillaud, prêtre à Felletin-Gentioux, est mis à contribution avec d'autres pour trouver un terrain. Une propriété est repérée au Villard, commune de Royère-de-Vassivière, après diverses recherches qui s’avérèrent des impasses.Le 24 juillet 1975 une assemblée extraordinaire de l’association décide par 87 voix pour, 3 contre, l’achat de la propriété du Villard. Monsieur Toumieux consent à la vendre pour la somme de 90 000 francs. Le terrain est de 1 ha 27 avec une maison d’habitation de 7mx7m, une remise et un four. Ce n’est que le 1er mai 1977 que sera accepté le projet de la construction d’une grande salle par un vote de 64 oui, 6 non et de 2 abstentions.Deux mois plus tôt, le 22 mai 1975 marque un virage dans l'histoire de l'association. Par 28 voix sur 46 votants, « l’Assemblée chrétienne des plateaux limousins » est remplacée par « Les plateaux Limousins ». Le but recherché est le suivant : « Nous souhaitons que les activités futures (non cultuelles) soient ouvertes à des gens qui partagent avec nous les mêmes recherches humaines sans pour autant partager la même foi explicite. Un titre moins confessionnel, sans dissimuler notre adhésion à l’Evangile, manifesterait un esprit d’accueil qui respecte ses partenaires et n’a rien de "récupérateur" ». D’autre part, pour avoir accès aux subventions en raison de services socio-culturels au pays, il était nécessaire que l’association n’ait pas un titre confessionnel.Les évêques de Tulle et de Limoges observent ce qui se réalise sur le Plateau et les voici convaincus qu’il faut faire du neuf sur ces terres déshéritées. Le désert ne peut-il pas permettre d’inventer une autre Eglise au service de la société ? L’enjeu défini par Henri Gufflet, évêque de Limoges, acquis à la pensée de Charles Rousseau, écrit. « En fixant sur ces plateaux désertiques le lieu nouveau de notre rassemblement, notre intention est d'assumer en chrétiens la vocation de ce pays, de ce terroir, et de situer le fait chrétien au cœur d'un phénomène humain de recherche et de rencontre, là où se posent - et se poseront - des choix de civilisation. » La barre est haute mais mobilisatrice pour des temps nouveaux. « Nous avons envie de retrouver la vérité de Bethléem : ce petit rien que le monde ignore ou méprise, mais qui renverse les puissances et déroute les sagesses. »
Cette visée conduit à une vie associative à double entrée. Celle de la porte de l’assemblée chrétienne avec son « comité d’action ». Celle-ci organise des journées au Villard et sur divers lieux du Plateau pour ses membres avec la prière, le partage fraternel et l’écoute de l’Évangile comme gisement d’énergie pour rendre la terre plus humaine et habitable. Ses accents, notés le 29 septembre 1974, sont « vérité, simplicité, amitié, liberté, inventivité ». L’autre porte est celle du « conseil d’administration du Plateau » avec son assemblée générale ouverte aux chrétiens comme à ceux qui ne le sont pas, les uns et les autres portant le même souci : ressusciter la vie, faciliter les relations humaines, soutenir les déshérités, et encourager la créativité. A certaines heures l’Assemblée Chrétienne demeurant frileuse quant aux questions de développement, le compte rendu de l’AG du 29 juin 1976 notait : « Nous estimons devoir tenir fermement la liaison avec l’assemblée ».
