Une idée, une ambition sont présentes dès le début de cette aventure : placer l'enfant au centre de l'action en démontrant ses capacités d'apprentissage mais surtout en prouvant ses facultés de création et de réalisation. Les jeunes ne peuvent se satisfaire d’apprendre. ils veulent aussi s’exprimer et créer avec le théâtre.
C'est ce que tentent d'accomplir le Théâtr'enfant et le Théâtr'ado de Sardent en organisant cette fête du théâtre qui privilégie le domaine de l'enfance et de l'adolescence.
La réalité du monde adolescent est diverse et variée. La plupart du temps, ne sont retenus que les côtés négatifs : délinquance, drogue, violence, etc. Rares sont les actions qui mettent en avant un fait bien réel lui aussi : l'adolescent qui agit, réfléchit, vit en se dépassant, en se formant en se construisant grâce à une activité créatrice.
Le festival, la pratique théâtrale mettent les jeunes en mesure de faire et d'être, leur permettent de développer des capacités créatrices de façon autonome. Au sein du festival, par le biais d'une prise en charge de l'organisation, de l'accueil, de la restauration et de services divers, les jeunes se responsabilisent et se placent au cœur d'une action citoyenne.
Le Thème central du festival : “L'enfant, le dialogue, la scène” correspond à une éthique: l'enfant placé au centre d'une action qui s'appuie sur un besoin de communication favorisé par une pratique théâtrale…
L'enfant au centre avec ses potentialités, ses doutes, ses affirmations et ses silences. L'enfant au centre parce qu'il ne s'agit pas de mettre en scène des discours valorisant l'adulte mais plutôt de démontrer leur pertinence et leur conséquence sur une pratique de terrain. Pratique qui se révèle dans le cadre d'exercices, d'improvisations et de représentations. L'enfant apprend pour devenir acteur mais apprend aussi en se montrant.
Le théâtre est par essence un exercice de communication: se trouvent ainsi placés face à face une expression et une impression, un émetteur et un récepteur. Dans le domaine théâtral, la force de l'idée est quelquefois portée par la corporalité ou par l'absence du geste ; le regard de l'autre est là pour “écouter voir”.
C'est ce dialogue permanent qu'il s'agit de mettre en mesure d'être entendu.
Au festival Escapade, chaque enfant devient tour à tour acteur et spectateur. Pendant les quatre jours sont effectivement développés l'art d'être acteur et l'art d'être spectateur. Car il faut apprendre à regarder pour comprendre l'autre dans sa diversité, sa richesse, ses recherches ou ses faiblesses.
Le challenge originel de cette aventure c'est aussi la scène, le lieu de tous les possibles, une “action où sont engagés des êtres humains agissant et parlant”.
La scène, un virus à partager, à inoculer dès la petite enfance. Parce qu'une expérience de type festival ainsi que la fréquentation des spectacles vivants pendant l'année permettent une attitude réflexive, affinent le jugement et provoquent une formation.
Jean-Pierre Decressin
Les buts du jardin partagé étaient nombreux. Pour l’association « Le Monde allant vers… », la création d’un jardin pédagogique devait permettre d’initier les enfants aux composts, semences, légumes, etc. Pour d’autres, il s’agissait de créer un lieu de rencontres, d’échanges, de savoirs et d’apprentissages autour de la production de légumes et de semences dans un lieu convivial. Le site que la commune a mis à disposition, le long de la Vienne, est idéal et très paysager. Il permet à des gens de tous horizons de se retrouver. Nous l’avons ouvert au maximum de ses possibilités, avec la possibilité d’avoir une parcelle individuelle ou de participer au grand jardin partagé. En réalité les deux se mélangent très bien.
Sur les pentes du jardin potager nous avons planté des fruitiers. Certains produiront, d’autres sont à greffer. L’ensemble est un espace ouvert : c’est un choix de ne pas le clôturer qui permet à tout le monde de s’y promener tout en le respectant. La seule règle absolue du jardin est qu’il n’y ait aucune utilisation de pesticide, d’engrais chimique ou d’autre produit ne respectant pas l’environnement.
Tout cela s’est fait progressivement et avec beaucoup de participations extérieures. La première année nous avons défriché, les deuxième et troisième années, nous avons construit une cabane de jardin (avec la participation des compagnons du réseau REPAS, qui tous les ans circulent sur des entreprises de la région) et la quatrième année, nous avons mis en place les carrés de jardin du « Monde allant vers… », des escaliers et une serre.
Après l’ouverture du Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) à Eymoutiers nous avons ouvert le jardin à ses résidents, ce qui a permis à des gens désœuvrés d’avoir une occupation et de pouvoir échanger malgré des langues différentes.
Le jardin partagé est un lieu où beaucoup de choses foisonnent. C’est aussi un lieu artistique avec la très belle sculpture d’Iradj Emami (voir IPNS n° 67), un lieu culturel avec des concerts, un lieu de conservation de vieilles semences, un lieu de pratiques de différents jardinages, de cuisines partagées et qui, j’espère, continuera son chemin avec de nouvelles personnes et toujours de nouvelles idées. En parallèle au jardin partagé, depuis 3 ans, avec une trentaine de personnes, nous avons planté une vigne collective qui devrait donner son premier raisin cette année. Le but est toujours de faire ensemble et, pourquoi pas, réussir aussi à vinifier un futur très grand cru ? Mais, chaque chose en son temps.
Jean-Jacques Peyrissaguet
C’est à l’occasion du centenaire de la loi sur les associations et de la fête des associations qui s’est tenue au Villard (commune de Royère de Vassivière) les 7 et 8 juillet 2001 que j’ai réalisé une « étude » sur le phénomène associatif sur le Plateau, en fait une réactualisation partielle d’une étude que Charles Rousseau avait réalisée en 1986 (voir encadré page 7).
L’objet de cette étude était de présenter une situation chiffrée, statistique, démographique de la réalité associative de notre région.
Les données de base ont été d’une part gracieusement fournies par les sous préfectures (lieux d’enregistrement des associations), d’autre part achetées à l’INSEE.
De très nombreuses heures de dépouillement, de comptage, de recoupage, de classement et reclassement… Car en ce qui concerne la vie associative, rien n’est centralisé et les codifications ne sont pas homogènes. Bref beaucoup de tableaux de chiffres, de graphiques, d’analyses et de listes par communes et par thèmes d’activités.
J’extrais donc pour IPNS quelques données qui me semblent intéressantes ainsi que quelques commentaires…
On peut considérer que la création d’une association n’est pas liée directement au nombre d’habitants mais à l’existence d’un “centre de vie”, en gros une municipalité. Qu’une commune compte 150 habitants et une autre 800, il n’y aura, dans les deux cas qu’une seule association par exemple d’anciens combattants (ce n’est que passé un certain nombre d’habitants que des phénomènes de seuil pourraient apparaître)… Dans un premier temps, cela témoigne donc de la faible densité de population ou plutôt du grand nombre de petites communes ayant peu d’habitants. Cela on le savait déjà ! Mais dans un deuxième temps, il y a ici un évident signe de bonne santé : malgré le peu de monde, le désir d’avoir une vie sociale (et le nombre d’associations en est un indicateur) est très affirmé.
Il y a une certaine homogénéité entre les trois départements du Plateau en terme de nombre d’associations par habitant. En Limousin, et pour la zone Plateau de Millevaches, la grande majorité des associations est constituée d’associations locales.
Le phénomène associatif touche tout l’éventail des activités humaines. Au palmarès, c’est le sport qui vient en tête puis, et par ordre décroissant : les associations de loisirs (comités des fêtes…), celles liées à l’économie, à la chasse et à la pêche, à l’éducation, au social.
En ce qui concerne l’éclosion du phénomène associatif, le “décollement” se fait dans les années 70 . C’est l’arrivée des associations locales de pêche et de chasse. Mais ce “Boum associatif” continue toujours ; il ne ralentit pas. Aujourd’hui, dans les créations, ce sont les associations pour la jeunesse, de développement local, de loisirs ou culturelles qui dominent…
L’effectif salarié des associations du Plateau représenterait 16% de l’effectif salarié total de la zone Plateau de Millevaches (soit environ 1300 salariés). En extrapolant très grossièrement et si on compte 15 000 euros par salarié, cela représenterait un poids économique d’environ 20 millions d’euros sur le Plateau de Millevaches.
Rares sont les déclarations de dissolution quand une association cesse son activité. Vraisemblablement 20% des associations listées dans l’étude sont “mortes” : la coquille existe, vide, avec parfois un compte en banque bien fourni, qui dort…Le phénomène est national.
L’importance du phénomène associatif sur notre territoire est une réalité.
Si son poids économique est difficile à évaluer, on le soupçonne cependant important et l’on sait que les associations embauchent !
Si de multiples interrogations demeurent, nous souhaiterions pour conclure ouvrir le débat sur deux questions :
Olivier Davigo
Depuis, le programme Refuges LPO n’a cessé de se développer, d’abord pour protéger les oiseaux auxiliaires des cultures, puis pour combattre la loi Verdeille qui, en 1964, créa les Associations Communales de Chasse Agrées (ACCA) et donna à leurs membres l’autorisation de chasser sur les terres d’autrui, même s’ils n’étaient pas d’accord. Aujourd’hui, La LPO s’investit pour préserver la biodiversité au sens large avec son réseau de refuges pour la faune et la flore sauvages, le sol, l’environnement… partant du principe que c’est l’ensemble des écosystèmes qu’il faut protéger.
Ces Refuges LPO sont des terrains publics ou privés, de toute taille et de toute nature, sur lesquels le propriétaire ou le gestionnaire s’engage moralement à préserver ou restaurer la biodiversité de proximité. La création de ces Refuges s’adresse aussi bien à des particuliers (propriétaires de jardins, balcons ou terrasses), qu’à des personnes morales (établissements, collectivités ou entreprises), qui souhaitent faire de leur site un endroit où la protection et la valorisation de la nature sont prises en compte dans la gestion quotidienne. Il s’agit donc d’une démarche écocitoyenne, au cœur des Trames Vertes et Bleues (TVB).
Le nombre important de participants fait de ce réseau actif en faveur de la biodiversité le premier réseau de jardins écologiques de France. Sa taille importante permet également de donner de la crédibilité à la LPO pour agir auprès des instances politiques et officielles pour faire évoluer les lois de protection de la nature.
En devenant Refuge LPO, le propriétaire ou gestionnaire s’engage à respecter au mieux la charte des Refuges ; engagement moral à préserver la nature et améliorer la biodiversité sur son terrain. Celle-ci se base actuellement sur 4 piliers principaux :
Aujourd’hui, la LPO compte plus de 35 000 terrains labellisés Refuges LPO sur le territoire, totalisant 45 000 hectares d’espaces de nature préservés. Dans le Limousin, on en compte près de 500 dont environ 80 dans le département de la Creuse.
Tout au long de cette année anniversaire, les Refuges seront donc mis à l’honneur au niveau national. Pour cette occasion, la LPO aura à cœur de vous présenter des initiatives, des dates clés dans l’histoire du réseau des Refuges, des témoignages et retours d’expérience de la communauté mettant en lumière leur engagement, et différentes autres surprises, sur ses différents supports de communication (sites internet, réseaux sociaux…).
A l’échelle du Limousin, nous avons également comme projet de valoriser le programme Refuge en organisant au printemps (si les conditions sanitaires le permettent), des journées portes ouvertes dans des Refuges LPO de chaque département (Corrèze, Creuse et Haute-Vienne). Ces journées seront à destination des adhérents de la LPO et des membres du programme Refuge dans le Limousin. Ces moments de partage seront l’occasion de découvrir les actions mises en place sur ces terrains pour préserver au mieux la biodiversité tout en partageant sur une passion commune.
Si vous êtes intéressé par la création d’un refuge LPO sur votre terrain, vous pourrez trouver des informations supplémentaires sur les Refuges et les modalités d’inscription sur site internet de la LPO (https://www.lpo.fr) ou sur le site internet dédié aux Refuges LPO (https://refuges.lpo.fr). Vous pouvez également contacter la LPO Limousin (
Laureline Boulanger
Quarante ans ont passé. Aujourd’hui, nous sommes nombreux à La-Villedieu, comme dans la France entière, à penser que tous ces gens qui ont été condamnés parce qu’ils avaient choisi la non-violence, la fraternité et la justice, plutôt que la répression et la guerre, doivent obtenir réparation. C’est pourquoi l’association « Mémoire à vif » est née en octobre 2001 à La Villedieu. Suite au travail d’une classe du lycée Marcel Pagnol de Limoges qui s’est penchée sur l’histoire de ces évènements, de nombreuses personnes ont voulu continuer le travail de mémoire retrouvée. L’association existe pour défendre la mémoire de tous ceux qui ont été victimes des guerres coloniales et pour transmettre, aux jeunes en particulier, à partir de ces moments douloureux de notre histoire, les valeurs essentielles de paix et de tolérance. Nous pensons que le regard et l’analyse de l’histoire sont un acte civique, qu’il faut apprendre à connaître notre passé pour construire un présent et un avenir plus justes et plus tolérants. C’est un moyen indispensable pour combattre les préjugés et les idées reçues, pour s’ouvrir sur le monde en citoyen responsable.
Aujourd’hui, “Mémoire à vif” compte une centaine d’adhérents dans la France entière. Sa présidente d’honneur, Simone de Bollardière, et les adhérents font circuler et signer un manifeste pour la réhabilitation de René Romanet, Gaston Fanton et Antoine Meunier. 1500 signatures sont déjà recueillies et vont prochainement être transmises au sommet de l’Etat. Si à une époque, la République Française s’est lourdement trompée dans ses choix politiques, dans ses actes, elle se doit aujourd’hui de le reconnaître.
Thierry Letellier
Difficile on le voit de ranger Eclats de Rives dans une case avec une étiquette. La sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine ? Ce sont bien les objectifs fondateurs de l’association et des réalisations se sont multipliées depuis. La “convivialité” ? c’est vrai on apprécie les échanges et les moments chaleureux, on aime faire la fête à Eclats de Rives et la faire partager. Des passionnés militant pour une nature à la fois mieux respectée et ouverte? Cette forme d’écologie qui associe protection, accueil et activités de découverte fait bien partie de notre culture. Sans oublier la défense des chemins ruraux pour qu’ils redeviennent accessibles et conservent leur caractère de chemin public ouvert à tous. Et depuis quand ce beau programme ? Quelle en est l’origine ?
Souvenez vous : 1994 on prépare la future vidange du lac de Vassivière. A St Martin Château ça discute dur entre copains venus de tous les horizons: 9 m3/seconde voilà ce que sera le débit de la Maulde pendant 1 ou 2 mois. Inquiétude d’abord pour ceux qui risquent de se retrouver les pieds dans l’eau, inquiétude aussi pour ces ponts anciens plus ou moins stables, ces planches de pierres résisteront elles au courant ? Et au fait, combien y a t’il de ponts depuis le barrage jusqu’à Peyrat le Château ? Comment faire pour les sauvegarder ? C’est de ces interrogations et de cette situation d’urgence qu’est née l’idée de constituer une association et pourquoi pas l’appeler Eclats de Rives ?
Beaucoup de chantiers se sont succédés depuis : il y a eu d’abord les ponts de Villegouleix et du Chataignoux avec le difficile apprentissage de la collecte des aides, des subventions et autres partenariats. Le besoin de dresser en même temps un inventaire des ponts et de l’élargir ensuite à l’ensemble du patrimoine rural et naturel. les expositions estivales de peintures et de photos ont matérialisé les inventaires et fait découvrir et apprécier ces richesses oubliées à de très nombreux visiteurs. Beaucoup de sédentaires les ont aussi redécouvertes. L’action d’Eclats de Rives a ainsi été reconnue. Les réalisations se sont multipliées avec le puits du Mas Faure, le four à pain du bourg, la fontaine du village, la réouverture de plusieurs chemins. Aujourd’hui l’association évolue et se tourne davantage vers les partenaires extérieurs en particulier à travers les chantiers de jeunes depuis 2 ans.
Nos actions sont recentrées et fédérées autour du projet de réalisation d’un chemin de découverte de la vallée de la Maulde. L’assainissement du chemin, la signalétique, l’aménagement d’un petit étang, la labellisation du circuit par le comité départemental du tourisme font l’objet d’un partenariat très constructif avec la municipalité de St Martin Château. Reste à faire connaître et apprécier cette réalisation et à lui donner vie à travers des activités. On envisage diverses actions éducatives avec des jeunes de la région dans le cadre d’un Contrat Educatif Local par exemple. Parallèlement l’inventaire du patrimoine se poursuit, une exposition regroupera l’été prochain des photos sur le thème de l’eau dans nos villages: fontaines, abreuvoirs, puits, et aqueducs seront à l’honneur. On retrouvera aussi le rituel de la Fête sur la place de St Martin Château, les balades et toujours beaucoup de discussions et des projets encore des projets…
Eclats de Rives
Thomas Gibert, paysan à Coussac-Bonneval et porte-parole de la Confédération paysanne de la Haute-Vienne, de retour du congrès national de son syndicat qui s’est déroulé l’été dernier, raconte comment cette question a été au cœur de ce congrès : « Cette année, les débats les plus houleux ont tourné autour de la question d’un point spécifique du rapport d’orientation invitant à «ne pas se laisser enfermer dans une logique institutionnelle». L’idée étant de constater qu’au niveau de la lutte, la Conf’ a toujours marché sur deux jambes. La première est le travail institutionnel, la négociation avec le pouvoir. L’autre est l’action directe plutôt issue des modes d’action du syndicalisme révolutionnaire. Le rapport d’orientation suggère que, face à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons, nous devons rééquilibrer la balance entre ces deux modes d’actions, une balance qui penchait jusqu’alors plutôt vers le travail institutionnel. Une motion proposant d’oublier totalement la deuxième jambe de l’action directe a largement été rejetée permettant ainsi d’affirmer clairement l’importance de cette stratégie de lutte. » Un rejet qui faisait suite au bilan que les syndicalistes paysans ont fait de leur action depuis plusieurs années : « Ce rejet reposait sur la question de l’efficacité de notre travail syndical qui, ces dernières années, n’a obtenu que de maigres victoires face à l’ampleur de la tâche pour mettre en place notre projet d’agriculture paysanne à grande échelle (…) Cela implique de peser dans le rapport de force face aux institutions et cela ne sera possible que lorsque nous serons pris au sérieux par ces dernières. » La rançon de cette stratégie d’action directe a ses revers. Lorsque le 27 mai dernier 200 paysans et paysannes de la Confédération paysanne se mobilisaient à Paris au siège de Pôle emploi pour interpeller le Président de la République sur les effets néfastes de la future PAC (Politique agricole commune) sur l’emploi paysan, la réponse des pouvoirs publics s’est traduite par un nassage des manifestants et la verbalisation de 75 d’entre eux. « Cette distribution systématique d’amendes, instrumentalisant le contexte d’urgence sanitaire à des fins de répression et d’intimidation syndicale, apparaît comme un moyen de pression financière pour réprimer la contestation syndicale. »1
La répression et l’intimidation touchent également des associations qui, de plus en plus souvent, se voient harcelées, contrôlées, poursuivies ou intimidées, alors même que leur action est plébiscitée par une majorité de Français. C’est pourquoi s’est créée en 2019 la Coordination des Libertés associatives qui a mis sur pied un observatoire dont le premier rapport, publié en 2021 sous le titre « Une citoyenneté réprimée », recense et analyse une centaine de cas d’atteinte aux libertés associatives. Un travail de recensement qui se poursuit et dont on peut retrouver les éléments sur le site de la Coordination2. De même, l’obligation nouvelle de devoir signer un « contrat d’engagement républicain » pour recevoir en tant qu’association une subvention publique, un agrément ou accueillir un volontaire en service civique (Cf. IPNS n°74, page 14), s’inscrit dans cette offensive contre la société civile au nom, bien sûr, de « bons principes ». Le Collectif des associations citoyennes qui réclame l’abrogation de ce décret propose des lettres types que les associations contraintes de signer ce contrat peuvent joindre pour expliquer leur désaccord et leur opposition3. Là encore, arrive un moment où la stratégie du dialogue et de la négociation bute sur un mur.
Le mouvement des Soulèvements de la Terre4 initié en 2020 et axé sur la défense de la terre, est un réseau de luttes locales qui veut impulser un mouvement de résistance et de redistribution foncière à large échelle (Cf. IPNS n°75, page 6). Il a mené différentes actions, contre les méga-bassines dans le Niortais, contre la bétonisation en Île-de-France ou contre des firmes comme Bayer Monsanto. Dans des échanges avec la Confédération paysanne, il s’interroge aussi sur les bonnes méthodes d’action. Dans le domaine agricole il note en particulier ce paradoxe : « Nos idées sur le foncier et l’agriculture sont minoritaires dans la profession et majoritaires dans l’opinion publique. » Appelant à « dépasser le modèle stratégique classique de la gauche paysanne » et persuadé qu’un changement de politique « par le haut » est aujourd’hui illusoire, il appelle à « renouer avec l’action directe et la diversité tactique (…) qui a toujours été au cœur des luttes paysannes », autour de plusieurs propositions : occupations de terres, présence et pression des habitants sur les institutions régulatrices (SAFER, Commissions départementales d’orientation agricole...), mais aussi veille foncière et constitution de réserves foncières expérimentales pour une « réforme agraire par le bas ». Autant de modes d’action déjà testés ici ou là mais qu’il s’agirait de généraliser sur l’ensemble du territoire. Pour cela le mouvement propose la création de comités de défense de la terre : « L’idée est d’inscrire le syndicalisme paysan dans un espace de composition plus vaste, une sorte de « syndicat de territoire » à même de peser sur les institutions (…) L’ambition est de créer un espace politique composite qui soit à la fois un comité de défense et une sorte de contre-institution, de contre-pouvoir local. Ces comités de défense de la terre pourraient s’organiser autour de trois piliers : une veille foncière communautaire, un axe activiste et un axe office foncier expérimental. » Une forme qui, chez nous, ressemble un peu à ce que tente de faire depuis trois ans le Syndicat de la Montagne limousine.
Michel Lulek
Pour nous, Alain Carof était beaucoup plus qu’un auteur fidèle et régulier. Ses avis étaient recherchés, ses propositions écoutées. Il est venu à nos réunions mensuelles jusqu’au bout, apportant comme toujours un regard amical et pertinent, dans le plus grand respect des autres. Et il nous présentait souvent des trouvailles : un bouquin, un sujet, un auteur. Je souhaite ici mettre en avant trois aspects de son œuvre, un mot qu’il n’aurait pas aimé, et pourtant œuvre il y a. Avec un esprit d’équipe sans faille, il était partant pour toutes les aventures intellectuelles, presque toujours dans le cadre d’associations qui lui doivent énormément. Celles, nombreuses, où il œuvra, celles où il sut s’intégrer à des recherches collectives : Les Maçons de la Creuse, Rencontre des Historiens Limousins (RHL), Société des Sciences Naturelles Archéologiques et Historiques de la Creuse (SSNAH)… et IPNS évidemment.
Vous remarquerez que tout ceci tourne beaucoup autour de la Creuse, dont il avait fait sa terre d’élection – au sens de terre d’accueil. Mais en réalité, Alain était un citoyen du monde, et ses horizons étaient vastes, des horizons sans frontières, un « no-border » avant la lettre. Parcourez ses nombreux articles publiés dans IPNS, et vous en aurez un aperçu. Parmi ses travaux remarquables, il en est un qui restera une référence : Inventaires au pays de Vassivière, 2012 (SSNAHC)2. Dans ce livre de 76 pages, on peut prendre toute la mesure des centres d’intérêt et des compétences de l’auteur. Il s’agit d’une version développée de « Vassivière, l’invention d’un paysage » (PULIM, 2010)3. Ce volume des « Études creusoises » n’a aucune prétention à être la mémoire de Vassivière, il ne visait pas plus à l’exhaustivité. Et pourtant, pour connaître l’avant du barrage, sa chronologie, l’organisation collective autour du lac, ses panoramas naturels et humains, les enjeux d’aujourd’hui, personne n’a fait plus et mieux. Y a-t-il un lien entre les maçons migrants et le château de l’île ? Noms de lieux et de personnes se recoupent-ils ? Quel est cet étrange village à la renommée désormais internationale ? Du village au château, puis au lac donc à l’île, tout est dit.
En Limousin depuis des décennies, Alain Carof a été un sociologue de référence, enseignant universitaire, grand historien, féru de sciences politiques, ethnologue, observateur de l’aménagement. Parmi ces grands penseurs qui avaient toutes les compétences, il me fait penser à un de ses maîtres à l’EHESS, Claude Lévi-Strauss. Alain était de ceux qui croisent les différentes sciences humaines et naturelles, qui étudient l’être humain sous toutes ses facettes. L’humanité : voilà son sujet essentiel. C’est pourquoi, bien que né en Bretagne, il connaissait tout ce que notre pays doit à la mémoire des fameux maçons de la Creuse (et un peu au-delà). Il nous a ainsi livré des pages remarquables sur un compagnon de Martin Nadaud, Antoine Cohadon4. Au contraire de nombreux néos, d’hier comme d’aujourd’hui, il a su comprendre et souligner tout ce qu’il y avait d’important avant lui et avait montré son goût à parler des autres, des Turcs par exemple, nombreux en Creuse dès les années 1970 (revue Hommes et migrations, 1994), aussi dans les nombreuses notes de lectures offertes à la revue Études Rurales ou à la Revue Française de Sociologie, et bien sûr à son cher IPNS.
Alain n’était pas omniscient, mais presque. Cette remarque le ferait bondir, mais sa curiosité, la variété et la richesse de ses travaux en témoignent. À titre plus personnel, nous nous rejoignions dans le goût pour l’histoire. Certes, l’histoire sociale, les mœurs et les mentalités, le passionnaient. Mais le plus remarquable à mes yeux est cette attirance pour l’histoire des techniques industrielles. On lui doit, entre autres, une histoire de la taille du diamant à Felletin (IPNS, 2009), son apport à une histoire de l’école des métiers du bâtiment du même lieu [5], la conception d’une exposition « Énergie et bâtisseurs » des moulins sur la Creuse au barrage des Combes, et encore plus récemment, en 2015, « Les rives de la Creuse, couloir d’innovation et de mobilité dans les métiers du tapis et de la tapisserie »6. Si je n’ai jamais bien compris l’origine de cette attirance, je crois avoir une petite idée. De l’énergie aux plus nobles productions, il me semble que c’est le trait d’union étroit entre homme et nature qui est valorisé. Le premier respectueux de la seconde, en somme une harmonie, qu’Alain aimait, et qui n’existe plus tout à fait.
Voici terminé ce rapide panorama, pour moi très émouvant. Alain nous manquera énormément, mais il aura laissé des traces indélébiles. Au revoir vieux frère.
Michel Patinaud
Après quelques échanges auprès de personnes impliquées dans des actions similaires à Lyon et Nantes, le duo à l’initiative du projet, épaulé par le salarié du groupe mobilité du Syndicat de la Montagne limousine a décidé de passer la vitesse supérieure. C’est ainsi qu’une petite dizaine de personnes intéressées se sont retrouvées fin octobre à Faux-la-Montagne pour une Assemblée générale qui a vu la création de la « Voiture École Rurale et Solidaire de la Montagne limousine ».
Les échanges ont permis d’y voir plus clair sur les différentes activités possibles et les besoins du territoire : mettre à disposition un véhicule adapté pour simplement faire des heures de conduite en plus de celles effectuées dans une auto-école ? Proposer un accompagnement complet depuis l’apprentissage du code de la route jusqu’à l’examen de conduite ? Proposer des heures de remise en confiance pour des personnes qui n’ont plus conduit depuis longtemps et se retrouvent, de fait, isolées ? Une petite enquête menée quelques mois plus tôt avait permis d’estimer qu’une dizaine de personnes pourrait être intéressée à passer le permis dès la première année. L’association réfléchit donc à une offre similaire à ce que peuvent proposer les auto-écoles, bien que ce soit le modèle le plus compliqué à mettre en œuvre.
Du point de vue réglementaire, rien n’empêche de proposer des cours de code de la route, et les stagiaires peuvent passer l’examen en candidats libres. Pour l’apprentissage de la conduite, le cadre est plus strict : les heures de conduite doivent se dérouler dans un véhicule adapté (double-commande, doubles rétroviseurs, signalétique spécifique), et la personne assise sur le siège passager doit être titulaire du permis de conduire depuis au moins 5 ans. Enfin pour l’examen de conduite, les choses se corsent, puisque la voiture amenée par les candidats libres devra être immatriculée depuis moins de six ans. Or ces voitures sont plus difficiles à trouver sur le marché de l’occasion, les auto-écoles cédant les leurs au bout de 6 ans.
Une solution mixte pourrait être envisagée : les stagiaires effectueraient la majorité de l’apprentissage au sein de l’association, mais l’examen de conduite serait effectué dans la voiture d’auto-écoles ou de moniteurs indépendants partenaires.
Les échanges lors de l’assemblée générale ont également mis en avant la nécessité d’adapter la pédagogie pour déconstruire les stéréotypes de genre qui sont des freins à la conduite, comme la valorisation de l’audace. Pour ce faire, l’association souhaite créer des liens avec les structures de formation et d’éducation populaire locales, afin que les personnes accompagnantes soient correctement formées sur le volet pédagogique. Elles devront également l’être sur le maniement d’un véhicule à double commande.
Les besoins en accompagnateurs bénévoles sont estimés à une personne pour une apprenante, sans compter l’implication dans la vie associative, où il est souhaité que tout le monde mette du sien. Pour l’entretien du véhicule, les regards se tournent vers un garage solidaire à proximité. Pour apprendre à conduire ainsi que la mécanique dans la même formule ?
En partant sur ce modèle, l’association pense pouvoir proposer des tarifs solidaires bien plus bas que ce qui se pratique ailleurs : autour de 500 € pour passer le permis. De la même manière, les heures de remise à niveau seraient accessibles au plus grand nombre sans que les revenus soient un obstacle.
Ainsi s’exprimerait pleinement l’objet de l’association : renforcer l’autonomie en matière de mobilité des personnes vivant en ruralité sur la Montagne limousine, en s’adressant notamment aux personnes à faibles ressources, aux jeunes en situation de précarité ou aux personnes isolées dans les villages.
Pierre-Éric Letellier
L'association Artémis en Creuse a été créée par un groupe d'amis motivés pour remettre en mouvement une ferme endormie depuis plusieurs décennies, sans toutefois y reprendre une activité agricole.
Artémis, du nom de la déesse grecque, c'était le signe d'un goût pour la culture, en l'occurrence les arts plastiques. Nous avons fait des expositions de peinture, puis de gravure d'art, avec un succès réel. Pourquoi ce succès ? Parce que les murs de pierre, les volumes des bâtiments, sans oublier le paysage, amplifiaient la force et la beauté des œuvres exposées, œuvres amenées d'horizons divers et mêlées à des œuvres locales.
Cette rencontre du présent et du passé, de l'ailleurs et de l'ici, a fait parler l'émotion et la mémoire, a réveillé la vigueur culturelle que ces lieux avaient eue en leur temps d'activité.
