L’étude des chauves-souris (chiroptères) fait preuve d’un grand dynamisme depuis une vingtaine d’années, grâce à la mise au point de détecteurs d’ultrasons performants qui permettent d’identifier les espèces et d’obtenir de nombreux renseignements sur leur activité nocturne. Le régime alimentaire insectivore et le cycle vital des chauves-souris en font des indicateurs précieux pour la qualité et la fonctionnalité des milieux. Leur cycle vital implique en effet l’utilisation de plusieurs habitats au gré des activités saisonnières (hibernation, mise bas et élevage des jeunes, chasse, « swarming » ou regroupement pour la reproduction) et d’axes de transit entre ces habitats.
Le Groupement Mammalogique et Herpétologique du Limousin (GMHL) mène depuis quelques années une étude sur les chiroptères dans les massifs forestiers de la région1. La méthode vise à analyser les ultrasons émis par les chauves-souris en vol, afin de quantifier leur activité en totalisant le nombre de contacts par espèce sur une période et une zone définies.
Le GMHL montre que les forêts de feuillus sont les plus accueillantes pour les chauves-souris, et de loin, puisque l’activité est 2,5 fois plus importante que dans les peuplements mixtes (feuillus-résineux) et quasiment 4 fois plus importante que dans les résineux, qui sont d’autant plus délaissés qu’ils sont en grands massifs (plus de 40 ha), moins d’espèces y sont présentes et moins d’activité y est notée. Les boisements riverains (le plus souvent feuillus) et autres zones de lisières sont les terrains de chasse les plus prisés, car particulièrement riches en insectes.
En termes qualitatifs, c’est au sein des peuplements de feuillus autochtones matures que l’on trouve le plus d’espèces. Sur le plateau, les parcelles visitées semblent présenter un excellent potentiel d’accueil pour les chiroptères forestiers en chasse. En revanche, l’offre en gîtes forestiers pour l’installation des colonies est estimée insuffisante. Le vieillissement des boisements feuillus autochtones est préconisé, afin de laisser des arbres vivants de gros diamètre et l’apparition de cavités, et d’enrichir le cortège des insectes saproxyliques (impliqués dans la décomposition du bois), source de nourriture de plusieurs espèces.
Les résultats de cette étude constituent un argument de plus sur la nécessité de gérer différemment les forêts limousines pour en améliorer la qualité, et de travailler à l’échelle du paysage (composition et structure des boisements, îlots de sénescence…) et de la parcelle (réduire la taille des unités de gestion pour les coupes rases, transition des futaies régulières actuelles vers des futaies irrégulières en favorisant le mélange d’essences…).
Pauline Cabaret