1984 Les plateaux Limousins fêtent leur 10éme anniversaire
Les études menées par Charles Rousseau conduisirent à trouver les modes d’action qui permettraient d’ouvrir les yeux sur les potentialités en sommeil du pays et de prendre conscience des enjeux d’un développement qui puisse ouvrir sur un avenir. Le moyen principal fut l’invention de fêtes ayant trait à telle ou telle ressource. Elles eurent lieu de 1979 à 1986 à chaque automne sur des thèmes majeurs : la forêt (1979), l'élevage (1980), les énergies nouvelles (1981), la jeunesse (1982), l'industrie (1983), le tourisme (1984), les associations (1985), la communication (1986). Elles rassemblaient des gens du pays et d’alentour pour leur permettre, par des expositions et des démonstrations, de découvrir leurs trésors et d’ouvrir des chemins nouveaux. En même temps, la grange est aménagée et deux pavillons sont construits pour accueillir des jeunes, des touristes, des familles. Des bénévoles sont à l’œuvre.En 1983 ont lieu des élections communales. Trois maires dynamiques émergent. Ce sont Pierre Desroziers élu en 1983 à Gentioux, Bernard Coutaud maire de Peyrelevade depuis 1972, et François Chatoux élu en 1977 à Faux-la-Montagne. Ces jeunes élus (respectivement 35, 33 et 34 ans) se trouvent très vite en connexion, sympathie et partenariat avec Charles Rousseau et divers acteurs également membres de l'association Les Plateaux limousins, comme Roger Lescop alors directeur du centre de formation forestière pour adultes de Meymac, André Mas de Feix, directeur de France Agnelle. Ensemble, ils sont à l'origine de la naissance de foyers de réflexion et d’inventivité. Leurs échanges furent féconds en initiatives. C’est ainsi que se fit jour, sous l’impulsion d’Alain Carof, la perspective d’un Parc naturel régional et que la première communauté de communes rurale en Limousin fut fondée autour des trois communes citées ci-dessus. Charles Rousseau écrivait en mai 1974 : « Il faut sentir le sens qu’est en train de prendre cet espace des hauts plateaux. Celui-ci n’est pas saisissable dans le découpage des communes ou des cantons. Ce manteau d’arlequin risque de masquer le phénomène de mutation par lequel cet espace s’inscrit dans un rapport ville-campagne, dans une recherche d’équilibre de l’homme à l’ère de l’urbanisation. »Tandis que les chrétiens continuent à vivre leur foi au sein de l'association (Synode diocésain au Villard en 1985, construction d’une « tente de la rencontre » en 1986) se poursuivent les initiatives locales impulsées par Les Plateaux limousins qui sont menées avec des habitants sans appartenance religieuse. Ainsi, en 1986, a lieu la huitième et dernière fête des Plateaux sur la communication animée par une vision de temps nouveaux sur le Plateau : « la communication est au développement ce que l’irrigation est à l’agriculture, ça assainit et ça fertilise ! » disait Charles Rousseau qui, entretemps, avait quitté Aubusson pour s'installer à Peyrelevade. Un slogan parcourut cette fête (« À portée de main les communications de demain ») qui vit s’ouvrir diverses fenêtres de projets : « Pourquoi pas des réseaux câblés sur le Plateau ? du télétravail ? des journaux télématiques d’information locale ? des salles rurales de spectacles video ? » L’imagination était en effervescence. Déjà Charles s’était branché sur les moyens de communication grâce à la visite de diverses réalisations en France. Un projet de média était né lors d’une rencontre informelle au Rat de Peyrelevade, chez Annie et Bernard Coutaud, c’était le 18 février 1986. Les mois suivants, naissait Télé Millevaches avec l’élan créatif de jeunes venus sur le Plateau, l’implication d'Henri Dupuytison, curé-électricien à Gentioux, et l’enthousiasme de Charles, persuadé que ce qui manquait au pays était la circulation de l’information : des potentialité existent, il faut les faire connaitre et bien des choses changeront dans les têtes !
Au fil des années, après la mort de Charles Rousseau en 1987, l’espace du Villard devint avec l’apport du travail de bénévoles un lieu d’accueil de diverses activités, accueil des touristes avec la création de deux gîtes dans les années 1980, accueil de réunions ou colloques avec une grande affluence lors de manifestions sociales et culturelles, de débats sur des points d’actualité avec des invités capables d’enrichir la réflexion. Citons les questions d’immigration avec Christian Delorme « le curé des Minguettes », la forêt avec Roger Lescop, la psychanalyse avec Marie Balmary, la décroissance avec Serge Latouche, etc. Grande diversité également de rencontres du côté de l’Assemblé chrétienne qui perdurait en parallèle. Remarquons la venue de camps de vacances d’enfants pour une initialisation à l’Evangile chaque trimestre jusqu’à 80 à 100 enfants. Cette venue d’enfants préfigurait l’animation laïque que se réalisera après la déconfessionnalisation de l’association où fut retirée la référence à l’Evangile, vecteur des premières innovations.La présence aux plus démunis ne va pas manquer. Une permanence au Villard se créant en 1981 avec des sœurs de Saint-Charles d’Angers, l’une d’entre elles, Anne Claire Lourd, va créer en 1992 une antenne du Secours Catholique, en lien avec les acteurs locaux du pays, « Solidarité Millevaches » qui sera un précieux instrument auprès des personnes isolées ou en manque de l’essentiel, notamment de relations de proximité. Aujourd’hui la relève est en cours avec le « fraternibus » itinérant du Secours Catholique.
