A propos de l’émission de France 2 du dimanche 8 janvier consacrée au Plateau “des” Millevaches.
S'il vous arrive encore d'allumer votre poste de télévision, peut être avez-vous toujours l'idée que les programmes diffusés par les chaînes un tant soit peu publiques ont la volonté de vous traiter de meilleure façon que les programmes de celles qui ne le sont pas.
Cela a sans doute été vrai jadis, mais les choses ont bien changé. Pour ceux qui continueraient d'en douter, France 2 a su avec talent en faire la démonstration un dimanche du mois de janvier, en direct de Beaumont du Lac, à 13 heures trente précises, et remettre à l'heure les pendules de nos illusions cathodiques.
La prouesse technique sera c'est vrai admirable : faire pénétrer en direct chez l'habitant, mairie, habitation, café… " au plus près des gens " comme le précisera l'animateur, des caméras de télévision, précédées du dit personnage, qui engagera avec eux la conversation. Ceux qui suivent le tour de France savent, et c'est bien fait pour eux, ce que cela représente en nombre de caméras, techniciens, cars régie, antennes paraboliques et autres satellites qui se trouvent mobilisés, immobilisés même, pour l'occasion. Et l'on s'attendait donc à ce que le contenu soit à la hauteur d'un évènement si habilement créé par la télévision elle-même.
Et c'est bien de cela qu'il va s'agir pendant 30 minutes : de la Télévision se mettant elle même en perspective, se donnant en vain spectacle, sans guère de soucis autre que celui de se mordre la queue, dans une succession de situations propres à satisfaire les différents registres à l'aide desquels le journaliste-présentateur-amuseursympa entendait " vous donner la parole ".
Spectacle plat, formaté, convenu, pour tout dire navrant dans lequel les intervenants sont figés dans un décor qui n'est plus le leur mais celui imposé par la mise en scène, malheureusement dépossédés de l'essentiel de leur substance et à ce stade contraints bon gré mal gré de se plier aux " exigences du direct ". Le présentateur est chez lui, c'est son émission, il sait le mettre en évidence, et il n'y aura plus que des " invités " dans leur propre village, invités à se conformer à ce qu'on devine être les consignes de la production.
Arrêt sur image :
A moi il me semblait que cet exceptionnel là venait sous mes yeux de s'achever à l'instant. Je me serais trompé ? Peut être que je ne regarde pas assez la télévision et ne vois pas l'exceptionnel où il faut le voir. Je n'aurais pas fait tant d'histoires avec tout ça, si après le malaise ne m'était venu quelque chose qui doit approcher la colère.
C'est que encore une fois la parole qui pourrait, qui devrait être juste, précise, chaleureuse, utile ou que sais-je d'autre, est confisquée, détournée sans vergogne. La télévision ne fonctionne plus avec d'autres règles qu'en de rarissimes occasions, soumise qu'elle est au besoin de porter au loin les choses de la façon la plus consensuelle, la plus insignifiante possible, de ne s'écarter jamais du sens commun, et d'être à ce point conforme qu'aucune forme n'existe plus.
Ni aucun sens.
Nous le savons bien, mais savons nous que faire, ou même ne pas faire, avec ?
Jacques Malnou
Cela fait maintenant quelques mois pour certaines associations, plusieurs années pour d'autres, que les financements publics se raréfient ou même se tarissent. Certains d'entre eux, comme les emplois associatifs mis en place en leur temps par l'ancienne région Limousin, avaient permis de consolider au long cours, l'action de nombreuses associations. La nouvelle région Nouvelle-Aquitaine n'a pas souhaité les étendre à tout le territoire et a préféré, par un ensemble d'appels à manifestation d'intérêt, suivre au plus près l'action de chaque association. Cette approche, si elle a permis de maintenir un niveau de financement régional conséquent a néanmoins entraîné les associations dans une complexité administrative en elle-même génératrice d'usure et d'incertitude. Mais c'est désormais au niveau des financements de l'État que les restrictions se font sentir de manière significative.
En effet, plusieurs associations de notre territoire, en général à caractère culturel ou d'animation, essuient de la part de différentes administrations de l'État et notamment des Affaires culturelles (DRAC) une série de refus. Différents représentants du monde culturel et/ou de l'animation se sont émus de cette situation et ont envoyé à la préfecture de région un courrier de demande d'explication (voir ci-joint). Parmi les structures concernées figurent aussi les trois médias de notre territoire, Radio Vassivière, cité dans le courrier, mais aussi IPNS puisque pour la première fois depuis qu'il en bénéficie (5 ans) la revue ne recevra pas la (modeste) attribution du Fonds de soutien aux médias sociaux de proximité, sans aucune espèce d'explication, et que certains financements récurrents de Télémillevaches sont aussi remis en cause.
L'aggravation de la situation a amené les associations concernées à alerter les collectivités locales auxquelles elles sont liées et qui continuent dans la mesure de leurs possibilités à les soutenir. Cela a conduit certaines d'entre elles (commune de Gentioux-Pigerolles, commune de Faux-la-montagne, communauté de communes Creuse Grand Sud) à adopter des motions de soutien réaffirmant l'apport essentiel de l'ensemble de la vie associative à la vie économique et sociale de leur territoire. C'est ainsi que la motion adoptée lors de la séance du conseil communautaire du 6 juillet 2023 par la communauté de communes Creuse Grand Sud et transmise en préfecture souligne que « les associations de culture tout comme celles d'action sociale et d'activités sportives, sont au cœur de l'attractivité de nos territoires et leur action est porteuse de nombreuses et importantes retombées tant sociétales que touristiques et économiques. Elles sont indispensables à notre territoire au même titre que les autres acteurs économiques ou sociaux. » La motion se conclut sur le paragraphe suivant : « L'art et la culture sont par essence des espaces ouverts. Ouverts aux rêves, aux opinions, aux avis et aux contestations. Les subventions ne peuvent être attribuées, dans le cadre du respect de la loi, sur d'autres critères que ceux relevant de l'intérêt général et devant aussi respecter un des principes fondamentaux de notre pays : celui de la liberté d'expression et de création. En conséquence et en responsabilité, le Conseil communautaire affirme son plein et entier soutien aux activités de toutes les associations du territoire, qu'elles exercent des activités sportives, d'action sociale ou culturelles. »
Ces difficultés si elles étaient simplement le fait de restrictions budgétaires communes à toute la vie associative ne relèveraient « que » d'une orientation générale des politiques publiques et pourraient s'inscrire dans le débat démocratique sur le rôle et la place de la vie associative dans notre société et les moyens qui lui sont alloués. Mais il semble bien que nous soyons en l'espèce devant une situation particulière qui relève de prises de position partisanes de certaines branches des services de l'État décidées à en découdre avec les associations qui manifestent des opinions divergentes de celles promues par le gouvernement actuel. C'est toute la question du rôle des services de l'État qui est en jeu. La liberté d'expression, évoquée dans la motion publiée par la communauté de communes Creuse grand Sud, doit-elle être respectée envers et contre tout, ou le gouvernement peut-il imposer que seules les structures reflétant ses prises de position aient « droit de cité » dans le débat public ? Un faisceau d'indices semble confirmer cette dernière option comme en témoigne l'article paru dans Le Monde du 9 août 2023 (« Sur le plateau de Millevaches, une "liste rouge" d’associations privées de subventions »). Il reprend d’une part les interrogations des acteurs culturels mais aussi la lettre ouverte qu’Eric Correia, le président de l’agglomération du Grand Guéret avait adressée à la préfète de la Creuse, dans laquelle il s’inquiétait des menaces que cette situation faisait peser sur les libertés publiques. Pas plus la préfecture de région que la préfecture de la Creuse dans leurs réponses aux différents courriers, ne reconnaissent aucune censure (ce qui aurait été étonnant). Bien entendu, comme il est rappelé par ces interlocuteurs, la subvention n'est pas un droit et donc l'État et ses administrations peut librement choisir les structures auxquelles il apporte son soutien. Allant même plus loin, la préfecture de la Creuse semble vouloir délivrer à ces différentes associations un « certificat de bonnes mœurs » puisqu’elle reconnaît qu’elles s’inscrivent dans le respect du contrat d’engagement républicain si critiqué par ailleurs par les différentes instances représentatives de la vie associative et qu’Eric Correia remettait en cause dans sa lettre ouverte.
Alors que conclure de cette situation ? Oui, les associations, toutes les associations, sont l'émanation des passions, des enthousiasmes, des énergies des citoyennes et des citoyens de nos territoires. À ce titre déjà, elles sont précieuses. Et les associations culturelles et d'éducation populaire le sont d'autant plus qu'elles défrichent de nouveaux chemins, essaient des solutions, mobilisent des habitant-es autour de toutes sortes de problématiques, sont une des voix de la démocratie participative, nécessaire complément à la démocratie représentative pour prendre en compte les besoins et analyses de toutes et tous.
