Un événement exceptionnel à Vassivière ! Une cohue, une marée impressionnante de visiteurs plonge dans les fonds du lac. Autochtones, limousins, touristes de France et d’ailleurs en queue ininterrompue piétinent dans la vase pour découvrir le paysage surprenant du maillage des rus et rivières surgissant du granit de la Montagne limousine. Une foule que Le Populaire du Centre, comme tous les médias jamais en panne d’emphase pour épater leur lectorat, évalue à un million !
“L’envers du miroir du mystérieux Vassivière“ une fois rétabli, Vassivière célèbre en grande pompe à Nedde le trentième anniversaire de la naissance du SIMIVA, le syndicat intercommunal de gestion du lac, le 8 décembre 1966. Pourtant la commune de Nedde ne participe au syndicat que depuis 1975. Cette extension territoriale témoigne de l’attractivité du syndicat. Elle se poursuit en 1987 avec l’entrée de la commune de Féniers en Creuse. Ces nouvelles communes n’ont pas connu la mémoire de l’accouchement éléphantesque du SIMIVA où les forceps de l’Etat se sont relayés et démultipliés pendant neuf ans pour inciter les élus des communes riveraines à reconnaître et inventer la gestion de cette portion singulière de leur territoire: Royère, Saint-Martin-Château, Gentioux-Pigerolles et Faux-la-Montagne en Creuse, Peyrat-le-château et Beaumont du Lac en Haute Vienne. André Leycure, le maire de Nedde, mais aussi conseiller régional et président du syndicat, a voulu cette commémoration solennelle dans les décors rénovés de son vieux château auquel est adossé le tout dernier village de vacances. À cette fête il a invité et est assisté de toute la panoplie électorale des personnalités départementales et surtout régionales. En effet, depuis 1985, régionalisation oblige, l’assise syndicale s’est élargie avec l’adhésion et l’entrée de la Région Limousin dans la vie et la gestion du syndicat qui devient le SYMIVA : Syndicat Mixte interdépartemental et régional de Vassivière en Limousin. Le gâteau budgétaire s’est enrichi, la portion régionale est la plus grosse, elle aiguise les appétits régionaux... le plus souvent au détriment des habitants et des élus locaux.
C’est le vice-président du Conseil régional qui prend la présidence du syndicat. Il s’entoure d’une équipe de direction étrangère au territoire. La mandature régionale s’impose avec des projets d’animation et d’orientation touristique concoctés par des bureaux d’études et d’ingénierie touristiques à mille lieux de la connaissance d’un territoire rural. À titre d’exemple on peut retenir le projet “marina pied dans l’eau“ du cabinet Détente : il transforme Auphelle en cœur de station s’organisant autour d’un parc aqua-récréatif. La démesure de ce projet sera fort heureusement rejetée par des habitants et élus locaux à l’occasion du premier forum social du Limousin qui s’est tenu en 2002 aux Plateaux limousins. Après ce vent de résistance, le SYMIVA se décide à produire en août 2002 un outil de communication promis depuis 1996. C’est le numéro 1 de La lettre de Vassivière. Les habitants des communes syndicales reprennent espoir en se reconnaissant associés aux actions entreprises comme ils en avaient déjà fait l’expérience avec Guy Tortosa, le directeur du Centre d’art de l’île de Vassivière. C’est lui qui incitera Gilles Clément à produire sa charte paysagère, où il met en valeur le prestige du lac en l’enracinant dans tout le patrimoine du territoire syndical : “Vassivière, territoire d’écologie humaniste“. Cette politique de communication se poursuit sous la gouvernance de Renée Nicoux, succédant à Jean-Paul Denanot élu à la présidence de la Région Limousin. Après un audit de la chambre régionale des comptes, elle oriente une gestion institutionnelle plus rigoureuse tout en assurant la pérennité du projet touristique du site de Vassivière “avec les habitants attachés à leur territoire et soucieux de son avenir.“
