L'été 2024 a été agité du côté du plateau de Millevaches, et pas seulement à cause des nombreuses coupes rases qui dévastent nos paysages. Comme cela avait été présagé, le loup est repassé par ici, et nul doute qu'il repassera par là. Et les fusils n'y feront rien. Pour nous autres, les associations de protection de la nature, nous ne nous lasserons pas de répéter que si l'on souhaite à la fois protéger les activités d'élevage et la biodiversité, le tir létal n'est pas la solution, qui plus est, sur une espèce protégée en France et en Europe par la Convention de Berne.À ce jour, aucune étude n'a montré l'efficacité, à terme, des tirs létaux pour faire baisser d'une manière significative et durablement les dommages causés aux troupeaux domestiques attribués au loup.En effet, au niveau national, là où se trouvent des meutes comme dans les Alpes, les tirs de défense, ou plus globalement les tirs létaux, provoquent l'éclatement des meutes. En bouleversant la hiérarchie établie et donc la méthode de chasse de la meute, les tirs dispersent les loups avec comme impacts négatifs d'augmenter le nombre d'attaques sur les troupeaux domestiques.
Un loup a de nouveau été repéré dans notre région par des attaques d'ovins début juin 2024. Dès la fin juin, la préfecture de Corrèze autorisait à coup d'arrêtés de dérogation (8 à ce jour, 16 éleveurs autorisés à tirer), le tir létal, sans même utiliser avant tout l'effarouchement et la mise en place effective de mesures de protection efficaces, conditions évoquées dans la Convention de Berne. Ainsi, depuis le 28 juin 2024, des lieutenants de louveterie, avec des moyens conséquents, tentent chaque nuit, de 21h à 3h, de tuer ce loup. En vain.Ce loup est sans doute un animal en dispersion. Il a quitté son noyau familial (des Alpes, d'Italie, d'Europe de l'est ?) pour conquérir un nouveau territoire. Cette période est loin d'être évidente pour un loup esseulé ; il s'agit pour lui de trouver de la nourriture, de parer à tous les dangers (routes, trains, fusils), de trouver des lieux de repos... A-t-il un but, se questionneront certain(e)s ? D'attaquer nos moutons, répondront d'autres.Pourtant, une seule réponse existe à cette question : il s'agit pour le loup, comme pour toute espèce animale, de survivre, tout simplement. Pour cela, en tant qu'espèce carnivore et excellent chasseur, il s'attaque aux proies les plus faciles, les plus petites ou les plus vulnérables : lapins, lièvres, campagnols... et évidemment moutons si aucune mesure de protection ne l'en empêche !
C'est pourquoi ces associations demandent aux éleveurs de considérer que la seule solution raisonnable et viable sur le long terme est de protéger les troupeaux, car inéluctablement, le même scénario se répétera à l'automne et au printemps dans les années qui viennent. Sans compter que demain, il y aura peut-être 2, 3, voire 4 ou 5 loups sur le plateau de Millevaches. La présence du loup sur un territoire où il a été absent pendant des décennies rebat les cartes, c'est indéniable, et nous ne sommes pas ici en donneurs de leçons. Il s'agit pour nous d'informer raisonnablement et humblement, que les aides publiques existent, financières et matérielles, filets et chiens de protection a minima, en plus des indemnisations qui ont augmenté en début d'année. La présence de bergers aiderait également et de manière conséquente à éloigner les éventuels loups, présents et à venir.L'association Ferus, consciente des difficultés rencontrées par les professionnels de l’élevage face à la présence du loup, a mis en place un programme de bénévolat appelé PastoraLoup, visant à apporter un soutien complémentaire aux éleveurs et bergers dans la mise en œuvre des moyens de protection. Grâce à la mobilisation de bénévoles, l'objectif est de renforcer la présence humaine auprès du cheptel et de participer aux divers travaux pastoraux facilitant l'exercice de la profession en zones à loup. Selon leurs besoins, les éleveurs/bergers peuvent faire appel à ce programme pour plusieurs actions : l’aide à la surveillance des troupeaux, des chantiers d'aménagements pastoraux et le prêt de foxlights, dispositif d’effarouchement lumineux. Pour les missions de surveillance, les bénévoles sont suivis à distance par un salarié de Ferus et, lors des chantiers, un encadrant est présent pour accompagner les bénévoles. Depuis plus de 20ans, près de 800 bénévoles se sont investis sur le terrain, auprès d’une centaine d'éleveurs sur différents massifs et départements concernés par le retour du loup, afin de renforcer la surveillance des troupeaux, de jour ou de nuit (voir le site www.ferus.fr).
Un dialogue est possible et même nécessaire entre les différents acteurs concernés par ce sujet, les éleveurs et les protecteurs de la nature. Le loup est une espèce éminemment intelligente, qui a la capacité d'apprendre et qui a un impact bénéfique sur la nature sauvage. Tout cela est étudié et reconnu.
Pour nous autres, associations de protection de la nature, le retour du loup sur nos terres limousines est un événement inespéré et merveilleux dans nos existences, nos forêts se repeuplent enfin de grands prédateurs et redeviennent majestueuses. La présence du loup demande de l'adaptation, de la tolérance et de la curiosité ; cherchons ensemble des solutions en faveur du vivant et tentons de dialoguer sereinement.