Oui, nous devons travailler inlassablement à créer des ponts. Mais nous devons aussi dégonfler les baudruches idéologiques qui créent des méfiances et des incompréhensions. Il est vrai que de ce point de vue, le contrat d'engagement républicain est venu introduire beaucoup de flou comme le souligne même le Haut conseil à la vie associative, instance officielle placée auprès du Premier Ministre. Et puis il est lassant de voir la vitalité associative accusée de tous les maux. Bien sûr les associations sont remuantes, bien sûr elles remettent en cause, mais c'est aussi comme cela qu'on avance socialement et que de nouvelles façon de fonctionner peuvent peu à peu être proposées.
Alain Détolle
« Nous représentons des acteurs du milieu culturel et associatif agissant en région Nouvelle-Aquitaine : Astre - réseau arts plastiques et visuels, RIM - réseau des indépendants de la musique, Grand’Rue - réseau des arts de la rue, Coopérative Tiers-Lieux - réseau des tiers-lieux, LINA - réseau des libraires indépendants.
Nous venons par la présente vous faire part de notre inquiétude et de nos interrogations soulevées par les courriers que nous avons reçus des associations Quartier Rouge, Les Michelines, Radio Vassivière (associations résidentes de la gare de Felletin, réunies par l’association Pang !), La Pommerie et du réseau TELA.
Elles nous ont informés de la situation préoccupante à laquelle elles sont confrontées suite à la réception de notifications de refus de subventions de la DRAC au titre de l’action territoriale justifiées par le seul argument de « crédits insuffisants » et restent en attente de réponses sur la ligne « création et arts visuels » d’une part, et suite au refus de subventions de FDVA 1 restent en attente de réponses pour le FDVA 2 d’autre part.
Voici une carte, où figure IPNS, réalisée par Lisa Giachino et Clément Villaume pour le journal L'Âge de Faire, qui recense les médias libres, indépendants, alternatifs, bref, pas pareils. L’expression « presse pas pareille » a été lancée par le journal marseillais Le Ravi, qui a cessé d'exister depuis un an. Sur cette carte, L'Âge de Faire a sélectionné les médias répondant grosso modo aux critères suivants :
Des journaux et sites internet répondant à ces critères leur ont sans doute échappé, n'hésitez pas à le signaler. Plusieurs de ces médias viennent de créer le Syndicat de la presse pas pareille. Parmi les objectifs de cette nouvelle organisation, notamment, se soutenir lorsqu'un média est attaqué en justice, et exiger la transparence sur les aides à la presse*. Ces aides sont particulièrement importantes et inégalitaires : un magazine possédé par un milliardaire comme Le Point reçoit 1,1 million d'euros par an d'aides de l'Etat, soit presque autant à lui tout seul que 135 petits médias, dont IPNS, qui demandent le Fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité.
* "Aides à la presse : comment ça marche et qui touche quoi ?", François Vignal, Public Sénat, 26 juin 2023Subventions suspendues... Subventions revenues...
Coup de théâtre au ministère de la Culture !
Le dimanche 1er décembre 2023, nous bouclons le n°85 d'IPNS en consacrant notre une à la suppression des subventions de trois médias du coin : Télé Millevaches, La Trousse corrézienne et IPNS. Comme nous l'expliquons dans ce numéro (page 3), 9 mois après avoir déposé notre dossier, 5 mois après avoir été évincé de la commission nationale qui donne un avis sur le versement du fonds de soutien aux médias de proximité, nous avons finalement appris que nos médias ne bénéficieraient pas de ce fonds en 2023, nos trois associations n'apparaissant pas dans la liste officielle et close qu'avaient reçue courant novembre plusieurs autres médias bénéficiaires.
Le mardi 5 décembre 2023, nous prenons le conseil d'une avocate qui, au vu des éléments que nous lui fournissons, estime que nous sommes en droit de saisir le tribunal administratif, nos dossiers ayant manifestement bénéficiés d'un « circuit particulier », différent en tout cas, de celui des autres dossiers. Le lendemain un reportage de France 3 Limousin (suivi rapidement d'un article dans StreetPress) fait connaître la situation au plus grand nombre et un début de médiatisation commence.
Le mercredi 6 décembre 2023, nous envoyons une lettre recommandée avec accusé de réception à la ministre de la Culture pour exiger une réponse officielle à notre demande de subvention.
Dans les jours qui suivent, une journaliste de StreetPress qui enquête sur notre affaire, contacte le ministère de la Culture, le ministère de l’Intérieur et la préfecture de Nouvelle-Aquitaine, qui n’ont « pas souhaité lui répondre ».
Le mardi 12 décembre 2023, nous sommes alertés par la Trousse Corrézienne qui vient de recevoir un coup de fil du ministère de la Culture qui lui demande son relevé d'identité bancaire... Dans les jours qui suivent, tout se précipite...
Le mercredi 13 décembre 2023, coup de théâtre, nous apprenons qu'une décision du ministère de la Culture vient d'être publiée au sein de ses services, augmentant le fonds national des médias de proximité d'une somme permettant de financer... trois médias. Devinez lesquels ? Oui ! La Trousse, Télé Millevaches et IPNS !
Le vendredi 15 décembre 2023, les comptes bancaires de Télé Millevaches et IPNS sont abondés des sommes attendues... qu'on n'attendait plus. Et la notification officielle nous est transmise le lundi 18 décembre 2023.
Que s'est-il passé ? Evidemment, nous ne le savons pas précisément, mais il est assez facile de le deviner. Au sein même de l'administration tout le monde n'est pas forcément d'accord pour supprimer les subventions aux associations, et, comme nous l'expliquions dans notre article, l'appréciation des choses varie énormément selon qu'on est au ministère de l'Intérieur ou au ministère de la Culture. Dans un premier temps ce dernier avait perdu... Le début de médiatisation et surtout la menace d'une procédure judiciaire qui avait des chances de nous être favorable a sans doute modifié ce rapport de force interne à l'administration qui est revenue sur sa première décision en prenant en dernière minute et en toute urgence une décision sur-mesure qui s'est concrétisée en trois jours par le versement des subventions d'abord supprimées.
Y-a-t-il de quoi se réjouir ? Pas vraiment. L'histoire révèle en effet d'inquiétants fonctionnements sournois dont de nombreuses autres associations ont payé les frais les années passées (Télé Millevaches entre autres sur d'autres lignes budgétaires) et rien n'est gagné pour les années à venir. Nous analyserons plus en détail cette situation dans notre prochain numéro et nous continuons à penser que la meilleure garantie de notre existence et de notre pérennité est dans le soutien de nos lecteurs et lectrices qui, en particulier suite à notre dernier numéro, se sont abonnés ou nous ont soutenus financièrement. Nous les remercions de ces encouragements qui, dans les temps qui courent, sont tout à fait indispensables.
Rappelons les épisodes précédents. Au lendemain et en réaction aux attentats contre Charlie hebdo en 2015, vécus comme une négation de la liberté d'expression et de la presse, le Gouvernement décide de créer un fonds national de soutien aux médias de proximité. Celui-ci s'intitule exactement «Fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité (FSMISP)» et il est confié au ministère de la Culture. Au sein de ce ministère, il est géré par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).
Selon les mots du ministère de la Culture, «le fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité permet d'accompagner financièrement le développement de médias ancrés localement, apportant une information de proximité, et favorisant la continuité du lien entre les habitants d'un quartier, d'une ville ou d'une région». Il définit ainsi ces médias qu'il a pour mission de soutenir : «Outils d’information, d’expression, de création et de dialogue, les médias de proximité tissent un lien de confiance avec les citoyens et constituent le meilleur rempart contre le "populisme numérique". Vecteurs d’information et de cohésion sociale, ils contribuent à valoriser et à faire évoluer l’image des territoires, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou les zones de revitalisation rurale et permettent à un large public de se familiariser avec la pratique journalistique, participant ainsi de l’objectif d’éducation aux médias.»
