Non ce ne sont pas des insectes, même s’ils font partie du même Phylum (embranchement) : celui des arthropodes. Comme chez les insectes, elles ont les pattes articulées et un squelette externe (exosquelette) ; leurs os, donc, sont les segments de leur carapace ou cuticule. Néanmoins, elles n’ont pas d’ailes mais quatre paires de pattes ainsi que des crochets ou chélicères qui leurs servent notamment à injecter du venin (à l’exception de rares familles qui ne disposent pas de glandes pour en fabriquer). Elles possèdent des filières qui leurs permettent de fabriquer de la soie (certaines familles chez les insectes ont aussi cette capacité : chenilles de papillons, de diptères…). Cette matière leur sert à fabriquer cocons, pièges, loges ainsi que du fil de sécurité ou d’envol (oui, les araignées lorsqu’elles sont jeunes vont utiliser la soie pour faire du parapente et ainsi pouvoir se disperser).
Il existe une cinquantaine de familles en France métropolitaine avec plus de 1750 espèces décrites. C’est grâce aux travaux d’Eugène Simon (1848-1924) et à ses très nombreuses publications que les bases de l’arachnologie française et mondiale ont été sérieusement consolidées au cours du XXe siècle. Le XXIe siècle a vu la création de l’AsFrA, Association Française d’Arachnologie, dont le premier colloque se déroula à Limoges en 2006. Ce sont actuellement une centaine de membres amateurs ou professionnels qui œuvrent pour une meilleure connaissance et prise en compte des araignées en France : inventaires, projets d’atlas, de liste rouge nationale… Dans notre vieille petite région, le CEN (Conservatoire d’Espaces Naturels, à l’époque du Limousin) avait créé un groupe dédié à l’initiative de Marcel Raymond Cruveillier, dénommé le GOAL, Groupe d’Observation des Araignées en Limousin… en 1998 année de la coupe du monde de foot !
La Nouvelle-Aquitaine étant une jeune et grande région, il n’existait pour le moment aucun travail de synthèse des connaissances à cette échelle : une douzaine de départements avec des arachnologues dispersés… Le CEN Nouvelle-Aquitaine a donc proposé à la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL de Nouvelle-Aquitaine) de remédier à cela et de proposer une étude arachnologique à partir de 2020. Cette dernière consistait à rassembler et analyser les données déjà existantes et à réaliser des inventaires dans les départements pauvres en données. Ce sont ainsi plusieurs milliers de données récentes et anciennes qui ont été numérisées et valorisées dans le portail FAUNA (L’Observatoire FAUNA est un pôle de gestion de données et d’expertises collaboratives sur la faune sauvage de Nouvelle-Aquitaine. Il facilite la structuration, le traitement et la diffusion de données sur les espèces dans le cadre de programmes d’études et de recherche sur la biodiversité régionale. Inscrit dans un processus continu d’amélioration des connaissances, il apporte son appui aux politiques publiques régionales en faveur du patrimoine naturel en collaborant avec un vaste réseau de contributeurs et partenaires). Grâce à ce travail, chacun peut dorénavant consulter la répartition régionale de chacune des araignées observées dans la région1.
En 2022, le nombre d’espèces d’araignées déterminées en Nouvelle-Aquitaine est de 965. Plusieurs taxons ont cependant été retirés pour des raisons d’erreur de détermination ou de flou taxonomique. Chaque mois, de nouvelles espèces sont répertoriées ou leur trouvaille est relayée. Les trois départements du Limousin figurent en bonne place grâce notamment aux nombreux travaux d’importance réalisés dernièrement par des personnes du pays : le catalogue de M. Cruveillier en 20142 ainsi que les différents travaux de Fred Lagarde sur le secteur de la Montagne limousine (voir IPNS n°30). Ce quasi millier d’espèces d’araignées est constitué de différentes catégories : il y a les espèces très communes que l’on trouve partout, les rares, les montagnardes, les méditerranéennes, celles qui ne vivent qu’à proximité de l’eau… Et celles qui sont arrivées plus ou moins récemment, s’étant bien acclimatées ou pas ! La répartition et la biologie de chacune sont encore incomplètes mais leur étude permet de progresser et notamment de mieux cerner les particularités écologiques.
Les dolomèdes sont par exemple des araignées inféodées aux zones humides, de la famille des pisauridés. On les rencontre dans les prairies humides, tourbières et au bord des étangs de notre région. Les jeunes individus peuvent être observés sur le feuillage des plantes et arbustes pas forcément au bord de l’eau.
Deux espèces sont présentes en Limousin. La plus commune s’appelle la Dolomède des marais (Dolomedes fimbriatus), elle est présente en abondance notamment sur les milieux humides de la Montagne limousine, tandis que l’autre espèce la Dolomède brune (Dolomedes plantarius) est bien plus rare et ne fréquente que quelques grands étangs et marais du Limousin (3 en Creuse actuellement).
Les épeires concombres sont des petites araignées de la famille des aranéidés tissant des toiles géométriques (en forme de roue de vélo) dans les feuilles. On les reconnaît notamment à l’abdomen de couleur vert fluo qu’arborent les femelles et il existe au moins 4 espèces présentes en Limousin.
Une espèce parmi elles ne semble vivre que sur les collines et montagnes : Araniella alpica que l’on n’a observée que sur le plateau de Millevaches, les monts de Guéret et dans les Pyrénées. Les Lycosidés sont la famille des araignées-loup dont le genre Pardosa comporte une vingtaine d’espèces en Limousin. Certaines parcourent les bois telles la Pardose forestière (Pardosa saltans), d’autres ne fréquentent que certaines tourbières du Plateau : la Pardose des sphaignes (Pardosa sphagnicola) par exemple.
On pourrait parler des araignées crabes, les thomisidés, que l’on croise sur les fleurs, postées à l’affût des butineurs. Une quarantaine d’espèces est actuellement recensée dans la région, comme la Misumène variable (Misumena vatia) qui peut changer de couleur en fonction de la fleur sur laquelle elle se poste et les nombreux xystiques (Xysticus sp.) que l’on peut observer sur les plantes mais aussi au sol.
Bref, les particularités des araignées vivant dans notre région sont nombreuses et leur étude révèle des côtés passionnants quand on s’intéresse à leur mode de chasse, de reproduction de dispersion…
Karim Guerbaa