Nous avions commencé en 1996 dans une grange. En 2000, la commune de Crocq nous a attribué une salle d'exposition remarquable : le grenier de l'école primaire, et nous nous sommes spécialisés dans la gravure d'art contemporaine. Ce n'est pas un choix de hasard. Certes, il y a eu des rencontres, mais surtout une découverte esthétique émouvante : le pays sud creusois est en lui-même une gravure d'art. En hiver, au printemps, dans le lacis des routes, des chemins, c'est un travelling permanent sur des gravures, fortes et douces à la fois, d'une richesse inouïe de traits et de couleurs. On pense aux hommes qui ont tracé les routes, bordé les champs, planté les essences variées. L'héritage est superbe. "Ici, la nature nous prend dans ses bras", selon l'expression d'une personne venue s'installer chez nous.
Alors, si l'exposition "Graveurs du Monde" est belle, c'est par les gravures certes, mais aussi par la résonance avec les lieux et le paysage.
Nous sommes maintenant connus. Nous allons ouvrir un atelier artistique de gravure et développer nos activités. Nous avons découvert que la gravure d'art est en miroir avec le sud creusois et qu'en même temps, elle ouvre notre horizon vers les ailleurs contemporains du monde. Nous tirons beaucoup de plaisir de notre activité et nos visiteurs aussi sont heureux de découvrir notre exposition.
Alors, à bientôt, à cet été...
Pierrette Simonet
L'histoire commence dans l'Oise à Beauvais. Depuis plus de vingt ans, une recyclerie employant dix sept personnes, mène un travail de fond sur la récupération des déchets, leur valorisation et leur réemploi. Dans l'équipe, Olivia et Yvon souhaitent essaimer des recycleries de ce genre ailleurs en France.
Ils rencontrent Juliette, Lucie et Guillaume, nouveaux installés à Peyrat-le-Château, qui, de leur côté, réfléchissaient à la création d'un café restaurant "culturel".
De cette rencontre est né un projet commun : une "ressourcerie culturelle", dont la première formalisation a été en novembre dernier la création de l'association Le Monde allant vers…
Pourquoi une "ressourcerie" ? "Nous avons choisi ce terme plutôt que "recyclerie" car l'idée qu'un déchet puisse devenir une ressource, nous paraît essentielle. C'est du reste le terme employé au Québec pour ce type de structure". Mille déchets, mille ressources, en quelque sorte…
En collectant les encombrants, en triant les déchets, en réparant les vieux objets et en les remettant dans le circuit économique grâce à la création d'un magasin, la ressourcerie travaille donc en amont des traditionnelles déchetteries que nous connaissons. Par ailleurs, un travail de sensibilisation à la gestion des déchets et à une consommation plus responsable (avec des animations dans les écoles par exemple) fera également partie des missions de la future ressourcerie. C'est bien connu : les déchets les plus faciles à gérer sont… ceux que l'on ne produit pas !
Le lieu imaginé par l'équipe du Monde allant vers se veut aussi espace de rencontre, d'échange, d'expression et de création. On pourra y manger avec un restaurant biologique, s'y divertir avec des spectacles, s'y former avec des ateliers, etc. Des contacts nombreux sont actuellement en cours, en particulier pour trouver le lieu le plus adapté à la mise en place du projet (sans doute dans la région de Vassivière).
Association "le monde allant vers..." - 2 avenue Foch - 87120 Eymoutiers : 05 55 69 65 28 - https://www.lemondeallantvers.org
IPNS : Comment est né Pas à pas ?
Au tout début, nous nous sommes retrouvées de façon informelle, à cinq femmes, pour échanger, discuter et se transmettre des savoir-faire. C’était très pratico-pratique. Nous ne nous connaissions pas toutes avant ; nous nous sommes réunies surtout pour ce désir de partager des savoirs. Comme là était bien le but de nos rencontres, nous nous appelions entre nous “des passeuses“.
Des passeuses à Pas à pas... il n’y a eu qu’un pas ?
Oui. Le passage s’est fait naturellement. Nous nous sommes aperçues que ce qui nous intéressait parlait à pas mal de gens autour de nous. Une réunion sur l’autonomie qui a eu lieu sur le plateau vers cette même période a débouché sur un autre groupe qui s’intéressait à la santé. Les questionnements étaient les mêmes. Comme nous avions envie d’élargir nos échanges, nous avons décidé de créer Pas à pas. Si, au début, les préoccupations de l’association ont beaucoup tourné autour de la naissance, nous ne souhaitions pas nous cantonner sur ce seul sujet. L’objet de l’association étant le partage des savoirs populaires et parentaux au sens large, très vite nous avons rencontré d’autres personnes, surtout par bouche à oreille. Aujourd’hui nous sommes une quarantaine à participer à la vie de Pas à pas à travers des échanges pratiques autour de l’éducation et de la santé. Un autre groupe qui se réunit depuis trois ans autour de la botanique , des plantes médicinales et de leur utilisation, avec l’herboriste Thierry Thévenin de Mérinchal, se rapproche actuellement de Pas à pas (nous sommes plusieurs à être dans les deux) et il est possible que les deux fusionnent dans l’association.
Vous avez aussi réalisé des rendez-vous plus larges...
En septembre nous avons effectivement organisé un week-end à Peyrat-le-Château sur le thème “Naître et grandir en Limousin“. C’était une assez grosse manifestation qui a réunit plus d’une centaine de participants (cf. photo). Il y avait des conférences (sur l’osthéopathie ou le langage des signes avec les nourrissons...), des ateliers (massage bébé, yoga...), un espace de documentation avec des films et des livres et des coins pour les enfants, de façon à ce que toute la famille puisse participer à ces deux jours. C’était une grosse organisation et heureusement que nous avons eu le soutien de la commune de Peyrat-le-Château qui a mis gracieusement à notre disposition des salles et des chapiteaux et que tous les intervenants sont venus bénévolement. N’ayant pu obtenir de subventions cette année, l’association s’est autofinancée pour cette manifestation.
Depuis, vous continuez avec des rencontres régulières...
Effectivement. Le dernier samedi de chaque mois nous nous retrouvons, toujours à Peyrat-le-Château, dans la salle de la Tour, autour de thèmes particuliers comme la petite pharmacie familiale, le massage, etc. Ces rencontres sont ouvertes à tous et elles sont gratuites. Chacun peut y proposer un thème.
Faîtes-vous appel à des spécialistes sur tous ces sujets ?
Le pari de Pas à pas, c’est que chacun de nous est détenteur de quelque chose. On a toutes et tous un savoir faire que nous avons acquis par l’expérience, la pratique ou des formations extérieures et que nous voulons partager avec les autres. Sur la pharmacie familiale par exemple, une femme est venue présenter les teintures mères qu’elle utilise pour des soins de base en nous expliquant comment elle les utilisait. D’autres pouvaient ensuite faire part de leurs propres expériences. Le but est que chacun devienne plus autonome, qu’il se réapproprie son corps, sa santé au sens large, qu’il n’ait pas besoin d’aller courir chez le spécialiste pour tout et n’importe quoi. L’idée est de s’autoriser à prendre pour soi des décisions sans toujours devoir faire appel à quelqu’un d’extérieur, que chacun se sente légitime dans sa pratique et dans ses choix. On parle donc de nos pratiques, on les propose aux autres qui bien sûr restent libres de s’en inspirer ou pas. Pas à pas se veut un lieu de formation les uns par les autres. Nous ne nous interdirons pas de faire cependant appel à des personnes plus spécialisées que nous ferions venir en Limousin, en organisant des formations spécifiques par exemple.
Avez-vous d’autres projets ?
Nous voulons créer un fond documentaire de livres, de films ou de revues que nous pourrions présenter de manière itinérante dans différents lieux sur le plateau et dans la région. Nous avons déjà un petit stock d’ouvrages que nous allons compléter et nous l’avons déjà présenté à la journée nationale de l’allaitement qui a eu lieu à Limoges. Nous travaillons aussi à un annuaire des praticiens sensibles à nos préoccupations et ouverts à une vision plus globale et moins mécaniste de la santé.
J’ai l’impression à vous entendre que Pas à pas est une association de femmes.
C’est vrai qu’il y a surtout des femmes. Il y a bien quelques hommes, mais ils sont très minoritaires. Ce n’est pas exclusif, mais c’est ainsi ! Sans doute que dans les familles, les sujets qui nous réunissent (la natalité, la petite enfance, la santé...) sont d’abord portés par les femmes.
Propos recueillis par Michel Lulek.
La cueillette des champignons paraît, au premier abord, l’activité la plus pacifique qui soit ; pourtant, sur le plateau, elle déchaîne depuis longtemps déjà des passions plutôt guerrières. A Chavanac, cette guerre renaît de ses cendres à travers une association dont je voudrais ici démontrer l’inanité et le caractère dangereux. D’autres communes avaient monté des associations similaires mais il semble que seule, Chavanac persiste.
On sait que la cueillette des champignons a longtemps constitué un apport financier non négligeable à la population du plateau confrontée souvent à des conditions de vie difficiles. Or, le nombre croissant de personnes en situation de précarité, les facilités d’accès aux plantations de résineux par les pistes forestières, la généralisation des véhicules 4x4, tout cela joint à une publicité concernant l’énormité des gains réalisés par la vente des cèpes a accru dans de fortes proportions le nombre de chercheurs, réduit autrefois à la population locale. Celle-ci s’en est trouvée frustrée et a réagi par des mesures que l’on pourrait qualifier de protectionnistes à travers les associations dont il est question.
Il faut préciser que ces champignons appartiennent, nous dit la loi, aux propriétaires des parcelles sur lesquelles ils poussent. Remarquons que les propriétaires de grandes surfaces boisées ne s’intéressent que modérément à la production mycologique de leur plantations, soit qu’il s’agisse de sociétés, soit du fait de l’éloignement géographique de leur résidence : ils cautionnent donc volontiers la création de telles associations, soucieux de maintenir de bonnes relations avec la population locale et lui donnant carte blanche en ce qui concerne la cueillette de champignons.
L’association de Chavanac, par exemple, déclare que "toutes les personnes "étrangères" à la commune ou non propriétaires de bois et qui ne seront pas en possession de leurs "cartes de champignons" apposées sur leurs véhicules seront automatiquement contrôlées par les gendarmes qui relèveront les numéros de véhicules et les convoqueront à la gendarmerie" (je cite le journal La Montagne du 12 septembre 2002).
A l’heure de l’Europe, des communications planétaires, du caractère mondial de la plupart des problèmes, le terme “étrangères à la commune” sonne comme une régression digne du Moyen Age mais les guillemets qui encadrent le terme “étrangères” révèlent une gêne qui en dit encore plus long sur les sous-entendus de l’affaire. En effet, les personnes visées en premier lieu par ces associations appartiennent à la communauté turque qui est accusée de ratisser les bois, de prendre d’assaut les plantations de résineux en bandes organisées, propos qui fait l’essentiel des “réunions de champignons”.
Rappelons que ces immigrés sont arrivés dans la région à la suite d’offres d’emploi concernant le bûcheronnage dans les années soixante-dix. Ces travailleurs ont donc contribué par leur peine à l’entretien de la forêt du plateau : comment peut-on prétendre leur interdire désormais la cueillette des champignons ?
Le caractère xénophobe de cette réglementation constitue le premier point et mériterait à lui seul de la dénoncer. Mais ce n’est pas tout.
Voyons comment, pratiquement, est appliquée cette réglementation : le matin, des personnes de la commune relèvent les numéros des plaques d’immatriculation des véhicules stationnés dans les pistes forestières et communiquent à la gendarmerie les numéros des véhicules inconnus ou dépourvus de la fameuse carte sur leur pare-brise. Les gendarmes viennent inspecter les véhicules en question et contrôler leurs occupants. Souvent, il s’agit de personnes défavorisées, en quête de quelques revenus. Qui donc, en effet, passerait ses journées à courir les bois pour vendre quelques kilos de cèpes qui se négocient entre quatre et huit euros le kilo (contre cent francs il y a une dizaine d’années) ? S’ils ne sont que rarement, semble-t-il, verbalisés pour les champignons, leurs véhicules n’échappent pas à un sévère contrôle qui se solde, la plupart du temps par une amende pour pneus lisses, défaut d’assurance ou même stationnement gênant.
On croise aussi souvent dans les bois des personnes venues des villes avoisinantes (Limoges, Brive) pour passer une bonne journée et rapporter chez eux de quoi faire quelques conserves. Eux aussi s’exposent, quoique dans une moindre mesure (véhicules plus conformes) aux mêmes ennuis.
Mêmes risques pour les quelques jeunes des bourgs voisins montés sur le plateau avec leurs engins pétaradants, espérant gagner quelques sous pour leur argent de poche.
La question est la suivante : tous ces gens méritent-ils d’être pénalisés pour une activité aussi paisible ?
Les jeunes ne tirent-ils pas plus profit de la cueillette des cèpes que de l’oisiveté dans un abribus qui tourne si souvent au désœuvrement et aux petits délits ?
L’image de marque du plateau ne sort-elle pas ternie de ces tracasseries infligées aux personnes des villes venues prendre un bol d’air et de nature ?
Enfin, en faisant débourser des amendes à des personnes en difficulté, ne s’expose-t-on pas à des représailles : vols, dégradations, actes de vandalismes qui risquent de compromettre la sécurité et le calme qui règnent encore ici ?
A tous ces arguments démontrant la nocivité de telles associations, je n’en trouve pas un seul à opposer en leur faveur.
Les habitants d’une commune ne s’enrichiront pas davantage par ces mesures, étant donné le prix actuel des cèpes. Si l’année est bonne, chacun trouvera aisément de quoi se régaler et faire quelques bocaux, dans le cas contraire, il n’y en aura pour personne.
A cause de tout cela et surtout de l’encouragement à la xénophobie, à la haine et des menaces à la sécurité, je demande la dissolution de ces associations et je demande aux personnes que j’aie pu convaincre de rendre leur carte. Le débat reste ouvert et je n’ai, dans cet article, voulu faire de procès à personne, mon propos étant simplement de dénoncer des paroles inacceptables dans un Etat qui respecte les droits de l’homme, et de concourir à ce que notre plateau reste un havre de paix et de sécurité.
Didier Garreau
Nos associations ont mené tout au long de ce dossier des actions d’information sur la réalité de ce projet industriel médiocre sur le plan technique et industriel, et irrationnel sur les plans économique et écologique. Empêchés de participer en toute transparence à la décision publique, en particulier lors de l’enquête publique, nous avons douté un temps de la réalité de la démocratie participative.
Caricaturés par certains élus, nous n’avons pas été entendus par les décideurs publics qui n’ont pas fait grand cas de l’engagement et de l’expertise des citoyens. Au mépris du bon sens et de leurs concitoyens qui les en alertaient, ces mêmes responsables ont accordé une confiance déraisonnable au promoteur du projet, alors que celui-ci dès la première heure était abandonné par ses partenaires industriels puis financiers. Ses talents d’entrepreneur auront simplement réussi à placer en redressement judiciaire la Somival, maison mère de CIBV, et à accumuler les dettes.
Nos associations ont constaté avec désespoir que, sur le terrain, certain(e)s élu(e)s locaux, plutôt que de faire amende honorable, tentaient de simplifier à outrance les enjeux de ce dossier.
En construisant un discours caricatural selon lequel nos associations s’opposaient au développement économique local et à l’emploi sur le Plateau, au motif d’une philosophie « anti-tout », ils ont tenté de décrédibiliser la mobilisation. Nos associations sont composées de citoyens et d’experts qui sont légitimes à penser et agir sur leurs territoires. On nomme cela « démocratie participative » et « démocratie environnementale ». C’est un volet fondamental de la démocratie qui a finalement été mobilisé avec succès : l’accès à la justice. Les décideurs publics sont légitimes à prendre des décisions engageant l’intérêt général, mais ils en sont redevables devant le juge, garant du respect des lois et de la constitution, et en particulier de ses dispositions environnementales.
Reconnaissant notre combat légitime, notre recours a été jugé recevable et les moyens qu’il contenait ont été reçus par les juges, qui ont prononcé l’annulation de l’autorisation préfectorale permettant la réalisation de ce projet. Et cette victoire ne nous sera pas volée par ceux qui ont le devoir de se remettre aujourd’hui en question face à leur relation à la démocratie. C’est une victoire de la démocratie environnementale, et elle n’a été rendue possible que par la mobilisation citoyenne.
Dans le Finistère, le sous-préfet a décidé unilatéralement de ne pas verser des subventions à quatre associations brestoises après qu’elles ont été validées en commissions départementales puis régionales pourtant pilotées par l’État. Il a notamment été notifié à une de ces associations qu’elle ne serait pas en conformité avec le Contrat d’engagement républicain (CER) sans plus de précision.
L'une d'elles, la télé associative Canal Ti Zef y voit clairement une sanction politique liée à son implication auprès de l’Avenir, un squat culturel rasé sous escorte policière durant l’été 2023. Cette piste est d’autant plus sérieuse que les trois autres associations concernées avaient également soutenu ou relayé cette lutte.
La situation de l'une d'entre elles, le Patronage laïque Guérin, est encore plus claire et plus alarmante. Son bureau a reçu des autorités un courrier daté du 24 avril 2023, dans lequel le sous-préfet indique que « son attention a été attirée à plusieurs reprises sur le comportement d’un des animateurs, salarié de l’association ». Un animateur impliqué dans le collectif Pas d’avenir sans Avenir. Le sous-préfet poursuit : « Outre les suites pénales que la justice donnera à cette affaire, et sans vouloir interférer sur le pouvoir de gestion qui est le vôtre, ce comportement questionne la capacité de cet animateur à exercer les missions qui lui sont confiées dans l’accompagnement de jeunes enfants. » Le représentant de l’État poursuit en précisant que cette situation pourrait remettre en question « la pérennité des subventions que les services de l’État seront amenés à accorder à votre association »...
Le Mouvement associatif, qui est le représentant des associations en France, évoque également les positions défendues par la ministre de l'Égalité entre les femmes et les hommes le 12 février dernier, qui a menacé de supprimer les subventions aux associations féministes qui auraient tenu des « propos ambigus » sur l’attaque du 7 octobre en Israël.
Pour l'organisation nationale « ces déclarations contribuent à considérer encore davantage les subventions comme un fait du prince. » Et de préciser : « Une subvention ne sert pas à valider une ligne politique. Une subvention sert un projet associatif qui vise l’intérêt général. » Il conclut : « En clair, il est urgent d’arrêter de remettre en cause les subventions aux associations dès lors qu’elles expriment des positions politiques divergentes. Parfois accusées d'écoterrorisme, d'autres fois blâmées pour des "propos ambigus" ou encore accusées d'être "complices des passeurs", les associations sont désormais la cible privilégiée de ceux qui cherchent à restreindre la liberté d’association. »
Certaines collectivités s'y mettent aussi comme la mairie varoise de Saint Raphaël (RN) qui oblige les associations subventionnées à participer aux commémorations de la commune. L'affaire a été mise devant le tribunal administratif mais ce dernier a donné raison à la municipalité en première instance. « C’est à bon droit que le conseil municipal a pu décider que les associations recevant des subventions de la commune de Saint-Raphaël devront participer aux 5 cérémonies prévues par la délibération litigieuse » déclare le tribunal ! Les 5 cérémonies patriotiques concernent les 11 novembre, 29 avril (journée nationale de la déportation), 8 mai, 14 juillet et 15 août (débarquement de Provence).
Le 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a consolidé la subvention accordée à Alternatiba Poitiers par la mairie et l’agglomération de Poitiers, et rejeté les déférés du préfet de la Vienne qui voulait la supprimer au prétexte de l'organisation par l'association poitevine lors de son festival annuel d'un atelier sur « la désobéissance civile ».
Ce genre d'ateliers, il va sans doute falloir en organiser beaucoup d'autres si les choses se poursuivent comme ça dans l'avenir !
Michel Lulek
Cela fait maintenant quelques mois pour certaines associations, plusieurs années pour d'autres, que les financements publics se raréfient ou même se tarissent. Certains d'entre eux, comme les emplois associatifs mis en place en leur temps par l'ancienne région Limousin, avaient permis de consolider au long cours, l'action de nombreuses associations. La nouvelle région Nouvelle-Aquitaine n'a pas souhaité les étendre à tout le territoire et a préféré, par un ensemble d'appels à manifestation d'intérêt, suivre au plus près l'action de chaque association. Cette approche, si elle a permis de maintenir un niveau de financement régional conséquent a néanmoins entraîné les associations dans une complexité administrative en elle-même génératrice d'usure et d'incertitude. Mais c'est désormais au niveau des financements de l'État que les restrictions se font sentir de manière significative.
En effet, plusieurs associations de notre territoire, en général à caractère culturel ou d'animation, essuient de la part de différentes administrations de l'État et notamment des Affaires culturelles (DRAC) une série de refus. Différents représentants du monde culturel et/ou de l'animation se sont émus de cette situation et ont envoyé à la préfecture de région un courrier de demande d'explication (voir ci-joint). Parmi les structures concernées figurent aussi les trois médias de notre territoire, Radio Vassivière, cité dans le courrier, mais aussi IPNS puisque pour la première fois depuis qu'il en bénéficie (5 ans) la revue ne recevra pas la (modeste) attribution du Fonds de soutien aux médias sociaux de proximité, sans aucune espèce d'explication, et que certains financements récurrents de Télémillevaches sont aussi remis en cause.
L'aggravation de la situation a amené les associations concernées à alerter les collectivités locales auxquelles elles sont liées et qui continuent dans la mesure de leurs possibilités à les soutenir. Cela a conduit certaines d'entre elles (commune de Gentioux-Pigerolles, commune de Faux-la-montagne, communauté de communes Creuse Grand Sud) à adopter des motions de soutien réaffirmant l'apport essentiel de l'ensemble de la vie associative à la vie économique et sociale de leur territoire. C'est ainsi que la motion adoptée lors de la séance du conseil communautaire du 6 juillet 2023 par la communauté de communes Creuse Grand Sud et transmise en préfecture souligne que « les associations de culture tout comme celles d'action sociale et d'activités sportives, sont au cœur de l'attractivité de nos territoires et leur action est porteuse de nombreuses et importantes retombées tant sociétales que touristiques et économiques. Elles sont indispensables à notre territoire au même titre que les autres acteurs économiques ou sociaux. » La motion se conclut sur le paragraphe suivant : « L'art et la culture sont par essence des espaces ouverts. Ouverts aux rêves, aux opinions, aux avis et aux contestations. Les subventions ne peuvent être attribuées, dans le cadre du respect de la loi, sur d'autres critères que ceux relevant de l'intérêt général et devant aussi respecter un des principes fondamentaux de notre pays : celui de la liberté d'expression et de création. En conséquence et en responsabilité, le Conseil communautaire affirme son plein et entier soutien aux activités de toutes les associations du territoire, qu'elles exercent des activités sportives, d'action sociale ou culturelles. »
Ces difficultés si elles étaient simplement le fait de restrictions budgétaires communes à toute la vie associative ne relèveraient « que » d'une orientation générale des politiques publiques et pourraient s'inscrire dans le débat démocratique sur le rôle et la place de la vie associative dans notre société et les moyens qui lui sont alloués. Mais il semble bien que nous soyons en l'espèce devant une situation particulière qui relève de prises de position partisanes de certaines branches des services de l'État décidées à en découdre avec les associations qui manifestent des opinions divergentes de celles promues par le gouvernement actuel. C'est toute la question du rôle des services de l'État qui est en jeu. La liberté d'expression, évoquée dans la motion publiée par la communauté de communes Creuse grand Sud, doit-elle être respectée envers et contre tout, ou le gouvernement peut-il imposer que seules les structures reflétant ses prises de position aient « droit de cité » dans le débat public ? Un faisceau d'indices semble confirmer cette dernière option comme en témoigne l'article paru dans Le Monde du 9 août 2023 (« Sur le plateau de Millevaches, une "liste rouge" d’associations privées de subventions »). Il reprend d’une part les interrogations des acteurs culturels mais aussi la lettre ouverte qu’Eric Correia, le président de l’agglomération du Grand Guéret avait adressée à la préfète de la Creuse, dans laquelle il s’inquiétait des menaces que cette situation faisait peser sur les libertés publiques. Pas plus la préfecture de région que la préfecture de la Creuse dans leurs réponses aux différents courriers, ne reconnaissent aucune censure (ce qui aurait été étonnant). Bien entendu, comme il est rappelé par ces interlocuteurs, la subvention n'est pas un droit et donc l'État et ses administrations peut librement choisir les structures auxquelles il apporte son soutien. Allant même plus loin, la préfecture de la Creuse semble vouloir délivrer à ces différentes associations un « certificat de bonnes mœurs » puisqu’elle reconnaît qu’elles s’inscrivent dans le respect du contrat d’engagement républicain si critiqué par ailleurs par les différentes instances représentatives de la vie associative et qu’Eric Correia remettait en cause dans sa lettre ouverte.
Alors que conclure de cette situation ? Oui, les associations, toutes les associations, sont l'émanation des passions, des enthousiasmes, des énergies des citoyennes et des citoyens de nos territoires. À ce titre déjà, elles sont précieuses. Et les associations culturelles et d'éducation populaire le sont d'autant plus qu'elles défrichent de nouveaux chemins, essaient des solutions, mobilisent des habitant-es autour de toutes sortes de problématiques, sont une des voix de la démocratie participative, nécessaire complément à la démocratie représentative pour prendre en compte les besoins et analyses de toutes et tous.
Oui, nous devons travailler inlassablement à créer des ponts. Mais nous devons aussi dégonfler les baudruches idéologiques qui créent des méfiances et des incompréhensions. Il est vrai que de ce point de vue, le contrat d'engagement républicain est venu introduire beaucoup de flou comme le souligne même le Haut conseil à la vie associative, instance officielle placée auprès du Premier Ministre. Et puis il est lassant de voir la vitalité associative accusée de tous les maux. Bien sûr les associations sont remuantes, bien sûr elles remettent en cause, mais c'est aussi comme cela qu'on avance socialement et que de nouvelles façon de fonctionner peuvent peu à peu être proposées.
Alain Détolle
« Nous représentons des acteurs du milieu culturel et associatif agissant en région Nouvelle-Aquitaine : Astre - réseau arts plastiques et visuels, RIM - réseau des indépendants de la musique, Grand’Rue - réseau des arts de la rue, Coopérative Tiers-Lieux - réseau des tiers-lieux, LINA - réseau des libraires indépendants.
Nous venons par la présente vous faire part de notre inquiétude et de nos interrogations soulevées par les courriers que nous avons reçus des associations Quartier Rouge, Les Michelines, Radio Vassivière (associations résidentes de la gare de Felletin, réunies par l’association Pang !), La Pommerie et du réseau TELA.
Elles nous ont informés de la situation préoccupante à laquelle elles sont confrontées suite à la réception de notifications de refus de subventions de la DRAC au titre de l’action territoriale justifiées par le seul argument de « crédits insuffisants » et restent en attente de réponses sur la ligne « création et arts visuels » d’une part, et suite au refus de subventions de FDVA 1 restent en attente de réponses pour le FDVA 2 d’autre part.
Originaire du Beaujolais, j'ai grandi au milieu des vignes dans une famille viticultrice et plus largement agricole. J'ai "découvert la ville" en allant faire un DUT Carrières sociales, option animateur socio-culturel à Grenoble où j'ai croisé la route de la Maison des Jeux. Créée par 2 instituteurs à la suite d'une formation avec Alain Bideau (lui-même fondateur de la première Maison des Jeux à Saint Fons dans la banlieue de Lyon), cette association loi 1901 cherche à promouvoir le jeu pour tous et partout à travers différentes actions : animations itinérantes, cycles d'initiations et de fabrication de jeux, expositions, soirées jeux entre adhérents, formation de professionnels, éditions de livrets de fabrication de jeux...
Fasciné par "ces sports de l'esprit" que sont les jeux, j'y ai alors effectué mon stage de 2ème année d'IUT, puis une objection de conscience avant d'en devenir salarié durant 3 ans et demi. Durant près de 6 ans, j'ai ainsi travaillé avec d'autres passionnés de jeux. A leurs côtés, j'ai ainsi pu initier, conseiller, accompagner des projets ludiques à l'échelle de l'agglomération grenobloise et au delà. Avec toujours la volonté de profiter du jeu pour tisser et renforcer, dans des moments de rencontres et de plaisirs partagés, un peu de lien social dans les quartiers, les villes et les villages.
Aujourd'hui, je souhaite mettre ces compétences à votre servi· ce, habitants de cette région dans laquelle je suis installé depuis le début du mois de septembre. J'ai déjà rencontré de nombreuses personnes durant 3 semaines en juin et en juillet 2003. ]'ai ainsi pu fa ire un état des lieux du monde ludique en Limousin qui révèle peu de possibilités pour accéder aux jeux et de façon très disparate en fonction des zones géographiques. Je leur ai également fait partager ma conception de "l'outil jeu" et mon envie de créer une "Maison des Jeux" dans cette même région.
Quelles que soient les activités que j'ai effectuées au sein de la Maison des Jeux de Grenoble, toutes contribuaient à faire (re)découvrir le plaisir et les intérêts de la pratique ludique.
Jouer, c'est avant tout partager des moments de détente dans une activité qui n'est pas en prise avec les enjeux ou contraintes du réel. "Le jeu est universel, gratuit et il se partage".
Les intérêts ensuite.
JOUER = J'Organise Un Espace Relationnel.
Je veux utiliser le jeu pour provoquer des rencontres entre les générations et entre les cultures, dans les quartiers, les villes et les villages, en lien étroit avec les équipements scolaires et socioculturels, les associations et les collectivités locales. Ces rencontres sont rendues possibles parce que le jeu concerne à priori chacun d'entre nous, quels que soient notre âge et notre culture. Par ailleurs, jouer suppose qu'on adopte et applique des règles communes... C'est en cela un magnifique prétexte pour réapprendre " l'être ensemble".
"Ainsi se mélangent les ethnies, les âges, les sexes... ainsi se prévient la délinquance... Et pour ceux qui sont inquiets du "temps perdu au jeu", rappelons que jouer, c'est d'abord apprendre les règles, les respecter, donc tenir compte de la réalité des autres."
"J'ai instauré des rendez-vous réguliers de jeu depuis la mi-septembre (voir agenda). Ces temps de rencontres ludiques permettent la (re)découverte des jeux, et des moments de partage et d'échange autour du projet. Je souhaite ainsi vous mobiliser, habitants de la région, sur la création d'une structure (association sans doute) dont les obj ectifs seraient les suivants :
Ce qui peut se décliner par les actions suivantes :
Cette liste est non exhaustive et ne demande qu'à être complétée par vos suggestions et envies...
