Expliquons donc d’abord ce que c’est l’agrivoltaïsme : ce ne sont pas juste des hangars photovoltaïques, ce sont des champs couverts de panneaux solaires. Il s’agit donc tout bêtement de parcs photovoltaïques au sol, de dizaines d’hectares dédiées à la production énergétique. L’agriculteur perçoit une forme de loyer (ou dédommagement…) de la boîte qui installe les panneaux.
La Confédération Paysanne a, par exemple, adopté une attitude sur ces panneaux au sol : pas sur des surfaces naturelles (bois, landes, zones humides) ni sur des surfaces agricoles. Il y a assez de friches industrielles pour cela. C’est peu ou prou la position que défend d’ailleurs le Parc naturel régional de Millevaches. Sauf que certaines communes, avec la loi d’accélération de la transition énergétique, se voient obligées de définir des zones sacrifiées à cette-dite transition et salivent surtout devant un moyen de faire de l’argent (pour quoi faire ensuite…ça… ?? Changer les lampadaires ?). Des surfaces, propriétés de la commune (bois ou champs) louées se retrouvent donc destinées à des projets solaires. C’est le cas de la commune de Flayat, où au moins une vingtaine d’hectares communaux loués à l’agriculteur sont visés pour la reconversion en agrivoltaïsme.Bien sûr, la plupart du temps, ces types de projets sont portés par des privés : des agriculteurs. Pour que cela reste de l’ « agricole », ils ont trouvé la cheville langagière de dire que c’est de l’agrivoltaïsme, que ça reste donc des surfaces agricoles, et donc que ces surfaces-là, ce qui est le plus important pour eux, comptent toujours dans le versement des primes.Le premier agriculteur (retraité) que l’on connaît qui s’est lancé là-dedans en Creuse, Marc Lefranc à Aubusson, aidé à l’époque par une modification du Plan Local d’Urbanisme communal, n’avait selon toute vraisemblance nullement un projet agricole avec son parc ! Vous l’admirerez aujourd’hui dans le paysage aubussonnais. On trouve l’excuse de faire pâturer des bêtes dessous, en général des moutons, mais possiblement des vaches, avec des panneaux solaires qui seront alors beaucoup plus haut sur pied. Ces bêtes ne servent qu’à entretenir les panneaux, à empêcher la friche de pousser et de faire de l’ombre, et à garder les fameuses primes agricoles. Par contre, celui qui faisait un peu de blé, devra reconvertir ses parcelles dans la pâture ! La recette pour les agriculteurs serait d’environ 4000 euros par hectare. Pour plusieurs d’entre eux, ce n’est pas un revenu du travail… mais bien un capital-retraite ! Laissez travailler le pognon : voilà le slogan agricole !
Prenons l’exemple, pour les chiffres, de la commune d’Alleyrat, où il y a un projet solaire, porté par RP Global sur 70 ha des terres cultivables (dont du blé) et où une association, Apne-Alleyrat19, bataille contre le projet. Elle a regardé et a trouvé que la rentabilité pour la boîte (RP Global) était de 40 000 euros par an par hectare. Et par an, au total avec les 70 ha, ce serait : 48 000 euros pour la commune, 5000 euros pour la communauté de communes et 32 000 euros pour le département. Pour l’heure, une commission « paysage » (CDNPS) a retoqué tous les projets en Corrèze. Commission que suit la préfecture en général… pour le moment… Si seulement nous pouvions avoir les mêmes espérances en Creuse où beaucoup d’élus sont malheureusement cul et chemise avec la FNSEA, ce serait toujours ça contre les lobbys financiers à l’œuvre dans l’agrivoltaïsme.À Alleyrat, précisons encore qu’il s’agit de maxi panneaux, de 3m16 de hauteur parce que ce seraient des vaches qui les débroussailleraient. On tombe sur la tête !