Par le travail qu'ils mènent depuis de nombreuses années (1986 pour Télé Millevaches, 2002 pour IPNS et 2015 pour La Trousse corrézienne), par leur façon d'associer des habitants à leurs productions, par l'image qu'ils renvoient de leur territoire, etc., nos trois médias cochent à peu près toutes les cases pour bénéficier de ce fond, au même titre que de nombreux autres titres associatifs, militants ou culturels ailleurs en France qui reçoivent aussi des subventions du FSMISP. Les services de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) qui instruisent nos demandes nous l'ont du reste dit explicitement plusieurs fois – à IPNS une des fonctionnaires avec laquelle nous étions en contact il y a deux ans nous ayant même indiqué que nous aurions été légitimes à demander une subvention plus importante... C'est bien pour cela que Télé Millevaches bénéficie de l'aide du FSMISP depuis la création de ce fonds en 2016 sans discontinuer (pour un montant d'environ 19 000 €), ainsi qu'IPNS depuis 2019 (pour 3500 €) et La Trousse depuis 2017 (pour 9000 € en 2022) (1).
Alors que les années précédentes nous recevions des réponses au tout début de l'été et que nos demandes suivaient un processus normal, l'année 2022 a été marquée par d'étranges retards dus à des allées et venues entre le ministère de la Culture et le ministère de l'Intérieur dont nous avons pu établir la réalité par échos, déductions, quelques témoignages de fonctionnaires et ce qu'on pourrait appeler un faisceau d'indices. Cette année-là, sur l'injonction du ministère de l'Intérieur, via sans doute le préfet délégué à la sécurité en Nouvelle-Aquitaine, nos dossiers ont été interceptés et il a fallu que le ministère de la Culture s'affirme avec vivacité pour que finalement les aides nous soient attribuées. Les raisons de cette obstruction? Eh bien en partie parce que le «Plateau» est considéré depuis le ministère de l'Intérieur et les préfectures comme un lieu d'insoumission (vous savez l' «ultra-gauche» que des journaux comme Le Point (2) ou Le Figaro (3) montent en épingle et que Darmanin ne cesse d'attaquer (4)), que les positions et actions qui en émanent déplaisent dans certaines instances politiques d'État, que des membres plus ou moins reliés à nos titres sont considérés comme dangereux, que nos propos ne sont pas toujours macroncompatibles – ce qui constitue désor- mais un crime d'antirépublicanisme... Tout cela est évidemment très politique, et n'a souvent pas grand-chose à voir avec la réalité. Et cela se fait évidemment sans aucune possibilité de confrontation directe et réelle avec nos détracteurs «tapis dans l'ombre» des ministères...
En 2023, nos trois médias redéposent leur dossier auprès du FSMISP. Et, comme l'an dernier, les choses traînent anormalement, même si nos interlocuteurs à la DRAC ou à la DGMIC nous disent qu'aucun média n'a encore reçu de réponses et que nous n'avons pas à nous inquiéter, que tout cela est normal, etc. Désolé si ce sont nos trois petits canards qui ont mis tout le monde en retard, mais la réalité est que jusqu'en octobre rien n'a bougé... Ce que nous savons cependant, c'est que la commission consultative qui donne un avis sur les versements du FSMISP, en juin, ne voit pas passer les demandes d'IPNS et de Télé Millevaches... Pourquoi ? On ne sait pas. On devine bien sûr – et vous aussi lecteur ou lectrice avisé.e. Mais on ne sait pas. Les affaires traînant, Télé Millevaches et IPNS décident de saisir directement la ministre de la Culture dans un courrier adressé à elle le 31 octobre : «Huit mois après le dépôt des demandes, quatre mois après la tenue des commissions, aucune nouvelle (…) Par ailleurs, des informations diffusées dans la presse nationale (Le Monde du 10 août 2023 : « Sur le plateau de Millevaches, « une liste rouge » d'associations ») semblent confirmer nos craintes quant à un ostracisme délibéré visant nos deux médias qui sont jugés un peu vite comme représentant un éventuel danger pour la République – bien que l'un comme l'autre, nous ayons signé le Contrat d'engage- ment républicain imposé aux associations, et même si nous demeurons critiques, comme l'ensemble du monde associatif et comme le Haut Conseil à la vie associative, vis-à-vis de ce contrat. Étonnés du délai de réponse du FSMISP, anormalement long par rapport aux années précédentes, échaudés par des difficultés déjà rencontrées l'an dernier dans l'attribution de cette aide qui nous a été manifestement octroyée par votre ministère contre l'avis du ministère de l'Intérieur pour ce que nous en avons compris, inquiets du contexte global de méfiance des pouvoirs publics vis-à-vis d'un certain nombre d'associations, nous nous permettons de nous adresser directement à vous, Madame la ministre, pour savoir ce qu'il en est de notre demande pour 2023 et connaître, le cas échéant, les raisons réelles d'un éventuel rejet.» Sans réponse, nous avons au téléphone le 22 novembre, Mme Magali Valente, directrice adjointe de cabinet de la ministre, en charge de l'audiovisuel et de la presse, qui nous confirme que notre lettre est sur son bureau et qu'elle est en attente de décisions... Le 27 novembre enfin, nous prenons connaissance de la liste complète des médias soutenus en 2023. Ni IPNS, ni Télé Millevaches, ni La Trousse corrézienne n'en font partie. Cette année c'est le ministère de l'Intérieur qui a gagné.
Evidemment, ce refus met en difficulté nos structures – et en premier lieu celles qui ont des salariés. Pour IPNS on repassera peut-être en noir et blanc comme au bon vieux temps et on en profitera pour redire que s'abonner est vital pour la survie de notre journal. Allez les amis, cessez de piquer votre IPNS à votre voisin et abonnez-vous à votre nom, incitez vos propres amis à le faire, etc. On a vraiment besoin de cette mobilisation et de ce soutien. 14 € par an ce n’est pas la mer à boire et en plus, compte-tenu de tout cela on va peut-être devoir augmenter un peu le prix qui n'a pas bougé depuis plus de 10 ans... Mais surtout, nous n'en resterons pas là. En lien avec l'Observatoire des libertés associatives, un universitaire va venir documenter les atteintes aux associations sur le Plateau ; nous ne tairons pas l'ostracisme dont nous faisons l'objet et le Plateau avec nous ; nous allons poursuivre nos enquêtes sur le sujet ; et surtout nous n'allons pas nous arrêter pour autant parce qu’une subvention (légitime) nous a été supprimée. Non ce dernier épisode n'est pas un épilogue. On va ouvrir la saison 2 !
L'équipe d'IPNS
Rappelons les épisodes précédents. Au lendemain et en réaction aux attentats contre Charlie hebdo en 2015, vécus comme une négation de la liberté d'expression et de la presse, le Gouvernement décide de créer un fonds national de soutien aux médias de proximité. Celui-ci s'intitule exactement « Fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité (FSMISP) » et il est confié au ministère de la Culture. Au sein de ce ministère, il est géré par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).
Selon les mots du ministère de la Culture, « le fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité permet d'accompagner financièrement le développement de médias ancrés localement, apportant une information de proximité, et favorisant la continuité du lien entre les habitants d'un quartier, d'une ville ou d'une région ». Il définit ainsi ces médias qu'il a pour mission de soutenir : « Outils d’information, d’expression, de création et de dialogue, les médias de proximité tissent un lien de confiance avec les citoyens et constituent le meilleur rempart contre le "populisme numérique". Vecteurs d’information et de cohésion sociale, ils contribuent à valoriser et à faire évoluer l’image des territoires, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou les zones de revitalisation rurale et permettent à un large public de se familiariser avec la pratique journalistique, participant ainsi de l’objectif d’éducation aux médias. »
Par le travail qu'ils mènent depuis de nombreuses années (1986 pour Télé Millevaches, 2002 pour IPNS et 2015 pour La Trousse corrézienne), par leur façon d'associer des habitants à leurs productions, par l'image qu'ils renvoient de leur territoire, etc., nos trois médias cochent à peu près toutes les cases pour bénéficier de ce fonds, au même titre que de nombreux autres titres associatifs, militants ou culturels ailleurs en France qui reçoivent aussi des subventions du FSMISP. Les services de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) qui instruisent nos demandes nous l'ont du reste dit explicitement plusieurs fois – à IPNS une des fonctionnaires avec laquelle nous étions en contact il y a deux ans nous ayant même indiqué que nous aurions été légitimes à demander une subvention plus importante... C'est bien pour cela que Télé Millevaches bénéficie de l'aide du FSMISP depuis la création de ce fonds en 2016 sans discontinuer (pour un montant d'environ 19 000 €), ainsi qu'IPNS depuis 2019 (pour 3500 €) et La Trousse depuis 2017 (pour 9000 € en 2022)1.
