Le secteur médico-social au sens strict recouvre les structures d’aide aux personnes âgées dépendantes ainsi qu’à celles en situation de handicap, de tous âges. Le moins qu’on puisse dire est qu’il relève d’un fonctionnement complexe. À cause de la multiplicité des acteurs tout d’abord : État, collectivités territoriales, secteur associatif, fondations privées. Alors que les buts assignés sont extrêmement simples : répondre à un besoin de solidarité. Si l’on parcourt les différentes appellations utilisées dans ce secteur, on ne peut qu’être pris d’une sorte de vertige : IME, EHPAD, APA, nous commençons à être habitués. ALEFPA, APAJH, FHTH, CHRS, UNAFAM, USLD, PASA, MDPH... là, çà se complique. En réalité, tous ces sigles plus ou moins barbares recouvrent une même réalité.
En apparence, on pourrait croire à un désengagement progressif de l’Etat, incapable d’assurer lui-même le fonctionnement d’une espèce de colosse aux pieds d’argile. Cette démarche cache bien des arrières-pensées – nous y revenons plus loin. Toutefois, la tutelle publique reste forte, autour de trois piliers : les ARS (Agences régionales de santé), la Sécurité Sociale, et les départements. Ainsi, la loi NOTRe réaffirme-t-elle que “le département demeure la collectivité compétente pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale“. On pourrait donc avoir l’impression que le secteur médico-social est largement laissé à des initiatives locales, disons “de proximité“, ce qui part d’un sentiment généreux, n’est-ce pas ? Toutefois, les questions financières, matérielles, règlementaires sont telles que les ambiguïtés de la tutelle publique apparaissent clairement : j’en veux pour preuve les inquiétudes que soulèvent aujourd’hui la gestion des moyens des EHPAD, le cas du FAM de Gentioux que la communauté de communes de Creuse Grand Sud cherche à vendre, ou encore de l’IME du Monteil-au-Vicomte.
La majorité des maisons de retraite du Plateau sont anciennes. Il y a très peu de créations récentes. L’EHPAD Le Chabanou à La Courtine n’a que quatre ans d’âge. Par contre, ces établissements ont été heureusement modernisés, c’est le cas de l’EHPAD Jean Mazet à Felletin : création en 1968, restructuration en 2007. À Bugeat, l’établissement a ouvert en 1972. Celui de Peyrelevade occupe aujourd’hui des bâtiments neufs, et l’ancien accueille un CADA.
Ces structures sont bien connues d’à peu près tout le monde. Disons qu’elles nous sont très chères, à l’image de leurs occupants ! Les réussites – et les limites – de ces implantations sont connues, comme les difficultés liées au manque de moyens, de formation, de spécialisation (tenez : Alzheimer !) aussi. C’est pourquoi, on a pu noter un mouvement de recherche de solutions alternatives : maintien à domicile, accueil familial, autres types de logement... Ainsi dans la communauté de communes des Portes de Vassivière (Eymoutiers), il existe un projet communautaire de création d’un foyer de petits logements autonomes : c’est en cours.
On sait que notre espace de la Montagne limousine présente un pourcentage de personnes âgées et très âgées considérable. De 25 à 30 % de plus de 60 ans. Parmi lesquels, de 7 à 10 % ont dépassé 80 ans. Les besoins sont donc importants. Voici de façon simplifiée comment ils sont couverts. En Corrèze, sur 44 EHPAD, un tiers sont installés sur le Plateau (13 sur 44). L’ex-canton de Treignac en compte même 3. En Creuse, sur 33 établissements de ce type, 4 sont sur le Plateau (6 en comptant Aubusson). Le déséquilibre est criant, et c’est bizarre : il y aurait plus de nos anciens en Corrèze qu’en Creuse ? Sans doute pas, les structures par âges sont comparables. Un des deux départements attirerait-il plus de personnes âgées venant d’autres régions ? C’est évident pour la Corrèze, ce facteur s’expliquant par la densité des structures d’accueil. Pourquoi la commune du Lonzac serait-elle, avec Bugeat, l’une des 4 ayant un taux d’habitants de plus de 75 ans supérieur à 25 % ! il suffit simplement de comparer avec l’implantation des EHPAD.
Mais il existe une autre dimension, qui résulte d’enjeux et de facteurs essentiellement politiques. Evidemment, les élus locaux jouent un grand rôle dans l’implantation des structures. À Gentioux, la motivation de l’équipe municipale – enfin celle d’avant - est bien connue. Par contre, les locaux du FAM sont propriété intercommunale. À l’origine, celle du Plateau de Gentioux comprenant Peyrelevade. Aujourd’hui, Creuse Grand Sud a absorbé tout ça. Est-ce que l’éventualité de la vente de ses locaux a quelque chose à voir avec les intérêts du public accueilli, à savoir des adultes handicapés ? Pas très loin, au Monteil-au-Vicomte – 205 habitants, il existe à la fois un EHPAD et un IME. Et ce dernier est censé fermer bientôt ses portes. La décision échappe totalement aux élus, elle est une question de “gros sous“ : c’est tout de même l’avenir de 47 enfants handicapés et de 37 emplois qui se joue là. On conviendra que ça n’est pas rien.
Des enjeux politiques donc : clair comme l’eau des sources de la Vienne ! C’est sans doute là qu’intervient une autre dimension : celle des fondations. En 1970 naissait la Fondation Claude Pompidou, en 2006, apparaît sous ce nom la Fondation Jacques Chirac, dont les initiatives étaient cependant plus anciennes. Remarquez le prénom, c’est significatif : qui est Claude ? Qui est Jacques ? Les deux fondations sont vouées à la cause des handicapés. Leur rôle est bien connu, et apprécié. Il n’est bien sûr pas question de mettre en doute la sincérité de l’engagement de notre ancien président, tel que présenté sur le site de sa fondation : “Jacques CHIRAC rencontre ces enfants de plus en plus souvent. Chacune de ses visites au Centre de Peyrelevade le bouleverse. Son action, au départ d’homme politique efficace, prend une dimension exceptionnelle. La cause du handicap va imprégner sa vie.“ Mais tout de même : une structure à Peyrelevade (IME), une autre à Saint-Setiers (Maison d’Hestia), enfin une troisième à Sornac (Foyer Occupationnel) : ça laisse songeur. Est-il légitime de se poser la question suivante : et les autres secteurs géographiques dans tout ça, la fameuse égalité des territoires ? Ah oui, j’oubliais : c’est une affaire privée, mais avec beaucoup... d’argent public tout de même. Faut-il attendre une prochaine création d’une Fondation François Hollande ? Ou un président creusois ?
Et voyez donc où va se cacher la politique. Un journal, dont je vous laisse deviner la couleur, titrait récemment, à propos du changement de lieu à Peyrelevade : “À Peyrelevade les retraités français sont mis à la porte, remplacés par des délinquants étrangers“... Le “journaliste“ oubliant de préciser que nos anciens avaient été relogés dans des locaux tout neufs ! Ah, la basse tambouille politicarde ! Un autre exemple, peu ragoûtant, montrant que la politique a toujours été un arrière-plan très présent... Pour faire avancer les choses – ou simplement les préserver – je ne vois qu’une solution, qu’IPNS vous suggère en page 28 : en 2017, le BLAIREAU président !
Michel Patinaud