Charles Rousseau avait rejoint Peyrelevade en 1983. Les fêtes du Plateau avaient été fécondes en émulation. C’est alors qu’après la fête sur la communication de 1986, l’association décide de passer la main au BAM, le Bureau d’accueil de la montagne limousine, créé par la Région en 1984. Assurément Charles souhaitait qu'un organisme solide puisse assurer une animation continue sur le Plateau1. De plus, il percevait une certaine fragilisation au sein des acteurs de l’association, plusieurs ayant dû quitter le territoire. Tout en faisant des projets, tel un colloque sur « Forêts et société sur le plateau de Millevaches » pour septembre 1987, Charles Rousseau pressentait-il les problèmes de santé qui allaient mettre fin à sa vie cette année même ? Ce n’est pas impossible. Le BAM, quant à lui, décidait que la prochaine fête des « Plateaux limousins » deviendrait la « fête de la Montagne limousine ». Elle eut lieu à l'automme 1987 à Meymac sur le thème de la forêt et du bois. Quelques années plus tard, en 1991, sur l’impulsion d’André Mas de Feix est organisé au Villard un colloque sur la « valorisation des produits issus des fermes » afin de faciliter les initiatives individuelles ou collectives, de soutenir les porteurs de projets et de de mettre en place des circuits pour découvrir les produits du pays. C'est ainsi qu'est créée dans la foulée l'association Ad Valorem.
Dans ces temps de fondation, il s’agissait, pour mener des actions de transformation, d’appliquer un processus de fonctionnement démocratique d’éducation populaire. Il serait caractérisé par un développement du Plateau au travers d’une action et d’une réflexion collective. Cette pratique s’observe dans le fonctionnement du conseil d’administration de l'association, constitué de personnes élues par l’assemblée générale, prenant des décisions par votation (à main levée ou bulletin secret) et faisant relecture de l’action menée pour en retirer les fruits et les enseignements. Dès lors, visites à plusieurs expérimentations à travers la France et prises de conseil d’experts apportaient leur concours dans la perspective d’une intelligence collective. Celle-ci se laissait instruire pour des opérations avisées et utiles au pays. C’était à l’opposé de « l’autoréférentiel » qui guette toujours une société sans oreilles, qui se gratte le nombril ou s’abrite dans une tour d’ivoire.
Au cours de ces années de fondation, entre 1974 et 1987, coule une énergie débordante qui puise à trois sources qui, sans se confondre, forment confluence pour donner vie au pays et communiquer aux habitants une confiance à la vie et le souffle d’une énergie transformante, et pour ceux qui croient, confiance en l’Evangile du Christ. Cette énergie s'abreuve à trois sources.La première, pour Charles Rousseau et l’Assemblée chrétienne, fut de retrouver, par-delà les scories toxiques de l’histoire de l’Eglise avec le peuple du Plateau, l’esprit de l’Evangile pour qu’il prenne corps dans l’histoire charnelle du pays. En 1984, pour les 10 ans de l'association, les évêques invitaient les chrétiens « à tenir un langage qui parle aux hommes et femmes d’aujourd’hui, à tendre résolument vers l’unité que le Christ veut faire ». La seconde source c’est la respiration du pays avec ses potentialités à réveiller et à faire connaître, notamment par Télé Millevaches. La troisième c'est le partenariat avec tous ceux et celles qui veulent établir un humanisme heureux dans toutes les dimensions de la personne humaine socioéconomique, politique et spirituelle. Une belle confluence de ces sources créa une synergie féconde pour le bien commun d’un vivre-ensemble qui devait se traduire par une vie associative foisonnante. « Milles sources, mille ressources » comme disait Charles Rousseau qui avait eu le bon mot prophétique pour parler d’un pays qu’il aimait. Qui était finalement cet homme ? Assurément un homme habité d’un bouillonnement intérieur, travaillé par le feu de l’Evangile et la quête de son actualisation dans la vie rurale et particulièrement celle du Plateau où « il planta sa tente » après avoir consacré de longues années au service des équipes rurales de la Mission de France, deux accents qui ont brûlé sa vie et abrégé ses jours, mais mis le feu au pays. Ses deux passions, la folie de l’Evangile et la passion d’un terroir, allaient jusqu’à perturber son sommeil et provoquer un questionnement jusqu’à en pleurer ! « Qu’est-ce que Dieu ? » me confiait-il. Homme de conviction assurément mais qui se laissait travailler par des rencontres avec ceux et celles qui croient et celles et ceux qui ne croient pas et la montée en lui du bouleversement prometteur et parfois incertain des mutations en cours. Le compagnonnage de vrais amis assoiffés d’un nouvel art de vivre lui procurait des témoignages comme autant d’ouvertures qu’il accueillait comme on « saisit une balle au bond » disait-il. L’amitié partagée, au cours de travaux où il ne ménageait pas sa peine, comme au fil de rencontres et de fêtes, nourrissait sa réflexion à sa table de travail au silence de l’hiver. Le tracé de sa vie, depuis Aubusson jusqu'à Peyrelevade et sa tombe, fut un corps à corps existentiel avec ce haut plateau auquel il voulait, avec des collaborateurs - nouveaux venus ou du terroir - donner un avenir.