Enfants, adolescents, adultes, personnes âgées, publics handicapés, acteur scolaire, d'un équipement socioculturel, d 'une association, d'une collectivité territoriale, d'un comité d'établissement, d'un hôpital, d'une maison de retraite, d'un institut spécialisé (/MP, EREA,... ), ou particulier en quête d'espaces de vie conviviaux et authentiques, je vous donne rendez-vous très prochainement pour un moment de plaisir et de convivialité autour des jeux bien évidemment! "
Laurent Fayard
Charles Rousseau n'est pas un curé comme les autres. Le plateau a touché là un énergumène qui au sein même de son église fait figure de marginal et qui ne correspond pas à l'image passée et vaguement décolorée que bigotes ou Parisiens en vacances attendent du curé de campagne. A peine installé à Peyrelevade, Charles prend ses distances et refuse par exemple de procéder à la traditionnelle "bénédiction des chiens" de la Saint Hubert à la Chapelle du Rat. "D'accord pour la messe, mais pas pour jouer du goupillon avec les chiens !" proclame-t-il catégorique aux originaires du pays, un peu déçus de ne plus y retrouver lors de leurs retours estivaux le charme désuet de cette geste folklorique. Leurs plaintes arriveront jusqu'à l'oreille complaisante d'une ethnologue1 qui communiera dans la réprobation : "Les prêtres de la Mission de France veulent confier à la politique le rôle d'entraîneur de la société rurale (…) Ils répudient tout apparat et bannissent le faste. Ils ont même supprimé les aubes (…) Ils sont plus tentés de travailler de leurs mains que de secourir les agonisants (…) Ils se sont efforcés de vider la religion de la dimension du sacré et des esprits" et elle ne cache pas son aigreur en parlant d' "un clergé qui ne comprend pas ses ouailles" ou de "l'attitude restrictive des "animateurs liturgiques" qui fait maugréer quelques paroissiens : "Monsieur le Curé, vous êtes moins croyant que nous !"
C'est que le plateau a changé et qu'il n'est plus le reliquaire statique d'une ruralité de toujours que le citadin ou l'ethnologue épisodiquement de retour au pays aimeraient retrouver chloroformée entre souvenirs d'enfance et schémas anthropologiques. Le plateau a changé, et surtout il doit continuer à changer, c'est-à-dire, dans l'esprit volontariste du "curé de Peyrelevade", chercher ses nouvelles vocations dans un monde mouvementé qui le cantonnera dans un rôle ou des fonctions non choisies s'il ne prend pas lui-même en main son devenir. C'est là sa profession de foi dans le territoire, une profession de foi qu'il partage avec de jeunes élus issus ou proches de la mouvance néorurale comme Bernard Coutaud, maire de Peyrelevade, François Chatoux, maire de Faux la Montagne ou Pierre Desrozier, maire de Gentioux. Les trois jeunes maires se connaissent, s'apprécient. Deux d'entre eux adhérent à un Parti Socialiste qui, à l'époque, pouvait encore faire rêver (le troisième les suivra quelques années plus tard) et décident de s'unir au sein d'une intercommunalité qui leur paraît la seule issue pour le développement de leurs communes respectives. Un sociologue2 de la même génération précise : "Sur le plateau, au centre du Limousin, à Faux la Montagne, Peyrelevade et Gentioux, François Chatoux, Bernard Coutaud et Pierre Desrozier mettent en oeuvre certaines des idées formulées pendant les années soixante-dix. Celles-ci avaient constitué la figure utopique de la recherche d'alternatives à la crise des outils de régulation macro-économique et macro-sociale. A l'épreuve du réel, il s'avère qu'une partie des solutions à cette crise passe par des voies locales" C'est aussi ce que pense et veut faire Charles Rousseau. Au sein de son église, il explique, répète, démontre, proclame que les chrétiens ne peuvent plus vivre leur foi - ni les curés leur sacerdoce - comme ils l'ont vécu depuis bientôt 2000 ans. Aux catholiques du plateau, éparpillés et disséminés, il propose de nouvelles formes d'engagement et, dans la logique des prêtres de la Mission de France, il insiste particulièrement sur l'ouverture au monde, aux gens et au pays dans lequel ils vivent. En aucun cas il ne s'imagine enfermé dans sa sacristie.
En 1974 il crée avec quelques autres membres de la communauté chrétienne l'association "Les Plateaux Limousins", acquiert une maison et une petite grange au Villard, sur la commune de Royère de Vassivière, et entreprend d'y créer un lieu de rencontre et d'échanges. La petite équipe y construit des gîtes, y organise des débats et y lance la première des "fêtes des Plateaux" qui, de 1978 à 1986, deviendront chaque dernier week-end de septembre, le rendez-vous obligé de tous ceux qui se reconnaissent acteurs de la vie du pays.
Charles Rousseau n'a pas oublié ses anciennes leçons de sociologie et de statistique. Il les ressort à l'occasion de la fête des Plateaux qui se décline chaque année sur un thème différent : l'agriculture, la forêt, les énergies, la vie associative, etc. Pendant l'hiver, le curé explore bibliothèques, revues, archives et administrations pour dresser le panorama argumenté et illustré du thème de l'année. Il transforme le tout en exposition qui sert ensuite de support aux débats organisés dans le cadre festif du rendez-vous de septembre. Entre flonflons et grillades, musique et jeux pour enfants, dans une ambiance hybride de kermesse et d'université d'été, on débat de ce qu'est et de ce que sera le plateau de Millevaches.
C'est Charles Rousseau qui lancera le premier le slogan "Mille sources, mille ressources". C'est lui qui montrera, chiffres à l'appui, le dynamisme associatif du territoire. C'est lui qui pointera le risque de réduire le plateau au seul rôle de fournisseur de matières premières lorsqu'il centre la fête de 1983 sur les entreprises de transformation. C'est lui encore qui sent venir l'ère des "nouvelles technologies de l'information" lorsqu'il organise sur le thème de la communication la fête de 1986 (l'année même de la création de Télé Millevaches).
Etudiant l'implantation au XIXème siècle des lignes de chemin de fer en Limousin, il a été frappé des réactions contradictoires des communes et s'est aperçu que la région aurait alors bien pu passer à côté de cette innovation technologique majeure. Il voit pointer un risque similaire avec ces nouveaux outils en "ique" dont on dit qu'ils seront à la révolution informatique du XXème siècle finissant, ce que les trains furent à la révolution industrielle. Il veut attirer l'attention de ses concitoyens sur ce nouvel enjeu et, du ton légèrement prophétique qu'il lui prenait parfois d'affecter, il n'hésite pas à appeler à la mobilisation populaire :
"Des fêtes comme ça, apparemment, ce sont des fêtes pour rien. Ce sont des fêtes gratuites en quelque sorte, puisqu'elles ne sont pas payantes et qu'on ne peut pas dire que ce sont des fêtes rentables ! Alors on peut nous dire : c'est de l'argent fichu par les fenêtres ! A quoi bon ? Et bien nous, ce n'est pas du tout comme ça que nous voyons les choses.
Qu'une information sur les atouts de l'avenir se passe dans un contexte comme celui-ci, où l'on n'est pas chacun chez soi mais où on est ensemble dans une fête qui est quand même une fête d'espérance, nous paraît être un facteur tout à fait important pour un processus de développement.
Ce n'est pas le tout d'avoir des programmes, ce n'est pas le tout d'avoir des gens qui font des projets, il faut qu'il y ait un peuple qui se lève, il faut qu'il y ait une conscience commune qui se fasse et de ce point de vue, la fête des Plateaux, elle a contribué à cela" Charles Rousseau a alors 63 ans. Se sait-il déjà atteint du cancer qui l'emportera deux ans plus tard ? Sent-il s'effriter le dynamisme de son association après douze ans d'actifs défrichements ? Ou pense-t-il toucher aux limites d'une fête dont l'envergure commence à dépasser les forces du noyau actif des Plateaux Limousins ? Il cherche à passer le flambeau à des bras plus solides, et l'initiative perdurera en effet quelques années sous la houlette du Bureau d'accueil de la Montagne limousine (une structure rassemblant des élus qui sera à l'origine de la relance du projet de parc naturel régional dans les années suivantes).
Mais Charles Rousseau pense aussi qu'un rendez-vous annuel reste insuffisant pour qu'un territoire s'interroge sur les enjeux de son avenir. Il voudrait créer un outil plus performant, qui intervienne de façon régulière et plus fréquente dans le débat public, un outil qui soit accessible au plus grand nombre, qui puisse demeurer facteur de vulgarisation, de débat et de prise de parole. Bref, inventer une "fête des Plateaux" qui s'étale sur toute l'année en touchant une population plus large et qui, sous d'autres formes, poursuive l'agitation citoyenne et territoriale qu'il animait depuis huit ans avec ses fêtes.
Il a entendu parler de ces toutes premières équipes qui en différents endroits de France ont commencé à utiliser les nouveaux outils de communication sur leurs territoires. Il a quelque lien avec Paul Houée (un autre curé agitateur) qui dans le pays de Mené, en Bretagne, développe des projets faisant appel à l'informatique ou à la télématique. Il a repéré quelques expériences pionnières du côté de la Franche-Comté (Télé Saugeais) ou des Alpes (avec l'association d'animation du Beaufortain) qui se sont saisies de la vidéo comme support de communication locale. Il y perçoit la conjonction d'une démarche politique, d'une appropriation citoyenne de moyens techniques et d'une approche résolument moderniste des évolutions du monde rural. Il sait que ce dernier n'est plus ce qu'il était il y a seulement vingt ans et qu'il ne sera plus, dans vingt ans, ce qu'il est encore aujourd'hui. Il veut poursuivre le pari, pris en 1974 avec la création des Plateaux Limousins, que ces évolutions peuvent être maîtrisées, choisies et décidées par les populations qu'elles concernent. C'est dans ce contexte que l'idée de réaliser sur le plateau un "journal vidéo" lui vient à l'esprit. Ainsi naîtra en 1986 Télé Millevaches.
Michel Lulek
Ce texte est extrait du livre "Télé Millevaches, la télévision qui se mêle de ceux qui la regardent" à paraître en septembre 2006 pour les vingt ans de Télé Millevaches aux éditions REPAS.
1 Anne Stamm L'échange et l'honneur, une société rurale en Haute-Corrèze, Société d'ethnologie du Limousin et de la Marche, Limoges 1983.
2 Pierre Maclouf et Xavier Lambours Figures du Limousin, page 96. Ed. Herscher/Lucien Souny, Limoges, 1986.
Ambiance feutrée d’une salle de cinéma, musique jazz en attendant que débute la projection, les fauteuils de velours rouge se remplissent, la salle est comble et le spectacle peut enfin commencer. Les lumières s’éteignent et l’écran prend vie. Après quelques craquements d’usage le générique apparaît sous nos yeux. Nous sommes au cinéma Le Club de Peyrat-le-Château un vendredi soir de janvier et «Docteur Folamour» est au programme des festivités.
Depuis décembre 2002, l’association «Bande Originale» propose chaque mois à Peyrat une soirée Ciné-Club. Devant la fermeture de cette salle durant 10 mois de l’année (problème de fréquentation), certains peyratois ont décidé de réagir et proposent à la mairie de faire revivre ce superbe cinéma équipé d’un matériel de projection de qualité. Un groupe d’environ 10 personnes s’est constitué pour former l’association, et gère la structure à 100% ; une formation au montage et à la projection des films s’est avérée indispensable pour chacun des membres. «Bande Originale» gère en plus de la partie technique, la programmation, la communication, la comptabilité, l’accueil billeterie et propose également une collation après chaque soirée ciné-club au « coin ciné » situé au balcon de la salle. Cette rencontre entre tous permet d’échanger nos impressions sur le film qui vient d’être présenté et de se remémorer certains classiques de notre enfance.
Pour ce qui est du ciné-club, «Bande Originale» veut varier les plaisirs en proposant des œuvres des années 30 aux années 80 alternant VO et VF, des œuvres internationales, dramatiques ou comiques allant du fantastique au film noir, de la série B au péplum... L’occasion de découvrir ou redécouvrir sur grand écran des chefs d’œuvres du 7ème art («L’homme qui rétrécit» en décembre, «Docteur Folamour» en janvier, «les vacances de Monsieur Hulot» en février). «Bande Originale» propose également un ou 2 dimanches par mois un film «tout public» plus ou moins récent.
Grâce au travail et à la volonté d’une poignée de bénévoles et au soutien de la mairie, Le Club rouvre de nouveau ses portes depuis décembre, la fréquentation est au beau fixe et il n’y a pas de raison pour que cela change.
Dans la plupart des dossiers qui ont été au cœur des débats publics ces derniers mois, de la vache folle à l’Erika, de l’amiante aux accidents de la route, des conséquences de la grande tempête de décembre 1999 à la crise des carburants de l’automne 2000, il y a toujours un élément commun que l’on oublie curieusement de rappeler : ces catastrophes sont des bénédictions pour notre Produit Intérieur Brut, ce chiffre magique dont la progression s’exprime par un mot qui résume à lui tout seul la grande ambition de nos sociétés matériellement développées et éthiquement sous développées : LA CROISSANCE !
Car les centaines de milliards que coûtent à la collectivité ces destructions humaines et environnementales ne sont pas comptabilisées comme des destructions mais comme des apports de richesses dans la mesure où elles génèrent des activités économiques exprimées en monnaie. Les 120 milliards de coûts directs des accidents de la route (qui en génèrent le triple en coûts indirects), pour ne prendre que ce seul exemple, contribuent à la croissance de notre PIB. A supposer que nous n’ayons aucun accident matériel ou corporel, ni morts ni blessés sur les routes de France l’année prochaine, notre PIB baisserait de manière significative, la France perdrait une ou plusieurs places dans le classement des puissances économiques et l’on verrait nombre d’économistes nous annoncer d’un ton grave que la crise est de retour. Et la situation serait pire si disparaissaient également de ces étonnantes additions une part des 170 milliards induits par les effets sur la santé de la pollution atmosphérique, les dizaines de milliards que vont coûter la destruction des farines animales, les quelques cent milliards qu’ont généré les destructions de la tempête de l’hiver dernier et d’une manière générale tout le plomb des destructions sanitaires, sociales ou environnementales qui ont cette vertu de se changer en or par l’alchimie singulière de nos systèmes de comptabilité.
Dans le même temps, toutes les activités bénévoles qui, grâce en particulier aux associations loi 1901, ont permis d’éviter ou de limiter une partie des effets de ces catastrophes, par exemple en allant nettoyer les plages polluées ou en aidant gratuitement des handicapés, n’ont, elles, permis aucune progression de richesse et ont même contribué à faire baisser le PIB en développant des activités bénévoles plutôt que rémunérées. Autant dire que nous marchons sur la tête et que dans le même temps où l’on célèbre le rôle éminent des associations à l’occasion du centenaire de la loi de 1901, nous continuons à les traiter comptablement, non comme des productrices de richesses sociales mais comme des “ponctionneuses de richesse économique” au titre des subventions qu’elles reçoivent. Notre société, malgré ses déclarations de principe, facilite beaucoup plus le “lucra-volat”, la volonté lucrative, que le bénévolat, la volonté bonne ; et il arrive trop souvent que ce qu’on pourrait appeler le “male-volat” ou volonté mauvaise, sous ses formes diverses, bénéficie de l’argent des contribuables comme en témoignent les exemples récents de pactes de corruption en vue de détourner les marchés publics. Il est donc plus que temps de nous atteler à ce chantier considérable du changement de représentation de la richesse et de la fonction que joue la monnaie dans nos sociétés. C’est pour l’économie sociale et solidaire un enjeu décisif et pour le mouvement associatif une occasion à saisir. Ils s’inscrivent en effet dans une histoire où le choix de la coopération, de la mutualisation, de l’association se veut prioritaire. C’est pour eux un piège mortel que de laisser s’imposer des critères qui ignorent les enjeux écologiques et humains et valorisent des activités destructrices dès lors qu’elles sont financièrement rentables. Il leur faut au contraire reprendre l’initiative et être aux premiers rangs de l’émergence d’une société et d’une économie plurielle face aux risques civilisationnels, écologiques et sociaux que véhicule la “société de marché”.
Patrick Viveret
Depuis un an nous avons voyagé à travers la France à la rencontre de compagnies africaines et franco-africaines de cirque, de théâtre, de musiques, de danse. Nous avons parcouru les sentiers du Plateau et imaginé la Grande traversée à pied. Dans nos villages nous avons pressenti les lieux des bivouacs, et prévu l'implantation du grand chapiteau…
Mais voilà, en février, il nous fallait prendre une décision sans avoir la certitude de rassembler les financements nécessaires. Trop d'incertitudes sur ce point. Trop de risques ! Nous avons donc joué la prudence et réorganisé son déroulement. Nous n'avions d'ailleurs guère le choix si nous voulions être à la hauteur des éditions précédentes et des attentes du public. Situation familière à beaucoup d'associations et d'organisateurs d’événements culturels : travailler avec des objectifs de moyen et long terme, être efficace sur le court terme, mais avec une visibilité financière en partie annuelle sur la réalisation d’événements.
Il est légitime que les institutions et collectivités fassent des choix dans une réalité budgétaire contraignante. C'est même leur raison d'être. Et nous ne sommes pas du tout dans la posture infantile et capricieuse d'exiger des sous pour notre joujou ! Mais que c'est énergivore de recommencer sans cesse les démarches, les très lourds dossiers, surtout d'attendre des mois les positions des partenaires financiers alors que les engagements vis à vis des artistes, des techniciens, des imprimeurs, des communes, de la presse, doivent être pris bien avant. C'est de la haute voltige sans filet !
Il ne s'agit pas d'entrer dans le chœur des lamentations. Après tout, à nous de rassembler les fonds de roulement tampons pour tenir compte de ces réalités. Mais bon sang quel combat ! A nous de prouver tout l'intérêt de notre travail pour l'économie, le social, le culturel, les relations humaines, le territoire… Mais quelle énergie il nous faut et sur des années ! A nous aussi de chercher des synergies ! Car notre certitude est que la Montagne limousine a un besoin essentiel de ce genre de fête : liens sociaux, fierté des habitants de produire chez nous des spectacles populaires de haut niveau, de faire connaître, fréquenter et aimer notre pays. Certes le Conseil Régional du Limousin et le Conseil Général de la Creuse avaient annoncé leur soutien -confirmé depuis- comme ils l'avaient fait l'année précédente. La version 2005 du festival avait aussi été soutenue par le Parc Naturel régional de Millevaches à travers l'opération "le Parc en fête". Mais combien d'années de preuves répétées d'efficacité pour qu'un territoire tout entier porte vraiment des réalisations si utiles pour ses habitants, pour sa notoriété, pour sa fréquentation ?
Pour reprendre la belle formule de Jean Viard, les territoires les plus dynamiques sont les lieux qui sont "mis en désir". En effet l'attrait des territoires est devenu un facteur essentiel de leur vitalité du fait des liens qui existent maintenant entre attraits, dynamique générale et créations d'entreprises. Mais comme les fonds publics sont par définition limités c'est aux responsables publics à tous les niveaux de faire des choix. Quels choix dans le domaine culturel pour la Montagne limousine et de quelle manière ? Comment sur des choix partagés entre collectivités, institutions et associations organisatrices tendre vers plus de sécurité ? Prenons aussi notre part : n'est-il pas temps d'en parler entres organisateurs pour chercher des synergies vraiment efficaces ( logistique, communication, frais de personnel,…)? Et sommes-nous mûrs pour cela ? Quelques contacts dans ce sens nous encouragent.
En attendant… nous commençons les ateliers des "Chemins de rencontres" dont le déroulement se fera sur plusieurs mois jusqu'au final de juillet 2007 si, comme nous l'espérons, tout se passe bien. Se passer bien cela veut dire que sur ces deux points, l'engagement territorial et la solidarité entre organisateurs, nous avançons très concrètement dans les toutes prochaines semaines.
L'équipe de pays'sage
Il y a quelques mois, le syndicat mixte de Millevaches chargé d’élaborer la charte du futur parc naturel régional (PNR) de Millevaches, appelait les associations à faire des propositions concrètes pour enrichir cette charte. Chiche ? En voici quelques unes qui émanent de quelques acteurs associatifs locaux et qui pourront être développées dans de prochains numéros. Au-delà de leur diversité et de ce que certains pourraient prendre pour de la démesure, ces propositions sont pourtant tout à fait sérieuses. Il faut savoir être ambitieux et (un minimum) utopique si l’on veut vraiment inventer “un monde nouveau”, pour reprendre la formule d’un des vices-présidents du syndicat mixte. Nous, en tout cas, on le veut vraiment. Et sérieusement. La preuve tout au long des pages de ce journal !
avec des outils de communication modernes, et un accès pour tous à…
Les habitants du parc devront pouvoir échanger de l’information par ces moyens modernes. La télévision et l’internet sont deux outils à utiliser.
La communication fera la vie du parc : donnons nous les moyens de ces échanges !
Ma Télé Multimédia et Télé Millevaches
qui soutient la vitalité associative et aide à la mise en lien des habitants avec…
Le village abandonné de Clédat dans la commune de Grandsaigne, sur le versant sud du plateau de Millevaches possède une longue tradition d'accueil.
Au moyen-âge le chapitre Saint-Gérald qui avait déjà fondé un hospice aux portes de Limoges fut chargé par l'évêque d'y créer un relais pour les voyageurs et les pèlerins qui suivaient le chemin de long parcours très désert entre Pérols et SaintYrieix- le-Déjalat. C'est vers 1160 que l'on choisit un replat ensoleillé, bénéficiant de sources abondantes pour y implanter l'hospice de Clédat doté d'une chapelle qui subsiste aujourd'hui. Un village de paysans s'établit autour par défrichement de la forêt, il se développa et fut même le siège d'une petite paroisse jusqu'en 1676.
Le village s'est maintenu après l'abandon du chemin et la disparition de l'hospice, et son rôle d'accueil s'est poursuivi car la chapelle et une "bonne fontaine" dédiées à sainte Magdeleine ont été un lieu de pèlerinage jusqu'au milieu du XXème siècle.
Ensuite vers 1960, le village, à l'écart des routes modernes, et où le relief ne permettait pas la mécanisation de l'agriculture fut abandonné par ses habitants, ses terres furent plantées de résineux et font maintenant partie de la forêt domaniale de Larfeuil.
Un temps oublié, ce pauvre village tombait inexorablement en ruines quand en 1998 émus par la disparition prochaine de la chapelle, des bénévoles ont fondé l'association "Renaissance des vieilles pierres entre Millevaches et Monédières" pour sauver ce qui pouvait encore l'être. Cette initiative a reçu le soutien immédiat de la population des alentours qui a répondu à l'appel d'une souscription lancée par l'association. Ainsi la chapelle a pu être restaurée en 2001 .
Pour reprendre et développer la tradition d'accueil de ce lieu envoûtant où le patrimoine paysager s'associe aux souvenirs historiques, l'association y organise des rencontres festives et culturelles rassemblant de nombreuses personnes. Les gens y reviennent porteurs des traditions, leurs familles souvent dispersées au loin par l'exode rural s'y ressourcent à la recherche de leurs racines et l'on constate que les touristes de passage sont aussi séduits. Ce lieu singulier permet donc des rencontres authentiques entre le passé et le présent, entre le pays profond et les gens venus d'ailleurs. C'est donc un lieu idéal pour promouvoir un pôle de tourisme culturel mais en veillant bien à ne pas dénaturer le site.
L'association s'y emploie avec ses faibles moyens. Elle a déjà, avec l'aval de l'ONF propriétaire du terrain, fait dégager les ruines, réhabilité les deux fontaines, elle assure l'accueil et l'animation estivale : représentations théâtrales, concerts, fêtes du livre, conférences d'ethnologie, expositions artistiques, diffusions de documentation historique, randonnées pédestres avec lecture du paysage.
Pour amplifier cette action, les communes de Bonnefond, Grandsaigne et Pradines ont décidé de s'associer à l'aménagement du site où il faudrait restaurer ce qui peut l'être encore {la maison fournil) et ont proposé à l'ONF d'acheter la clairière occupée par les bâtiments de l'ancien village.
Ce lieu chargé d'histoire, au milieu d'une immense forêt parcourue par un réseau de chemins de randonnées balisés par l'association, accessible en voiture par des pistes forestières pourrait donc être le cœur d'un centre touristique et culturel rayonnant d'abord sur les communes voisines de Bonnefond, Grandsaigne, Pradines et St Yrieix-le-Déjalat mais pourrait aussi constituer un pôle fort du parc naturel régional.
Ces actions conjointes des habitants, des associations et des communes, dans le cadre du PNR auraient un double objectif: la conservation du patrimoine historique et sa valorisation en vue d'attirer et de retenir les touristes et ainsi prolonger dans le présent la vie sur les hautes terres du plateau de Millevaches.
Annie laval
La méthanisation est un procédé qui vise à dégrader de la matière organique en absence d’oxygène afin d’obtenir du « biogaz » (du méthane) pouvant ensuite être utilisé comme énergie. La dégradation n’étant pas complète, le processus permet également de récupérer des résidus de matière organique (le digestat) qui peut ensuite être épandu sur des parcelles agricoles et servir d’engrais.
Les déchets organiques utilisés pour la méthanisation sont d’origine variée : effluents d’élevage (lisier, fumier), déchets issus de l’industrie agro-alimentaire, boues de stations d’épuration, résidus de culture ou déchets verts. Dans la limite de seuils définis par décret et sous certaines conditions, elles peuvent également être approvisionnées par des cultures alimentaires et des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive). En effet, pour créer du méthane, le lisier ne se suffit pas à lui-même : il faut, pour cela, des substrats végétaux à potentiel méthanogène.
Le développement croissant de ces usines n’est pas sans susciter des critiques voire des résistances. Les odeurs, le trafic routier plus dense, l’impact visuel sur le paysage, les risques de pollution, les accidents industriels, la sécurité alimentaire, la santé, sont autant de problématiques qui sont actuellement portées dans le débat public et que nous résumons ci-dessous1.
Aucun organisme n’a fourni d’étude crédible – méthodologiquement irréprochable – concernant l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la filière biométhane. En émet-elle réellement moins que le gaz naturel ?
Nous n’en savons rien.
Ce que l’on sait, c’est que le principal gaz à effet de serre, le gaz carbonique (CO2), est émis lors de la combustion du méthane en vue de la production d’énergie. À ces émissions primaires, il faut encore ajouter les fuites de méthane survenant sur l’unité de méthanisation, ainsi que des émissions de CO2 indirectes survenant au cours du processus de production (travail des tracteurs dans les champs, traitements phytosanitaires, récolte, transport des intrants en amont et du digestat en aval). Dans les études réalisées pour GrDF, sous l’égide de l’ADEME, le « biométhane » apparaît vertueux, de cinq à dix fois moins émetteur que le gaz naturel. Certes, ces installations sont susceptibles d’éviter des émissions qui auraient été faites sans leur adoption. Il n’empêche que ces émissions contribuent aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre, dont l’atmosphère ne sera débarrassée que dans des centaines, voire des milliers d’années. Lorsqu’on épand du fumier, on apporte du carbone au sol, lequel reste en terre de 50 à 60 ans, avant d’être transformé en gaz carbonique. C’est en ce sens que le sol constitue un « puits de carbone ». Le même carbone, si on ne le met pas dans le sol, mais plutôt dans le méthaniseur, va se transformer en gaz carbonique en moins d’un an.
Souvent vantés au titre de l’économie circulaire et des circuits courts, les méthaniseurs ne tiennent pas toujours leurs promesses. Ces installations, notamment celles de grande dimension, doivent être alimentées par un important volume de déchets et de cultures dites « à vocation énergétique » pour produire de l’énergie en continu. Cet appétit constant peut inciter à drainer des matières sur plusieurs départements, voire plusieurs régions. Les nombreux transports qu’induisent ces collectes réduisent donc les bénéfices pour le bilan carbone.
L’essor de la filière méthanisation s’accompagne d’une augmentation significative du nombre d’accidents et d’incidents, dont certains ont fait l’objet d’une ample couverture médiatique.
L’Ineris2 identifie deux grands types de risques industriels associés à la méthanisation : les risques de pollution des milieux d’une part, et les risques d’incendies et d’explosion d’autre part.
Le rejet de matières dangereuses ou polluantes est le phénomène principal rencontré dans l’accidentologie liée à la méthanisation. Les risques de pollution des milieux peuvent se traduire par des émissions gazeuses, des rejets de matières liquides ou semi-liquides ou encore des rejets d’eaux pluviales ayant été en contact avec les matières. En août 2020, dans le Finistère, le débordement d’une cuve a privé 180 000 personnes d’eau potable pendant une quinzaine de jours. En mars 2021, dans l’Orne, 2000 m³ de lisier destinés à être utilisés comme intrant se sont écoulés dans un ruisseau. Une catastrophe pour la biodiversité locale.
Des émissions de biogaz dans l’atmosphère peuvent survenir soit à l’occasion d’une fuite, notamment au niveau du système d’épuration ou des canalisations, soit en raison du dysfonctionnement de la torchère. Des émissions diffuses peuvent également intervenir lors du stockage ouvert de lisiers ou de digestats. Le rejet de biogaz dans l’atmosphère constitue un risque important de déséquilibre du bilan climatique global de la méthanisation : le biogaz qui en est issu est en effet majoritairement composé de méthane, dont le potentiel de réchauffement planétaire (contribution à l’effet de serre) est considérable : entre 28 et 34 fois plus élevé que celui du CO2 sur une durée de référence de 100 ans, mais entre 84 et 86 fois plus impactant si on raisonne sur la durée de vie d’une installation, soit 20 ans. Ainsi, seulement 2 % de fuite de biogaz (en supposant une teneur de 50 % en méthane) suffisent pour que la méthanisation ait un impact sur l’effet de serre plus fort que l’utilisation des carburants fossiles. Pour les riverains, des risques sanitaires sont liés à l’émission de gaz toxiques (ammoniac, sulfure d’hydrogène), au développement de micro-organismes potentiellement pathogènes, à la prolifération d’insectes. Des nuisances olfactives sont liées aux déchargements de fumier et de lisier, à l’ensilage des intrants, au stockage et au transport des digestats, et de façon plus générale à la mauvaise gestion des sites (exemple : fosses à ciel ouvert).
Le digestat (comme les boues d’épuration) est sorti officiellement de son statut de déchet en 2018, grâce à la loi Egalim, applicable depuis janvier 2020. Or, pour certains, ce digestat est loin d’être sans danger pour les sols. L’épandage de digestat peut présenter un risque de pollution des sols par des matières telles que les microplastiques, des résidus pharmaceutiques ou des contaminants microbiologiques. Si « l’hygiénisation » est insuffisante, ce mélange peut receler de nombreuses bactéries, potentiellement résistantes, qui vont ensuite s’infiltrer dans les sols, voire les nappes phréatiques. Par ailleurs, son intérêt pour les sols est très contesté : il est avéré qu’il peut entraîner une diminution de l’humus. Enfin, la fertilisation est rendue complexe par la nature ammoniacale de l’azote présent dans le digestat, car la valeur fertilisante du digestat rendu au sol varie en fonction du taux de volatilisation, qui peut être inconnu de l’agriculteur. L’analyse de la teneur en azote du digestat en sortie de cuve n’éclaire pas plus l’agriculteur puisque la volatilisation a lieu ensuite (pendant et après l’épandage).
La volatilisation du gaz ammoniac à l’épandage est responsable de gênes olfactives compte tenu du caractère irritant, hygroscopique et toxique de l’ammoniac. Elle est aussi responsable de la remontée en surface et de la mortalité des vers de terre.
L’attrait de cette nouvelle manne ne risque-t-il pas d’orienter et augmenter les productions au seul profit de la méthanisation ? « Aujourd’hui, cette activité est en passe de fournir aux exploitations agricoles un revenu plus important que l’élevage », alerte le Collectif national vigilance méthanisation, qui craint aussi que la concentration des projets n’entraîne une concurrence d’approvisionnement et une « guerre des intrants » sur certains territoires.
