Le Plateau de Millevaches, on devrait dire les Plateaux, car il y a plusieurs entités différentes, offre une belle diversité floristique à ceux qui prennent le temps de l’observer, à ceux qui le parcourent au rythme des saisons. Encore faut-il être sensibilisé à la beauté ordinaire du monde végétal... et mettre ses bottes pour sortir des sentiers battus.
La richesse botanique du plateau ne vient pas tant de sa richesse spécifique que de la multiplicité de ses groupements d’associations végétales, due à des contextes stationnels assez divers : expositions et altitudes différentes, plus ou moins grande richesse des milieux qui varient rapidement entre le sec et l’humide, sols à fertilité variée... Cette mosaïque de stations est rendue possible par un relief vallonné, des sols divers, et des influences climatiques multiples : ligérienne dans sa partie Nord, océanique sur sa frange Ouest, montagnarde dans sa zone de contact avec le Massif Central et méridionale en limite Sud. Au côté des nombreux milieux ouverts présents sur le plateau, les types de végétations forestières, pré-forestières ou assimilés sont bien représentés : mégaphorbiaies montagnardes, trouées forestières, ourlets forestiers, fourrés, forêts fraîches et humides, forêts en milieux plus secs et plus chauds. Au total, ce sont plus de cinquante groupements ou associations végétales situés en contexte forestier qui ont été recensés par le Conservatoire botanique national du Massif Central sur le territoire.
La phytosociologie est l’étude de ces associations végétales. Elle permet d’étudier les relations des plantes entre elles, mais aussi les liens des types de végétation avec le climat, le sol et la topographie locale d’une part, et les relations avec d’autres communautés végétales, animales, et avec les pratiques des sociétés humaines d’autre part. Utilisés en terme de gestion, les groupements végétaux permettent d’avoir une lecture plus fine du sol qu’un simple relevé botanique. Car pour chaque groupement, on cumule les spécificités écologiques comme les besoins en nutriments et en eau de chaque plante le composant.
Ainsi, connaître le groupement d’associations végétales permet de connaître plus finement la vie du sol et le type du climat ou du micro-climat qui s’y rattache. Utilisée à bon escient, cette science nous détourne des erreurs à ne pas commettre en terme de gestion forestière (dans le choix des essences par exemple) et nous informe sur les traumatismes qu’a pu connaître un sol par le passé. Ainsi, la constitution de certaines associations végétales modifiées par rapport aux groupements végétaux connus peut nous renseigner sur les sols tassés, les sols à forte teneur en nitrate ou soumis aux herbicides.
Cette végétation riche, révélée par la multiplicité des groupements, évolue dans le temps. Elle suit sa dynamique naturelle : on parle de successions écologiques. Cette dynamique a pu jusqu’à présent s’exprimer pleinement ici et là du fait d’une faible densité populationnelle et de pratiques culturales peu intensives. Malheureusement, ces pratiques s’orientent vers l’intensification depuis quelques décennies ayant pour corollaire une banalisation de la végétation et des paysages.
Cristian Esculier