L’hégémonie de la gestion tutélaire s’étend. La Région se porte acquéreur de l’île de Vassivière, devenue pôle d’attraction avec le développement du Centre international d’art et du paysage (CIAP). En outre elle place à la présidence un de ses vice-présidents, conseiller régional de l’agglomération de Limoges, et aussi président de l’Association technique et culturelle du Limousin (ATCRL). Dès le mois de décembre 2008, Stéphane Cambou, sans concertation avec les élus du comité syndical, les contraint à voter la modification des statuts et le nom du syndicat qui devient “Le lac de Vassivière“. Le logo qu’il impose manifeste clairement son intention d’enfermer les activités syndicales autour du lac. Pendant toute sa mandature, Stéphane Cambou concentre presque exclusivement investissements et événementiels du syndicat sur le tour du lac et dans l’île. De toute évidence, cette stratégie financière s’opère au détriment du pays de Vassivière. Cependant, toutes ses initiatives ne sont pas négatives, comme par exemple l’achèvement du sentier de rives et autres sentiers d’interprétation autour du lac. Toutefois, l’entretien régulier de ces joyaux, aujourd’hui très fréquentés, laisse à désirer et témoigne pour le moins d’une gestion globale hasardeuse. Cette politique autocratique et dispendieuse ne manque pas de provoquer interrogations et résistances. Ainsi très vite, le département de la Haute-Vienne menace puis supprime sa contribution. Elle provoque inévitablement une désaffection des élus du comité, voire une décomposition syndicale à l’échelle des huit communes adhérentes. Au moins trois d’entre elles s’interrogent sur les procédures qui leur permettent de se retirer du “Lac de Vassivière“. Saint-Martin-château et Féniers quittent le syndicat en 2016.
Un rapport de la chambre régionale des comptes fait état du gouffre abyssal des finances du “Lac de Vassivière“. Pour sa gestion malveillante, la Région Limousin abandonne son ancien vice-président. Aux élections régionales de décembre 2015, Stéphane Cambou ne figure plus dans la lise des candidats qu’elle présente. Contraint à la démission, il ne se retirera qu’au début de l’année 2016. Au comité syndical du 3 mars 2016, une nouvelle fois c’est la Région qui s’impose. Gérard Vandenbroucke, premier vice président de la Région Aquitaine/Limousin/Poitou-Charentes présente sa candidature pour prendre la tête du syndicat. Une fois élu, il se désigne en pompier de l’urgence. Comment pourra-t-il assumer une telle charge quand il lui faut tenir tout à la fois sa fonction de vice-président de la “grande“ région à Bordeaux, présider la communauté d’agglomération de Limoges et se joindre aux promoteurs d’une nouvelle ligne à grande vitesse pour relier Limoges à Bordeaux et Paris ? Mais, comme tous les cumulards, il a sa solution dans la haute fonction publique. On apprend ainsi que le Comité interministériel aux ruralités a missionné depuis quelques semaines sur Vassivière les spécialistes de sa cellule opérationnelle : AIDER (Appui interministériel au développement et à l’expertise en espace rural). Pour l’avenir de Vassivière que peut-on attendre de ces ingénieurs de la France métropolisée, enchaînée dans ses réseaux de TGV, productrice du désert rural ? N’y aurait-il pas d’autres instances limousines plus habilitées à penser et à proposer une ou des solutions pour enraciner le “Lac de Vassivière“ dans l’espace du Millevaches ? En parcourant les publications du PNR on mesure combien le “Lac de Vassivière“ constitue une tragique autarcie : il n’apparaît que très rarement dans les manifestations dont elles rendent compte. Alors que les réunions se multiplient pour lancer la nouvelle charte du PNR, le moment n’est-il pas venu pour les acteurs locaux – élus et habitants – de redéfinir un projet pour le pays de Vassivière et de l’inscrire avec ses particularités dans le tissu social, culturel, économique et touristique du parc naturel régional du Millevaches ?
Alain Carof