La dérive permettant les agrandissements rapides est constatée partout. Il existe de nombreux exemples de ce dévoiement permettant à de petites ou moyennes exploitations de rapidement doubler voire tripler leur cheptel et leur production. La pratique de certaines exploitations conduit à une intensification de l’élevage qui entraîne une surproduction des déchets destinés à nourrir le méthaniseur alors qu’il faudrait au contraire en produire moins. Le risque est que les agriculteurs deviennent producteurs de fumier et de lisier, ce qui oblige à enfermer les vaches en bâtiment, à faire du maïs pour les nourrir et à équilibrer avec du soja importé, bref consommer beaucoup d’énergie. Ceci s’oppose à l’enjeu de restauration du lien au sol en agriculture et à l’impératif de changement du modèle agricole et agro-alimentaire.
La méthanisation a notamment été vendue dans l’idée de transformer un effluent gênant, le lisier, en énergie. Or, le lisier est très peu méthanogène, et pour que le processus fonctionne de façon optimale, le méthaniseur aura besoin de plantes énergétiques. Autrement dit, des surfaces agricoles doivent être consacrées à la culture de celles-ci. Pour éviter que la ration des méthaniseurs n’entre trop en concurrence avec l’alimentation animale ou humaine, un décret prévoit, pour les cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, un plafond maximal de 15% en tonnage brut des intrants pour l’approvisionnement des installations de méthanisation. Or, ne sont pas prises en compte dans cette catégorie les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive). Implantées entre deux cultures principales, les Cive (seigle, trèfle, avoine, vesce, mais aussi maïs…) servent pourtant également à nourrir le bétail. Sans compter que de nombreuses cultures sont déclarées comme Cive alors qu’il s’agit de cultures principales à vocation énergétique et non pas de cultures intermédiaires...
Les cultures à vocation énergétique peuvent dégrader le bilan carbone de la méthanisation par un changement d’affectation indirect des sols : le remplacement d’une culture alimentaire par une culture énergétique est de nature à entraîner, par rebond, une modification d’affectation du sol dans une autre zone géographique, où une prairie ou une forêt seraient par exemple remplacées par une culture alimentaire. D’autre part, le développement de cultures dédiées contribuerait à accaparer la surface agricole utile française aux dépens des cultures alimentaires, affaiblissant par conséquent notre souveraineté alimentaire.
« Trop de végétaux, qui ne sont pas des déchets, alimentent les méthaniseurs » note la Confédération paysanne. Les élevages, qui ont déjà de plus en plus de difficultés à s’approvisionner en fourrage du fait des sécheresses, entrent en concurrence avec les méthaniseurs. Cela va donc se traduire par des achats d’aliments de remplacement pour le bétail, sachant qu’une grande partie de ces aliments sera importée d’Amérique du Sud (soja) et contribuera à la déforestation et à la détérioration du bilan carbone de chaque exploitant. Des importations de l’autre bout du monde d’aliments pour animaux, justifiées par la transition écologique, un comble !
Le bilan global de la méthanisation concernant les apports en carbone organique constitue un sujet de recherche encore largement ouvert. Le carbone des intrants étant en partie dégradé dans le processus de méthanisation, se pose la question de la capacité du carbone résiduel à entretenir la matière organique du sol, lorsqu’il y est restitué sous forme de digestat. Pour certains scientifiques, la méthanisation et l’épandage des digestats vont ajouter leur contribution à l’ensemble des mécanismes qui concourent déjà depuis plusieurs décennies à la baisse du taux de matière organique des sols. La croissance des plantes peut donc, à terme, être négativement impactée par l’emploi de digestats. Le déséquilibre introduit ne peut que faire craindre l’obtention de sols déstructurés et infertiles sur le moyen-long terme. Toutefois certains experts sont d’un avis contraire : les Cive permettraient de stocker du carbone du fait de la présence des racines et des chaumes, laissés au sol. Davantage de travaux de recherche sont nécessaires pour mieux déterminer les pratiques culturales et agronomiques les plus vertueuses au regard de l’objectif d’accroissement du stockage du carbone dans les sols. Un comparatif entre la contribution sur le long terme, d’un fumier et celui d’un digestat, au stockage de carbone serait pertinent.
La méthanisation est doublement subventionnée. Elle bénéficie d’un tarif de rachat établi selon un arrêté national et de subventions à la construction. Vendu trois à quatre fois au-dessus du marché du gaz naturel, le « biométhane » bénéficie en effet d’une garantie de rachat par la puissance publique pendant 15 ans : c’est l’État qui compense la différence avec le prix du marché. Le rachat du gaz à un tarif très généreux coûte jusqu’à 10 milliards à l’Etat chaque année.
S’agissant des aides à la construction, alors que les subventions à l’agriculture dépassent rarement 50 000 euros, même pour une installation d’un jeune agriculteur, en méthanisation on voit passer des projets qui bénéficient d’un soutien de plusieurs centaines de milliers d’euros. Selon un agriculteur, également ancien conseiller en agriculture d’Emmanuel Macron, le coût public est colossal, avec un total de plus de 16,8 milliards d’euros, qui bénéficie à un petit nombre.
À titre de comparaison, le budget de la PAC pour la France pour la période 2021-2027 est d’environ 62 milliards d’euros, soit 3,5 fois plus important, alors qu’il concerne plus de 300 000 agriculteurs. L’objectif pour les pouvoirs publics est double : réduire les émissions de gaz à effet de serre, et assurer un revenu complémentaire aux agriculteurs. Dans les deux cas, la dépense est disproportionnée par rapport à l’objectif recherché : il existe des énergies renouvelables moins coûteuses et la stabilité des revenus dans le temps, due principalement à l’existence d’un tarif de rachat avantageux, est illusoire car, à terme, les aides publiques seront inévitablement revues à la baisse.
Le fol envol du business des méthaniseurs va étrangement à l’encontre de l’agro-écologie, du retour à la biodiversité, du frein à l’artificialisation des sols, prônés actuellement. Le foncier qui nous nourrit ne doit pas être pris en otage par l’agro-industrie… La FNSEA clame à juste titre que les agriculteurs sont là pour nous nourrir mais, en même temps, incite à la production de méthane et de bio-carburant, deux agro-industries gourmandes en surface agricole.
La seule méthanisation tolérable sera celle qui se fera dans des nos man’s lands, loin de tout point ou cours d’eau, avec des unités extrêmement confinées et protégées pour qu’il n’y ait ni fuites de gaz dans l’atmosphère, ni fuites de jus dans les nappes, des unités surveillées 24 h sur 24. Cette méthanisation tolérable sera celle qui n’utilisera que du déchet vrai. Donc, ni maïs, ni Cive, ni fumier. La notion de
« déchet vrai » c’est simplement ce dont on ne peut pas faire un meilleur usage. Le fumier est mieux sur le champ et le maïs est mieux pour l’alimentation.
Association Noporch 23
Contrechamps intitule son projet : “Construire ensemble une nouvelle ruralité”. Il s’agit d’inventer, de mettre en œuvre et de soutenir un développement local ancré dans un territoire rural en déprise et porté par ses habitants. Notre conviction est que conjointement à la dimension économique du développement (souvent confondu avec croissance) doivent co-exister une dimension sociale appropriée (reconnaissance, échange, partage, solidarité) et une dimension culturelle de qualité (diversité, accessibilité, participation, etc.). Ces trois dimensions sont indissociables et elles doivent s’interpénétrer pour se féconder mutuellement. Ainsi, dans la transversalité et le décloisonnement des activités, se construisent du sens et du lien entre les personnes.
Depuis le 1er janvier 2002, Contrechamps loue par bail emphytéotique à 99 ans, un ensemble de bâtiments situé à Trasrieux sur la commune de St Julien le Petit. Il s’agit d’une ferme fortifiée du 17ème avec granges, cour intérieure, et petit château qui vient de faire l’objet d’une demande de protection auprès de la commission régionale du patrimoine historique.
L’association souhaite sauvegarder l’ensemble de ce patrimoine architectural dans le respect de son caractère d’origine tout en lui donnant une destination conforme aux attentes d’une partie des habitants du territoire et aux objectifs de l’association.
L’idée maîtresse est de faire de ce site remarquable, un lieu d’accueil, de rencontre et d’expérience pour tous publics dans les domaines de l’animation pédagogique, de la formation et de l’expression artistique. Ces activités se développeront dans un rapport étroit avec le domaine agricole de Trasrieux (du GAEC Champs Libres) et la dynamique locale.
Parmi les aménagements, il est prévu de réaliser un hébergement collectif d’une capacité de 30 places, des salles d’activité, une salle d’expression artistique et de spectacles de 80 places et un ensemble de restauration.
Pour commencer tous ces travaux l’association organise cet été, du 2 au 18 août 2002, un chantier international de jeunes autour de la rénovation de la grange, pour en faire une salle de spectacles. Une vingtaine de jeunes de 18 à 30 ans sont attendus pour se rencontrer autour de quatre grands thèmes :
Philippe Simon
L’association Court-circuit naît en 2010 d’un essaimage de la ressourcerie d’Eymoutiers. Notre but est d’implanter à Felletin les fonctions d’une ressourcerie (collecter, valoriser, vendre et sensibiliser) pour œuvrer à la réduction des déchets et lutter contre le gaspillage, tout en expérimentant un mode d’organisation autogéré. C’est dans le terreau fertile de l’écosystème du Plateau que l’aventure de Court-circuit prend racine : la formation au métier de valoriste se fait au Monde allant vers... d’Eymoutiers (il n’existe alors que deux ressourceries en Limousin, pour une quinzaine aujourd’hui), le projet politique et ses valeurs sont questionnés et affinés au fil de l’accompagnement par l’association Pivoine, et le choix du statut associatif est éclairé par les conseils de la Scop La Navette. Enfin, en participant au compagnonnage du Réseau REPAS, nous nous inspirons d’autres expériences d’autogestion (notamment celles d’Ambiance bois, de Champs libres et du Monde allant vers pour ne citer que les locales) et nous apprenons à expérimenter chemin faisant.
L’accueil de compagnon.nes du réseau REPAS dès le démarrage de la ressourcerie initie la dynamique d’ouverture et d’inclusion de l’équipe des permanents1 : il s’agit d’apprendre à faire collectif avec qui est présent. Autant que faire se peut nous appliquons cette gymnastique aux bénévoles, aux stagiaires et aux porteurs de projet qui viennent découvrir le métier et se former.
Nous souhaitons que la ressourcerie soit aussi inclusive que possible, pour l’ancrage du projet dans le tissu local et aussi pour offrir un accueil égal (non discriminant) au public le plus large possible, cela comprend bien évidemment les clients et les usagers, d’où le soin apporté à la présentation des objets en vente et la bonne tenue de la boutique du centre ville depuis son ouverture – c’est également dans ce sens que sera pensée la réfection de la boutique en 2018 en partenariat avec la SCIC l’Arban.
Dès les premiers temps, la ressourcerie attire spontanément quelques personnes qui ne sont a priori sensibles ni au projet environnemental, ni au projet politique de l’autogestion, et qui viennent chercher du lien social, de l’occupation, ou – nous le comprenons après coup – des plans récup’, du travail ou des présences féminines… Nous nous félicitons de cette mixité spontanée jusqu’à vivre des situations très compliquées qu’aggrave l’absence de cadre clair (le cadre est alors en construction, au rythme lent des questionnements de l’autogestion). Nous découvrons nos limites en termes d’insertion et prenons conscience de notre incompétence en la matière. Nous continuons néanmoins à accueillir un groupe de jeunes de l’Institut médico-éducatif (IME) de Felletin chaque mercredi, des jeunes en séjour de rupture à la demande, des stagiaires de collège et plus récemment des exilés. Nous sommes également sollicités par l’administration judiciaire pour recevoir des jeunes dans le cadre de Travaux d’intérêt général. Après un temps d’arrêt, nous renouons avec l’accueil de personnes en situation d’isolement social, mais avec plus de précaution et dans un cadre clair consolidé par l’expérience.
En 2016, nous obtenons l’agrément Espace de vie sociale de la CAF qui est intéressée par notre travail sur l’accueil et l’inclusion, et tout particulièrement par la mixité des publics qui fréquentent la ressourcerie. Ce partenariat nous permet de dégager du temps salarié afin de poursuivre dans de meilleures conditions ce que nous avions entrepris de façon bénévole, d’animer réellement la vie associative et le bon accueil des bénévoles, et de développer pleinement le programme d’ateliers partagés : réparation de vélos, cafés couture, repair cafés…
Côté autogestion, nous avons pris soin de consolider les fondamentaux dès le début : constitution du collectif en parallèle de la construction du projet, maîtrise autant que possible de la vitesse de démarrage de l’activité afin de ne pas subordonner le temps de la démocratie à l’urgence économique, mise en place d’espaces pour s’exprimer et émergence d’une culture de l’écoute. Une attention particulière est portée à l’intégration des nouvelles et nouveaux salariés.es : on essaie de leur « laisser la place » et on investit du temps et de l’énergie dans les transmissions.
Malgré tout, en 2015, l’équipe connaît des tensions internes en même temps qu’un important turn-over : l’équipe passe de 7 à 9 salarié.es, avec 3 départs (dont un définitif) et 5 arrivées. La régulation interne était jusqu’alors assurée de façon informelle, cela ne suffit plus. S’ensuit une médiation fructueuse animée par une personne extérieure. Puis de nouvelles tensions se font jour et une question émerge : comment faire équipe avec un groupe plus hétérogène, notamment en termes de rythmes et de portage du projet ?
Avec un mandat de l’ensemble de l’équipe, un binôme de salariées commence à mettre en place des outils d’animation et des temps de parole individuels. Les deux collègues sont bientôt débordées par leur mission à la fois vague et vaste, et une commission de quatre personnes est finalement créée, avec une fiche de poste pour en fixer le cadre : globalement, il s’agit de prendre soin du collectif (même si c’est théoriquement l’affaire de toutes et tous) et de s’assurer que chaque personne est à la place la plus juste pour elle et pour le groupe. La commission est en veille sur l’ambiance du groupe et les tensions interpersonnelles, essaie d’accueillir et de travailler les conflits pour pouvoir les transformer, propose des entretiens annuels pour faire le point, prépare les procédures d’embauche et l’accueil des nouveelles et nouveaux salarié.es. Elle travaille également le regard collectif sur les compétences, la planification et l’organisation du travail, mais ne se substitue pas à la responsabilité collective, ni à la décision collective et n’est pas censée compenser un défaut de partage de l’animation. Cette commission n’a pas non plus vocation à devenir une direction des ressources humaines déguisée et ses membres tournent d’année en année. Elle rend compte de son travail au collectif et son travail n’a de sens que dans la mesure où elle a la confiance de l’équipe.
Les 10 ans de Court-circuit coïncident avec l’installation dans de nouveaux locaux. C’est l’aboutissement d’un projet de 7 ans ! L’association dispose désormais d’un outil de travail ergonomique et adapté pour pérenniser les emplois. Au-delà de l’activité économique, nous espérons que ce nouveau lieu permettra d’amplifier la dynamique d’accueil, d’ouverture des ateliers, d’échange de savoir-faire et de valorisation d’objets et de matières. Car si l’on regarde le verre à moitié vide, le réemploi est un pansement sur la jambe de bois de la société de gaspillage. La ressourcerie est impuissante face aux objets irréparables ou de mauvaise qualité et les effets de mode nous dépassent. C’est pour cela qu’il nous tient à cœur de favoriser l’autonomie à travers l’auto-réparation et la transmission de savoir-faire. Les nouveaux locaux font la part belle aux ateliers qui nous faisaient défaut jusqu’ici, et nous souhaitons étoffer le programme trimestriel des ateliers partagés et ouvrir d’une façon ou d’une autre nos ateliers au public… L’atelier vélo est déjà opérationnel et actif grâce à l’énergie de super bénévoles !
Nous sommes convaincus qu’on pourrait aller encore plus loin dans le partage de l’outillage et du « gisement » de déchets et de matières. Le lien avec un Fab’lab, la recherche et développement en low tech (ou basse technologie), ou toute autre activité liée au réemploi d’objets ou au recyclage de matériaux paraît évident et désirable, et nous souhaitons que Court-circuit puisse être un soutien voire un incubateur pour des projets de ce type.
À suivre…
Constance Launay et Olivier Cagnon
Le 2 mars 2023, à Jarnages, dans le cadre d’une journée intitulée « Dynamiques d’économie sociale et solidaire en Creuse », Pascal Bousso, responsable du Dispositif local d’accompagnement de Creuse, présentait les deux grandes tendances qu’il a observées dans le monde associatif creusois au cours des cinq dernières années. La première relève de la multiplication de « lieux hybrides » comme les tiers-lieux, où se croisent des activités variées, économiques ou non, des publics différents et où la mutualisation et le partage sont dominants. La seconde tendance relève d’une aspiration de bon nombre d’associations à pratiquer une organisation plus horizontale, collégiale ou collective. Une recherche qui fait sens autant pour les bénévoles (conseils d’administration sans président par exemple) que pour les salariés (avec des formes d’autogestion ou d’autonomie dans le travail). À cet égard, l’expérience de la ressourcerie Court Circuit de Felletin, présentée lors de cette journée, est exemplaire.
Créée en 2010, la ressourcerie regroupe aujourd’hui 11 salariés auxquels il faut ajouter deux saisonniers en été. Elle dispose de deux lieux à Felletin : sa boutique en centre-ville et des entrepôts en périphérie. Depuis l’origine, l’un des objectifs de Cour Circuit est d’expérimenter un fonctionnement en autogestion (pas de hiérarchie, égalité des salaires, polyvalence), un fonctionnement qu’on retrouve dans le conseil d’administration de l’association où les décisions sont prises de manière collégiale et où il n’y a ni président, ni trésorier, ni secrétaire. « Les principes d’égalité et d’équité sont à la base de notre fonctionnement : se sentir l’égal de son collègue. » Pour autant, cette posture n’a rien de naïf : « L’autogestion, c’est expérimenter un autre mode de fonctionnement mais ce n’est pas une condition nécessaire ou suffisante au bien-être au travail. Il y a des autogestions qui font souffrir et il y a des structures pyramidales où les salariés sont contents d’aller au boulot. »
Pour mieux faire connaître son activité et faire découvrir son fonctionnement côté coulisses, l’équipe de Court Circuit a eu l’heureuse idée de se raconter sous la forme d’un roman photo. Nous le publions ici et vous invitons à pénétrer ainsi dans l’envers du décor de Court Circuit.
En 2004, Hélène Domayala a réalisé pour le compte du parc naturel régional un "état des lieux des ressources culturelles" sur le plateau. Sans être totalement exhaustive son enquête balaie largement le champ culturel local sous ses formes les plus variées. Salles polyvalentes, lieux de diffusion spécialisés, art contemporain, musées, cinémas, bibliothèques, musique et chants, danse et médias sont auscultés assez précisément pour connaître ce qui se passe dans ces divers domaines. Les points faibles de chacun de ces secteurs sont relevés et quelques pistes d'actions sont proposées pour y remédier. Parallèlement à cette enquête deux autres études plus spécifiques sont en cours. La première, réalisée par la Scène nationale d'Aubusson établit un diagnostic technique de 23 salles de représentations de spectacles sur le plateau (4 en Haute-Vienne, 8 en Creuse et 11 en Corrèze). Les premiers éléments de ce travail mettent en évidence que la plupart des salles dans leur état actuel ne sont pas adaptées pour recevoir un spectacle et qu'elles doivent donc être réaménagées différemment.
Le second diagnostic, confié à l'Institut d'Etudes Occitanes, concerne le recensement des acteurs qui travaillent sur la langue et la culture occitane.
Mais l'état des lieux des ressources culturelles ne s'arrête pas aux salles et aux structures. Chacun sait qu'en la matière les acteurs, hommes et femmes, associations et groupes, sont plus importants ! Dans une seconde partie, sont donc étudiées les "ressources humaines" et les "actions culturelles" existantes : festivals (18 recensés), évènements culturels, pratiques amateurs et actions artistiques à destination des jeunes et des enfants. Enfin, un dernier chapitre fait un tour d'horizon des ressources et actions en terme de patrimoine.
Hommage est rendu aux associations : "Leur rôle est important car elles prennent le relais des pouvoirs publics dans le cadre par exemple de la diffusion de la culture, elles contribuent au renforcement du lien social au sein d'une population très dispersée et enfin elles défendent l'identité des populations locales et la pluralité de la culture".
A la suite des rencontres RELIER, une vingtaine de personnes intéressées pour développer des initiatives culturelles sur le plateau se sont réunies à deux reprises ces dernières semaines. Elles désirent échanger sur leurs projets, leurs
difficultés et leurs envies et envisagent de renouveler en septembre prochain un événement culturel comme celui organisé fin septembre dans le cadre des rencontres nationales Culture et Ruralité.
Soucieux de mieux se tenir au courant des initiatives des uns et des autres ce collectif informel d'acteurs culturels du plateau s'est constitué une liste internet de diffusion de l'information interne baptisée :
Le groupe, largement ouvert, poursuivra ses réflexions dans les prochaines semaines. Vous pouvez le rejoindre.
Emilie Lordemus
La vie culturelle en France est foisonnante, tout le monde nous l'envie.
Toutes ces créations, toutes ces compagnies, tous ces théâtres, et pourtant toute cette vie culturelle est plate, terriblement plate, désespérément conformiste, formatée, attendue. Pourquoi si peu de secousses ? Si peu d'étonnement ? Explications :
Quelle municipalité, quel ministère, aurait envie d'attribuer une subvention à Antonin Artaud ?
On lui demanderait un dossier 21 x 29,7 avec ses intentions, et un budget dans lequel il lui faudrait montrer ses partenaires, scènes nationales, festivals, il aurait rendez-vous avec le maire qui ne sentirait pas ce créateur assez proche des électeurs. Il ferait un peu peur avec son regard étrange. On ne voudrait pas de lui non plus pour les animations scolaires de classe A 3.
Et voilà pourquoi aujourd'hui l'avenir appartient aux artistes propres sur eux, ne faisant pas trop de vagues, tranquilles, et sachant surtout ficeler de solides dossiers rassemblant de bons partenaires.
Jacques Livchine
Pour avoir un compte rendu des rencontres RELIER des 24, 25 et 26 septembre 2004 sur le plateau il faut lire le dernier numéro d' Alternatives Rurales qu'on peut se procurer auprès de Peuple et Culture, 108-110 rue St Maur, 75011 Paris, tel : 01 49 29 42 80. La revue Cassandre a publié deux numéros sur les initiatives culturelles en milieu rural, en donnant la part belle à de nombreux témoignages, sous le titre : "Retour aux sources rurales". Ce sont les numéros 52 (mars-avril 2003) et 53 (mai-juin 2003) qu'on peut se procurer pour 5,5 euros chaque numéro auprès de Co-Errances, 45 rue d'Aubervilliers, 75018 Paris, tel : 01 40 05 04 24.
Cette agréable revue offre avec ces deux numéros un bouquet d'articles qui prouve la vitalité, le dynamisme et l'inventivité des campagnes en matière culturelle. Festivals, théâtres, associations d'éducation populaire, artistes installés à la campagne, fêtes ou musées, il y a de quoi glaner tout au long de ces pages. La devise de Cassandre : "l'art principe actif", n'est pas volée !
Une autre revue, éditée conjointement par les Ministères de la culture et de l'agriculture mérite de retenir l'attention. Son titre : Champs culturels. Si de nombreuses initiatives, menées tout particulièrement dans les établissements d'enseignement agricole, y sont présentées, la revue ne craint pas d'aborder les problématiques les plus larges qui traversent le domaine culturel. En témoignent les trois derniers numéros dont les thèmes sont : "Corps, art et culture" (en 2002), "Arts, sciences, culture et technologies" (2003) et "Jardins et création" (2004).
Pour se procurer ces numéros, il faut s'adresser en Limousin à Elisa Goulier : lycée des Vaseix, 05 55 48 44 00.
Après 25 années d'agriculture, j'ai cédé mon exploitation de production de petits fruits à un jeune agriculteur. Le temps de la retraite n'étant pas encore venu, il me fallait envisager une autre activité professionnelle. C'est dans cette perspective que depuis quelques temps un travail autour des livres me trottait dans la tête. En effet, ils font partie intégrante de mon univers tant pour leur contenu que pour l'objet qu'ils représentent. L'envie de transmettre ma passion de la lecture m'a conduit petit à petit vers le projet d'ouverture d'une librairie. Une opportunité de boutique à Eymoutiers, petite, mais avec des volumes intéressants et bien placée s'est présentée. Quelques mois de travaux et la librairie "Passe-temps" s'est ouverte fin mai 2004.
J'ai choisi de proposer des livres neufs et d'occasion, un peu d'ancien pour le plaisir. L'espace restreint m'oblige à opérer un choix minutieux en fonction de mes goûts, de l'actualité et des conversations avec les gens. Je commande aussi tous les ouvrages que les clients souhaitent lire. Le livre d'occasion permet de remettre dans le circuit quelques titres oubliés.
A l'étage une petite galerie d'exposition offre un espace à des artistes afin qu'ils montrent et qu'ils partagent leur création avec des gens et d'autres artistes. Raymond Valente a été le premier à présenter un travail sur son appartement avec des dessins en relief. Cet été, Golo, dessinateur de bande dessinée qui vit au Caire nous a fait découvrir la vie bouillonnante d'une ville égyptienne. Puis Isabelle Rousseau a présenté un travail très rigoureux qui demande qu'on s'y attarde et qui apporte beaucoup de sérénité.
Deux soirées ont eu lieu en octobre et en décembre. Chacune d'elles a permis à une vingtaine de personnes de découvrir et d'échanger à propos de René Char, puis du roman policier. Au cours de l'année 2005, plusieurs rencontres sont prévues : soirée mathématique, poésie, polar, conte.
En définitive j'espère pouvoir créer un lieu, une petite poche de résistance où il peut faire bon passer même quelques instants.
Guy Valente
La rubrique qui s’intitule «Lu et approuvé» du dernier IPNS m’a fait une drôle d’impression. J’ai lu et n’ai pas approuvé.
Michel Pinton, maire de Felletin, écrit : «Face à l’Etat envahissant, les citoyens sont très faibles par eux-mêmes. Ils tombent dans l’impuissance et le désintérêt s’ils n’apprennent pas à s’aider librement.» Ce n’est évidemment pas d’une critique anarchiste ou libertaire de l’Etat qu’il s’agit, mais d’une critique libérale : il y a trop d’Etat, trop d’Etat social, trop d’assistanat et les individus deviennent des assistés incapables.
«L’accueil des touristes aussi bien que l’aide aux personnes âgées, les loisirs offerts aux enfants et les randonnées pédestres ne sont pas, chez nous, assurés par la mairie. Des bénévoles en ont pris la responsabilité» Pourquoi pas ? dira-t-on. Certes, mais on peut penser aussi que des services publics doivent exister, notamment à l’égard des enfants et des personnes âgées, qu’il s’agit de droits sociaux et non d’actes bénévoles plus ou moins caritatifs et aléatoires. Remettre en cause nos modes de vie ne passe pas forcément par la suppression de ces droits et services sociaux.
D’autant que le maire de Felletin ajoute : «Il ne suffit pas, pour nous, que les individus se regroupent pour pratiquer ensemble un sport ou une occupation utiles à eux-mêmes. Nous voulons en plus que les citoyens manifestent leur solidarité avec ceux qui en ont besoin. La municipalité veille à faire naître et encourager les initiatives de cette nature.» Monsieur le maire décide donc de ce qui est bien et moins bien. Il «encourage» ou pas les initiatives selon son jugement. N’est-ce pas là le retour par la petite porte d’un petit «Etat envahissant» ? On est également à la limite de la légalité qui implique une égalité de traitement entre tous les citoyens.
Monsieur le maire enchaîne : «Mais ce qui est naturel à d’autres sociétés, comme celle des Etats-Unis, ne va pas de soi chez nous.» Tiens donc ! Le modèle américain ! Il est sûr qu’on ne s’y embarrasse pas de droits sociaux et que l’Etat n’y est pas envahissant (quoique… ça dépend pour quoi). On notera aussi le fonctionnement «naturel» des sociétés. Tout un programme. «Notre classe dirigeante est chargée d’une lourde hérédité. La liberté d’association fut absente de la déclaration des droits de l’homme de 1789. Elle fut réprimée par le Code civil de 1805. Au XIXe siècle, tout groupe organisé fut suspect à l’Etat.» Une telle lecture de l’histoire laisse pantelant. Si la liberté d’association est absente de la Révolution, c’est qu’il s’agissait d’abolir toutes les institutions d’Ancien régime et notamment les corporations pour laisser se développer la liberté du commerce sans entraves. Si au XIXe, tout groupe fut suspect à l’Etat, c’est que tout groupe voulait dire tout groupe ouvrier, et que tout groupe ouvrier était suspect aux patrons bien plus encore qu’à l’Etat (que d’aucun n’analyserait que comme leur représentant). D’ailleurs, tout groupe, à condition qu’il soit bien pensant, n’était pas suspect. C’était le cas des sociétés de secours mutuel, à condition qu’elles se limitent bien à une entraide matérielle et le plus souvent encadrées par les pouvoirs publics. Et c’était encore plus le cas des congrégations catholiques que notre bon maire va maintenant évoquer.
«En 1901, enfin, la loi reconnaît la liberté d’association, mais la limite aussitôt par des restrictions partisanes destinées à briser l’élan des congrégations religieuses.» Ben oui, elle a même été presque uniquement faite pour ça (voir Madeleine Rebérioux). Notre bon maire se livre là à une attaque en règle contre la laïcité comme l’épiscopat français ne songe plus à le faire depuis longtemps. Il est vrai que ce dernier a compris tous les avantages qu’il pouvait tirer d’un pays laïc.
«Un siècle plus tard, les textes n’ont guère changé.» Et c’est heureux ! Ce qui reste de la loi de 1901, une fois le contexte de lutte contre le cléricalisme enlevé, c’est une loi fondamentale de liberté : vous avez le droit de vous associer ; sans conditions ; sans règles préétablies ; et personne n’a à venir voir ce que vous faites ; pas même ce fameux Etat envahissant. Que demande de plus le maire de Felletin ? D’autant plus que, telle la constitution américaine, cette loi fondamentale n’a pas besoin d’être changée tout le temps comme ces hideuses constitutions de l’Etat français. «Notre classe dirigeante ne s’y intéresse pas. Elle a tort. Notre époque à des aspirations, des besoins dont les ancêtres n’avaient même pas l’idée.» On aimerait savoir lesquels, sur l’essentiel. Culture, défense des droits, loisirs, action sociale, solidarité, sport… rien de bien nouveau en un siècle. «Le cadre légal dans lequel les associations doivent entrer est devenu à la fois désuet et vague. Il brime un élan citoyen sans lequel l’Etat ne fera pas bouger la société française.» Sur le principe, le cadre légal n’est ni désuet ni vague, il est inexistant.
Encore une fois, il s’agit simplement d’une loi qui énonce un droit et une liberté absolus. C’est tout. Et la meilleure preuve qu’il ne brime en rien un élan citoyen, c’est qu’il se crée plus de 60 000 associations par an et qu’elles sont plus d’un million. Une quinzaine de millions de bénévoles s'y investissent. Elles ont su à tout moment de notre histoire depuis un siècle prendre en charge tous les domaines qui s’offraient à elles et innover (mouvements de jeunesse, de loisirs, de culture, de pensée, prise en main de l’action sanitaire et sociale - en partie pour la déconfessionnalisée et c’est tant mieux). L’Etat a légiféré sur les activités qui avaient besoin d’être encadrées (jeunesse, action sanitaire et sociale, etc.) pour des raisons de sécurité, d’éthique, etc. et a mené une politique d’agréments sans intervenir sur le fonctionnement des associations, et il a fort bien fait.
