Lors du quinquennat de François Hollande avec Manuel Valls comme Premier Ministre, la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015, a redessiné la carte de France en créant les grandes régions, renforcé l’obligation d’intercommunalité en les agrandissant et donné plus de compétences aux métropoles. Cette loi prévoyait aussi un transfert obligatoire des compétences eau, assainissement et gestion des eaux pluviales, gestion de l’eau et des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) des communes aux intercommunalités au 1er janvier 2020.
Le 3 août 2018, la loi relative à la mise en œuvre du transfert de ces compétences a donné la possibilité aux communes de repousser, sous certaines conditions, l’échéance au 1er janvier 2026. C’est ce qui s’est passé pour la Communauté de communes Creuse Grand Sud (CGS).
Par la suite, en 2019, la loi sur « l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique » a autorisé les communautés de communes à « déléguer par convention tout ou partie des compétences eau, assainissement et gestion des eaux pluviales urbaines à une commune ou à un syndicat infracommunautaire existant au 1er janvier 2019, qui en fait la demande. Lorsqu’une commune demande à bénéficier d’une délégation (…), le conseil de la communauté [de communes / d’agglomération] statue sur cette demande dans un délai de trois mois et motive tout refus éventuel ». Il s’agit bien uniquement d’une délégation, les décisions budgétaires et tarifaires restant du domaine de la communauté de communes. Ce n’est donc pas un moyen de détourner la volonté de l’État de retirer la gestion de ces compétences de l’échelon communal. Enfin en avril 2022 la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration (3DS) est venue compléter certaines dispositions concernant ce transfert, toujours obligatoire au 1er janvier 2026, avec une obligation d’information et de débat l’année précédant sa mise en œuvre.
A l’occasion de la fête de l’eau organisée par le Syndicat de la Montagne limousine en juin 2021, des habitants découvrent le fonctionnement de la fourniture en eau de la commune de Faux-la-Montagne : explication du réseau, visite d’un chantier de renouvellement des canalisations (ci-dessus), visite du réservoir d’eau du bourg.
Dans cet article on s’intéressera particulièrement à la compétence eau et la question que chacun se pose : combien va coûter l’eau ? Pour l’État, le service public d’eau et d’assainissement est un service public et commercial (SPIC) :
On a coutume de résumer ceci en disant « l’eau doit payer l’eau ».
D’une commune à une autre, selon la taille du réseau, son état, les investissements faits pour le maintenir et l’améliorer, les coûts sont différents et donc le prix de l’eau aussi. Aucun délai n’est prévu pour arriver à l’égalité de l’ensemble des usagers de la collectivité concernant le coût de l’abonnement et de l’eau consommée mais c’est un but à atteindre.
La mutualisation rendue obligatoire au sein d’une communauté de communes doit permettre de financer les investissements nécessaires à l’amélioration de la qualité et du rendement du service de l’eau. On peut craindre que ces exigences soient difficiles à tenir au sein d’une communauté de communes aux ressources trop faibles et dont les communes n’ont pas toutes fait les investissements nécessaires au maintien d’un réseau en bon état fournissant une eau en quantité suffisante et de bonne qualité.
La gestion de l’eau potable à Faux-la-Montagne, comme pour ses voisines La Villedieu ou Gentioux, s’est toujours faite en régie directe. C’est-à-dire que ce sont des employés de la commune qui réalisent les travaux de suivi quotidien du réseau, de réparation et de maintenance, de création ou fermeture de branchements d’abonnés. Toutes les installations, captages, réservoirs, stations de traitement sont propriétés de la commune. Le transfert de la compétence entraînera de fait « la mise à disposition gratuite de plein droit des biens, équipements et services publics utilisés » à la communauté de communes, de même pour le personnel pour son temps de travail consacré à l’eau potable et l’assainissement.
Les communes de la Creuse Grand Sud qui ne sont pas en régie sont regroupées au sein d’un des trois syndicats intercommunaux d’adduction en eau potable (SIAEP) existants : La Rozeille, Saint Sulpice les Champs-Vallière et Haute Vallée de la Creuse. Certaines communes et deux syndicats ont délégué la gestion totale ou en partie à l’un des grands groupes : Saur, Véolia, Lyonnaise des Eaux. Avec la perte de la compétence, c’est donc la perte de la maîtrise au niveau local de la gestion de l’eau. Les décisions concernant les investissements et la politique tarifaire au sein d’un groupement de communes ne seront pas obligatoirement celles que l’on aurait souhaitées pour la commune.
Quelques solutions existent pour « échapper » à cette date du premier janvier 2026. Elles impliquent obligatoirement un changement du statut de la gestion de l’eau puisque le but c’est d’obliger les communes à ne plus gérer l’eau mais à se regrouper au sein de l’intercommunalité. Pour celles qui sont déjà regroupées dans un des syndicats il n’y aura finalement pas de changement la loi ayant évolué sur ce sujet. Des solutions plus complexes à mettre en place ont vu le jour sous forme de société d’économie mixte (SEM et SEMOP) dont les habitants peuvent être, en partie ou en totalité, les actionnaires (Dôle, Mouans-Sartoux par exemple). Les six communes qui ne sont pas dans un syndicat : Faux-la-Montagne, Gentioux-Pigerolles, La Villedieu, Gioux, Saint-Quentin-la- Chabanne, Aubusson et Féniers (qui est hors CGS), ont rencontré le syndicat de la Haute Vallée de la Creuse. Ce syndicat regroupe trois communes : Clairavaux, Croze et Felletin. L’intégration dans ce syndicat serait une solution qui permettrait de garder une gestion proche de la régie mais qui nécessite une convergence de vue et une confiance entre les partenaires. Les conditions posées par l’État pour agrandir le syndicat font que toutes les communes doivent être d’accord et il y a obligation de continuité territoriale. Une étude des différences sur les moyens techniques et matériels, les investissements prévus, les évolutions tarifaires de chacun est en cours. Il est prévu de faire des présentations des possibilités et conséquences de ce choix éventuel avec comptes rendus à destination des habitants. N’oublions pas qu’existe aussi la possibilité déjà évoquée de demande de délégation auprès de la communauté de communes une fois le transfert fait, mais celle-ci peut-être refusée et la convention qui en fixe les conditions et la durée peut se révéler problématique.
Toutes ces questions posées par ce choix de l’État de retirer aux communes la compétence eau, sans beaucoup de justifications, n’agitent pas que notre territoire. La loi pourrait encore évoluer mais il vaut mieux anticiper, s’informer, échanger avec d’autres communes afin de garantir le service public de l’eau potable au plus près de l’usager face à des changements climatiques qui deviennent évidents.
Francis Hoezelle, conseiller municipal à Faux-la-Montagne