À la suite à l’article de l’association Noporch 23 sur la méthanisation paru dans IPNS n°79, un ancien fabricant de petits méthaniseurs souhaite corriger ces propos « anti métha primaires ».
J'ai été assez déçu par le contenu de l’article. Il s’agit d’un article « anti métha primaire », j’en ai peur. Il présente toutes les caractéristiques de la désinformation : quelques items justes et beaucoup de faux. Je n’ai pas vu non plus de distinguo entre petits et gros méthaniseurs. Re: lettre d’info
Quelques exemples :
- On sème le doute sur le fait que le processus de méthanisation soit moins émetteur de gaz à effet de serre que le gaz fossile. Soit c’est un ignorant, soit c’est de la provocation (un disciple de Trump ?).
- Transport d’intrants : oui, c’est peu propre d’autant que l’on crame du fossile. Hélas, le ratio est de 1 consommé pour 10 de gagné si l’on va à 40 km en moyenne, ce qui est déjà beaucoup (source Ademe) ; mais cela plaide pour la petite méthanisation distribuée...
- Risques industriels : on confond volontairement accidents et pollution. Sur le premier point, pas encore d’accident mortel en France (on en a eu en Allemagne) ; sur le second, je suis sûr que le bilan global est bien meilleur que la situation actuelle d’un élevage sans méthanisation (mais la démonstration demande la lecture d’une bonne douzaine d’articles scientifiques abscons pour la plupart des gens - c’est vraiment compliqué). Et si l’on compare avec le fossile, n’oublions pas que les processus d’extraction de traitement et de transport d’énergies fossiles sont très polluants. Il faudrait commencer par supprimer la bagnole, qui, elle, tue tous les jours...
- Dangers du digestat : c’est faux, sauf si les intrants sont mauvais (métaux lourds…). Si la digestion n’est pas complète (les cas existent), le digestat va sentir mais sera finalement de l’engrais. En petite méthanisation, c’est un excellent engrais, bio qui plus est, qui évite les émissions de gaz à effet de serre (très importantes avec les engrais chimiques) et permet actuellement de continuer à fertiliser les sols, alors que les engrais chimiques deviennent trop chers (à cause de la guerre en Ukraine).
- Perte d’humus : c’est faux et cela a été démontré par l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).
- - Ammoniac : cela existe aussi avec les lisiers. Il faut faire attention aux conditions météo lors de l’épandage : la différence, c’est une odeur plus agréable, proche de l’humus, et moins durable ; il suffit de demander aux voisins...
- - Mort de vers de terre : Ah ! la belle attaque qui frappe. Hélas, l’Inrae a montré que, si 1 à 2 % des vers de terre meurent lors d’épandage en hiver (ce qu’on n’est pas censé faire !), en fait la population de vers augmente dans la durée, ce qui est normal, c’est le meilleur des engrais, les sols reprennent vie et les agriculteurs qui s’y sont mis ne sont pas prêts à faire marche arrière.
Je m’arrête là. Ce qui est bien triste, c’est que la filière est en train de s’arrêter : plus de nouveaux projets, on écluse les stocks, car les prix ne sont plus adaptés et le gouvernement n’a encore rien fait. En attendant, grâce à Poutine, ce sont les méthanisateurs qui subventionnent le gouvernement : prix d’achat à 10 centimes le kWh environ alors que le prix du marché est à 25 centimes (au 19 août 2022). Si la méthanisation ne va pas nous aider à passer l’hiver (1 % du gaz en 2021, 3 à 5 % dans deux ans), c’est maintenant qu’il faudrait investir massivement... pour obtenir dans dix ans un minimum d’indépendance énergétique sur le gaz.
Une question pour finir à notre association signataire : s’ils ne veulent pas du biogaz, je suppose qu’ils ne veulent pas non plus du fossile, et encore moins du nucléaire.
Reste donc l’hydraulique, encore que ; l’éolien, mais pas par chez nous, et le solaire, mais ni sur nos toits ni dans nos champs ; bref, quelle énergie veulent-ils utiliser, ces brillants critiques ?
Jean-Marie Faure