Mais voilà ce qui gêne le maire de Felletin. «Toutes les associations ne sont pas également utiles. Toutes ne méritent pas le même soutien des pouvoirs publics.» C’est bien possible, mais qui le décide ? Qui dit le bien et le moins bien ? Bon Dieu mais c’est bien sûr, c’est le maire de Felletin ! «Le critère qui guide la sollicitude des élus, c’est leur efficacité concrète dans l’action sociale.» On notera au passage dans quelle logique, dans quel univers se situe le maire de Felletin : celui de la «sollicitude». Alors qu’il gère simplement les impôts de ses concitoyens et qu’on ne lui demande aucune «sollicitude», mais l’application de règles de droit, de justice et de raison.
«Nous avons une résistance instinctive [on notera la vision toujours «naturelle» du maire] à subventionner les grandes organisations nationales, même si l’Etat leur a accordé la qualité d’utilité publique, parce qu’elles sont souvent entraînées à devenir à son image, c’est-à-dire lourdement bureaucratique, plus enclines à attendre qu’on aille les solliciter qu’à venir au devant des hommes.» Les éventuelles sections locales de l’Armée du salut, des Éclaireuses Éclaireurs de France, des Parents d'enfants aveugles, des Familles de France, des associations familiales catholiques, des Familles rurales, de la Fondation Nicolas Hulot, des Francas, de France Alzheimer, de la Ligue pour la protection des oiseaux, des Parents d’élèves (les deux tendances), des Restos du cœur, des Scouts, du Secours catholique, du Secours populaire, de la SPA, etc. toutes reconnues d’utilité publique apprécieront.
«Nos clubs sportifs, les regroupements de personnes âgées, les réunions d’anciens combattants ne soulèvent pas d’hésitations.» On croit rêver sur le choix des exemples ! Et bien sûr, toujours l’appel à l’évidence, au naturel, «pas d’hésitations» ! «Ils sont animés par des bénévoles que chacun connaît et apprécie. Ils ont une vocation simple et claire dont l’utilité sociale est évidente » Toujours l’évidence. Mais si ce n’était pas si évident ? Et si ce bénévole n’est pas «connu» ou «apprécié», par monsieur le maire ou par son opposant d’ailleurs ? Il semble bien que ce soit «l’évidence» de monsieur le maire qui compte. N’est-il pas élu ? Certes, mais n’est-ce pas alors à nouveau l’Etat envahissant, même aux petits pieds ?
«Ils s’abritent sous des fédérations nationales qui garantissent leur sérieux.» Mais de qui parle alors monsieur le maire précédemment à propos des grandes organisations nationales d’utilité publique bureaucratisées et éloignées du terrain ? Pour la plus grande part, les organisations nationales reconnues d’utilité publique sont ces fédérations. Les autres (il y en a environ 2 000 en tout et la liste est accessible sur le site du ministère de l’Intérieur) peuvent souvent surprendre (l’Institut de la Maison de Bourbon, l’Ecole de la cause freudienne, la société d’Histoire de la révolution de 1848…), mais ne doivent pas représenter un bien grand danger.
En résumé, monsieur le maire déteste l’Etat et les services publics, aime les associations «évidentes» comme les clubs du troisième âge et les anciens combattants… et semble ne rien connaître à l’histoire ni aux réalités actuelles du monde associatif.
Christian Vaillant
1er décembre 2023. Nous bouclons le n°85 d'IPNS en consacrant notre une à la suppression des subventions de trois médias du coin : Télé Millevaches, La Trousse corrézienne et IPNS. Comme nous l'expliquions dans ce numéro1 9 mois après avoir déposé notre dossier, 5 mois après avoir été évincés de la commission nationale qui donne un avis sur le versement du fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité, nous apprenions que nos médias ne bénéficieraient pas de ce fonds en 2023, nos trois associations n'apparaissant pas dans la liste officielle et close qu'avaient reçue courant novembre plusieurs autres médias bénéficiaires.
Le mardi 5 décembre 2023, nous prenions donc le conseil d'une avocate qui, au vu des éléments que nous lui fournissions, estimait que nous étions en droit de saisir le tribunal administratif, nos dossiers ayant manifestement bénéficié d'un « circuit particulier », différent en tout cas, de celui des autres dossiers. Le lendemain un reportage de France 3 Limousin2, suivi rapidement d'un article dans StreetPress3 faisaient connaître la situation au plus grand nombre et un début de médiatisation commençait. Libération suivait en janvier4 et le député de la Haute-Vienne Damien Maudet, interpellait dans une question écrite la ministre de la Culture : « M. Damien Maudet alerte Madame la ministre de la Culture au sujet des trois médias auxquels les subventions publiques ont été retirées sans raison apparente, sauf celle de ne pas soutenir la politique gouvernementale (...). Il est vital, aujourd'hui plus que jamais, de soutenir la presse associative, sans menace de censure par coupes budgétaires arbitraires.
Par ailleurs, les associations ne peuvent être condamnées à vivre ou mourir selon le bon vouloir d'un seul homme, qu'elles aillent ou non dans son sens du récit. M. Maudet demande à la ministre si elle va réparer cette injustice et empêcher cet acte de censure. »
Le mercredi 6 décembre 2023, nous envoyons une lettre recommandée avec accusé de réception à la ministre de la Culture pour exiger une réponse officielle à notre demande de subvention. Dans les jours qui suivent, la journaliste de StreetPress qui enquête sur notre affaire, contacte le ministère de la Culture, le ministère de l’Intérieur et la préfecture de Nouvelle-Aquitaine, qui, selon la formule consacrée, n’ont « pas souhaité lui répondre ».
Le mardi 12 décembre 2023, nous sommes alertés par La Trousse Corrézienne qui vient de recevoir un coup de fil du ministère de la Culture qui lui demande son relevé d'identité bancaire...
Dans les jours qui suivent, tout se précipite... Le mercredi 13 décembre 2023, coup de théâtre, nous apprenons qu'une décision du ministère de la Culture vient d'être publiée au sein de ses services, augmentant le fonds national des médias de proximité d'une somme permettant de financer... trois médias. Devinez lesquels ? Oui ! La Trousse, Télé Millevaches et IPNS ! Le vendredi 15 décembre 2023, les comptes bancaires de Télé Millevaches et IPNS sont abondés des sommes attendues... qu'on n'attendait plus. Et la notification officielle nous est transmise le lundi 18 décembre 2023. Nous ne résistons pas à publier cette décision administrative de dernière minute, prise dans l'urgence et sur mesure pour nos trois petits (vilains) canards... (voir ci-contre)
Évidemment, nous ne le savons pas précisément, mais il est assez facile de le deviner. Au sein même de l'administration tout le monde n'est pas forcément d'accord pour supprimer les subventions aux associations, et, comme nous l'expliquions dans notre article, l'appréciation des choses varie énormément selon qu'on est au ministère de l'Intérieur ou au ministère de la Culture.
Dans un premier temps ce dernier avait perdu... Le début de médiatisation et surtout la menace d'une procédure judiciaire qui avait des chances de nous être favorable a sans doute modifié ce rapport de force interne à l'administration.
Y-a-t-il de quoi se réjouir ? Pas vraiment. L'histoire révèle en effet d'inquiétants fonctionnements sournois dont de nombreuses autres associations ont payé les frais les années passées (Télé Millevaches entre autres sur d'autres lignes budgétaires) et rien n'est gagné pour les années à venir. Par ailleurs, nos trois médias ne sont pas les seuls à subir l'ostracisme des préfectures et d'autres associations locales souffrent également de rétorsions. Une nouvelle « liste noire » d'associations à surveiller de près et dont les dossiers sont, selon la demande de la préfecture de région, à étudier avec une particulière vigilance, a également été diffusée au sein de certains services administratifs.
Le jeudi 8 février, une trentaine de responsables associatifs (représentant environ une vingtaine d'associations du territoire) se sont rencontrés pour se communiquer leurs déboires, expliquer comment chacun réagissait face à ceux-ci et étudier les modalités d'une riposte commune. Parmi les actions envisagées, une saisine du Haut Conseil à la Vie associative, organe de conseil placé auprès du Premier Ministre et composé de 25 expertes et experts du monde associatif qui émet des avis sur des sujets intéressant les associations. Cette saisine viserait à lui demander d'éclaircir les comportements opaques et ostracisants de certains services de l'État envers les associations. À l'issue de cette réunion, les participants s'accordaient sur l'idée que nous ne devions surtout pas baisser les bras et que tous les moyens efficaces étaient bons pour défendre la liberté associative : saisine du HCVA donc, mais aussi médiatisation, poursuites judiciaires, solidarité inter-associative, etc. Un prochain rendez-vous est pris en avril pour poursuivre cette mobilisation.
Nous ne voulons pas terminer cet article sans remercier nos lecteurs et lectrices qui nous ont fait part de leur soutien, en s'abonnant ou en se réabonnant, souvent avec des abonnements de soutien parfois substantiels. La solidarité exprimée ainsi est pour nous la meilleure garantie de notre existence et de notre pérennité. Nous les remercions de ces encouragements qui, dans les temps qui courent, sont tout à fait indispensables et risquent de l'être de plus en plus.
L'équipe d'IPNS
A l'occasion de rencontres avec des porteurs de projets, de journées d'échanges (notamment aux rencontres du pôle d’accueil, d’action et de formation), la question du statut est très souvent évoquée quand on est en démarche de création et d'installation surtout pour les pluriactifs.
En novembre 2002, trois personnes du réseau d'acteurs de la montagne limousine participent à un colloque sur les Coopératives d'emploi et d'activités organisé par COOPEA (réseau de Comparatives d'emploi et d'activité) et l'Union Régionale des Sociétés coopératives de production (SCOP) de Rhône-Alpes. Elles en font une restitution à la Forêt Belleville devant 30 personnes. Beaucoup de gens semblaient intéressés, découvrant une structure pouvant correspondre à leur problème de statut, leur envie de se lancer doucement et de pouvoir travailler avec d'autres.
Cette possibilité a continué à faire sa place dans les têtes, à interroger les uns et les autres. En mars 2004, un groupe de porteurs de projets dans l'artisanat sollicite le Réseau pour approfondir cette éventualité. Le groupe rencontre alors Xavier Lucien (formateur dans une association d'aide à la création d'activité : D'ASA), qui est en phase de création d'une Coopérative en Haute Loire. Au terme de la rencontre tous sont convaincus qu'une Coopérative pouvait répondre aux besoins et envies des différents porteurs de projets. Mais le frein principal demeure la lenteur et la difficulté de la mise en place d'une telle structure. En effet, les personnes ont déjà leur propre projet à mettre en place et ne peuvent pas porter seules la création d'une coopérative.
Le 27 novembre 2004, le réseau d'acteurs décide de faire intervenir Béatrice Poncin et Alain Oriot de la COOP OXALIS en Savoie. Ils nous ont fait bénéficier d'informations concrètes à partir de leur expérience de plus de dix ans. Le succès de cette journée a relancé une dynamique sur le sujet. Une cinquantaine de personnes étaient présentes, ce qui témoigne du réel intérêt pour de nouvelles formes de création d'emploi sur le territoire. Elle a renforcé l'envie de création d'une telle structure sur le plateau parce qu'elle correspond aux besoins des créateurs (collectif, pluriactivité, statut, test,…). A la fin de la rencontre, une vingtaine de personnes se proposent de poursuivre la démarche afin de créer une Coopérative d'emploi et d'activité sur le Plateau de Millevaches !
Depuis la rencontre de novembre 2004 ce petit groupe s'est retrouvé une fois par mois. Il est composé de porteurs de projets (majorité du groupe) essentiellement sur l'artisanat (mais pas seulement). S'y retrouvent aussi des représentants associatifs du Réseau d'acteurs et des individus. Tous sont intéressés par la coopérative parce qu'ils ont besoin d'un statut qui corresponde vraiment à leur activité, mais aussi parce qu'il leur semble important qu'ils y ait ce genre de structure sur le territoire si nous voulons qu'il accueille des projets et qu'il reste vivant. C'est aussi pour la plupart une envie de réfléchir sur leur relation au travail et imaginer une autre façon d'entreprendre.
Ce n'est pas si évident de faire partie d'un projet qui nous engage vraiment avec des gens qu'on ne connaît pas ! Alors il faut apprendre à se connaître. A l'occasion de nos rencontres mensuelles de week-ends nous avons pris le temps d'écouter les projets des uns et des autres. Ce sont des moments super agréables où l'on se laisse bercer par les passions des autres. Ce sont aussi des temps d'apprentissage car chaque activité a ses secrets, son vocabulaire, son histoire. Nous découvrons des métiers.
Ce sont aussi des moments d'accompagnement pour la personne et son projet car les questions, remarques, conseils du groupe provoquent forcément du changement.
Ce petit groupe réfléchi aussi à la mise en place de la structure. Il s'avère que certains sont pressés pour adopter ce statut d'entrepreneur salarié. Mais créer une structure demande du temps. En suivant nos réflexions Béatrice Poncin, nous propose son partenariat en créant une antenne d'Oxalis sur le plateau. Cette idée nous satisfait vraiment, car elle permet d'envisager les choses par étapes. Oxalis nous donne un cadre pour démarrer doucement, prendre le temps de se former à l'animation de la vie coopérative, et de créer une structure indépendante lorsque nous serons prêts. Le parrainage d'Oxalis est vraiment très précieux pour ce projet .
Le collectif a décidé en mai 2005 de créer une association CESAM :
Cette association va donc être le support de l'antenne d'Oxalis. Toute la gestion comptable se fera par Oxalis, et CESAM animera la vie coopérative sur le Plateau. La mise en route de l'antenne est prévue pour septembre 2005.
Une journée d'information collective sur le projet a été organisée le 23 juin 2005 au Villard dans le but de présenter la démarche du collectif porteur de l'initiative et de rencontrer de nouvelles personnes ayant envie de participer à ce projet.
Claire Moreau
Carmen et Vincent sont cinéastes animaliers. Ils vivent en Creuse, Ils se sont rencontrés sur un tournage, il y a 10 ans. Et depuis, leur collaboration a engendré de petites merveilles.
Nous n’allons pas disserter sur ce qu’est, ou pas, l’art. D’ailleurs, c’est moi qui choisis. Carmen et Vincent vivent là où le Plateau devient plat (je vous expliquerai une autre fois), à Peyrat-la-Nonière, pas très loin du très connu étang des Landes sur le biotope duquel ils travaillent actuellement. Leur production artistique est déjà riche : au départ, leur domaine était uniquement l’image et leur premier film fut Wogbo, tourné dans la savane du Burkina Faso (2012). Suivirent La curée des fauves, puis Esquisses guyanaises. Chacun de leurs films est absolument magistral, d’une beauté esthétique rare, il y a là-dedans une “âme forte“. Ou plutôt deux, car le duo est indissociable. Ils parcourent la France dans tous les sens et même la Suisse. Dans tous les sens, parce que nous vivons dans un grand pays (enfin “grand“, ça dépend). Et justement, à l’heure où on gesticule, où on vocifère même, autour de la planète en danger, Carmen et Vincent ont choisi de montrer. Leurs images sont tellement belles, que la pédagogie opère à merveille, presque sans parole. C’est déjà beaucoup et vaut tous les débats.
Ce film est le petit dernier (2017). Endémique dans la péninsule ibérique, le lynx pardelle est un animal mythique de la faune méditerranéenne. Avec moins de 500 individus à l’état sauvage, il est le félin le plus menacé du monde. Sur le territoire du Lynx vous propose de le découvrir dans son milieu naturel en Andalousie, la Sierra Morena, entouré d’une faune extrêmement variée.
Trois années ont été nécessaires à la réalisation de ce film. Ainsi, pour un Limousin qui s’interroge, encore un animal qu’on n’a jamais vu dans nos coins. De mémoire d’homme ? Avant, on ne sait pas. Il y a dans ce film, primé, deux originalités à mon sens : même s’il ne dure que 30 minutes, ses images valent plus que de longs discours. Le texte est soigné mais rare. Dit d’une voix remarquable, il ne parasite pas le visuel. Les auteurs ont fait en sorte d’utiliser le moins possible le télé-objectif. Autour de la poignée de lynx aperçus, on voit vivre et circuler tous leurs voisins. Et d’une autre manière, on se réjouit de ne pas voir apparaître l’homme. Vous pourrez consulter la bande annonce sur le site de l’association. Le film existe aussi en DVD.
C’est l’association créée par Carmen et Vincent pour prolonger, développer, et promouvoir leur travail. Outre le cinéma, ils font désormais appel à un autre média, l’écrit. La Cardère, née en 2016, est une revue nature. Même si les noms se ressemblent, carduelis et cardère ne désignent pas la même chose : le premier est un joli passereau à tête noire, blanc et rouge, la seconde est une plante à l’allure de chardon, parfois appelée cabaret des oiseaux. La Cardère donc, le canard… enfin la revue, vous a été présentée à plusieurs occasions dans IPNS. Après la buse, le renard, le lézard, le grillon, nous découvrons dans le n° 7 un oiseau qui peuple les abords de l’étang des Landes. Et qui, comme le lynx, a bien du souci à se faire s’il veut continuer son histoire aux côtés de l’espèce humaine, si destructrice. Vous aurez compris que La Cardère a aussi une dimension régionale, pour l’instant absente des films. Elle est née du “souhait de sensibiliser le plus grand nombre à la découverte de la nature, et ce d’abord près de chez soi“ disent Carmen et Vincent. “Car c’est paradoxalement celle que l’on connaît et observe le moins.“ On se familiarisera ainsi mieux avec le héron, au détour de nombreux textes – y compris poétiques – joliment illustrés de dessins et photos. L’association Carduelis a participé déjà à trois fêtes de La Montagne limousine, et on espère aussi à la prochaine.
Michel Patinaud
Site : https://sites.google.com/site/associationcarduelis/films/sur-le-territoire-du-lynx
Et oui IPNS reparle de Viam. Comme l'avait promis Bernard Bouche, leur président, "Les gens de Viam" ont tenu leur pari de rassembler dans un livre la mémoire photographique de la vie à Viam de 1890 à 1970. Après le très grand succès de l'exposition photo de l'été 2003, la grande famille de Viam se devait d'aller plus loin. Et comme le dit si bien Richard Millet dans sa préface cette mémoire photographique "participe de l'immortalité de l'écrit ". En puisant dans le trésor de leurs photos de famille les gens de Viam ont tenu la chronique du changement de leur village au moment où il entre dans la modernité du vingtième siècle. A partir de quelques symboles significatifs ils en restituent une certaine atmosphère. VIAM eu Millevaches raconte son passé...
L'introduction de l'école en 1882, sa pénétration dans les villages en 1908 par la création d'une école de hameau au Bas tronchet, puis la fermeture de toute école en 1968 après la grande vague de l'exode rural à la suite de la seconde guerre mondiale. La construction du barrage, avec sa lente gestation, sa construction laborieuse et périlleuse en pleine guerre. La transformation des activités agricoles et forestières, où l'on passe des nombreuses petites exploitations de polyculture-élevage à l'agrandissement et à la spécialisation de l'élevage bovin ; comme dans l'expansion forestière les plantations de résineux ont supplanté progressivement toutes les autres essences feuillues avec le concours abondant de l'Etat.
La transformation de la société viamoise témoigne de la fin d'un autre monde, comme celui de l'église retracée à travers les écrits de l'un des derniers prêtres résidents. Elle rappelle aussi le caractère éphémère de quelques vecteurs de la modernité dans la société viamoise tels que le bureau de Poste, la gare SNCF, ou les investissements du tourisme populaire autour du lac.
Cette chronique de la convivialité viamoise, se souvient aussi des heures difficiles des deux guerres mondiales de ce vingtième siècle. N'ont elles pas le plus contribué à cette précipitation de l'exode villageois ? La liste des 52 jeunes hommes gravée sur le monument aux morts en témoigne. Ils ont été fauchés par la tuerie monstrueuse de la guerre 14-18. Et les pages émouvantes des carnets du poilu Paul Travers évoquent "l'épouvante" et l'absurdité de la violence de la guerre. Elle forge "l'action militante pour la paix" des viamois d'aujourd'hui. N'est elle pas le meilleur gage de leur avenir?
Association Les gens de Viam : VIAM en Millevaches raconte son passé (Préface de Richard Millet) Viam, 2004, à la Mairie 19170, (18 Euros)Ecole et nature est un réseau national d'éducation à l'environnement qui, dès ces débuts, s’est posé deux questions : comment faire apprendre ? et comment permettre l'évolution des comportements ? En 20 ans, le réseau Ecole et Nature est devenu un véritable laboratoire d'idées et de recherches, une source de formations et d'outils pédagogiques. Son objectif général est le développement de l'éducation à l'environnement tant en qualité qu'en quantité. Pour cela trois priorités ont été fixées :
mettre en relation les personnes par l'organisation de rencontres nationales et par l'édition de bulletins.
faire circuler l'information : édition d'un catalogue de séjours “dans la nature", d'un catalogue d'outils pédagogiques et de formations.
Mettre en commun les ressources : éditions d'ouvrages, réalisations d'outils (malle déchets, malle eau, guide jardin partagé).
Pour agir efficacement, ce réseau s'appuie sur un ensemble de personnes relais départementaux. Le relais est, localement, une personne ressource. Il a pour rôle de faire circuler l'information et la documentation liée à l'éducation à l'environnement, d'être au contact des praticiens de l'éducation à l’environnement, de développer et promouvoir celle-ci en général et les actions du réseau Ecole et nature en particulier. Acteur de terrain, il doit bien connaître ce qui se passe sur son territoire et faire le lien avec le réseau national.
Alors que des réseaux territoriaux d'éducation à l'environnement, à l'échelle des régions et des départements, ont fleuri dans les années 1980 et se sont développés un peu partout en France et au-delà, en Limousin rien. Nous n'avons ni GRAINE (Groupe Régional d'Animation et d'Initiation à l'Environnement), ni réseau d'éducation à l’environnement départemental. Pourtant le système de réseau tel qu'il est pensé et pratiqué en éducation à l'environnement favorise la participation de tous, il est un espace d'échanges et de créativité, ouvert et adaptable. Implanté sur un territoire, un réseau d'éducation à l’environnement est pertinent en terme de réflexions et d'actions avec pour trilogie : DONNER, PARTAGER , MUTUALISER.
La mise en réseau des acteurs de l'éducation à l'environnement renforce leur engagement et augmente leur reconnaissance. Cela permet d'accroître les ressources et les compétences, d'avoir un support à la réalisation de projet collectif, d'améliorer la circulation de l'information, d'augmenter la crédibilité des acteurs. L'existence d'un réseau d'éducation à l'environnement a un intérêt territorial certain, mettant en relation une grande diversité d'acteurs réunis dans la volonté commune de mieux faire connaître et valoriser leur territoire. Il permet de créer une dynamique locale soucieuse du respect de l'environnement et des hommes. L'aventure vous tente ? Rejoignez nous !
Murielle Lencroz
L’avalanche des projets de centrales d’aérogénérateurs industriels et l’opacité dans laquelle ils sont mis en œuvre a de quoi sidérer n’importe quel·le habitant·e de la Montagne limousine. Et ces dernier·ères n’ont pas fini de se mobiliser pour, déjà, juste avoir accès à ce qui se trame près de chez elles et eux, et tâcher de comprendre qui décide de ces implantations. Y a-t-il un plan général quelque part ? Pourquoi maintenant et si massivement ? Et ensuite : va-t-il y avoir le temps de réfléchir un minimum à leur pertinence avant de se retrouver au milieu d’un semis géant de machines de plus de 100 m de haut ?
Plusieurs mouvements, à différentes échelles, conduisent à la multiplication des projets sur les trois départements limousins. Le premier est celui de l’impulsion européenne et nationale donnée à la production d’énergie d’origine éolienne. Dernier en date, le plan pluriannuel de l’énergie d’Emmanuel Macron (avril 2018) prévoit un doublement de la puissance éolienne terrestre d’ici 2028.
Un deuxième mouvement est celui des promoteurs. Ces entreprises qui installent et exploitent des centrales d’aérogénération surfent sur les programmes de lutte contre le réchauffement climatique et, regroupés dans France énergie éolienne (FEE), savent se rendre utile auprès des décideurs et planificateurs dans la conception des plans de développement.
Un troisième mouvement concerne les évolutions du cadre juridico-administratif : depuis 10 ans, différents textes, de la loi NOTRe aux lois sur la transition énergétique, rendent ce cadre de plus en plus favorable aux implantations (lire page 9 : Des ZDE au SRADDET : les communes perdent la main). À l’inverse, les procédures de contestation sont amputées (cf. encadré). Dans le même temps, la baisse des dotations financières de l’État aux communes rendent celles-ci plus enclines à donner suite aux promesses de recettes fiscales annoncées par les promoteurs.
Le quatrième mouvement est technologique. En effet, les nouvelles machines commencent à produire avec des vitesses de vent moindres. C’est ainsi que le Limousin, du point du vue du vent, a vu passer la proportion de sa surface favorable à l’aérogénération industrielle de 15 % à 80 % entre le schéma régional éolien de 2006 (seuil à 5,5 m/s à 80 m de hauteur) et celui de 2013 (seuil à 4,3 m/s à 80 m de hauteur). De plus, l’augmentation de la taille des mâts et des pâles permet d’aller chercher du vent plus haut et d’aller prospecter dans des zones aux gisements de vent jusqu’alors moins intéressants.
Le dernier mouvement est celui qui pousse à concentrer les nouvelles implantations dans les zones jusqu’à maintenant peu dotées. Vu des bureaux d’études, la détermination des zones favorables est simple. Il suffit d’empiler des calques de cartes thématiques définissant, chacune selon son critère (vent, sécurité aéronautique, habitat, biodiversité, patrimoine et paysage), des zones « défavorables », « favorables à fortes contraintes », « favorables à contraintes modérées », ou « favorables », et d’en tirer une liste de communes « favorables ». À l’échelle nationale, ce sont les Hauts-de-France, la Bretagne, les vallées et crêtes méditerranéennes qui sont sorties gagnantes de ce jeu de cartes.
À l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine (cf. carte page 9), ce sont les quatre départements de l’ex-Poitou-Charentes qui ont tiré le gros lot… jusqu’à la saturation. Au point qu’en décembre 2020, les présidents de leurs conseils départementaux respectifs, dénonçant « un développement anarchique » dans « un vide juridique total », ont menacé d’attaquer les arrêtés d’autorisation et de soutenir les associations qui s’opposent à l’aérogénération industrielle. Ils réclament une meilleure répartition territoriale des centrales.
Les forêts des Landes étant sujettes aux incendies et les pilotes de canadairs refusant de faire du slalom entre des mâts ou de terminer hâché·es comme de vulgaires rapaces (la Région espère cependant à terme lever ces contraintes), tous les regards se tournent vers le Limousin et ses 70 MégaWatt (MW) installés, contre 805 MW en Poitou-Charentes et quasiment 0 dans l’ex-Aquitaine. Selon le collectif qui a déposé un recours contre le SRADDET (cf . page 9), la Région prévoit ainsi l’installation à terme de 288 aérogénérateurs en Creuse (contre une trentaine aujourd’hui), 217 en Haute-Vienne et 207 en Corrèze.
Si ces mouvements qui se conjuguent ont pour conséquence une offensive sans précédent des promoteurs de centrales d’aérogénération en Limousin, nul trace, en revanche, d’une planification territoriale fine à l’échelle locale et à l’écoute des communes et des habitant·es. Forts de ces mouvements de fond qui les favorisent, les promoteurs passent aux cartes détaillées, ciblent les communes dites « favorables » et délimitent des polygones sur des crêtes à plus de 500 m des habitations. Vient ensuite le démarchage des propriétaires des parcelles visées et des conseils municipaux.
Aux premiers, les promoteurs proposent des baux aux montants alléchants (plusieurs milliers d’euros par an). Montants qui dépassent très largement en quelques années la valeur d’achat de la parcelle visée, mais permettent de s’affranchir des coûts autrement plus importants de la remise en état du site à la fin de vie de la machine. Peu au fait des enjeux liés aux aérogénérateurs industriels et pris dans la communication des promoteurs (leur unique interlocuteur), nombre de propriétaires ne mesurent pas la portée et l’impact de leur décision personnelle, qui de fait ressort plutôt de l’intérêt public. Situation qui fait dire à un participant d’une réunion publique à Gentioux qu’il y a là « un abus de jouissance du droit de propriété ».
Du côté des conseils municipaux et intercommunaux (majoritairement de petites communes rurales aux moyens d’expertises réduits), les propositions financières sont aussi tentantes. Il leur est demandé, en échange, des droits d’usage de chemins communaux et des permis pour l’installation de mâts de mesure. C’est la fameuse phase de « pré-faisabilité », terme qui laisse entendre que tout est encore réversible. Or à ce stade, si des propriétaires ont donné leur accord, il n’y a plus de retour en arrière possible.
Le pouvoir bascule alors vers les préfectures et leurs services techniques, et ensuite, peut-être, le rapport de force que peuvent instaurer des habitant·es y pourra quelque chose.
Ainsi, de projets en projets, l’histoire se répète : au stade de la « pré-faisabilité », un élu défavorable ou des habitant·es sortent le projet de l’ombre, se réunissent en association qui font vite beaucoup d’adhérent·es et interpellent les élu·es qui, souvent, reviennent sur leurs décisions. Mais il est parfois trop tard. Et l’affaire est portée sur le terrain judiciaire (le cas de 70 % des projets en 2017, selon l’ADEME).
En Creuse, le collectif Alerte éoliennes 23 tâche depuis 2017 de recenser précisément les projets d’implantation de centrales dans le département (liste détaillée sur le site de Stop-mines 23). À ce jour, il a recensé 202 machines : 35 en exploitation, 33 autorisées ou en construction, 35 en instruction à la préfecture et 101 en projet. Toujours en Creuse, la quinzaine d’associations locales a tenté, au printemps 2019, de se fédérer dans un collectif SOS Éole 23. Des désaccords internes ont freiné la dynamique et amoindri l’ampleur d’une manifestation en janvier 2020 à Guéret. Mais une réunion ce printemps, rassemblant une quarantaine de personnes, a relancé le mouvement. Une nouvelle manifestation est prévue le 10 octobre à Guéret avec aussi des collectifs de l’Indre (sous réserve de l’autorisation de la préfecture). Par ailleurs, pas à pas, des liens se tissent avec des collectifs de la Montagne limousine.
À Gentioux-Pigerolles, l’Association de défense du vivant des paysages du plateau de Gentioux a relevé l’avancement de trois projets de centrales sur la commune et de deux autres alentour. Du côté de Bugeat, c’est l’association Mille Vents Debout pour la protection du plateau de Millevaches qui bataille sur une centrale de 6 à 9 aérogénérateurs sur les communes de Bonnefond, Bugeat, Gourdon-Murat et Pérols-sur-Vézère. Les deux associations ont averti les habitant·es de leur commune respective par des tracts avant les élections municipales et ont organisé des réunions d’information au mois d’août. Résultat : le thème est devenu incontournable dans les campagnes électorales et les élu·es sortant·es fortement interpellé·es sur leur soutien aux projets de centrales.