Alors que les années précédentes nous recevions des réponses au tout début de l'été et que nos demandes suivaient un processus normal, l'année 2022 a été marquée par d'étranges retards dus à des allées et venues entre le ministère de la Culture et le ministère de l'Intérieur dont nous avons pu établir la réalité par échos, déductions, quelques témoignages de fonctionnaires et ce qu'on pourrait appeler un faisceau d'indices. Cette année-là, sur l'injonction du ministère de l'Intérieur, via sans doute le préfet délégué à la sécurité en Nouvelle-Aquitaine, nos dossiers ont été interceptés et il a fallu que le ministère de la Culture s'affirme avec vivacité pour que finalement les aides nous soient attribuées. Les raisons de cette obstruction ? Eh bien en partie parce que le « Plateau » est considéré depuis le ministère de l'Intérieur et les préfectures comme un lieu d'insoumission (vous savez l' « ultra-gauche » que des journaux comme Le Point2 ou Le Figaro3 montent en épingle et que Darmanin ne cesse d'attaquer4), que les positions et actions qui en émanent déplaisent dans certaines instances politiques d'État, que des membres plus ou moins reliés à nos titres sont considérés comme dangereux, que nos propos ne sont pas toujours macroncompatibles – ce qui constitue désormais un crime d'antirépublicanisme... Tout cela est évidemment très politique, et n'a souvent pas grand-chose à voir avec la réalité. Et cela se fait évidemment sans aucune possibilité de confrontation directe et réelle avec nos détracteurs « tapis dans l'ombre » des ministères...
En 2023, nos trois médias redéposent leur dossier auprès du FSMISP. Et, comme l'an dernier, les choses traînent anormalement, même si nos interlocuteurs à la DRAC ou à la DGMIC nous disent qu'aucun média n'a encore reçu de réponses et que nous n'avons pas à nous inquiéter, que tout cela est normal, etc. Désolé si ce sont nos trois petits canards qui ont mis tout le monde en retard, mais la réalité est que jusqu'en octobre rien n'a bougé... Ce que nous savons cependant, c'est que la commission consultative qui donne un avis sur les versements du FSMISP, en juin, ne voit pas passer les demandes d'IPNS et de Télé Millevaches... Pourquoi ? On ne sait pas. On devine bien sûr – et vous aussi lecteur ou lectrice avisé.e. Mais on ne sait pas. Les affaires traînant, Télé Millevaches et IPNS décident de saisir directement la ministre de la Culture dans un courrier adressé à elle le 31 octobre : « Huit mois après le dépôt des demandes, quatre mois après la tenue des commissions, aucune nouvelle (…) Par ailleurs, des informations diffusées dans la presse nationale (Le Monde du 10 août 2023 : « Sur le plateau de Millevaches, « une liste rouge » d'associations ») semblent confirmer nos craintes quant à un ostracisme délibéré visant nos deux médias qui sont jugés un peu vite comme représentant un éventuel danger pour la République – bien que l'un comme l'autre, nous ayons signé le Contrat d'engagement républicain imposé aux associations, et même si nous demeurons critiques, comme l'ensemble du monde associatif et comme le Haut Conseil à la vie associative, vis-à-vis de ce contrat. Étonnés du délai de réponse du FSMISP, anormalement long par rapport aux années précédentes, échaudés par des difficultés déjà rencontrées l'an dernier dans l'attribution de cette aide qui nous a été manifestement octroyée par votre ministère contre l'avis du ministère de l'Intérieur pour ce que nous en avons compris, inquiets du contexte global de méfiance des pouvoirs publics vis-à-vis d'un certain nombre d'associations, nous nous permettons de nous adresser directement à vous, Madame la ministre, pour savoir ce qu'il en est de notre demande pour 2023 et connaître, le cas échéant, les raisons réelles d'un éventuel rejet. » Sans réponse, nous avons au téléphone le 22 novembre, Mme Magali Valente, directrice adjointe de cabinet de la ministre, en charge de l'audiovisuel et de la presse, qui nous confirme que notre lettre est sur son bureau et qu'elle est en attente de décisions... Le 27 novembre enfin, nous prenons connaissance de la liste complète des médias soutenus en 2023. Ni IPNS, ni Télé Millevaches, ni La Trousse corrézienne n'en font partie. Cette année c'est le ministère de l'Intérieur qui a gagné.
Evidemment, ce refus met en difficulté nos structures – et en premier lieu celles qui ont des salariés. Pour IPNS on repassera peut-être en noir et blanc comme au bon vieux temps et on en profitera pour redire que s'abonner est vital pour la survie de notre journal. Allez les amis, cessez de piquer votre IPNS à votre voisin et abonnez-vous à votre nom, incitez vos propres amis à le faire, etc. On a vraiment besoin de cette mobilisation et de ce soutien. 14 € par an ce n’est pas la mer à boire et en plus, compte-tenu de tout cela on va peut-être devoir augmenter un peu le prix qui n'a pas bougé depuis plus de 10 ans... Mais surtout, nous n'en resterons pas là. En lien avec l'Observatoire des libertés associatives, un universitaire va venir documenter les atteintes aux associations sur le Plateau ; nous ne tairons pas l'ostracisme dont nous faisons l'objet et le Plateau avec nous ; nous allons poursuivre nos enquêtes sur le sujet ; et surtout nous n'allons pas nous arrêter pour autant parce qu’une subvention (légitime) nous a été supprimée. Non ce dernier épisode n'est pas un épilogue. On va ouvrir la saison 2 !
L'équipe d'IPNS
Demain, pour quels usages et quels contenus ?
Chaque foyer situé dans la zone de couverture et disposant d'une antenne traditionnelle, dite "râteau", doit s'équiper d'un adaptateur lui permettant ainsi de recevoir gratuitement les 14 chaînes aujourd'hui disponibles. Un adaptateur coûte environ 100 euros - des modèles équipés de plus d'options sont également proposés. Les programmes sont reçus en qualité numérique (comme un DVD), et en quantité plus importante du fait de la compression des données, sans perte de qualité. Là où l'analogique permet de diffuser une chaîne, le numérique accueille 8 canaux. Autant dire que des opportunités nouvelles en terme de contenu ou de services interactifs s'ouvrent au grand public, sans abonnement mensuel. Le planning disponible à ce jour prévoit une couverture quasi-totale du territoire courant 2007. Pour l'instant, on constate que les cartes prévisionnelles laissent peu de place au Plateau de Millevaches…
C'est le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) qui a attribué les canaux aux différents candidats, après auditions des projets. Des chaînes sont diffusées gratuitement - 14 à ce jour. A partir de septembre 2005, d'autres seront proposées sur abonnement ou gratuitement. On peut s'étonner que les attributions ne prévoient pas de place pour les chaînes locales, qui ont pourtant déposées leur candidature de façon collective. La pluralité des contenus était pourtant un des critères émis par le CSA dès l'origine. La mise en pratique semble plus difficile… En effet, on retrouve sur la TNT les mêmes programmes que sur d'autres supports de diffusions (satellite, câble…), alors que la TNT pourrait permettre la diffusion de nouveaux contenus, et ainsi l'émergence d'une nouvelle forme de télévision. Le rendez-vous de la diversité semble à nouveau manqué !
On peut citer les réactions des habitants de Chambon-sur-Voueize qui ont très justement rappelés en mars dernier que la couverture actuelle ne leur permet même pas de bénéficier de toutes les chaînes nationales : alors comment croire à l'arrivée de la TNT ? Le cas des programmes financés par la redevance (France 5 par exemple), mais non reçus par de nombreux foyers est bien connu dans nos zones rurales. On a vraiment le sentiment que l'arrivée de la TNT ne fait que creuser le fossé entre ceux qui ont droit à ces contenus audiovisuels - sans parler de la qualité de ceux-ci ! -, et ceux qui n'y auront définitivement pas accès. Pourquoi ne pas avoir fait le choix politique de lancer la TNT sur les territoires les moins bien couverts ? Cela aurait marqué une réelle volonté de rendre accessible à tous les citoyens ces nouveaux médias (et déjà ceux auxquels ils devraient avoir droit depuis longtemps).
Autre situation plus cocasse, en Haute-Vienne, où les habitants les plus proches du Poitou-Charentes peuvent déjà disposer de la TNT, mais avec l'inconvénient de ne plus disposer du programme régional de France 3 Limousin, mais de celui de Poitiers. Autant dire que la technique a aussi ses limites ! Le CSA aurait répondu aux interrogations des officiels en expliquant que la région n'avait pas un potentiel de population suffisant pour justifier un tel investissement (source La Montagne du 6 mai 2005). Au moins, c'est clair ! Ce cas pourrait se reproduire avec le développement de la TNT, créant de légitimes interrogations sur l'accès à certains programmes régionaux.
