Bemard Palluet, forestier, y croit fortement et il défend l’écocertification de nos bois. L’auteur s’étonne des réticences des acteurs de la forêt : “pourquoi ce concept à la fois simple et noble provoque·t·il des réactions allergiques ? La réponse ne réside·t·elle pas dans le fait que l’écocertification apparaît comme une “obligation“ inéluctable à laquelle devra se soumettre tout propriétaire forestier souhaitant commercialiser la production de sa forêt ?“ Pourtant, écrit-il : “Gérer la forêt de telle sorte qu’elle conserve sa biodiversité, sa santé et ses capacités de régénération pour le bien des générations présentes et futures. N’est-ce pas ce que chacun souhaite pour lui et ses enfants ?“ Nous sommes bien d’accord. Mais, si pour lui “les éléments mis en place semblent tout a fait satisfaisants“, ce n’est pas l’avis de tout le monde.
Courant Avril 2010, Télé Millevaches présentait son magazine mensuel sur “PEFC : Le label qui cache la forêt.“ Y était dénoncé un système laxiste, sans cahier des charges contraignant, sans contrôle préalable, sans apport environnemental notable et qui était géré par des industriels pour des industriels. Le système y était qualifié de “passoire à gros trous“, voire “d’entonnoir“, dans lequel tout ou presque pouvait obtenir la certification PEFC sans contrainte.
Un habitant raconte, en 2010 (IPNS n°37 - décembre 2011) : “Sur le site internet PEFC Limousin, j’ai téléchargé les formulaires d’adhésion et j’ai rempli mon nom et mon adresse. J’ai barré le cadre me demandant si je suis propriétaire ou représentant de celui-ci... Faudrait quand même pas mentir ! Pour la parcelle à certifier, on ne me demande que sa surface (0,78 ha) et sa commune. Aucune demande concernant sa localisation réelle... Quelle étourderie de leur part, ça ne va pas être facile à contrôler ! J’y ai donc rajouté, sur la même feuille, la référence cadastrale (non demandée) et agrafé le plan cadastral (non demandé) où on voit le dessin du supermarché. Évidemment, je n’ai coché avoir aucun élément de présomption de gestion durable, puis j’ai payé les 55 centimes par hectare, plus 11 euros de frais de gestion, et j’ai posté le tout le 4 octobre 2010 ! Deux semaines plus tard, je recevais mon certificat de gestion durable 10-21-8/2391 valable cinq ans, qui correspond précisément au parking et à la pompe à essence du supermarché d’Eymoutiers, vu les documents fournis !“
Du côté de PEFC d’abord qui se contentait de répondre de manière anecdotique sur la certification du parking du supermarché : “On s’est fait piégé ! “ou“ Nous sommes encore une jeune structure...“ C’était bien évidemment répondre à côté de la plaque. Et aussi de la part de Christian Beynel , Vice –président du Groupement de développement forestier de Millevaches qui élude la vraie question des rapports entre gestion forestière, objectifs écologiques et production industrielle : “Votre blague de potache a démontré que PEFC n’est pas une organisation bureaucratique. Nous ne sommes pas encore dans une société contrôlée à 100% digne du meilleur des mondes. Tous les arbres, toutes les parcelles ne sont pas encore repérées par une balise GPS, reliée à un satellite espionnant le moindre individu coupant un arbre dans une zone Natura 2000 pour se faire son bois de chauffage. Voulez-vous une société normalisée, contrôlée, espionnée où le moindre geste sera enregistré dans une base de données centralisée ? “Ce n’était certes pas notre propos...
Qu’est-ce que le greenwashing ? C’est de l’éco- blanchiement, c’est-à-dire “habiller en vert écolo“ ce qui n’a rien à voir avec la protection de l’environnement. Ce terme fait donc référence au double langage des organisations qui parlent de “développement durable“ et de “protection de l’environnement“ alors qu’en vérité, leurs activités consistent à prendre plus de parts de marché. Nous en avons un bon exemple avec PEFC.
Comme l’indique le journaliste Fabrice Nicolino, “les industriels européens, sentant le vent tourner et les esprits changer, ont réfléchi à la manière de changer l’image de marque de leurs produits. Et inventé un label “durable“ systématiquement associé au bois qu’ils vendent. PEFC (Certification Forestière Pan-Européenne) est donc un label commercial imaginé en 1999 par les industriels du bois de six pays : l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Norvège, la Suède et la Finlande“ Son organisation fait la part belle à l’aspect industriel de la forêt, à la simplicité de mise en œuvre, à l’absence de contrôle initial et confère un avantage économique aux producteurs et transformateurs de bois. PEFC est ainsi devenu majoritaire sur le marché de la certification forestière.
PEFC a défini lui-même son propre référentiel, peu différent de la loi forestière actuelle, et dans lequel des avancées environnementales sont listées sans nécessité de mise en application. Par exemple, le nouveau schéma national 2012-2017 interdit les coupes rases de plus de 10 hectares d’un seul tenant. Une interdiction à mettre du côté des choses positives : on reconnaît donc qu’on peut récolter du bois avec d’autres méthodes, sans tout détruire. Cependant, PEFC indique qu’il faut simplement “tendre“ vers cet objectif, et que, si ce n’est pas respecté lors de cette coupe rase, alors il faudra le faire dans le futur (donc dans 40 ans !). Voilà comment PEFC peut laisser croire qu’il fait de la gestion durable. Pour définir ce référentiel permissif, PEFC s’est doté de 3 collèges dont 2 sont liés à la production de bois, et un à la société civile (fonction environnementale et sociale de la forêt). Avec un système de vote volontairement pervers, il interdit toute avancée réelle vers une prise en compte de l’environnement. Voilà, le tour est joué !