Quant aux réunions publiques, elles ont rassemblé large dans leur nombre et leur composition. Cinquante personnes sur la place de Gentioux et plus de cent cinquante dans le foyer rural de Bugeat, salle où le promoteur avait déjà organisé ses propres réunions d’information. Des participant·es surtout avides d’informations et remonté·es contre le manque de transparence de leurs élu·es. Mais aussi prêt·es à s’approprier la complexité du sujet, de l’urgence de lutte contre le réchauffement climatique à la composition du mix énergétique français. Depuis, la nouvelle équipe municipale de Gentioux-Pigerolles, « plutôt défavorable aux projets en l’état » a envoyé à ses habitant·es une lettre d’information détaillée sur l’état d’avancement des projets et ouvert cinq permanences hebdomadaires jusque fin septembre pour « recueillir leurs avis, questions et propositions ».
C’est d’ailleurs à ce thème que veut s’atteler, en lien avec le Syndicat de la Montagne limousine, le tout nouveau collectif pour la maîtrise citoyenne de l’éolien sur la Montagne limousine, créé en mars 2020 par une vingtaine de personnes représentant 9 projets de centrales sur le territoire du Parc naturel régional (dont le bureau a voté, en décembre 2019, une délibération - non contraignante - contre l’implantation d’aérogérateurs industriels dans la zone de protection spéciale du Parc). Le collectif a fait sa première apparition publique au camp d’été du Syndicat et des Gilets jaunes en juillet à Lacelle. Dans ses cartons : un séminaire public sur la question des énergies renouvelables, locales, durables, etc. à l’échelle du Plateau afin d’aboutir à des recommandations.
C’était un peu la démarche en 2018 d’un groupe départemental de travail et de réflexion en Corrèze. Réunissant au « niveau départemental des représentants des collectivités, des associations et des organismes professionnels concernés à la fois par l’avenir du territoire et de l’environnement », il s’était donné pour but de « rédiger un document réunissant les observations de terrain des participants ainsi que des analyses relatives au développement des projets éoliens conduisant à des recommandations pour la Corrèze ». Le document d’information qui en est ressorti est très riche d’expériences concrètes (L’Éolien en Corrèze, document d’information, 22 mai 2018).
Tout ceci laisse penser que l’automne sera chaud sur le sujet, à moins qu’un moratoire de quelques années sur les projets en cours permette aux différentes parties prenantes d’élaborer localement et collectivement une position pertinente sur la question de l’énergie (production et consommation) et des éventuelles infrastructures à envisager.
Loïc Bielmann
On a rapidement présenté l’association Faîte et racines dans IPNS (n°71) qui, du côté d’Argentat, rachète des parcelles forestières pour les soustraire à la coupe rase et les gérer de manière durable. Elle en est déjà propriétaire de 70 hectares. Mais son action ne semble pas du goût de tout le monde et en particulier de la préfecture de la Corrèze.
Alors que l’association était en train de conclure l’achat d’une parcelle avec un propriétaire, celui-ci a reçu la visite de la gendarmerie qui lui a dit pis que pendre de ses futurs acheteurs, que c’étaient des écolos extrémistes, qu’ils allaient faire une ZAD sur le lieu, etc. À tel point que le propriétaire a vendu à quelqu’un d’autre... qui a aussitôt opéré une coupe rase. Un exemple édifiant de la « neutralité » de l’État et de son engagement pour la « transition écologique »...
En savoir plus : www.faite-et-racines.org
Cette carte a été réalisée à partir d’un recensement d’initiatives fait par Vincent Magnet, du Réseau des alternatives forestières. Vous connaissez d’autres initiatives qui n’apparaissent pas sur cette carte ? N’hésitez pas à nous en informer en écrivant à
Écoute l’arbre et la feuille, association pour la réhabilitation de nos bois et le respect de l’environnement (ARBRE), réunit des fonds pour les consacrer à l’achat de bois et forêts afin de les mettre à l’abri de l’exploitation extrême (coupes à blanc) et de les protéger. Un premier achat est en train de se finaliser : un bois humide, mélange de plusieurs milieux différents avec entre autres de très vieilles saulées, à Saint-Léger-Magnazeix dans le nord de la Haute-Vienne. Mais la zone d’intervention de l’association est à la croisée des trois départements de la Haute-Vienne, de la Creuse et de l’Indre.
Contact :
Association loi 1901 gérée par un conseil d’administration collégial, le GMHL développe depuis plus de 20 ans des actions autour de l’étude, la préservation et la diffusion des connaissances sur les mammifères, reptiles et amphibiens du territoire. Elle a acheté de la forêt dans les Monts d’Ambazac, dans le cadre d’une démarche de préservation des chauves-souris.
http://gmhl.asso.fr - Contact :
L’association de défense des biens communs de Ceyvat, La Chave, Maneyraux et Salagnat, sur la commune de Saint-Médard-la-Rochette, est née de la réaction d’habitants de la section de Ceyvat face à un projet d’aménagement forestier destructeur pour le site, projet qui a été abandonné. Pour les habitants de Ceyvat, la section doit rester une réserve pour la biodiversité.
Contact : Hervé Hannoteaux - 06 08 30 09 61
En projet, ce centre pédagogique pour les propriétaires forestiers sera également un lieu de découverte de la forêt pour les écoles et groupes. Il est installé en bord de Vienne autour d’une parcelle de 30 hectares en feuillus et résineux anciens et d’une zone humide de 3 hectares au lieu-dit Chez Thivaud.
Contact :
Créée en mai 2020, cette association basée à Rochechouart a pour vocation de travailler dans toute la France. Son objet est de sauvegarder du patrimoine forestier géré dans le respect des écosystèmes et de la biodiversité, de procéder à des acquisitions citoyennes de terrains en mobilisant l’épargne de particuliers sensibles à ce sujet, de constituer des refuges animaliers, d’informer et de sensibiliser les citoyens.
Contact :
Le CoFEL a pour objectif de promouvoir et de développer une gestion douce de la forêt. Il regroupe des professionnels indépendants qui gèrent les forêts de propriétaires, majoritairement privés, en rédigeant les documents de gestion, en établissant des diagnostics et itinéraires sylvicoles adaptés, en encadrant les travaux, en marquant et en organisant les coupes et ventes de bois, etc. L’association organise des animations diverses pour faire connaître et favoriser une gestion forestière respectueuse de l’environnement ainsi que les multiples usages de la forêt, auprès de tous les publics (propriétaires, habitants, élus, écoles…).
Saint-Léonard de Noblat : Arbogest (CoFEL)
Saint-Marc à Frongier : Loïc Bonnot (CoFEL)
Gentioux : Julien Cassagne (CoFEL)
Champagnat : Rémy Gautier (CoFEL)
Saint-Julien le Petit : Alice de Gournay (CoFEL)
Saint-Avit le Pauvre : Hans Kreusler (CoFEL)
Contact :
Coordonnées des membres : http://www.collectif-fel.org
En cours de structuration sous la forme d’une association ou d’un groupement forestier citoyen, plusieurs habitants de Saint-Goussaud et environs ont déjà organisé diverses réunions d’information et de débat sur le sujet. Le projet concerne le secteur Bersac, Laurière, St-Sulpice-Laurière, St-Léger-la-Montagne, Jabreilles (en Haute-Vienne) et St-Goussaud (en Creuse).
Contact :
Ce projet est en cours d’émergence.
Contact :
Suite à l’acquisition en novembre 2019 d’une forêt de 10 hectares à La Vialle (Saint-Moreil), un premier chantier collectif a permis de redonner vie à une ancienne pêcherie, de ré-ouvrir un ancien chemin communal, de produire collectivement du bois de chauffage et de renforcer les liens grâce à la force du « faire ensemble ». De nombreux projets sont en cours de construction en lien avec cette forêt, avec l’envie de mener une sylviculture douce et de viser la pérennité du couvert forestier.
Contacts :
Créée en octobre 2019 à l’initiative de plusieurs propriétaires forestiers désireux de proposer une alternative de gestion sylvicole à la pratique dominante sur la région, l’association a l’ambition de regrouper un maximum de propriétaires et de parcelles – petites et grandes – autour des principes suivants : sylviculture à couvert continu, maintien de la biodiversité tout en permettant la production de bois de qualité, éviter les coupes rases et la monoculture. Sous la forme d’une association syndicale libre de gestion forestière, elle veut faire émerger localement une véritable culture forestière visant à vivre avec la forêt, promouvoir le rôle social de la forêt en favorisant un travail épanouissant et rémunérateur pour l’ensemble de la filière. Son action se concentre sur 33 communes du sud-est creusois.
Contact : Antoine Mazurier
Créée en février 2019 par le botaniste mondialement connu Francis Hallé et une douzaine de scientifiques, naturalistes et citoyens amoureux de la nature, dont quelques Limousins (d’où son siège social à la mairie d’Eymoutiers), l’association a pour objet général la défense des forêts primaires dans le monde. Elle est engagée actuellement dans un projet de renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest. Un projet qui s’étendra sur 70 000 ha et 800 ans. L’objectif est de reconstruire sur les espaces de grande superficie que nécessite le système forestier (faune sauvage et flore) des ressources vitales de biodiversité et de les transmettre aux générations futures. Totalement innovant par ses dimensions spatiales et temporelles, ce projet complexe fait actuellement l’objet de discussions avec l’Union Européenne et l’Unesco.
Contacts :
Ce « groupement forestier écologique » regroupe des particuliers pour acheter des forêts gérées de manière durable sur le plan économique, écologique et social. Engagé dans une sylviculture à couvert continu (futaie irrégulière), Avenir forêt réalise une gestion forestière rentable en favorisant la biodiversité et en préservant les écosystèmes forestiers. Aujourd’hui Avenir forêt regroupe 162 associés qui possèdent collectivement 425 hectares de forêts diversifiées entre Ussel (Corrèze), Aurillac (Cantal), Gourdon (Lot), Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), Nontron (Dordogne) et Limoges (Haute-Vienne).
www.avenirforet.com - Contact :
Constituée en juin 2018 en réaction à la multiplication des coupes rases et des abattages d’arbres de bord de route, l’association Faîte et Racines organise ses activités en plusieurs branches : achat de forêts financé par la collecte de dons, essentiellement auprès de particuliers ; animations dans l’espace public autour de la thématique forestière ; formations (sylviculture, sorties naturalistes, principes de gestion forestière douce) et mise en route d’une scierie mobile associative dans le secteur d’Argentat.
Contact :
Créée en 2017, L’École des Renardes a pour vocation de former à la charpente traditionnelle dans une approche globale de la pratique du métier. La géométrie descriptive, l’usage des outils, la taille et le levage des charpentes sont abordés mais aussi le matériau bois, sa provenance et son choix. Une équipe de quelques artisans s’est réunie pour faire tourner cette école à petite échelle et à majorité féminine. Actuellement, afin d’approfondir le volet forêt de la formation, elle a pour projet d’acquérir un massif en sud Corrèze et d’y transmettre les bases de la sylviculture douce.
Contact:
Une commission « forêt » s’est mise en place au sein du Syndicat de la Montagne limousine. Elle s’intéresse plus particulièrement à la zone du plateau de Millevaches.
Contact :
Conservatoire des espaces naturels de Nouvelle-AquitaineLe Conservatoire est déjà propriétaire d’environ 400 hectares de forêts en Limousin, qui sont laissées pour la plupart en évolution naturelle. Il est intéressé par toute information sur des sites forestiers subnaturels (feuillus ou mixtes âgés de 80 ans ou plus) qui seraient à vendre, pour créer des zones refuges.
Si vous en connaissez, vous pouvez contacter le responsable de l’antenne creusoise (Yvan Grugier :
L’inauguration 2022 de la gare de Felletin (140 ans après la première) est portée par l’association PANG ! créée en septembre 2021 par les membres fondateurs du projet et les associations habitantes de la gare : Les Michelines, Quartier Rouge et Radio Vassivière. L’association PANG ! a pour mission de coordonner le lieu, l’ouvrir à de nouveaux usages et usagers, et d’y développer un projet socioculturel. L’inauguration de la gare le samedi 26 mars prochain est un événement important. Il marque l’aboutissement d’un processus collectif de plus de 10 ans pour faire revivre le site de la gare et imaginer un nouvel espace public, au sens d’espace de vie, de circulation, de diversité, d’échanges et de travail en commun.
Le projet de réhabilitation de la gare de Felletin s’appuie sur une dynamique de coopération autour du quartier de la gare de Felletin. Dès 2009, plusieurs acteurs se réunissent pour concevoir un projet de réhabilitation de l’ancienne gare avec de nouveaux usages au croisement de préoccupations sociales, culturelles et économiques (création d’un café littéraire, d’un bar restaurant, ou encore d’une brasserie).
En 2011, une concertation avec la Communauté de Communes Aubusson-Felletin est engagée et un protocole d’accord est signé avec les associations Quartier Rouge et La Draisine Express dans le souhait de développer un projet sur le lieu. Cette concertation n’aboutit pas. Différents projets collectifs continueront à être portés par les associations du quartier durant ces années. En 2018, la Communauté de Communes Creuse Grand Sud remet en vente le bâtiment d’accueil voyageurs. L’association Quartier Rouge acquiert le bâtiment et soutient l’importance de ce projet comme structurant pour le territoire rural de la Nouvelle Aquitaine et celui du Parc Naturel Régional de Millevaches en Limousin. Le projet de la Gare est alors lancé : transformer collectivement ce site en un lieu ouvert à tous, où il soit possible et heureux de se retrouver, de s’interroger et de fabriquer ensemble.
Réunissant plusieurs acteurs autour de cette réhabilitation, l’association Quartier Rouge se propose d’accompagner la création du lieu, tant au niveau de la recherche de financements, du suivi de la maîtrise d’ouvrage, que de la construction de la dynamique d’acteurs. Les associations Radio Vassivière et Les Michelines se positionnent comme futurs habitantes. Ensemble, ces trois associations imaginent un lieu partagé, leur permettant de croiser leurs pratiques, de manger, découvrir, débattre, apprendre avec d’autres.
Nous commençons à nous réunir, accompagnés par la Coopérative des tiers lieux, et à dessiner le futur lieu ensemble : définir ses valeurs, sa gouvernance, les modalités d’accueil possibles et souhaitées, nos limites, le modèle économique souhaitable, les besoins humains et matériels, comment nous souhaitons dire qui nous sommes, transmettre des intentions tout en offrant de l’ouverture et en laissant le projet se transformer.
Des temps d’ateliers et de chantiers participatifs en 2020 et 2021 viennent alimenter la réflexion et nourrir le projet de nouveaux enjeux et richesses humaines.
Ce processus de composition collective, initié à 9 puis à 15 personnes, aboutit à la création de l’association PANG ! en septembre 2021.
La gare, fermée aux voyageurs depuis 1979, est encore desservie chaque jour par deux trains qui relient Felletin à Aubusson, Guéret et Limoges. Devenue un terminus elle est selon la SNCF un P.A.N.G., « un point d’arrêt non-géré ». Avec la réhabilitation de la Gare, elle est gérée par l’association PANG ! : « point d’arrêt nouvellement géré ». PANG ! a pour objet de faire revivre le site de la Gare et ses abords en un lieu d’hospitalité et de partage, et ainsi favoriser la mixité, créer du lien social et de la coopération sur le territoire. Au sein du lieu, l’association développera des activités socio-culturelles, proposera des ateliers, des formations, et des services pour Felletin et ses alentours. Deux salariées rejoignent l’association en février 2022 : une animatrice café / cuisine, et une coordinatrice-facilitatrice. Elle supervisent dès fin mars 2022 l’animation du café, d’une cantine (trois jours par semaine), l’accueil et l’accompagnement d’autres partenaires dans le lieu dont les projets correspondent aux valeurs du lieu, et une programmation portée en collaboration avec les habitants de la gare.
Son ouverture au public à partir de fin mars engage la gare et ses acteurs vers une nouvelle étape : passer de la théorie à la pratique, et permettre à d’autres de s’approprier des espaces, des usages et des formes. Ceci pour que la gare de Felletin s’incarne comme un espace commun d’hospitalité, d’expérimentations et de pratiques collectives ancré dans un territoire.
Nous avons souhaité imaginer l’inauguration autour d’un fil de mots : être ensemble, raconter, lier, remercier, célébrer. Rendez-vous est donné à tous et toutes de nous rejoindre par tout moyen de locomotion (à pied, à cheval, à roulettes, en bateau) à 15h place Courtaud pour se rendre ensemble en cortège festif et musical à la gare. Puis se déroule tout un programme : discours horizontaux, gestes inauguraux, visites du lieu, exposition, atelier raku, plateau radio et écoutes sonores, crêpes, buvette, repas, concerts, DJs sets et quelques surprises…
Nous vous attendons nombreux et nombreuses pour fêter le renouveau de la Gare avec nous !
Le projet de réhabilitation de la gare de Felletin est financé par : La Région Nouvelle-Aquitaine, le programme FEDER de l’Union européenne, L’État — Ministère de la Culture, La DRAC Nouvelle- Aquitaine, La préfecture de la Creuse, Le Conseil Départemental de la Creuse, La Communauté de Communes Creuse Grand Sud, La Commune de Felletin, la Fondation GRDF, la Fondation RTE et les contributeurs de l’appel à dons.
"Encore un site sur le Limousin !" : voilà ce que d'aucuns nous ont déjà dit.
Alors, comment justifier la création du site Internet info-limousin.com ? Qu'a-t-il de différent, de nouveau ?
Ce projet porté par 4 personnes réunies en association loi 1901 basée à Eymoutiers en Haute-Vienne, elle a pour vocation la promotion et la valorisation du Limousin par la gestion de l'information événementielle sur internet.
Ce projet est né de plusieurs constats : le tissu associatif est fort en Limousin, l'ADSL arrive dans la région et beaucoup de sites sont déjà présents. Cependant, les pages agenda sont souvent vides ou obsolètes et les informations en langues étrangères inexistantes.
Millecultures.net nous présente comme un portail multi-activité, nous, nous définissons comme un outil pratique, un agenda de l'événementiel sur tout le Limousin.
Ce site se veut ;
Nous ne trions pas l'information par thème, car nous considérons que toute information a sa chance d'être lue, et ce mélange permet la découverte.
Nous séparons les événements longs (plus de 4 jours) pour donner plus de présence aux informations ponctuelles.
Nous souhaitons trouver dans ce site aussi bien un concours de pétanque, un stage de théâtre, une randonnée pédestre, une collecte de sang, un concert dans un bar, une visite de village, un ramassage d'objets encombrants, un festival musical…
Ce site est complémentaire de la base d'information LEI visible sur www.tourismelimousin.com : une collaboration avec les gestionnaires de cette base est envisagée courant septembre 2005. Actuellement, nous recherchons un financement pour le fonctionnement de ce site auprès de l'Europe, de la région, des départements, des communes. Nous envisageons également un fonctionnement partiel en autofinancement, en proposant la gestion des pages agendas sur les sites existants (mairies, offices de tourisme, communautés de commune,associations…) : par un simple code inséré dans une page agenda, nous affichons l'information triée d'une ville en français et anglais, en respectant les couleurs du site et l'utilisation de notre bande passante pour l'affichage.
A ce jour, après 2 mois d'activité, plus de 2500 visiteurs (dont 1130 visites significatives) sont passés par le site www.info-limousin.com.
Allez voir notre projet, utilisez-le, et dites-nous ce que vous en pensez, votre avis nous intéresse !
yannick darlington bernard, eymoutiers
Site agenda : https://www.agenda-dynamique.com
Site association : https://www.asso.info-limousin.com
Sur Google Play : https://play.google.com/store/apps/details?id=com.agenda_info&hl=fr
L’association info limousin est basée en Haute-Vienne (Eymoutiers), elle diffuse des informations venant des 3 départements de la région.
L’association se présente comme un service d’intérêt général, sans but lucratif, dans une volonté de mutualiser les initiatives locales pour favoriser une meilleure communication avec l’outil internet.
L’association travaille dans la connaissance du territoire en relayant toute information événementielle publique sur internet, et la reconnaissance des acteurs en permettant une diffusion sur les supports de communication des collectivités.
L’association intervient dans tous les secteurs d’activité : tourisme, social, culture, éducation, sport, environnement, communication,…
En une année, l’activité de l’association est telle que le bénévolat a atteint ses limites. Nous arrivons à une situation qu’un grand nombre d’associations connaissent : soit continuer comme cela et mourir après l’usure des bonnes volontés, ou générer une activité économique, créer de l’emploi et pérenniser l’outil.
Pour voir un exemple, consultez le site d’une commune pilote : https://www.mairie-eymoutiers.fr/infos-pratiques/agenda/, toute info concernant Eymoutiers dans l’agenda https://agenda-dynamique.com, s’affiche automatiquement sur l’agenda de ce site (la collectivité nous met en relation avec les acteurs locaux).
20€ pour 1 an (+ adhésion) sans abus d’espace disque, l’hébergement se fait selon certains critères en adéquation avec l’éthique de l’association.
Création et affichage de bannières dites ‘publicitaires’ (commerce) sur l’agenda (https://agenda-dynamique.com) : 0,01€ l’affichage. Affichage aléatoire avec d’autres bannières. le nombre d’affichage varie selon la durée / la fréquentation de l’agenda / le nombre de bannières présentes.
septembre 2006 : 2 106 • 1 004 • 6 248
août 2006 : 2 168 • 1 147 • 8 104
juillet 2006 : 2 121 • 1 115 • 7 898
juin 2006 : 1 634 • 764 • 4 966
mai 2006 : 1 626 • 815 • 4 780
avril 2006 : 1 646 • 780 • 4 530
mars 2006 : 1 836 • 850 • 5 110
février 2006 : 1 140 • 523 • 3 241
janvier 2006 : 1 099 • 564 • 3 662
décembre 2005 : 1 647 • 721 • 4 327
novembre 2005 : 1 748 • 766 • 4 923
octobre 2005 : 1 425 • 652 • 4 115
septembre 2005 : 1 118 • 510 • 3 714
août 2005 : 1 607 • 705 • 5 682
juillet 2005 : 889 • 432 • 3 617
Informations entrées dans la base depuis le 1er juillet 2005 : 9 663 pour 53 026 dates, communes et hameaux présents dans la base : 756
Vous trouvez notre projet pertinent ? Adhérez à l’association info limousin !
email :
Des projets d'énergie renouvelable collectifs pour et par les habitants sur le territoire
Le Too big to fail (trop gros pour faire faillite) a vécu. La folie des grandes unités de production par “intégration horizontale“ (rachat de concurrents) ou “intégration verticale“ (rachat d'intermédiaires entre producteurs et clients) s'est déjà fissurée (faillite de Pechiney) et la puissance chinoise montante nous obligera à nous remettre en question car nous ne serons plus de taille à les concurrencer. La nécessité d'opérer une transition écologique, énergétique ne fait aucun doute. Les directives européennes de mise en concurrence des producteurs (production d'énergies, transports, télécommunications, banques…) ont obligé EDF à accepter des concurrents. EDF est à ce titre mis en concurrence avec d'autres structures pour reprendre la gestion des barrages hydrauliques qui lui avait été concédée après 1945.
Les autres pays européens sont en avance sur nous du fait de nos investissements massifs dans des “rêves de domination par l'excellence“ : Concorde jamais rentable, TGV financé au détriment des lignes inter-régionales, énergie nucléaire financée au détriment des énergies renouvelables… En Belgique, sur 7 réacteurs construits par l’ingénierie française, un seul est en état de fonctionnement, en Grande Bretagne l'EPR a plus de cinq ans de retard et à coût budgétaire pulvérisé. Nos choix stratégiques nationaux seront-ils un jour à hauteur du réalisable et pour les intérêts de tous, donc décentralisés en région ?
À cela il faut ajouter les prospections territoriales massives des investisseurs institutionnels pour développer les énergies renouvelables. Des filiales d'EDF investissent clefs en main sur des toitures privées. Combien de propriétaires ont dû supporter des charges sans avoir reçu leur juste proportion de revenu ? Ainsi ont fleuri des champs d'éoliennes en Beauce et en Brie, une centrale solaire de quelques hectares en Catalogne française, des méthaniseurs comme celui qui est attaché à la ferme des mille vaches en Normandie. Ce dernier exemple révèle un symptôme, celui du chasseur de primes, directes ou indirectes, à la production d'énergie qui relègue l'élevage des laitières au niveau de sous-production.
Devant ce constat, il apparaît évident qu'il faut valoriser nous-mêmes nos ressources naturelles territoriales. Cette prise de conscience coïncidant avec la nouvelle stratégie économique des territoires déshérités, celle des circuits courts, l'association Énergies pour demain et le Parc naturel régional Millevaches en Limousin ont fédéré autour d'eux en juin 2018 un groupe de citoyens, qui a créé une nouvelle association “Courant Citoyen“ le 3 septembre 2018, destinée à étudier la faisabilité de production d'énergie citoyenne, puis une SAS, société par actions simplifiées, permettant aux habitants et collectivités d'investir ensemble et directement dans des installations de production d'énergie renouvelable. Plusieurs exemples régionaux nous servent de guide (voir références en fin d'article).
Nous avons déjà opté pour les orientations suivantes :
D'autres sujets restent à approfondir : le modèle économique, les moyens et sens de notre communication... Nous accueillons dès maintenant tous les volontaires intéressés par le projet.
À terme, nous ouvrirons les investissements citoyens à tous les types de production d'énergies renouvelables pertinents sur notre territoire. Nous sommes conscients que les investissements en énergies renouvelables seront obligatoirement diversifiés en fonction des potentiels dominants. Le principe de bon sens sera de faire des investissements proportionnels à l'exploitation des potentiels énergétiques, dans la durée et non pour l'épuisement des ressources en huit ou dix ans comme le propose CIVB avec l'énergie biosourcée forestière.
Pour les premiers projets nous privilégions les installations photovoltaïques de 9 à 100 Kva (kilo volt ampère), correspondant à une surface de 60 à 650 m², sur des toitures publiques ou privées. Ce choix est fonction des conditions de réalisation des projets, rapidité des procédures administratives, technicités plus éprouvées et montant moindre d'investissement significatif pour le photo-voltaïque que pour les autres sources d'énergies. Il faut savoir que compte tenu de l'engouement pour le photovoltaïque (environ 20 000 installations tendraient vers 150 000 par an après 2020), EDF considère déjà que les installations inférieures à 36 Kva sont assimilables à des productions pour l'autoconsommation locale. Il est même probable que le tarif de rachat de l'électricité à ces petites et moyennes unités soit libéralisé d'ici 2025. Cela signifie que tous les contrats signés avant garantiront un tarif jusqu'à l'échéance. De ce fait, nous avons décidé que les premiers investissements ne seront que pour une vente totale de la production. Nous sommes donc à la recherche de toitures ! L'objectif est d'avoir 5 installations en production d'ici 2020.
Dominique Fabre et Maïlys Habert
A l’origine de ce projet, une dizaine de personnes réunies à l’initiative du Réseau d’Acteurs de la Montagne Limousine autour de la question de la commercialisation des productions artisanales, rapidement élargie à celle plus globale “être artisan ou artiste et vivre de son activité sur le Plateau de Millevaches”.
Un choix de vie assumé, mais pas toujours facile. En milieu rural, le constat est clair : la plupart des artisans travaillent seuls, à leur domicile, et vendent une partie de leur production chez eux. Et bien qu’ils se déplacent énormément pour assurer la vente en dehors certains d’entre eux souffrent de l’isolement et de la méconnaissance de leur activité par les habitants et les autres créateurs.
Localement, il n’existe pas de lieu permanent destiné à la vente de ce type de productions, et le temps passé en déplacements, sur les marchés ou bien à assumer les tâches administratives se fait toujours au détriment de celui passé à la création.
De plus, tous constatent qu’il est difficile d’évaluer et valoriser son travail, fixer les prix, communiquer, vendre...
Créée en février 2007, l’association L’épicerie d’Art s’est donnée pour objectifs ;
Nous ne souhaitons pas limiter les mots “artistes” et “artisans” aux seuls statuts administratifs qu’ils désignent. La frontière entre les deux activités étant la plupart du temps arbitraire. Par l’expression “artisans créateurs” nous entendons tous ceux qui fabriquent des objets avec leurs mains, qui pratiquent un savoir-faire neuf ou ancestral et qui valorisent celui-ci par leur créativité personnelle.
Ouverte depuis le 14 Avril 2007 au 7 avenue de la Paix à Eymoutiers, l’Epicerie d’Art est un lieu polyvalent, destiné aux créateurs du Plateau de Millevaches et de ses alentours, un espace convivial de rencontre, permettant l’entraide, la mutualisation d’informations, de déplacements, de matériels.
Au rez-de-chaussée, un espace boutique, fonctionnant sur le principe du dépôt-vente et dont les objectifs sont de permettre aux créateurs d’accéder à un lieu de vente pratiquant des marges raisonnables, mais avant tout de faire connaître à la population la variété et la qualité des savoir-faire et des productions existants sur le territoire.
Au 1er étage, l’extension de la boutique avec un espace destiné plus spécialement à l’exposition, le bureau de l’association, ainsi que les prémices d’un centre de ressources portant sur les différents statuts juridiques, les prix et aides aux projets artistiques ou artisanaux, les dates de foires et marchés, les points de vente potentiels.
Aux 2ème et 3ème étages, des ateliers actuellement occupés par Florian, sérigraphiste et Cécile qui fait des bijoux en bois.
Le fonctionnement est participatif et collégial. Tous les créateurs sont adhérents (à ce jour 34), participent aux décisions et au fonctionnement, assument les permanences (minimum demandé : une journée tous les deux mois), l’aménagement de l’espace, la comptabilité. Mais comme malgré tout le projet reste de soulager les créateurs d’une partie du temps passé à autre chose que la production, il est envisagé d’embaucher quelqu’un avant l’été.
Cette boutique n’est que la partie visible de l’ensemble des projets portés par l’association du même nom. Il est important de préciser que nous ne souhaitons pas centraliser l’activité de l’association à Eymoutiers. Nous cherchons à mutualiser certains aspects SANS centraliser les activités propres à chacun. Il nous paraît important de conserver cet aspect disséminé sur un territoire, qui en fait sa richesse et sa particularité, tout en cherchant à en contourner les difficultés.
Nous souhaitons développer, étoffer et mettre en ligne le centre de ressources, proposer un soutien administratif en particulier en proposant la mise en place de formations comptabilité, informatique ou autre selon les besoins, ainsi qu’aider les créateurs dans leurs actions de communications individuelles ou collectives (réalisations de plaquettes, mise à disposition de matériel, site Internet...).
Le projet comporte également un important volet d’animation et de sensibilisation qui reste entièrement à mettre en place : stages d’initiations, animations scolaires, marché artisanal, circuit “route des métiers” pour inciter à aller à la rencontre des artisans dans leurs ateliers et éduquer à une certaine forme de consommation privilégiant proximité et créativité plutôt que productivité et exploitation de la main d’oeuvre.
Nous souhaitons également aider les créateurs qui en ont besoin à trouver un atelier en les mettant en contact avec d’autres artisans de leur secteur, ou en prospectant au nom de l’association.
Concernant toujours la question épineuse de la commercialisation, la boutique n’apporte qu’une part de réponse au niveau local. Nous voulons y ajouter des partenariats avec des associations et boutiques existantes en Limousin et ailleurs en France, la participation collective à des foires spécialisées (et souvent hors de prix), la vente par Internet.