Paradoxalement, on peut s'interroger sur l'intérêt de la TNT pour notre territoire. En effet, le développement de la télévision sur ADSL est une réalité en France, et prochainement en Limousin avec l'implantation de réseaux très haut débit (voir l'article sur le haut débit dans le numéro 10 d'IPNS). La démarche portée par le syndicat mixte DORSAL a justement pour objectif de rendre plus facile l'accès à l'internet, donc à ces nouveaux contenus. Le haut débit, donc la télévision sur internet en haute qualité, permettra cet accès, et très certainement avant même que la TNT soit disponible chez nous ! Tout en bénéficiant d'un accès à internet en haut débit, le même équipement offrira un accès aux chaînes de télévision comme cela est déjà le cas dans les grandes villes. Cela illustre bien que ce sont les initiatives locales, et l'imagination de solutions adaptées au territoire et à ses acteurs, qui permettent de répondre aux vraies attentes. Reste à savoir si c'est normal ! A titre d'exemple, ces technologies pourraient permettre une diffusion plus simple de contenus locaux, tels que Télé Millevaches et son Magazine du Plateau.
Plus globalement, il faut bien cerner que la télévision et son mode de "consommation" évoluent, et ce sera encore plus le cas dans les années qui viennent. Les contenus, les terminaux de consultation, les usages et les modes de diffusion vont se superposer. On utilisera un téléphone mobile pour regarder un extrait du journal télévisé, tout en accédant sur un ordinateur connecté en ADSL pour visionner une émission plus longue, et la télévision plus traditionnelle pour un film. Il faut bien comprendre que les technologies permettent ces nouveaux usages. A chacun d'en faire l'utilisation qui lui convient, en fonction des moyens techniques à sa disposition.
La technologie est utile, encore faut-il qu'on l'utilise à bon escient. La TNT est/était une opportunité pour diversifier l'offre, et pour offrir un accès de qualité aux contenus audiovisuels, notamment ceux du service public. C'est donc cette fracture entre les territoires que la TNT révèle à nouveau. On fait toujours le même constat : tout le monde n'est pas servi de la même façon !
David Daroussin
Les bois aux alentours de Meymac ont retrouvé leur calme. Une sérénité troublée cet été par l’affaire des recherches visant à exhumer les restes de soldats allemands de la deuxième Guerre mondiale, au nombre d’une quarantaine, peut-être un peu plus, ainsi que d'une collaboratrice française, exécutés en 1944 par le maquis dans la période qui a suivi immédiatement la prise de Tulle en juin, puis la retraite des troupes essentiellement FTP confrontées à la division SS Das Reich dont l’armement était sans commune mesure avec celui de l’« armée des ombres ».
L’événement a fait retour dans l’actualité à raison de sa remémoration par un maquisard âgé, Edmond Réveil, dont la sincérité n’a pas à être mise en doute ni les motifs suspectés d’on ne sait quelle animosité à l’égard de qui que ce soit. Alors qu’immédiatement la chose fut présentée sous la forme d’un scoop par certains journalistes, il apparut très vite que la connaissance publique de l’événement était ancienne, celui-ci ayant été signalé explicitement en 1975 lors de la troisième édition de l’ouvrage collectif Maquis de Corrèze.
Comme il est d’usage dans ce type d’occurrence, les institutions compétentes de la République française (Office national des combattants et des victimes de guerre - ONACVC) et de la République fédérale d’Allemagne (Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge - VDK, traduction approximative : Service allemand de prise en charge des sépultures de guerre), ont mis en place un dispositif de recherche des restes humains des soldats de la Das Reich passés par les armes.
Les recherches archéologiques conduites à Meymac au moyen de technologies avancées n’ont pas été couronnées de succès : seuls quelques artefacts (douilles, balles, identiques sans doute à celles que les adolescents des années cinquante et soixante du XXe siècle trouvaient à profusion dans bien des greniers corréziens, quelquefois assorties d’engins plus inquiétants oubliés par les adultes) ont été mis au jour, et un climat étrange d’inachevé a résulté de l’échec des fouilles.
Reste que l’épisode peut justifier de brèves réflexions sur le sens, ou plutôt les sens, que l’affaire a pu revêtir, qui tantôt sont propres aux faits historiques en cause, tantôt témoignent d’un caractère plus large, voire universel. Un avertissement est nécessaire : les propos qui suivent ne sont pas essentiellement animés par une inspiration « normative » (ce qui devrait être) mais par une approche « clinique » (ce qui est, ou ce qui fut). Il s’agit de tenter de mieux comprendre pour ensuite laisser le temps du jugement à chaque liberté individuelle, supposée davantage édifiée.
Si les différentes formes du pacifisme sont hautement recevables d’un point de vue moral, il n’en reste pas moins que la guerre, modalité collective de la violence, pour l’observateur rationnel, semble consubstantielle au genre humain.
Certains ont pu même avancer l’idée que la matrice de tout droit était celui de la guerre, la guerre étant de ce fait « civilisée », un peu comme la boxe qui serait un « noble art », à la différence de la vulgaire rixe tout à fait dépourvue de règles. S’il peut avec raison être soutenu que la guerre est moralement indéfendable (ce qui invite à réfuter, mais peut-être pas à récuser la torrentielle littérature léguée par les siècles au sujet de la « guerre juste » et de ses critères), rien ne s’est jamais opposé à ce qu’elle soit dotée d’un droit, aujourd’hui celui des « conflits armés », regroupant les droits ad bellum, in bello, post bellum et humanitaire.
Or, parmi les règles immémoriales de la guerre « civilisée », au moins dans le monde occidental, figure la question des dépouilles des combattants, qui ont vocation à être rendues à leur famille ou à leur cité. C’est dès la littérature homérique, faite de récits fondateurs, qu’apparaît avec force cette exigence à propos de l’attitude du « bouillant Achille » venant de triompher de son duel avec le Troyen Hector. La colère d’Achille est telle qu’il profane le corps de son ennemi défunt qui avait pourtant pris soin de lui demander de respecter son cadavre s’il devait succomber, et il refuse de le remettre à son père Priam, roi de Troie. C’est alors par l’intermédiaire de sa mère que les dieux, irrités, font savoir à Achille qu’ils désapprouvent absolument sa conduite, ce qui le conduit à remettre les restes d’Hector à Priam afin qu’une sépulture décente l’accueille. À ce titre donc, l’affaire de Meymac n’a rien de particulier, elle ne fait que s’inscrire dans une histoire de la très longue durée ayant quelque chose à voir avec le sacré autour de l’inviolabilité du cadavre, le droit positif le plus contemporain prévoyant pour sa part toute une série de peines sanctionnant les profanations de cadavres et de sépultures, la qualité du défunt étant sans incidence sur l’interdit acquis dès les Grecs.
Au demeurant, ces exigences de dignité due aux morts ne sont pas polarisées politiquement, mais bien générales et absolues, et elles revêtent parfois une dimension de réparation et de rétablissement de la vérité historique par-delà la concurrence des mémoires et les vérités d’État. Refuser décence et dignité aux morts quels qu’ils soient, c’est, pour reprendre les catégories de pensée forgées dès l’Antiquité, abdiquer la civilisation et opter pour la barbarie. Pour toutes ces raisons donc, l’émotion locale à laquelle on a assisté autour de l'affaire de Meymac est sans doute compréhensible, mais l’opération de recherche de corps en vue de leur exhumation et leur transfert dans une nécropole n’a rien d’extraordinaire, elle est même souhaitable car c’est un acte de civilisation qui a une très longue histoire.
