Un exemple de ce qui n’est rien d’autre qu’une vulgaire tromperie, découvert dans le labyrinthe de la législation en matière de zonage : certaines communes, notamment en Haute Vienne dans le canton d’Eymoutiers, ont renouvelé leurs plans de zonage forestier, avec l’appui du conseil général auquel on a transféré la compétence. Cette initiative a donné lieu à de nombreuses réunions, à des débats parfois animés et à un travail de longue haleine, réalisé avec le financement du département.
Ces plans définissent, en accord avec les élus et les propriétaires de chaque commune, les zones de boisement selon trois types : libre, réglementé ou interdit. Ils sont censés protéger les villages, les parcelles agricoles et les milieux naturels remarquables. Or, en vertu de deux articles du Code rural d’une part, et d’une délibération de la commission permanente du conseil général d’autre part, seules les zones boisées isolées ou rattachées à un massif forestier de moins de 4 ha, peuvent être placées en zones interdites ou réglementées.
Cela signifie en substance, que dans nos territoires où les massifs forestiers ont majoritairement des superficies bien supérieures, de nombreuses parcelles qui ont été plantées antérieurement se trouvent en zone de boisement libre et peuvent être replantées à l’identique après coupe rase.
Il a donc été très étonnant de constater que le nouveau zonage sur le canton d’Eymoutiers ne tient pas compte explicitement des deux articles de loi qui semblent étrangement avoir échappé à la sagacité de certains acteurs. Aussi faut-il se rendre à cette évidence : pour une part non négligeable des zones concernées, notamment celles qui avaient été plantées à une époque où n’existait aucune réglementation, ces plans ne sont pas fiables.
Des litiges commencent à se produire : on vient de voir le cas d’une parcelle récemment coupée à blanc, qui fait partie d’un massif d’environ 30 ha, tout en étant enclavée dans un village, à 2 m des premières habitations. Son propriétaire peut en toute légalité la replanter intégralement et cela en dépit d’un plan officiel qui la situe pourtant en zone interdite. Comprenne qui pourra !
Le zonage forestier, tel qu’il vient d’être adopté dans ce secteur de la Haute Vienne, comporte en fait des irrégularités grossières méconnues par ceux qui l’utilisent, et qui laissent penser que son existence sert avant tout à donner bonne conscience aux élus et à lancer un peu plus de poudre aux yeux des habitants. Le lobby de l’exploitation forestière, lui, sait très bien à quoi s’en tenir...
André Nys
Différents facteurs se conjuguent pour déterminer les priorités pour la forêt sur le territoire : l’implantation récente d’un massif forestier essentiellement résineux, l’exploitation forestière « industrielle » arrivant à un niveau de production important du fait d’une forte mécanisation subventionnée après la tempête de 1999, les tensions sur la ressource de plus en plus perceptibles, l’arrivée à l’âge d’exploitabilité de nombreux peuplements résineux, le pillage de feuillus anciens plantés ou spontanés arrivés à maturité et de feuillus très jeunes pour la pâte à papier, les tensions sur la gestion partagée d’une eau de qualité et la difficulté de prise en compte de cette problématique par la filière lors de l’exploitation forestière. Toutes ces constats s’inscrivent dans un contexte de changement climatique annonçant de nécessaires et fortes évolutions pour le territoire.
Ces éléments conduisent à réfléchir aux devenirs de la forêt et de sa gestion, à la qualité et la quantité de l’eau qui en découle, à la création de zones de protection renforcée, et à la préservation des sols forestiers. Le PNR entend poursuivre les efforts engagés et promouvoir une gestion de la forêt à la fois productive et respectueuse de la biodiversité, de meilleures pratiques autour de l’eau, une meilleure sensibilisation des populations concernées, et un accompagnement des partenaires. Les évolutions à venir doivent être appréhendées dans le cadre d’une meilleure acceptation et compréhension locales de la forêt.
La gestion forestière doit intégrer plus fortement les attentes du territoire, sans impacter la rentabilité de la production ni mettre en péril la ressource. L’encouragement et le développement d’autres modes de sylviculture tels que la régénération naturelle dans une logique de futaie irrégulière et les reboisements diversifiés doivent être poursuivis. Les peuplements feuillus patrimoniaux doivent être gérés dans un esprit de préservation, leur faible représentativité entraînant une responsabilité forte du PNR. Cette évolution doit aussi passer par une meilleure valorisation et une gestion plus responsable de la ressource feuillue.
Le plateau de Millevaches représente 50 % de la ressource forestière régionale. Pourtant, unités de transformation et emplois se situent majoritairement à l’extérieur du territoire. Ce massif forestier ne doit pas être uniquement un bassin de production. Le PNR, les professionnels, les propriétaires forestiers, les habitants, soulignent leur volonté de voir se développer sur place des activités autour du bois, génératrices de plus-value locale, créatrices d’emploi et plus garantes de la pérennité de la ressource. Il s’agit donc de tirer profit d’une ressource boisée jeune qui reste à améliorer, par l’amélioration des peuplements, par une véritable mise en œuvre d’une gestion forestière douce mais très suivie, par la diversification des moyens d’exploitation et notamment le développement de la petite et moyenne mécanisation, par l’augmentation de l’utilisation locale de la ressource, et par une meilleure valorisation des bois à l’extérieur du territoire.
La nouvelle Charte du PNR, en cours d’élaboration depuis fin 2013, formalise une démarche de développement durable affirmée pour le territoire, pour 2016 à 2028. Cette Charte prévoit des axes stratégiques et leur déclinaison en diverses dispositions, tels que faire évoluer la gestion sylvicole en intégrant les enjeux environnementaux, paysagers et sociétaux, intégrer des pratiques favorables au respect des milieux aquatiques, développer les initiatives de valorisation locale du bois et des matériaux écologiques, lutter contre les pollutions chimiques et organiques issues d’activités économiques. Cette nouvelle Charte du PNR, une fois validée par les différentes instances locales, régionales et nationales, verra chacune des dispositions déclinées en actions concrètes, qui feront l’objet de plans précis et d’attributions de responsabilités coordonnées par le PNR avec les acteurs et partenaires associés.
Gérard Salviat