Vaste programme, n’est-ce pas ? On prendra le temps qu’il faudra. Mais d’ici là n’hésitez pas à passer faire un tour à la boutique si vous avez un cadeau à faire ou si vous avez envie d’un bel objet. Venez découvrir la variété d’objets utilitaires ou décoratifs qui sont fabriqués près de chez vous. Ou tout simplement, venez rencontrer les créateurs, artisans et artistes engagés dans ce projet collectif.
Marion Michau
Présent, le 15 mai 2004, à l'assemblée générale constitutive de l'association LAMINE (Larron Millevaches Nature Ecologie), le conseiller général d'Eymoutiers, tout récemment élu vice-président du Comité syndical du tout nouveau Parc Naturel Régional de Millevaches a rappelé ce score : 1382 associations créées sur le Parc Naturel Régional. Un chiffre qu'il convient peut être de lire comme un type d'indicateur du dynamisme social du plateau.
Rappelons pour mémoire qu'à l'occasion du centenaire des Associations régies par la loi de 1901, on en dénombrait déjà 1289. Dans le premier numéro d'IPNS, Olivier Davigo, à partir d'une enquête minutieuse comparait leur importance proportionnelle dans la population ; elle est déjà supérieure à la moyenne limousine, elle-même très largement au-dessus de la moyenne nationale. Et il concluait en s'interrogeant sur la fonction du fait associatif comme un "lieu et moyen d'expression et de réalisation ; espace de création sociale, d'expérimentation alternative ? L'association vécue comme le véhicule de la citoyenneté ?"
C'est avec ce filtre qu'il convient d'analyser les buts et les objectifs que les promoteurs de LAMINE ont développé dans la présentation des statuts : "Lamine a pour but : de protéger, conserver, restaurer le bâti, les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres fondamentaux écologiques,
l'eau, l'air, les sols, les sites, les paysages et le cadre de vie ; de lutter contre les pollutions et nuisances, contre l'aliénation des chemins ruraux et de randonnée ; de promouvoir la découverte et l'accès à la nature et, d'une manière générale, d'agir pour la sauvegarde de ses intérêts dans le domaine de l'environnement, de l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme ainsi que de défendre en justice l'ensemble de ses membres... "
Au delà de cette très large déclinaison, il convient de replacer les particularités du site du Mont Larron. C'était un des fleurons de l'encadrement paysager de toutes les alvéoles qui découpent la vallée de la Maulde de Peyrat à Saint Julien le petit. Il est aujourd'hui défiguré par une entaille profonde, stérile et particulièrement disgracieuse dans l'harmonie de ces collines verdoyantes.
L'exploitation de la carrière de granulats au pied du Mont Larron multiplie sa productivité et ne cesse d'étendre son emprise depuis qu'elle a été rachetée par une multinationale britannique. La déchirure environnementale, les nuisances phoniques et poussiéreuses, les défoncements de la voie départementale ne sont guère conformes à la charte environnementale et paysagère du Parc Naturel. Mais le site même du village du Mont Larron est menacé. Les tirs de mines ont mutilé et fissuré des maisons, des chemins sont fermés. Des coupes rases sont opérées dans la partie feuillue de ce massif très enrésiné pour préparer des dépôts de granulats et demain une circulation dangereuse d'engins de travaux publics.
L'assemblée constitutive a réuni quelques 35 personnes. Le maire de la commune présent a souhaité que l'activité économique de la carrière perdure, mais dans le respect des règles établies. Mais quand celles ci sont bafouées et piétinées depuis des lustres comment établir un barrage administratif aux assauts d'un productivisme débridé ?
LAMINE a voté son adhésion à l'association Sources et rivières du Limousin qui lui a apporté son soutien et son expérience dans la définition de ses missions. L'association compte aujourd'hui une cinquantaine d'adhérents. Elle ne manquera pas de se développer pour arrêter l'extension que la Tarmac se propose de soumettre à enquête publique dès l'automne prochain.
Pour tous renseignements et adhésions : LAMINE, Mairie, 87460 St Julien le Petit. Ou Il son président : Philippe Vigier-Lafosse, et vice-président : Serge Mazen, résident secondaire et résident permanent au Mont Larron, 87460 St-Julien-le-Petit.
En quittant la région parisienne, Léa et Mitia n’ont pas fait pour autant table rase de leurs expériences professionnelles en choisissant de s’implanter sur la Montagne limousine. Léa, anthropologue et psychologue clinicienne, exerçait en milieu carcéral. La voilà partageant son temps entre une activité libérale dans le quotidien de nos villages, un temps partiel à l’écoute des résidents d’un foyer occupationnel en Corrèze et un temps consacré à l’association. Mitia a dirigé pendant vingt-cinq ans l’agence qu’il a fondée en qualité de scénographe dans un cadre muséal. « J’avais besoin de prendre le large avec ce métier qui m’a passionné pendant de nombreuses années mais qui, à mon sens, perdait petit à petit son sens initial, la créativité au service d’un engagement ». Il se penche aujourd’hui sur les plans d’aménagements intérieurs et extérieurs des bâtiments et du terrain que le couple a acquis pour installer un projet ambitieux et novateur.
Léa et Mitia ont choisi le plateau de Millevaches pour l’engagement citoyen et politique et l’accueil chaleureux de ses habitants, pour ses paysages, mais aussi parce qu’une tradition de réflexion sur le soin en dehors des institutions (mais non pas contre) y est présente depuis de nombreuses années et a donné lieu à certaines expériences pérennes, tel le groupe d’entraide dit aussi groupe « psypsy »(voir IPNS n°71).
Les Maisons de Lagathe, lieu où se dérouleront la majorité des activités de La Broussaille, seront un « cocon » rassurant les hôtes venus pour des séjours au calme en même temps qu’un espace bouillonnant de la créativité des artistes en résidence.
Dans les bâtiments, les travaux sont rondement menés et déjà cette double identité est palpable. Lagathe se situe à flanc de côteau, sur les bords du plateau, dans un creux de verdure à la fois intime et ouvert sur le grand paysage creusois vers l’Ouest. En entrant dans la maison principale, le visiteur trouve ses repères traditionnels. Une ancienne cheminée, une grande table massive et centrale. Et puis l’œil s’arrête sur des détails qui interrogent. Un piano dans la salle à manger ? On prévoit que les repas pourront être accompagnés de chants festifs ou qu’un hôte entonne des mélodies plus douces en fin de soirée. Deux escaliers ? Ils desservent deux étages de chambres qui peuvent recevoir jusqu’à onze personnes pour des séjours de durées variables. Dans le salon, un canapé, des fauteuils, une bibliothèque et un écran qui peut être déplié pour des projections. La pièce vibre encore des récits de la première « résidence », celle de David et Martial venus d’Angoulême pour travailler à l’écriture d’une histoire à quatre mains.
De l’autre côté de la cour, un atelier dédié à l‘entretien des bâtiments et du terrain. Ce dernier, un temps délaissé, demande un travail de longue haleine. Les différents plans y dessinent des circulations douces, des enclaves intimes, des petits amphithéâtres de verdure. L’eau est présente et rythme ces espaces : une grande mare, une fontaine d’eau de source. Les aménagements extérieurs seront conçus avec les résidents successifs de Lagathe dans le respect de l’équilibre et des ressources du milieu.
Un peu plus haut, une grange sur deux niveaux de plain-pied a été réaménagée. Le premier ouvre sur un atelier qui va très prochainement accueillir un four à céramique, le second est entièrement consacré à une vaste salle qu’on devine celle de la recherche et de la création dans le champ du spectacle vivant, des arts graphiques, de la musique.
Enfin, surplombant le hameau, permettant à ceux qui le souhaitent de se tenir un peu à l’écart, le four à pain est un gîte pouvant loger deux personnes.
Le projet de La Broussaille s’oriente selon une perspective à deux dimensions.
La créativité d’abord. Le nom, La Broussaille, est le symbole d’une effervescence désirée, en dehors des sentiers battus. Ce n’est pas un lieu de villégiature mais bien de recherche et d’expression. À l’ombre des futaies de l’art académique, la végétation broussailleuse offre ses espaces moins exposés à une expression de vie foisonnante. C’est dans ces entrelacs qu’on trouve de belles mûres, des oiseaux farouches à notre bruit citadin, des fleurs qu’on ne peut pas cueillir tant elles sont protégées par des ronces. En ouvrant le gîte et les ateliers à des artistes « en résidence », les animateurs de La Broussaille proposent de créer les conditions favorables à l’expression individuelle et collective. Les hôtes y trouveront la sérénité nécessaire pour développer un projet graphique, plastique, corporel, théâtral… qui sera montré ou pas, selon les désirs de chacun.e.
La deuxième dimension du projet est celle de l’accueil de personnes en difficultés psychiques ou porteuses d’un handicap mental. Elles viendront seules ou en groupe, de leur propre initiative, dirigées par leur médecin traitant, suite à des discussions avec le groupe « psypsy » ou dans le cadre d’un séjour pris en charge par une institution, avec ou sans l’accompagnement qui les suit habituellement. La Broussaille ouvre une parenthèse privilégiée dans les aléas de la vie et dans le parcours de soins et un espace-temps différent pour les aidants. Elle est une maison où chacun.e prend part à l’organisation quotidienne, dans la mesure de ses possibilités, partage les espaces et les temps ordinaires ou s’isole si le besoin s’en fait sentir, participe à une balade dans le parc ou à un atelier sur un mode d’expression qui l’intéresse.
La Broussaille s’est donné pour objet de favoriser et d’accompagner les démarches créatives et les rencontres d’artistes, d’artisans, de personnes en souffrance psychique ou porteuses d’un handicap mental, y compris des artistes traversés par la question de la souffrance, qui peuvent ressentir le besoin d’un séjour de répit créatif pour poursuivre leur démarche artistique. En accueillant ces différentes personnes, La Broussaille cherche à renouveler le regard, à expérimenter de nouvelles façons de faire et à favoriser la réflexion.
Un tel projet nécessite un nombre important de partenaires. Se sont ainsi réunis physiquement à Lagathe des représentants d’institutions aux compétences variées. Ils ont marqué leur soutien à cette double identité du projet : culture, santé, jeunesse et cohésion sociale, secteur hospitalier et initiatives citoyennes en santé, développement économique et innovation sociale… et de toutes les couches du millefeuille de l’administration décentralisée de l’État, de la Région, du Département, de l’Intercommunalité et de la municipalité de Saint Martin-Château.
Le fil conducteur de La Broussaille pour quelques années à venir, c’est la rencontre. « La rencontre est une notion qui s’est imposée dès nos premiers échanges, se rappelle un membre de l’association. C’est d’abord la rencontre avec le territoire proche, ses habitants, son milieu. C’est aussi notre propre rencontre en tant que membres du collectif fondateur. Soignants, philosophe, artistes, enseignantes, artisan, cadre d’éducation populaire, psychologue, danseuse… nous venons d’univers différents, avec des mots, des représentations, des expériences professionnelles ou citoyennes variées. Partager un projet dans ces conditions demande beaucoup d’écoute, de vigilance. Et ce n’est pas toujours évident de se projeter ensemble dans une expérience dont nous ne mesurons pas d’emblée tous les contours ». Car l’enjeu pour la vie à venir de La Broussaille se situe là : comment artistes et résidents en séjour de répit vont-ils se côtoyer, cohabiter, partager les moments en commun ? Comment se perçoivent-ils mutuellement ? La bienveillance que les animateurs du lieu jugent primordiale est-elle suffisante ? Tous les résidents feront-ils en sorte de se rendre disponibles à une rencontre avec les autres, en leur ouvrant par exemple leur atelier, en menant avec eux des activités communes ? Une autre, membre de l’association, explique : « Lorsque nous présentons les fondements de La Broussaille, nous disons de la rencontre qu’elle est une dimension essentielle du projet, avant laquelle il n’y a rien d’autre que des personnes de bonne volonté, dans un cadre favorable et bienveillant. Tout le reste sera ce que les femmes et les hommes en feront. Rien n’est institué préalablement. »
Les rapports à soi, à son environnement, aux autres et plus globalement au monde peuvent s’avérer difficiles pour chacun d’entre nous, pour des temps plus ou moins longs, engendrant des troubles plus ou moins profonds, visibles ou non, diagnostiqués ou pas. Sans prétendre être elle-même un lieu de soin, La Broussaille conçoit et organise ses séjours comme des espaces et des temps où il est possible à chacun - accueillants, accueillis, accompagnants, artistes en résidence ou membres de groupes invités pour développer des projets créatifs - de vivre sereinement la rencontre « pensée comme une redécouverte de l’environnement immédiat et du monde, l’occasion d’une ouverture, d’une disponibilité à l’autre, à la création et à l’imagination» poursuit Léa. C’est la raison d’être du lieu et des séjours qui y sont organisés, inspirés par une philosophie et des méthodes éprouvées depuis plus de soixante-dix ans par les tenants de la psychothérapie institutionnelle.
Lorsque François Tosquelles - l’un des fondateurs de la psychothérapie institutionnelle - arrive à Saint-Alban-sur-Limagnole en 1940, il ouvre les portes de l’asile, pousse les patients en dehors des murs en les invitant à aller aux champs, au village. C’est également une forme de décloisonnement que propose La Broussaille. Décloisonner les gens, les milieux, les statuts, les préjugés. Questionner la liberté de faire ou ne pas faire, de dire ou ne pas dire, d’essayer, d’expérimenter.
Léa et Mitia ont visité des structures semblables à celle qu’ils veulent animer. Ils ont fait un tour en France et en Belgique et sont revenus en Creuse les yeux pétillants d’intérêt pour l’inventivité, l’attention portée aux autres et à l’environnement de chacun, les gestes observés à l’ESAT la Bulle bleue de Montpellier, au Cercle des oiseaux à Riez dans les Alpes de Haute-Provence, au 3bisF d’Aix-en-Provence, à La Source à Annonay. Et aussi en Belgique où il existe une longue tradition d’ateliers de pratiques artistiques au sein d’institutions médico-sociales et sanitaires. Des artistes travaillent à temps partiel dans des institutions où ils animent des ateliers fréquentés par des résidents et patients durant de nombreuses années.
Expositions, concerts, livres sortent de ces ateliers et voyagent à travers le monde. Toutes ces expériences se situent de près ou de loin dans une dynamique où le soin et la créativité sont intimement liés. Dans ces lieux, l’activité artistique n’est pas, comme dans de nombreuses démarches plus connues, une activité de loisirs, un prétexte socio-éducatif ou socio-culturel, une activité à des fins occupationnelles ou d’art-thérapie.
Les animateurs de La Broussaille ne portent aucun jugement négatif sur ces domaines, mais il s’agit ici d’une autre dimension, complémentaire à celles-là. Ils soutiennent que les pratiques créatrices ont des effets positifs sur la construction, l’émancipation, le bien-être et l’insertion des sujets dans la société. Léa poursuit : « on pourrait dire de la créativité comme de la rencontre qu’elle permet de recomposer, de réarticuler, de recréer des possibilités, de penser et d’être au monde ».
Ces expériences ont également en commun de n’être pas menées dans l’espace fermé d’un service de psychiatrie par exemple. Décloisonner c’est aussi affirmer que le thérapeutique – dans son sens étymologique de « prendre soin » - n’est pas et ne doit pas être cloisonné dans l’enceinte de l’hôpital et qu’il n’est pas réservé à des soignants. En ce sens, La Broussaille s’intéresse à tout ce qui se développe en dehors de l’hôpital : le groupe « psypsy », les groupes d’entraide mutuelle, le réseau des entendeurs de voix, le dialogue ouvert, les mouvements liés à l’antipsychiatrie, etc... Ces expériences sont ouvertes, en lien perméable avec le territoire dans lequel elles sont implantées, elles assurent une communication fréquente et réciproque avec ses habitants.
C’est dans le sillon de ces différentes expériences, locales ou plus lointaines que se situe La Broussaille. Léa et Mitia venaient chercher une mise en cohérence de leurs activités professionnelles et de leurs aspirations citoyennes. Les voilà insérés parmi les acteurs de la dynamique sociale de leur territoire.
François Hannoyer
Les personnes migrantes et étrangères en France sont bien plus nombreuses dans les grandes villes qu’ailleurs. Il ne faudrait pas le voir comme un choix de leur part. La migration des pays du Sud vers la France (puisque c’est de celle-ci que l’on discute) a historiquement servi à nourrir les usines et le secteur des services des grandes centres urbains européens. Pour la plupart déracinées et confrontées aux violences systémiques de l’État, la ville est pour les personnes migrantes le lieu où il est possible de trouver du travail, de retrouver des personnes de sa communauté pour s’entraider, de circuler avec moins de difficultés qu’ailleurs, de se fondre dans un certain anonymat permettant d’être moins exposé à un racisme quotidien. Pour beaucoup de personnes migrantes, il est quasiment inimaginable d’aller tenter sa chance à la campagne.
Pourtant, beaucoup de migrant.es ont un rapport sensible à la terre. Parmi les personnes qui s’exilent en France, on retrouve des familles paysannes qui ont donc directement vécu de la terre, parfois pendant des générations. Les phénomènes climatiques poussent de plus en plus d’habitant.es des pays du Sud à quitter leurs lieux de vie, quand ce n’est pas l’accaparement des terres communes par les impérialismes européens, étatsunien, chinois ou indien qui y œuvrent1. Le capitalisme, après avoir vidé les campagnes en Europe, continue sa course dans le sud global, accompagné cette fois du dérèglement climatique.
Comment faire du lien entre la ville et la campagne pour des personnes qui, pour des contraintes de papiers, ne trouvent d’autres boulots que dans le ménage, le bâtiment ou la sécurité ? Les entreprises en ville profitent d’une main d’œuvre vulnérabilisée, sans droit, qu’elles exploitent à merci. Dans ce genre de travail, il n’est nullement question de savoir-faire, de transmission, de soin. Ce n’est pourtant pas l’envie ou les capacités qui manquent à aller travailler la terre, mais l’accessibilité de ces métiers pour ces personnes sans lien avec les organisations paysannes françaises.
L’association A4 est née d’une rencontre entre des personnes exilées ayant vécu pendant plusieurs années dans le bocage nantais à Notre-Dame-des-Landes, et des personnes mobilisées autour de Paris et Saint-Denis dans des luttes liées à la régularisation et au logement. Elle est donc essentiellement composée de personnes exilées mais est ouverte à toutes et tous. Pour beaucoup de ceux et celles qui luttaient en ville, il était évident que la campagne ne leur était pas destinée. À l’été 2021, le mouvement Reprises de Terres a organisé des rencontres visant à s’organiser collectivement contre l’accaparement des terres et leur saccage par l’agro-industrie et l’urbanisation. C’est au sein de ces rencontres que des personnes de Saint-Denis ont été invitées, pendant que des exilées ayant vécu en milieu rural ont raconté leurs trajectoires depuis leur arrivée en Europe. L’idée de former une association qui ouvrirait des opportunités pour des personnes exilées en milieu rural est né à ce moment-là.
L’association a vocation à ne pas laisser des personnes partir seules. On le sait, des personnes migrantes isolées sont parfois considérées de façon indigne et se retrouvent ostracisées. Les expériences rurales des personnes sans papiers, surtout dans le Sud de l’Europe, sont essentiellement associés à du travail dans de la monoculture intensive où les cas d’abus et de maltraitance sont légion. En plus de cela, les personnes sans papiers pourraient être à la merci de contrôles de police, sans avoir la possibilité d’être soutenues et défendues. L’objectif de l’association A4 est en quelque sorte de préparer le terrain. Pour l’instant, A4 organise des voyages enquêtes, où il s’agit de constituer un réseau de fermes accueillantes. Des liens humains se nouent à chaque voyage et permettent d’envisager concrètement à quoi ressemblerait un accueil dans telle ou telle ferme. L’association A4 permet d’assurer un accès à des espaces paysans de bonne volonté, qui seront moins enclins à abuser de la vulnérabilité des personnes migrantes. L’hypothèse de A4 est aussi de montrer que la rencontre efface la crainte de l’étranger et des fantasmes construits autour des migrants, au profit d’une confiance et d’amitiés liées à de l’interconnaissance.
En février 2022, des membres de l’association A4 sont venus dans le Limousin pour leur premier voyage enquête. À la fête de la Montagne, l’association nous a présenté son film, D’égal à égal qui retrace leur semaine passée ici. Commencer à filmer ces voyages, c’était aussi une façon de montrer aux personnes migrantes coincées en ville que la campagne n’est pas réservée aux blancs et aux Français, et qu’il y existe des possibilités pour elles aussi. Le voyage a permis de voir qu’il existait déjà des initiatives proches d’A4, par exemple du Wwoofing France ou du JRS (Jesuit Refugee Service) qui proposent à des habitants de CADA des courts séjours dans des fermes en Limousin ou des possibilités de stages ou de travail pour se régulariser et intégrer des fermes. À la suite de ce premier voyage-enquête, un membre de l’association A4 est venu pendant trois semaines à Tarnac, pour participer à des cantines, faire du pain et du maraîchage.
Après le Limousin, A4 s’est rendu à Lannion en Bretagne. Là-bas, l’association a rencontré les résidents d’un CADA. Cette rencontre a donné lieu à la constitution d’un groupe local pour s’organiser en mobilisant paysans et artisans de la région pour accueillir à la fois les personnes du CADA et des personnes venues d’ailleurs désireuses de (re)nouer avec la terre.
Ces voyages permettent de définir ce que serait un territoire accueillant. Au-delà de l’activité paysanne et artisanale, un territoire accueillant serait aussi un territoire dense en associations et collectifs à même de fournir de l’aide administrative. Des personnes en difficultés administratives auront besoin d’aller à la préfecture, de faire des démarches pénibles et fastidieuses. Il faudrait aussi que toute cette charge ne pèse pas sur les paysans qui accueilleraient des personnes exilées, mais que soit mobilisé le tissu associatif qui habite ces mêmes territoires.
Le monde paysan est lui aussi en difficulté. L’association A4 œuvre à cerner ces difficultés et réfléchir aux bases depuis lesquels l’association et les paysans pourraient travailler ensemble. L’idée n’est pas simplement de venir « en aide à » mais de se tenir ensemble. La réalité est pourtant bien difficile à admettre : les structures paysannes peinent déjà à sortir un SMIC complet de leur exploitation. Faire le lien avec des organisations paysannes et ouvrir les fermes est aussi un moyen de les dynamiser et ne pas se laisser grappiller par l’agro-industrie et la monoculture intensive. La moitié du monde agricole va partir à la retraite dans les 10 prochaines années. Les terres existent, et si elles finissent par profiter à l’agro-industrie, les sols ne cesseront de s’épuiser et mettre en péril notre subsistance à long terme. Il se trouve aussi que des personnes qui viennent des pays du Sud ont des savoir-faire spécifiques, par exemple quand les sols s’assèchent et que l’eau devient moins abondante. La richesse du projet est ici : il n’y a pas des sachants et des non-sachants. Il y a des personnes qui ont différentes expériences et pratiques de l’agriculture.
Finalement, il s’agit de défaire le non-sens qui consiste à obliger les personnes sans papiers à ne rien faire du fait de leur « irrégularité ». Assignés à la ville ou confinés en CADA en milieu rural sans autre possibilité que celle d’attendre que l’État décide de leur sort, A4 offre des possibilités pour des personnes migrantes de se saisir de leurs existences sans attendre que les institutions décident !
Il ne faudrait pas oublier que les campagnes des pays du Sud sont dévitalisés du fait que des communautés sont dépossédés de leurs moyens de production par l’appropriation de leurs terres et par les effets de la dévastation écologique. Les flux migratoires alimentent ensuite l’économie des grandes villes européennes en profitant d’une main d’œuvre très bon marché. Il y a un véritable enjeu que les personnes soumises à ces dynamiques désertent, acquièrent de vrais savoir-faire, ou utilisent ceux qu’ils ont déjà, investissent les terres agricoles en France et puissent se préparer ou soutenir ceux et celles qui lutteront dans le Sud pour reprendre leurs terres.
Pourrions-nous, sur notre territoire, réfléchir à monter une antenne locale de l’association A4 ?
Notre troupeau est constitué actuellement de quatre chevaux, d’une ânesse, et bientôt peut-être on accueillera une jument auvergnate. Nous les humaines, Montaine et Anaïs, nous nous occupons quotidiennement de nos compagnons équins, à Tarnac. Nous partageons avec des éleveurs de bovins et ovins bio une dizaine d’hectares où nous avons mis en place un système de rotation de pâturage : brebis, vaches et chevaux se relaient pour brouter dans des friches semi-naturelles, des prairies et des tourbières. Nous disposons aussi d’un parc d’hiver où les chevaux passent quatre mois de l’année au foin, et où nous espérons pouvoir construire un confortable abri dès que notre trésorerie nous le permettra. Notre association permet déjà à une dizaine de personnes d’apprendre à s’occuper des chevaux et à se déplacer avec eux. En visant l’autonomie pour celles et ceux qui le souhaitent, à plusieurs tant qu’il le faut, et toujours en étant réflexif par rapport aux transformations que les chevaux apportent dans nos manières d’envisager l’espace, le travail et le temps.
Ce collectif est né de plusieurs arrivées et rencontres sur le Plateau lors des trois dernières années, selon différentes trajectoires : Anaïs qui, après une thèse en sciences du langage, cherchait sur le Plateau de nouvelles aventures avec des chevaux ; Montaine qui, après des études d’anthropologie et des spectacles équestres en Espagne, commençait un service civique à Radio Vassivière ; et plusieurs chevaux qui ont tour à tour grimpé la Montagne limousine, venant de Brive, d’Anjou et de Bretagne. À partir de ces belles rencontres initiales une association a été créée, rejointe petit à petit par d’autres humain.e.s et équidé.e.s.
Pour avoir des chevaux en commun dans notre quotidien, l’implication de chacun.e .s est importante pour qu’un équilibre soit établi entre les chevaux, les humain.es plus ou moins habitué.e.s aux chevaux, et les multiples tâches à effectuer pour que ces alliances se passent dans de bonnes conditions pour tout le monde. Les soins quotidiens ainsi que les chantiers saisonniers sont partagés collectivement. Nous réalisons beaucoup de chantiers de réhabilitation de clôtures, même si aujourd’hui nous nous remettons en question par rapport à notre méthode de construction et réhabilitation de ces nombreuses clôtures. Nous avons aussi construit un rond de longe en réutilisant les dosses inutilisées de la scierie voisine. Et une cabane de jardin a été réaménagée pour devenir une sellerie mobile. Ce mode de fonctionnement collectif nous plaît, même si nous rencontrons parfois des défis techniques et organisationnels. Les questions de transmission de savoirs sont centrales dans notre démarche, car le fait que le projet soit collectif et partagé donne un sens singulier à ce que nous faisons. Nous continuons à apprendre tous les jours, en observant comment les chevaux peuvent faire évoluer favorablement les relations entre les paysages, les villages, et les humain.e.s.
Nous espérons commencer bientôt à travailler avec nos chevaux en traction animale : pour le maraîchage dans le grand potager commun du village, pour la culture de céréales dans des parcelles voisines, pour faire du bois... Les paysans voisins s’intéressent à notre projet comme une possibilité de s’émanciper des moteurs : non pas un retour en arrière mais plutôt une forme d’autonomie solidaire, basée sur l’alliance des savoirs actuels et anciens. On peut faire beaucoup de choses avec l’aide des chevaux : amender les parcelles, semer les céréales, labourer, écraser des fougères, livrer en porte à porte les productions du jardin ou les commandes de l’épicerie… Deux de nos chevaux sont déjà dressés à la traction. Pour l’instant nous disposons uniquement d’une bricole et d’un harnais. Nous sommes activement à la recherche d’outils de traction et de maraîchage, mais nous n’avons pas encore l’argent nécessaire pour les acheter.
Il y a quelques mois, un appel à projet pour préserver la race cheval auvergnat a été lancé par la Société Française des Chevaux de Travail. Nous espérons répondre aux conditions pré-requises pour accueillir une jument auvergnate prochainement. Accueillir une jument poulinière (et ses futurs poulains) pourrait marquer le début d’une activité économique qui permettra la survie de notre projet dans le temps. En effet, Montaine, qui effectue le stage « paysan créatif en Limousin » avec le Réseau ImpacT Limousin et l’Adear Limousin, est en train d’élaborer un projet pour s’installer en tant que paysanne(s) afin de valoriser la race du cheval auvergnat. Nous avons choisi cette race pour sa rusticité, son ancrage local et sa polyvalence : ces chevaux, bais ou bai-brun, peuvent faire de la randonnée, de longs déplacements, de la traction (petits travaux agricoles ou attelage) et ils sont très bien adaptés au climat et à l’environnement de moyenne montagne.
Dans les bourgs, nous réfléchissions aux endroits stratégiques pour aménager des espaces de pause pour nos chevaux : une barre d’attache, une barrière de sécurité si nécessaire, un abreuvoir... et on peut laisser nos chevaux se reposer, le temps pour nous d’aller boire un café, faire une course à la poste ou à l’épicerie. Nous en avons construits trois depuis un an et nous aimerions continuer à faire proliférer ces points d’attaches aménagés, pour élargir les horizons des déplacements à cheval, pour pouvoir relier des villages des trois départements en passant par les chemins. On entre dans un bourg avec un impression toute autre quand, plutôt que de sortir de sa voiture après avoir avalé dix kilomètres de bitume et presque un litre d’essence en dix minutes, on descend de cheval après plus d’une heure de chemins herbus et de sentiers. Bien-sûr l’idée n’est pas que les déplacements à cheval remplacent tous les déplacements en voiture, seulement de rendre plus facilement praticable une autre possibilité.
Jusqu’à maintenant, ce projet génère beaucoup d’enthousiasme, mais zéro argent ! Les adhérent.e.s de l’association participent à hauteur de 100 euros par an, ce qui permet d’acheter le foin pour l’hiver, mais pas d’investir dans du matériel. En attendant de trouver un équilibre économique sur le long terme, nous avons lancé un crowfunding pour pouvoir financer des outils et porte-outils pour la traction, la construction d’un abri dans le pré d’hiver pour accueillir la jument auvergnate et ses futurs poulains, l’aménagement de nouveaux points d’attache aménagés dans les bourgs, et des clôtures mobiles pour les pâturages tournants. N’hésitez pas à nous contacter ! Peut-être nous croiserons-nous bientôt sur les chemins en compagnie de nos amis à quatre jambes !
Anaïs de Haas et Montaine Rapegno
Aujourd’hui mercredi 16h, Gaspard dessine les animaux qu’il collera dans le livre pêle-mêle qu’il est en train de fabriquer, aidé de sa grand-mère et guidé par l’animatrice. Issa, lui, découpe et colle soigneusement les siens. Issa a terminé. Gaspard se lasse, il préfère jouer à un jeu de société, il finira le livre chez lui avec Mamie. Ici, à La Courte Échelle, pas d’obligation, c’est l’enfant qui décide ce qu’il veut faire ou ne pas faire.
L’odeur du pain d’épice commence à embaumer la pièce, c’est bientôt l’heure du goûter. Son travail administratif achevé, l’autre employée de l’association, vient en renfort. Elle se charge de l’accueil et de servir les boissons pendant que sa collègue range le matériel qui a servi pour l’atelier graphique. Une adhérente, venue seule, profite de la connexion Internet en buvant son café. Dehors, les plus grands apprennent joyeusement à utiliser les boomerangs qu’ils ont fabriqué tantôt avec Christo, animateur de l’association R 2 jeu, passé maître dans l’art de faire voler toute sorte d’objets identifiés. Deux enfants ont préféré rester bouquiner à l’étage, au calme.