Une autre approche de l’affaire de Meymac est davantage circonstanciée, elle se décompose en réalité en plusieurs aspects qui intéressent davantage l’histoire récente et les sociétés contemporaines. C’est tout d’abord faire référence à la façon dont les choses ont été répercutées par les médias, et on n’y fera nulle découverte particulière : ce sont les règles du champ journalistique qui ont trouvé à s’appliquer, entre spectacle du sensationnalisme, inculture et approximations. Il est ainsi question (Arte, qu’on a connue mieux inspirée) d’« aveux » : que l’on sache, ce sont les coupables qui avouent, et Edmond Réveil n’est à l’évidence coupable de rien. La Vie corrézienne du 1er septembre se charge quant à elle de restituer le climat qui, à l’entendre, prévalait à l’époque, afin que son lectorat soit édifié : « Les règlements de comptes remplacent les procès, la violence était sans pitié. C’était l’épuration. Les crânes rasés, les lynchages. » Que l’affaire de Meymac se situe avant la Libération ne semble pas troubler le rédacteur, qui reprend le marronnier de la sauvagerie de l’épuration dans le Limousin tout entier, qui n’épargna pas la Haute-Vienne en particulier à travers la figure de Georges Guingouin (« Le colonel communiste Guingouin : son « armée » fut responsable d’un millier d’exécutions dans la région de Limoges » Le Crapouillot, avril-mai 1985) ; alors qu’un petit ouvrage d’un avocat qui fait litière de ces allégations n’est jamais évoqué (Jean Meynier, ancien bâtonnier, La justice en Limousin au temps de la Libération. Les tribunaux d’exception, 1944-1948, Éd. René Dessagne, 63 p., pas de date indiquée, vraisemblablement 1985). Le quotidien Le Monde est davantage modéré, factuel (24 août 2023), et c’est avec surprise qu’on observe que M le magazine du Monde, son supplément hebdomadaire consacré essentiellement aux futilités les plus diverses et manifestement destiné aux salles d’attente, fait figurer sur sa couverture : « Le secret de Meymac » ! La contribution de quatre pages est assez solidement documentée, mais ce qui doit retenir l’attention dans un premier temps, c’est le recours à des substantifs propres à suggérer une atmosphère ténébreuse qui semble vouloir rivaliser avec l’affaire Dominici. Il est ainsi question de « fantômes allemands », de « terrible passé », d’une « assemblée muette de stupeur », de « rumeur (…) racontée à voix basse derrière les portes fermées », de « douleurs enfouies ». Décidément, la veine du lyrisme gore inaugurée par le député socialiste haut-viennois Jean Le Bail dans les années cinquante du XXe siècle est toujours fertile. Pour sa part, il avait intitulé « Limousin terre d’épouvante » le feuilleton qu’il rédigeait dans le Populaire du Centre aux fins de lapidation de Georges Guingouin.
L’inculture se mesure, là comme ailleurs, à travers l’utilisation du mot « village » pour désigner Meymac, au mépris des apports de l’ethnologie rurale et du sens commun rural local : Meymac est une commune et comme toutes les communes limousines elle a un bourg d’une part et des villages d’autre part. Passons.
Cependant, à la différence d’autres contributions, l’opinion des associations d’anciens combattants de la Résistance est exposée dans le texte, alors que dans La Vie corrézienne des propos sans aucun élément probant mais en forme d’argument d’autorité donné pour fondé à raison des professions de ceux qui l’expriment, stigmatisent une supposée volonté dissimulée des anciens du Maquis d’empêcher toute investigation sur l’affaire. Comme il est normal, les représentants de la mémoire de la Résistance signalent dans M le caractère public de l’information dès 1975 à l’occasion de la troisième édition de Maquis de Corrèze, il y a près de cinquante ans. Qu’il y ait eu lecture superficielle ou oubli est une autre histoire.
Enfin, plusieurs médias font référence à l’hypothèse du crime de guerre, divine surprise pour ceux qui veulent faire accroire qu’ils sont revenus de tout alors qu’ils n’ont jamais quitté le monde de la médiocrité. Passons sur l’effet de la prescription qui, si elle ne concerne pas le crime contre l’Humanité, s’applique au crime de guerre - même si on peut le regretter parfois -, pour en venir à l’essentiel s’agissant de cette incrimination. Quant à l’intention des juristes d’opérette se mêlant de droit de la guerre d’abord, elle est évidente : comme il est difficile d’effacer ou même de minorer le souvenir des massacres d’Ussel, de Tulle, d’Oradour-sur-Glane perpétrés par la Das Reich à la même période, sans préjudice des exécutions sommaires commises tout au long des itinéraires des détachements des troupes nazies, pouvoir exciper d’une identité de pratiques imputées à la Résistance est une bénédiction, une reproduction de la « divine surprise ». Exit la pertinence des motifs de lutte des uns et des autres, hors sujet la disproportion des forces en présence, reste l’invitation à l’égalité des valeurs, une barbarie répond à une autre, tout est dit, gémissons et détournons le regard. Analogie sportive : un à un, la balle au centre.
Pour soutenir une telle position de sagesse apparente faite d’un stoïcisme ou d’un épicurisme pour les nuls, il faut prendre des libertés avec les choses, entre interprétations et falsifications. Négliger par exemple que la notion de crime de guerre a connu une genèse malheureusement longue en droit international humanitaire et qu’elle ne s’est stabilisée que tardivement, par le truchement des conférences de Genève de 1949, ce qui renvoie à la question de la non-rétroactivité.
En outre il convient de prendre en considération que les maquis composés essentiellement de combattants volontaires n’étaient à aucun moment reconnus comme des troupes belligérantes « légitimes » par l’occupant et le régime de Vichy, alors que le crime de guerre ne peut être le fait que d’une armée régulière. Les Nazis et leurs supplétifs pétainistes n’ont jamais varié : ils avaient affaire à des « terroristes », fourriers de la guerre civile, organisés en « bandes » suffisamment nombreuses et efficaces pour engendrer dans la troupe allemande la définition du Limousin en qualité de « Kleine Russland » (Petite Russie). De cela témoignent les négociations pour la reddition allemande de la ville de Limoges lorsque le général Gleiniger écrit le 20 août 1944 pour récuser toute proposition de contact direct avec le colonel Georges Guingouin, alors chef départemental des FFI : « Le seul gouvernement légitime est celui de Vichy. Les FFI sont des troupes irrégulières qui ont déchaîné la guerre civile. Une capitulation sans condition devant les troupes soulevées contre le gouvernement de Vichy ne saurait être envisagée. » (Georges Guingouin, Quatre ans de lutte sur le sol limousin, Hachette, 1974, p. 207). Il y avait guerre, mais c’était une guerre irrégulière au sens du grand juriste allemand nazi Carl Schmitt, une guerre de partisans dont le but n’était pas un traité de paix mais l’anéantissement de l’ennemi. Est-il vraiment étonnant qu’à ce jour encore, l’ainsi-nommée communauté internationale ait toujours échoué à se donner une définition partagée, en droit international, du terrorisme ? En ces domaines, ce ne sont pas les professeurs de droit qui tranchent, mais l’Histoire, par-delà les mémoires sectorielles.
À ce stade il est temps d’en revenir aux faits de juin 1944 à Tulle, pour essayer de rendre compte d’un enchaînement d’épisodes quasi-mécanique. Moment d’analyse délicat car il ne peut éviter l’évocation de controverses rugueuses qui ont vu le jour au sein même des résistants et maquisards. Pour dire vite : selon en particulier Georges Guingouin, libérateur de Limoges et Compagnon de la Libération, la décision de prendre Tulle de vive force le 7 juin fut inopportune (adjectif commode pour éviter de trancher entre erreur et faute), car occuper une ville-préfecture est une chose, valeureuse certainement, mais tenir le terrain conquis alors qu’il est de notoriété publique qu’une division SS rôde aux alentours en est une autre, bien différente. Pour argumenter sa position, le « Premier maquisard de France » (avril 1941, à Soudaine-Lavinadière en Corrèze) oppose la stratégie mise en œuvre à Limoges, où après son refus d’exécuter l’ordre de prendre la ville d’assaut, la reddition allemande fut obtenue sans combat au moyen de l’intercession du consul de Suisse, Jean d’Alby. Ainsi, les résistants emprisonnés à Limoges, promis à l’exécution par la Gestapo dès le début de toute attaque, furent sauvés. À cet égard il faut se souvenir que si près de 30 000 prisonniers-otages furent fusillés dans la France entière, dont 11 000 en région parisienne et 3 674 à Lyon, Limoges vient immédiatement après avec 2 863 fusillés. La capitulation allemande fut sans doute obtenue à raison des talents de diplomate du consul suisse, mais plus fondamentalement en considération de l’encerclement de la ville par les forces de la Résistance, oscillant entre 15 000 et 20 000 combattants après le ralliement tardif des forces de l’ordre. Guingouin est alors commandant militaire régional FFI et a pris le grade de colonel. Ceci étant, on aurait tort d’imaginer un Guingouin pusillanime, hésitant. Pour preuve, l’issue de la capture par le détachement du sergent Canou du Sturmmbahnführer SS Helmut Kempfe à proximité de Saint-Léonard-de-Noblat. Activement recherché par le commandement de la Das Reich, son sort est scellé après les pendaisons de Tulle et les massacres d’Oradour-sur-Glane. Le « Préfet du maquis » est laconique : « Les chefs qui commandent de tels crimes ne peuvent rester impunis (…) il ne saurait y avoir de clémence pour Kempfe. Ordre est donné de le passer par les armes. » (ouvrage précité, p. 184). Il en ira de même avec un collaborateur infiltré, le vicomte de R…, confondu près d’Eymoutiers : « Il fut immédiatement passé par les armes. » (ouvrage précité, pp. 193 et 197)