Autre exemple, à Saint-Agnant-près-Crocq : un projet de 27,3 ha porté par un agriculteur avec le groupe Enoe Développement, jouxte en partie un village. Les habitants auront donc plusieurs hectares de panneaux sous leurs fenêtres, en bordure d’une rivière d’ailleurs, en pleine zone humide, en plein PNR de Millevaches : autant vous dire qu’ils sont ravis. Voilà bien un coup bas de l’agriculteur qui ne leur a évidemment nullement annoncé le projet. Ici les panneaux feraient 2m20 de hauteur. La mentalité cachotière du projet a d’ailleurs été accompagnée par la commune de Saint-Agnant (un exemple de mairie creusoise cul et chemise avec un gros agriculteur) : aucune concertation avec la population n’a été menée, comme le dénoncent les plus proches villageois du projet. La commune de Saint-Agnant, ni une ni deux, a proposé toutes les parcelles en zone d’accélération pour la transition énergétique (délibération du conseil municipal du 27 octobre 2023) ! On a les yeux bien plus gros que le ventre ! Le PNR a d’ailleurs invité cette commune à « reconsidérer le zonage photovoltaïque sur les zones agricoles et naturelles ».Sur cette commune, le raccordement au parc se situe à 8 kilomètres. On ne pense pas assez souvent à ce point dans les projets énergétiques mais il s’agit souvent de centaines de mètres de câbles à tirer et à enterrer, de nouveaux transformateurs à implanter, d’une capacité énergétique de stockage qui doit être au rendez-vous, et qui n’arrive parfois qu’après la réalisation des projets !Selon les informations récoltées par les opposants, il paraîtrait qu’en dessous de 15 ha, le projet serait annulé. Il est vrai qu’en général, les sociétés préfèrent et privilégient les gros projets : plus rentables ! On préfère faire la démarche une fois pour 30 hectares que trois fois pour 10 hectares… Cela dit, ça m’étonnerait qu’on crache beaucoup sur un petit projet. À moins que l’investissement pour le raccordement ne soit trop coûteux ? Une anecdote agricole : en cas d’arrêt du projet, les loyers seront pour la Chambre d’agriculture. Des habitants ont écrit une lettre ouverte aux différentes instances du territoire : « Nous demandons une prise de conscience générale et départementale sur le sujet avant que, de tous côtés, des agriculteurs soient vivement incités financièrement à consacrer des dizaines d'hectares pour la rente photovoltaïque. »
On trouve parfois quelques communes qui s’opposent aux projets agricoles de parcs photovoltaïques. C’est le cas pour Banize qui s’est opposée à un projet d’environ 30 ha à proximité du bourg. Sur France Bleu le maire de Banize, Luc Escoubérou, a dit être « un peu abasourdi, parce que tout ce qui fait l'attrait de notre commune aujourd'hui, ce sont les espaces naturels ». Mais visiblement, il y a d’autres communes qui n’ont envie d’attirer personne et de devenir le terrain privilégié des derniers propriétaires fonciers, une forme de privatisation du paysage.Les gains espérés de l’agrivoltaïsme font saliver beaucoup trop d’agriculteurs. Curieusement, ceux qui ne cessent de mettre en avant leur travail, dès qu’il y a un moyen de gagner au loto, de gagner du pognon sans rien foutre, se ruent dessus. Ceux qui ne cessent de prétendre qu’ils nourrissent le monde n’ont, d’un coup, plus que leur compte en banque à nourrir. Comment résister à tant d’argent promis, surtout quand on l’aime tant, et surtout quand il faut faire partie du bon wagon ? Car le filon de l’agrivoltaïsme, qui emploie moult matériaux dont des métaux rares, ne durera sûrement qu’un temps ! Vite, il faut être sous la pissée : voilà ce que se disent certains. Et tant pis pour les autres !Il va falloir des délibérations fermes des différentes collectivités pour que nos paysages ne soient pas saccagés par l’agrivoltaïsme, d’autant plus qu’un décret (eh oui, encore un, vive la démocratie !) paru le 8 avril 2024, encourage « la production d’électricité issue d’installations agrivoltaïques », décret contesté par la Région Normandie (ndlr : une région bocagère comme la Creuse) qui a déposé un recours.
Plus près de nous, le département de Puy-de-Dôme, a signé en 2022 une charte sur la question photovoltaïque. On y lit : « Pour les installations photovoltaïques au sol, la charte favorise les implantations sur les terrains fortement dégradés ou pollués. Elle refuse les projets sur des secteurs naturels, agricoles, naturels et forestiers à forts enjeux. » C’est peut-être mieux que rien, même s’il faudra beaucoup plus de contraintes et un refus beaucoup plus catégorique de l’agrivoltaïsme pour préserver nos paysages. Un arrêté (encore quelque chose de bien démocratique) du 21 mai 2024, comprenant tout à fait la cupidité des agriculteurs, a permis de rendre éligibles aux aides de la PAC (Politique Agricole Commune) les champs de panneaux solaires. Avant, quand il y avait plus de 30% du champ couvert de panneaux, les primes étaient sucrées.L’agrivoltaïsme, c’est une mode qui est en train de débouler sur les campagnes, à grand coups d’incitations financières, et les associations d’opposants ont tout intérêt à s’entraider pour freiner cette menace. Cette mode-là risque d’ailleurs d’être plus importante que celles des bassines qui soulèvent à raison de nombreuses opposants, et de concerner bien davantage d’hectares.Les départements et collectivités les plus pauvres, comme en Creuse, où les agriculteurs ne sont pas les plus riches, semblent d’ailleurs tout à fait corruptibles par les lobbys agrivoltaïques. Pauvres, des communes et des agriculteurs qui ne voient la terre que comme une surface foncière ; la seule chose qui leur restera sera un compte en banque, avec le collier et la laisse.