Mais à Tulle, une fois la retraite à l’ordre du jour, les résistants sont confrontés à des choix cornéliens : libérer les prisonniers allemands, c’est-à-dire en faire cadeau à l’ennemi en leur permettant de l’informer sur la direction prise par les combattants et sur les aides de « légaux » dont ils ont pu bénéficier, ou s’assurer d’eux en les évacuant, c’est-à-dire en les transformant en charge insupportable alors qu’il s’agit de reprendre la tactique maquis dans des conditions périlleuses. Edmond Réveil le dit lui-même dans un entretien télévisé : « On n’avait pas de prison. » Dès lors une seule solution de fortune s’impose, les prisonniers ayant refusé de rejoindre les troupes du maquis sont passés par les armes, ainsi qu’une collaboratrice française, dans les bois près de Meymac. À propos de la collaboration et de la Milice, il faut là aussi se replacer dans le contexte en faisant référence à un mot de Pierrot Villachou, un des plus proches lieutenants de Guingouin, prononcé dans le documentaire de France 3 « Lo Grand » en 1984, où il précise que « sans les collaborateurs, les Allemands n’auraient pas fait le quart du mal qu’ils ont fait, c’est eux qui connaissaient le pays, les chemins, les gens, avec eux on a été impitoyables. » Ici, que chacun qui n’a pas vécu en personne de telles situations, prenne bien garde de ne pas juger hâtivement du haut de sa tour d’ivoire, distribuant arbitrairement bons et mauvais points. Car ceux qui n’ont alors pas renoncé à agir dans le monde ont éprouvé que de telles périodes réservent bien des surprises alors que ce qu’on risque est bien autre chose qu’un désaveu silencieux de voisins, l’affaiblissement de relations amicales ou un retard d’avancement professionnel. Soit à se souvenir par exemple, afin de tenter d’approcher ce qu’« éprouver » peut vouloir dire lorsque le désastre advient, du mot d’Hannah Arendt se remémorant la montée du nazisme en Allemagne : « Le problème, le problème personnel, n’était donc pas tant ce que pouvaient bien faire nos ennemis, mais ce que faisaient nos amis. » Elle en tire un verdict sévère à l’égard des « intellectuels », orfèvres en rhétorique exonératoire de tout engagement personnel résolu ; opinion partagée par Guingouin dans une confidence qui, « à partir de mon expérience », formule qui lui était chère, concluait en forme de diagnostic clinique à un manque de courage. On doit cependant à la vérité de dire qu’il y eu des exceptions (Cavaillès, Char, et quelques autres). Et il faut être attentif aux mots simples utilisés par ceux qui ont osé. Il vient d’être question de « courage », et Pierre Villachou déjà évoqué, interrogé sur le caractère groupusculaire de la Résistance initiale jusqu’en 1942-43, répondait avec un ton d’évidence : « La peur. Ce n’est pas difficile, c’était la peur. »
Pour clore sur une interrogation, il faut se résoudre à un constat : après une période estivale d’émotion où plusieurs ont décelé très vite le risque d’une énième opération de disqualification de la Résistance et des maquis limousins, la baudruche s’est dégonflée et, une information chassant l’autre, les faiseurs d’opinion sont passés à autre chose, l’actualité internationale y invite. Deux conclusions sont alors possibles. Les optimistes y verront une sorte de victoire, la rapidité et la fermeté des réactions tendant à replacer l’affaire dans une analyse contextuelle rationnelle ayant coupé l’herbe sous le pied de ceux qui ont pu un temps entrevoir une opportunité d’avilir les combats de la Résistance. Les pessimistes suggéreront que, le temps passant et le décervelage médiatique ayant partie liée avec l’affaiblissement de l’enseignement public, notamment de l’histoire, il ne pouvait guère en aller autrement. Toutes ces histoires, aujourd’hui, sinon tout le monde au moins les plus nombreux s’en moquent souverainement et les regardent comme largement marquées d’insignifiance. Tant il est vrai que beaucoup semblent convaincus que le passé étant par définition passé, sa connaissance et son évaluation ne sont pas porteuses de grand-chose (le fameux argument asséné sur un ton d’évidence : « Le monde d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’hier ! », allégation pétrifiante de bêtise). Telle est la position commune de ceux qui le plus souvent implicitement considèrent que l’histoire de l’Humanité a commencé à la date à laquelle ils prétendent avoir eux-mêmes atteint l’âge de raison.
Façon de suggérer que nous vivrions bien la fin de l’après-guerre, soit simultanément peut-être le début d’un avant-guerre ?
Gérard Monédiaire
Jamais depuis la Libération, l'extrême droite, en France, ne s’est trouvée si près de la victoire. Elle porte un projet de démolition sociale, de repli chauvin, de discrimination raciste, sexiste, homophobe, de guerre aux minorités, de basculement liberticide et de régression écologique.
Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, elle a fait des médias un terrain privilégié, avec la prise de contrôle de titres, de chaînes de télévision, de radios par des milliardaires au service de son projet. Par ce maillage, elle impose dans le débat public ses fausses nouvelles et ses obsessions contraires aux droits fondamentaux. Le Rassemblement national annonce déjà la couleur pour l'audiovisuel public, voué, s'il l'emportait, à la privatisation.
La liberté de la presse est dans sa ligne de mire. Partout en Europe, dans le monde, où l'extrême droite gouverne, celle-ci est violemment attaquée : interdiction de publication, destruction du secret des sources, multiplication des procédures baillons, censure, pressions et intimidations, assèchement des aides publiques à la presse. En France, le terrain en a malheureusement été méthodiquement préparé par l'exécutif sous la présidence d'Emmanuel Macron, qui n'a eu de cesse de restreindre les protections et les droits des journalistes, par les atteintes au secret des sources et la primauté du secret des affaires, la loi sur la sécurité globale, la fusion programmée de l'audiovisuel public, et le laisser-faire en matière de concentration capitalistique des médias aux mains de grands industriels, au détriment du pluralisme et de l’indépendance.
Le combat contre l'extrême droite et son projet est au cœur de nos engagements éditoriaux. Dans notre diversité, nous entendons prendre toute notre part à l'indispensable rassemblement politique, social, populaire, au service de la justice sociale et écologique, de l'émancipation humaine et de l'extension des droits et libertés pour lui barrer la route du pouvoir. L'enjeu est de préserver la possibilité même d’une presse indépendante du pouvoir politique, pluraliste, avec des journalistes exerçant leur métier en toute liberté. Sans presse libre, pas de démocratie.
C’est pourquoi nous appelons, par nos initiatives éditoriales, et sans jamais renoncer à notre regard critique, à soutenir la mobilisation sociale et citoyenne en cours, qui fait écho à la dynamique antifasciste de Front populaire de 1936 dans sa capacité à déborder les cadres partisans. Nous considérons qu’elle seule est à même d’empêcher le RN d’accéder au pouvoir le 7 juillet. La lutte contre l’extrême droite nous requiert tous et toutes, et nous, en premier lieu, comme acteurs de la société civile.
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En juin 2005 le Conseil général de la Haute-Vienne a proposé un questionnaire invitant les citoyens à donner leur avis et à faire part de leurs attentes en matière d'offres et de pratiques sportives, culturelles et associatives. Les questions de la partie culturelle, qui seront ici les seules à être évoquées, étaient d'une généralité confinant à l'abstraction. Aucune précision, et donc aucun choix, n'était proposé sur les activités culturelles concrètes que l'on aimerait voir développées et soutenues.
On nous demandait si l'on souhaitait que soit renforcée " l'offre de spectacle rural ". Le " spectacle rural " peut être mille choses différentes… Et d'abord qu'est-ce qui le différencie substantiellement d'un spectacle urbain ? S'agit-il de spectacles spécialement destinés aux bicanards que les villauds ne sauraient goûter ? On n'ose l'imaginer. Je dis bien "destinés au ruraux", car il n'est jamais question de création rurale dans la consultation…
De même au sujet des " spectacles de notoriété nationale ", mis en concurrence avec les premiers… Notons qu'il pourrait très bien s'agir de spectacles créés dans notre région, voire même, justement, " ruraux " et ayant eu du succès. Mais cela semble exclu par principe. Et qu'entend-on par ces " jeunes talents locaux " que l'on aimerait voir soutenus ? Quels pourraient être les critères de sélection de ces jeunes talents ? Quels types d'expression surtout sont concernés ?
Puisque le questionnaire cultive ce souci de ruralité et de localité on est tout de même très étonné de ne trouver aucune allusion, nulle part, au développement de la culture et de la langue régionales (l'occitan limousin), qui aurait tant besoin de soutien public, pas plus d'ailleurs qu'il n'est fait la moindre référence aux cultures de l'immigration, ni à celles de la grande Europe et du vaste monde, comme si d'une part rien de particulier, de véritablement localisé, que ce territoire aurait en propre, ni d'autre part rien d'international ou du moins d'extra ou de transnational, n'avait à être véritablement pris en compte dans une politique culturelle départementale ! Comme si le but suprême de la culture départementale était de parvenir à attirer des " spectacles " de renommée " nationale ", comme tels nécessairement fabriqués ailleurs (à Paris de préférence) tout en restant soucieux d'apporter aux ruraux un divertissement sur mesure. Mais comment pourraient naître, dans les conditions mêmes supposées par le questionnaire, de " jeunes talents locaux ", alors que la scène rurale et locale sont ainsi vouées à une complète passivité ? On avait bien sûr envie de parler de tout cela en répondant à la dernière question, tout à la fin : " Avez-vous des idées ou des suggestions pour développer le sport, la culture et la vie associative en Haute-Vienne ? ". Et bien sûr nous l'avons fait, exprimant clairement, précisément, ce que les autres questions évitaient de demander.
Depuis quelques semaines, les résultats sont publiés (Haute-Vienne l'express octobre 2005-n° 4). Mais ils sont aussi opaques, génériques et décevants que les questions. Il ne pouvait certes en aller autrement. Quelles aspirations, quels désirs précis recouvrent exactement la demande de développement de l'offre de spectacle en milieu rural (51 %) ou le souci de voir " favoriser la découverte de jeunes talents " ? (31 %) On ne le saura pas, et l'on peut soupçonner qu'on ne voulait surtout pas le savoir. Un résultat d'ailleurs est complètement absent. Celui concernant justement la dernière question, où le citoyen pouvait enfin s'exprimer avec précision.
Jean-Pierre Cavaille
Marianne n’en est pas à son premier essai. Il y a déjà deux ans, un article consacré à la Creuse et construit sur le seul témoignage de deux hôteliers d’Aubusson parlait du Plateau avec beaucoup de mépris et d’approximations. Il y était question de la « scierie anarchiste » Ambiance bois avec plein d’insinuations totalement infondées : « les mauvaises langues affirment que son modèle économique survit grâce aux subsides de généreux donateurs... » Répéter ce que disent les « mauvaises langues » sans même se renseigner davantage, ça c’est du journalisme... à la Marianne ! Le plateau de Millevaches y était présenté comme « une «réserve d’Indiens» écolo-libertaires » et le pays se voyait déjà affublé de l’épithète d’ « ultra-gauche »...
Dans l’article paru en mai 2022, les inexactitudes sont également là : ce n’est pas Bernard Leduc qui a accueilli les futurs repreneurs du Magasin général de Tarnac, mais Jean Plazanet. Pierre Charvot, conseiller municipal de cette même commune, s’appelle en réalité Pierre Chauvot. L’épicerie bar n’est plus celle de Julien Coupat (qui n’habite plus Tarnac depuis 7 ans...). Tarnac est qualifié de « ville » (humour parisien sans doute !). Mais là n’est pas la plus grave approximation. Celle-ci se trouve en toutes lettres dans le chapeau de l’article : « La cohabitation est difficile entre les habitants de longue date et les nouveaux venus ». Ah bon ? Pour appuyer cette affirmation rien de bien solide. Le journaliste se fait très gentiment éconduire au lac Chamet : « Je peux me balader, parler à d’autres gens ? » « Oui vous pouvez »... Mais les méchants occupants du lieu ont l’outrecuidance de ne pas vouloir parler aux journalistes. Le reporter cite les débats autour de la forêt, comme si on ne pouvait plus débattre, même avec une certaine virulence ! L’auteur rappelle que deux engins forestiers ont été détruits à Saint-Pardoux-Morterolles et à Saint-Junien-la-Brégère, en attribuant implicitement la responsabilité de ces actes aux « nouveaux venus » - sans plus de preuve qu’en son temps faisait Dominique Simoneau, l’ancienne maire de Gentioux...
Enfin, pour paraître objectif, le journaliste rapporte quelques propos attribués au président du Parc naturel régional (« Ils ont peu à peu infiltré les structures municipales jusqu’à apparaître menaçants ») et à l’adjoint au maire de Tarnac : « Tarnac c’est un nom qui est désormais connoté négativement et les médias ne s’intéressent qu’à ce qui ressort du conflit » ; exactement ce que fait Marianne dans cet article superficiel agrémenté d’une photo choc d’un affrontement entre gendarmes et soutiens d’un Soudanais expulsé en 2018... en toute illégalité (voir notre article page 6).
Chacun sait bien, qu’ici comme ailleurs, des frictions peuvent exister entre anciens et nouveaux habitants, comme il en existe du reste entre nouveaux et nouveaux et aussi entre anciens et anciens ! Mais qu’au demeurant, hormis quelques cas particulièrement tendus (à Gentioux sous le règne de Dominique Simoneau ou à Saint-Moreil aujourd’hui) la bienveillance est plutôt la règle. Habitants d’un même territoire, confrontés aux mêmes problèmes, la plupart des habitants et habitantes de la Montagne vivent en réalité en relative bonne harmonie. Monter en épingle quelques conflits, amalgamer des critiques légitimes avec quelques actes délictueux, transformer des crispations en un conflit général entre une catégorie de la population et une autre, est la manière que choisit Marianne pour faire de l’audimat et mettre de l’huile sur le feu... Que ses journalistes ne s’étonnent pas ensuite d’être reçus un peu froidement !
Marianne se place sous cette phrase de Camus : « Le goût de la vérité n’empêche pas de prendre parti ». Avec cet article ce serait plutôt : « Le goût de prendre parti n’empêche pas de prendre des libertés avec la vérité »... Quant à la conclusion de l’article, elle peut s’appliquer telle quelle à Marianne : « Si vous pensez avoir compris quelque chose au plateau de Millevaches, c’est qu’on vous a mal expliqué. »
Michel Lulek
Passons sur « les » Millevaches qui sent bien son journaliste parisien, pour dire qu'on aurait eu besoin de deux pages dans IPNS pour corriger toutes les approximations ou recontextualiser les éléments fournis par un article qui ressasse de vieux faits divers, donne la parole aux mêmes témoins rancuniers et s'offre un petit air d'objectivité en rapportant avec un léger mépris les propos de deux élus de Faux-la-Montagne.
Pour cette nouvelle salve contre le Plateau Le Point est même allé exhumer Dominique Simoneau, l'ancienne maire de Gentioux-Pigerolles : « Elle se dit persuadée que l'élection de 2020 a été faussée, à la marge, par des domiciliations difficiles à vérifier dans l'habitat informel. Entre 2014 et 2020 le village a perdu 40 habitants et il a gagné 9 électeurs . » Voilà un bel exemple de déontologie journalistique : laisser globalement sous-entendre que l'échec de Dominique Simoneau est dû à une fraude électorale !
Il faudrait lui rappeler que la participation à cette élection a été de 84%, que le nombre de votants est strictement le même qu'en 2014 et que, tête de liste, Dominique Simoneau n'a fait que 27% des suffrages exprimés. Une déroute incontestable. Elle a perdu la moitié de ses électeurs de 2014... Le lecteur du Point l'ignorera bien sûr.
La meilleure réponse à une telle charge est certainement dans l'humour, comme ont choisi de le faire deux « bousiers » du Plateau qui ont mis en ligne une savoureuse réplique : https://vimeo.com/854959564
Pour notre part, nous en resterons là. Un point, c'est tout.
IPNS
Si vous êtes un homme peu porté sur le développement personnel, il y a peu de chance qu’on vous ait proposé d’intégrer un mandala d’abondance. Mais si vous êtes une femme sensible à la spiritualité et aux médecines non conventionnelles, vous avez probablement déjà été approchée par une amie pour intégrer l’un de ces groupes. Tantôt appelés Tisseuses de rêves, Alchimistes ou encore Jacateque, ils se présentent comme des cercles de dons, permettant à leurs membres de réunir l’argent nécessaire pour « réaliser leur rêve ». Tentant ?
On notera l'évolution de vocabulaire: en assimilant l’ensemble des habitats légers à de simples cabanes, on nie la complexité et l’adaptabilité de ces habitats. D’ailleurs, les médias les moins précis ou les plus réactionnaires, sautent le pas allègrement en assimilant l’ensemble de l’habitat léger à l’illégalité. Pendant ce temps, dans certains endroits les hélicoptères tournent en rase-motte pendant que des campagnes d’inventaire sont menées par les mairies, ne présageant guère d’un allègement des pressions administratives.