Cette après-midi, il y a foule à La Courte Échelle, le café des enfants d’Eymoutiers, il faut dire que deux animations le même jour, ça fait venir du monde… Hier, mardi, en fin d’après-midi, des adhérent-e-s sont venu-e-s visionner un film documentaire qui s’est clôturé sur un débat. Demain matin, premier jeudi du mois, des familles d’enfants en bas âge ou non-scolarisés viendront profiter de la foire et des jeux de La Courte Échelle. Peut-être. En général, au cours de la semaine, la fréquentation est aléatoire, parfois c’est plein, parfois il n’y a personne pendant un moment, puis les adhérent-e-s viennent au compte-goutte. En revanche, le samedi matin, jour de marché, le local est toujours plein. Il y a bien sûr des familles qui viennent profiter des livres et des jeux, mais aussi beaucoup de personnes sans enfant qui viennent se retrouver autour d’un café ou manger un morceau car, ce jour-là, un plat simple et bon marché est proposé aux adhérent-e-s.
Face au constat qu’il n’existait que très peu d’endroit où les parents et leurs enfants peuvent passer du temps ensemble et faire des activités communes, Cadine, Isabelle, Frédérique et Florence ont eu envie de monter une structure dans laquelle une grande place serait faite aux enfants. Un lieu pour les familles, mais pas seulement, un lieu intergénérationnel ouvert à tou-te-s, même sans enfant. C’est ainsi qu’en 2011, l’association La Courte Échelle est née. Au cœur du projet, il y a avant tout l’épanouissement de l’enfant, le respect de sa personne et de ses droits, l’esprit de la convention des droits de l’enfant, citée en préambule des statuts, et la volonté de faire participer les enfants le plus possible à la vie de l’association.
D’abord itinérante, La Courte Échelle s’est ensuite installée deux ans à Peyrat-le-Château, sous le nom de Café des z’enfants. En 2013, elle a reçu l’agrément d’Espace de vie sociale par la Caisse d’allocations familiales de la Haute-Vienne - toujours en vigueur à ce jour - et a pu créer trois postes salariés : un emploi associatif en CDI et deux emplois aidés. En 2014, le Café des z’enfants a déménagé dans un petit local de la place Jean-Jaurès à Eymoutiers, élargi ses horaires d’ouverture à trois jours par semaine, développé des partenariats, mis en place de nouvelles actions et a vu le nombre de ses adhérent-e-s monter en flèche.
Depuis lors, La Courte Échelle a connu des périodes prospères et d’autres plus difficiles (baisse les subventions publiques, suppression des emplois aidés, manque de forces vives, etc.). Mais après dix ans d’existence, elle est toujours là et nécessaire, voire indispensable, pour nombre de ses adhérents. Ce qui plaît tant dans ce lieu est avant tout les liens sociaux qui s’y nouent assez facilement car La Courte Échelle est un lieu propice aux rencontres, aux échanges. C’est un endroit important pour les parents isolés, qui passent beaucoup de temps seuls avec leur-s enfant-s en bas âge, pour certaines personnes vivant seules venant simplement y passer un moment pour voir du monde ou proposer bénévolement une activité, pour les parents qui pratiquent l’instruction en famille ou encore pour les familles qui viennent de s’installer dans les environs et cherchent à lier connaissance. Outre sa fonction d’accueil et d’animation, l’association s’est aussi donné pour mission de soutenir la parentalité à travers des discussions entre parents (la mensuelle Parlotte des familles), des rencontres, des projections, des ateliers, la mise à disposition de livres et de revues… Autant d’actions qui permettent d’aider les familles qui en ont besoin.
Depuis 2019, le nom Café des z’enfants n’est plus utilisé et c’est désormais La Courte Échelle, le nom d’origine de l’association, moins restrictif, qui est mis en avant. Certes La Courte Échelle est toujours un café des enfant mais, dans un souci d’ouverture du lieu à tous les publics, et notamment aux adolescents, le nom a été changé. Toujours dans une volonté d’ouverture, l’association s’est récemment restructurée afin de faciliter l’implication bénévole. Chacun-e est invité-e à participer au projet en s’inscrivant dans la/les commissions de son choix : ressources humaines, local, animation, communication et finances.
En 2019 également, afin d’accueillir le public dans de meilleurs conditions, La Courte Échelle a quitté le local trop exigu qu’elle occupait depuis son installation à Eymoutiers et a emménagé dans un bâtiment plus spacieux, toujours sur la place Jean-Jaurès. Malheureusement, après s’être beaucoup investi dans l’aménagement de cette nouvelle maison, les membres de l’association ont appris que le propriétaire avait décidé de la mettre en vente. Pour que l’avenir de la structure ne soit pas mis en péril et que l’association puisse être sûre de rester dans ce local, l’idée d’acheter ledit local est née. La Courte Échelle n’ayant pas les moyens d’acquérir ce bien, elle a soumis ce projet à l’Arban, Société coopérative d’intérêt collectif basée à Faux-la-Montagne, qui mène une politique de remise en vie du bâti ancien au cœur des bourgs ruraux du plateau de Millevaches. Le projet ayant été estimé réalisable, une collecte de fonds a donc été lancée. Si cette campagne de financement permet de réunir la somme nécessaire, l’Arban pourra acquérir le lieu et deviendra le bailleur de La Courte Échelle. L’argent collecté sera complété par un emprunt bancaire et permettra de réaliser des travaux de rénovation et d’isolation ainsi que l’installation d’une indispensable chaudière. Pour l’heure, un chauffage performant fait cruellement défaut dans cette bâtisse, ce qui représente un désagrément important pour les salariés et un vrai frein pour les activités quand vient le temps de l’hiver limousin. Plusieurs projets construits avec l’Arban ont déjà été menés avec succès, notamment à Gentioux, en Creuse, où la Renouée, lieu de vie ouvert, chaleureux et foisonnant a pu voir se développer durablement de nombreuses activités. L’achat et la rénovation de cette maison permettra de pérenniser l’implantation de La Courte Échelle dans la commune d’Eymoutiers, de continuer les actions en place, d’en développer de nouvelles, d’ouvrir de nouveaux espaces et d’accueillir le public dans des conditions de bien-être optimales.
Après des débuts timides, la campagne de finalement a peu à peu pris son essor. Une contribution plus importante est venue faire pencher la balance du bon côté et permettre d’entrevoir une issue favorable. Les petits ruisseaux font les grande rivières et chaque participation compte, sans oublier que les dons peuvent être déduits des impôts. Du montant final réuni dépendra la quantité et la qualité des travaux qui pourront être faits et donc des activités qui pourront être déployées. Vous pouvez permettre d’enrichir durablement la vie quotidienne sur notre territoire en créant un lieu de vie et de partage, ouvert à votre participation et vos envies. Pour nos enfants, pour nous, pour construire ensemble un futur meilleur.
Amandine Boucher
IPNS : Comment et pourquoi est née l’association ?
La Courtine 1917 : L’association est née il y a 8 ans par la décision commune de citoyens de la région mais pas seulement, de passionnés d’histoire, des pacifistes, des libres penseurs, des historiens, d’élus, dont le maire de La Courtine, et de descendants de soldats russes qui furent sur le front français en 1916-1917.
Les fondateurs de l’association furent une cinquantaine à se rassembler le 24 janvier 2014 à la salle polyvalente de La Courtine, tous animés par la volonté de soulever la chape de plomb reposant sur cette histoire singulière et incroyable et si méconnue : celle des 16 500 soldats russes qui étaient en Creuse à l’été 1917 et des 10 300 d’entre-deux qui se mutinèrent pendant 3 mois au camp militaire, pour être sauvagement réprimés, canonnés et mitraillés les 16, 17 et 18 septembre.
Lors de cette première assemblée, des statuts y furent longuement discutés et adoptés, un conseil d’administration et un président en la personne de Jean-Louis Bordier y furent également élus. Depuis, La Courtine 1917 est devenue une association d’éducation populaire, nationale, historique et mémorielle. Elle est reconnue par les pouvoirs publics comme Organisme d’Intérêt Général (OIG) à caractère culturel et scientifique. Elle a organisé en 8 ans, dans des dizaines de départements, près de 80 conférences, présentations, débats, expositions, projections de films. Elle a aussi organisé pendant 3 jours à La Courtine en septembre 2017 « Les Journées du centenaire » commémorant le centième anniversaire de la présence en Creuse des soldats russes et leur mutinerie. Toutes ces initiatives, qui ont rassemblé des milliers de personnes depuis 8 ans, témoignent de l’intérêt de celles-ci pour la transmission de l’histoire.
IPNS : Parmi vos actions, vous éditez des Cahiers semestriels de près de 50 pages consacrés au corps expéditionnaire russe durant la première guerre mondiale et à la révolte de la Courtine en 1917. Le douzième vient de sortir. Mais y a-t-il encore des choses à découvrir sur ce sujet ?
LC1917 : En toute franchise, sur cette histoire des soldats russes et de leur mutinerie, nous sommes nous-mêmes étonnés par la somme et la diversité des documents, photos, témoignages, récits de vie, etc. auxquels nous avons eu accès et que, pour certains, nous avons publiés au cours de ces 8 années dans notre revue.
Près de 400 de ces soldats qui ne rentrèrent pas en Russie en 1920, restèrent en France pour y travailler et fonder des familles. Une vingtaine de descendants, petits-fils, petites-filles qui sont membres de notre association, nous apportent régulièrement des récits et documents passionnants concernant leurs grands-pères. C’est encore le cas dans ce dernier numéro de mars 2022 avec le récit de l’épopée de Feodor Zholobov, un tailleur-couturier soldat de la 1re brigade qui était avec les mutins à La Courtine.
Également dans ce numéro, nous publions un article d’un historien et chercheur russe, Maxim Tchiniakov, spécialiste du corps expéditionnaire russe qui collabore régulièrement avec notre association. Dans cet article inédit, nous apprenons l’existence et le rôle de 4 associations et organisations de la société civile franco-russes qui se sont constituées entre 1916 et 1920 pour venir en aide aux soldats.
Dans le numéro 8 des Cahiers, nous avons publié une interview parue en 1960 dans la revue Musica, celle de Paul Le Flem, compositeur de musique français, interprète auprès des brigades russes, qui dirigeait à La Courtine un orchestre de 80 soldats-musiciens-mutins !
Dans les 2 prochains numéros des Cahiers, nous allons publier un document inconnu de la quasi-totalité de nos lecteurs, y compris de ceux qui s’intéressent de près à cette histoire des soldats russes en France. Il s’agit d’un feuilleton en 15 numéros paru fin 1934 début 1935 dans un hebdomadaire pacifiste de l’époque « La Patrie Humaine » sous la plume de Charles Steber. Ce dernier est venu à La Courtine au début des années 1930, il a enquêté auprès de la population, il a rencontré en URSS des soldats qui étaient à La Courtine et il a écrit ce feuilleton saisissant qui s’intitule « La Saint Barthélémy Anti-marxiste de 1917, récit des massacres organisés des contingents russes à Brimont et à La Courtine ».
Et nous avons encore beaucoup de pépites de ce type sous le coude…
IPNS : A côté de cette publication, avez-vous d’autres actions ou projets ?
LC1917 : Voici en résumé quatre de ces projets qui pour trois d’entre eux vont voir le jour en 2022.
Après avoir co-édité un premier livre en 2017 avec les Ardents Editeurs : « Le Limousin et la Révolution russe », nous publions au mois de mai prochain les mémoires d’un soldat russe, mutin de La Courtine. L’ouvrage publié en URSS en 1960, est traduit aujourd’hui pour la première fois par notre association. L’auteur, Dimitri Lissovenko, raconte en détail son parcours de soldat de la 1re brigade du corps expéditionnaire russe en France entre 1916 et 1918. Il dévoile avec précision l’organisation de la mutinerie de La Courtine à l’été 1917 et sa répression. Déserteur d’une compagnie de travailleurs à Besançon, emprisonné en Suisse, il est rapatrié en Russie en 1918.
Le « Chemin de Mémoire » à La Courtine embarquera le visiteur sur la trace des mutins par une scénographie créative avec panneaux photos, textes, fresques, installations numériques et sonores… Ce sera un circuit pédestre accessible à tous. Ce projet est porté par la Communauté de communes Haute-Corrèze Communauté, soutenu par la commune de La Courtine, la Région Nouvelle-Aquitaine, les conseils départementaux de la Corrèze et de la Creuse, la DRAC, la DDCSPP. Avec l’association, nous en sommes les initiateurs, les conseillers scientifiques et co-animateurs du Comité de pilotage. La communauté de communes est maître d’œuvre de ce projet. Le Chemin de mémoire devrait voir le jour en 2023 avec une inauguration prévue pour juin 2023.
Cette pièce qui retrace l’épopée des soldats russes est coproduite par La Courtine 1917 et « L’Atelier du Soir » de Limoges, association qui donne des cours de théâtre (https://www.atelier-du-soir.fr/).
Le recrutement des 8 comédiens a été réalisé à Limoges, avec le concours de Frédéric Choffel, auteur et metteur en scène de la pièce. La première représentation aura lieu à Ussel le samedi 25 juin à 20h30 au Centre culturel Jean Ferrat, la seconde à La Courtine le 26 juin à 15h, jour de l’arrivée des mutins russes à La Courtine en 1917. La pièce est destinée à être jouée le plus possible en Limousin et ailleurs en France. Les lecteurs d’IPNS qui souhaiteraient faire venir la troupe dans leur commune peuvent contacter l’association.
Il s’agit d’un concours d’écriture de nouvelles sur le thème « Les soldats russes à La Courtine en 1917 ». Il est lancé depuis la mi-janvier auprès des élèves de 1re des lycées du Limousin, de La Rochelle et de Rochefort. Le jury constitué nationalement, est composé d’enseignants, d’historiens, d’écrivaines, de représentants d’établissements culturels, de descendants des soldats russes, d’adhérents de La Courtine 1917, au total 12 personnes. Nous venons d’être contraints de reporter cette initiative en 2023 pour deux raisons : les retards et la désorganisation dans les programmes des lycées provoqués par la situation sanitaire et d’autre part la situation politique du moment avec la guerre et l’occupation de l’Ukraine. Force est de constater que la situation en 1917 était l’inverse de celle d’aujourd’hui : les soldats russes sous la conduite d’un autocrate font la guerre et sèment la mort alors que les soldats russes à La Courtine il y a 105 ans s’étaient révoltés pour ne plus faire la guerre et ont écrit ainsi avec leur mutinerie une des plus belle page du pacifisme.
Peyrelevade bénéficie d’une vie associative diversifiée, de la plupart des commerces essentiels (dans une acception pré-covid et, espérons-le, post-covid) et de nombreuses commodités et services. Mais il nous semble manquer d’un lieu associatif pour certaines activités conviviales (bar sans alcool, soirées à thème...) et d’entraide (soutien scolaire, entraide administrative ou informatique, réparation de vélos...). Il manque aussi un restaurant et un lieu permettant de trouver des produits locaux et/ou bio à l’année, alors que le Plateau est riche de producteurs respectueux de l’environnement (élevage viande ou fromage, maraîchage, apiculture…). Un lieu d’échange et de rencontre, visant à réduire l’isolement physique et intellectuel en milieu rural, améliorer l’accueil des nouveaux arrivants et des résidents du Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) et favoriser l’engagement de chacune et chacun afin de rendre notre territoire encore plus dynamique et attractif.
Forts de ces constats, La Fourmilière a été créée début 2020 par un petit groupe d’habitants de Peyrelevade d’horizons et d’âges divers. Ces personnes sont unies par une même volonté, désireuses de contribuer à favoriser le maintien et le développement de dynamiques locales, d’activités sociales et d’entraide, de permettre à toutes les personnes de la commune qui le souhaitent de devenir actrices d’un projet ou simplement de trouver un lieu d’accueil et de rencontre. En s’inscrivant dans le respect du contexte local.
Nous avons imaginé un projet qui permettrait de redonner vie à un bâtiment inoccupé du bourg, proche des pôles d’activité et de passage. Les visites immobilières nous ont permis d’affiner le projet qui s’adapte au bâtiment choisi : une maison de cinq pièces, un logement de trois pièces, une grange et une ancienne étable, avec un terrain d’environ cinq cent mètres carrés, le tout dans le centre-bourg. Tel que nous le concevons à ce jour, le bâtiment comportera un lieu d’activités associatives et un magasin de produits locaux dans la grange, un restaurant dans l’ancienne étable et deux logements locatifs. Afin de mener à bien cette ambition, La Fourmilière est soutenue par Airelle (accompagnement de porteurs de projets) et par L’Arban pour l’acquisition du foncier, la réalisation des travaux et la gestion des locatifs (la Fourmilière sera locataire du magasin et du restaurant). La municipalité de Peyrelevade a accueilli favorablement notre projet et lui apporte son soutien.
La situation sanitaire a bousculé le calendrier prévisionnel et nous prive des moyens habituels de communication pour de tels projets (réunions publiques, événements festifs...) tout en retardant les démarches. Lesquelles seront de toutes façons longues, et il y aura beaucoup de travaux. Aussi avons-nous décidé d’ouvrir rapidement le magasin avec les moyens du bord, puisque la seule chose qui restait autorisée en ce début d’année était le commerce alimentaire. Il s’agit de commencer à concrétiser nos rêves pour nous encourager à poursuivre, de montrer qu’il est possible de réaliser des projets malgré la situation sanitaire, de recréer du lien et de communiquer sur notre activité. Notre groupe s’est ainsi encore enrichi d’autres personnes nouvellement arrivées dans la commune, ce qui nous conforte dans nos motivations.
Grâce au soutien de la propriétaire actuelle des lieux, de l’Association d’Entraide du Plateau (AEP) pour l’équipement, de la mairie pour la communication, de la Bascule (Gentioux) et des producteurs pour les avances de produits, le magasin a pu ouvrir ses portes au 8 quartier de la Fontaine à Peyrelevade le 4 mai 2021. Pour le moment, le résultat a dépassé nos espérances et est très encourageant : de nombreuses personnes sont venues voir mais aussi acheter, et discuter du projet. Visiblement, le besoin et l’envie sont bien là.
Pour la suite, une mise de départ de 50 000 € sera nécessaire pour l’obtention de prêts bancaires permettant l’achat du bâtiment et tous les travaux nécessaires. Nous lancerons un appel de fonds (contribution, dons et parts sociales) lors notre l’assemblée générale qui aura lieu en juillet 2021.
L’Association La Fourmilière
A l'origine de cette initiative, la présence d'une forte identité culturelle liée aux savoir-faire et aux métiers d'art, l'installation récente de jeunes entreprises dans le secteur de la création et la volonté de soutenir activement cette dynamique par l'ouverture et le croisement avec de nouvelles pratiques.
Quartier Rouge se propose donc d'accueillir des artistes et des projets dans une optique d'échange, de rencontre et de coopération. Cette invitation, autant tournée vers les artistes que vers la population et les acteurs locaux, cherche à produire les conditions nécessaires à un enrichissement mutuel.
L'objectif est d'accompagner, par le biais d'initiatives artistiques et culturelles, la dynamique de développement présente sur le territoire et de proposer à ses habitants une offre culturelle ouverte de qualité.
Autour de chaque projet s'articulent des phases de réflexion, de production et de diffusion.
La vocation de Quartier Rouge est d'être un outil de développement culturel dont l'action se situe sur le plan de l'intégration de projets dans une réalité locale, qu'elle soit culturelle, sociale, géographique ou économique.
Envisagé comme le point de départ nécessaire à toute action, cet axe s'appuie sur les expériences et les réflexions menées dans ces différentes directions par les acteurs locaux (collectivités locales, associations, entreprises, artisans, habitants …) tout en invitant des intervenants extérieurs spécialisés à participer à ces réflexions. (Thèmes de réflexion : Mutualisation et mise en réseau - Richesses et identités locales - Valorisation du patrimoine - Développement du territoire - Processus artistique et contexte de production - L'art et ses lieux de représentation,…)
En lien avec le volet de recherche, Quartier Rouge active son engagement en faveur des artistes contemporains à travers la production et la coproduction d’œuvres pouvant toucher à des domaines artistiques variés.
Deux axes sont envisagés :
L'objectif dans les deux cas est de proposer un contexte dynamique de création et de susciter l'échange et l'ouverture par le croisement des pratiques et de l'environnement de chacun, qu'il s'agisse du public, des acteurs locaux, ou des artistes invités.
En écho aux deux axes précédents, il s'agit de mettre en oeuvre pour chaque projet un dispositif de diffusion cohérent et adapté permettant de proposer à la fois :
Cette programmation donne ainsi lieu à différents types d'événements : débats, colloques, expositions, concerts, spectacles, projections,…
Du 28 juillet au 28 août 2007, l'exposition "de passage…" pensée comme les pages d'un livre à venir, présentait les photographies et les textes de Benjamin Dubourg. A travers ses photographies et ses mots Benjamin nous invitait à partager un regard humaniste sur tout ce qui fait notre quotidien ici et ailleurs.
Pomme Boucher
Qu’on l’appelle patois, langue d’oc, limousin, la vieille langue parlée dans la région, c’est l’occitan.
Comme le catalan, le portugais, le sarde, le corse, l’italien, le roumain, l’espagnol, le franco-provençal, le rhéto-roman ou le français, l’occitan est une langue romane qui résulte d’une transformation progressive du latin populaire importé lors des conquêtes romaines.
Cette altération étalée sur près de dix siècles est le fait des survivances linguistiques héritées de peuples antérieurs à la romanisation et des modifications postérieures à l’implantation latine imposées par les différents peuples d’envahisseurs du début de notre ère.
Le morcellement à l’infini semble être l’état naturel de tout langage, les frontières linguistiques sont rarement rigides et proviennent parfois d’interventions historiques et politiques. Ainsi le français parlé en Poitou n’est pas le même que celui parlé en Wallonie. L’occitan est lui aussi fragmenté en dialectes (Auvergnat, Limousin, Vivaro-Alpin, Languedocien, Provençal, Gascon) ce qui n’empêche pas l’intercompréhension. Cette langue est parlée dans trente trois départements du sud de la France, une douzaine de vallées alpines d’Italie et dans le Val d’Aran en Espagne.
A partir du 10ème siècle l’occitan s’est imposé comme une grande langue de culture à l’influence européenne, à travers la littérature des Troubadours dont les premiers et plus célèbres sont limousins (entre autres Bernart de Ventadour, Gaucelm Faidit, Bertrand de Born).
L’occitan n’était pas uniquement réservé pour la création littéraire mais aussi dans la vie de tous les jours (actes notariés, chartes des villes) .
L’ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539 imposa l’usage du français dans tous les actes administratifs et juridiques et accéléra, du même coup, la disparition des langues locales dans le domaine de l’écrit.
L’occitan restera cependant la langue d’usage de la grande majorité des limousins jusqu'à la première moitié du 20ème siècle et, à ce titre, partie intégrante de leur identité.
Après une période de fort déclin, elle est encore présente aujourd’hui et la population y est attachée.
L’occitan (appelé “patois”) éveille un fort courant de nostalgie chez les anciens, on regrette sa future disparition. Cette nostalgie trouve son origine dans la blessure encore vivace provoquée naguère par l’interdiction de parler “patois” à l’école. Mais force est de constater que ces regrets s’accompagnent le plus souvent d’un fatalisme, voire d’un sentiment d’impuissance face à la disparition progressive de la langue d’Oc.
Sa situation dans la zone de la montagne limousine est néanmoins très fragile et appelle des actions de sensibilisation, de valorisation et de re-dynamisation.
Lorsqu’en 1998, un petit groupe de personnes décida de remettre sur pied et de professionnaliser l’association “Institut d’Etudes Occitanes du Limousin”, il y eut beaucoup de sourires en coin, voir de franches rigolades. Cependant le constat que nous pouvons faire quatre ans après est loin d’être négatif et dépasse largement nos espérances.
Nos inspirateurs furent l’Institut d’Etudes Occitanes du Cantal, qui, à cette époque, par son dynamisme, son champ d’action, faisait figure de modèle.
Le potentiel patrimonial culturel de la Haute-Auvergne nous semblait fabuleux, nous ne nous rendions pas compte qu’on avait la même richesse sous nos pieds : pays à forte tradition, riche littérature. Partout dans l’espace occitan, nous avons rencontré des volontés identiques et la même motivation.
Dans un premier temps il a fallu motiver les vieux militants, les encourager à nous donner la main (certains ont tout de suite compris l’enjeu), tisser des réseaux, se faire connaître par les institutions et avant tout définir nos axes de travail et d’actions.
Jean-Marie Caunet
Suite au processus de recherche et de création artistique mené depuis 2017 autour du retour des loups sur le territoire (voir encadré), Quartier Rouge a préparé cette semaine de laboratoire avec un groupe d’éleveurs, d’artistes et de chercheurs. Côté éleveurs : Johanna Corbin (Gentioux), Thierry Letellier (La Villedieu), Eric Moreau (Saint-Frion) et Léo Pauwels (Tarnac). Côté artistes et chercheurs : Benoît Verjat (designer et anthropologue), Boris Nordmann (artiste) et Patrick Degeorges (philosophe).
Si vous êtes habitant·e de la Montagne limousine, que vous soyez éleveurs, acteurs du monde agricole, de l’environnement, du tourisme, élus … ou, de façon plus générale, si vous êtes intéressé.es par les questions que posent le vivant, la cohabitation des usages entre humains et non-humains, les formes de négociation ou l’expérimentation de pratiques de recherche collective, ce laboratoire est fait pour vous.
En prenant la ferme comme milieu privilégié pour partager des pratiques, cette expérience propose de penser plus largement comment la ferme et son environnement deviennent un espace politique, un laboratoire d’avenirs. De fermes en fermes, et en s’extrayant de la situation d’urgence que peut soulever le retour des loups, il s’agira de prendre en compte les ancrages positifs de la cohabitation. L’enjeu est la trajectoire de chacun·e et du groupe : la manière dont les questions, observations et intentions s’actualisent et se transforment jour après jour en goûtant à des pratiques de différentes natures (pastorales, éthologiques, artistiques, scientifiques…). Cette expérience vise également à prototyper ou identifier des assemblées de territoire pertinentes pour formuler de nouveaux scénarios et des manières de faire société en prenant en compte différents points de vue et notamment celui des non-humains.
L’expérience se déroulera sur 5 jours entre le 16 et le 21 mai 2022. Les participant·es sont invité·es à rester toute la semaine mais peuvent venir aussi à la journée. Chaque journée est consacrée à un nouveau milieu (quatre fermes puis la gare de Felletin) et aborde un angle particulier de la cohabitation. Sur place, l’hôte nous fait visiter sa ferme, présente son milieu et des pratiques associées. Des praticien·nes invité·es proposent chaque après-midi des exercices pratiques de différentes natures (pastorale, de mouvement, de pensée, d’observation, d’enquête …). Le groupe se répartit donc sur chacune des pratiques proposées, puis des temps d’échange en plus petits groupes sont prévus pour saisir et partager les expériences vécues par chacun. Les soirées apportent des éclairages sur des sujets ou approches liés aux angles abordés chaque jour à travers des conférences et des projections. Elles sont ouvertes à tous (voir le programme en encadré).
Julie Olivier
A l’origine, des associations (Les Plateaux Limousins, Solidarité Millevaches, Contrechamps), mais aussi des entreprises (GAEC Champs Libres, Ambiance Bois), décident de mettre en commun leur énergie et leur expérience, pour développer dans un réseau plus large ce que chacune pratiquait depuis longtemps de façon plus ou moins formalisée : la rencontre, l’accueil, l’accompagnement ou le partenariat avec de nouveaux arrivants, dans leur projet d’installation ou d’activité dans la région.
Le 27 avril 2002, une première rencontre élargie réunissait au Villard une quarantaine d’habitants du plateau arrivés dans les 20 dernières années… et déjà quelques nouveaux ou futurs arrivants. Au cœur des échanges : les “histoires d’installations” A travers la diversité des situations et des parcours personnels, des coups de cœur et des coups de blues exprimés dans les témoignages, se révèle une motivation partagée par beaucoup, souvent déterminante dans leur choix de s’installer ici : la dimension humaine de l’accueil et des relations nouées avec des personnes de la région, la vitalité de certains réseaux d’habitants actifs sur le territoire. Cette dynamique sociale permet souvent de dépasser les obstacles rencontrés : isolement géographique, réticences de certains habitants ou élus locaux, difficultés d’accès à un logement ou à du terrain, etc…
La dynamique d’échanges était donc amorcée, dans la convivialité de ces rencontres où les relations informelles, la dimension festive et culturelle ont aussi toute leur place, et où chaque rendez-vous est une occasion de croiser de nouvelles personnes. Par exemple, lors de la journée organisée par Solidarité Millevaches sur le thème “vivre ensemble en milieu rural”.
Une nouvelle étape est franchie pendant l’été : 45 personnes se retrouvent à l’une ou l’autre des rencontres proposées en juillet et septembre, pour partager leurs questions, leurs idées ou leurs projets dans des domaines très divers, et se donner des moyens en commun pour avancer, s’interpeller, concrétiser. Certains d’entre nous viennent de loin pour préciser, au contact des réalités locales, leur motivation à venir vivre peut-être un jour dans la région. Certains habitent ici, depuis longtemps ou depuis quelques mois, et envisagent des changements dans leur vie ; souvent (mais pas nécessairement) avec un projet qui se dessine.
Spontanément, des liens se créent, depuis les échanges de bons tuyaux jusqu’à certaines envies de faire des choses ensemble : “Je connais une association qui pourrait être intéressée par les animations pédagogiques que tu proposes” - “Est-ce que votre recyclerie pourrait fournir des vêtements pour ton dépôt-vente?” - “Il y aura de la place pour d’autres projets dans les bâtiments agricoles que nous allons reprendre” - “Et si on créait un point de vente en commun de nos produits artisanaux !”
Pour permettre à chacun d'avancer concrètement sur ses projets, le travail en commun peut se poursuivre dans divers domaines : rencontre d'autres expériences ou d'intervenants spécialisés ; travail sur les statuts juridiques, l'accès au logement, au foncier, aux financements ; chantiers d'auto construction ; expérimentation des activités, etc.
Cette aventure dépasse aujourd’hui largement l’initiative de celles et ceux qui l’ont suscitée, le groupe étant porteur de sa propre dynamique. Le réseau d’habitants impliqués se tisse de lui-même : déjà près d’une centaine de personnes ont participé à l’une ou l’autre des rencontres organisées depuis quelques mois. Toute personne peut s’y associer, la démarche n’étant pas réservée aux seuls “porteurs de projets” d’activité économique, mais plutôt centrée sur le “projet de vie” de chacun sur notre territoire.
Un territoire sur lequel l’accueil de nouvelles populations est devenu un objectif affiché des collectivités locales. Consciente de l’importance des contacts de proximité pour faciliter ces installations, la direction de l’accueil et de la promotion du Limousin au Conseil Régional cherche à promouvoir des pôles locaux d’accueil. Des moyens considérables sont engagés par le Syndicat Mixte de Millevaches en Limousin, dans le cadre du nouveau programme “Leader +”, pour dynamiser l’accueil et soutenir la création d’activités. Une rencontre organisée en avril par le collectif associatif du pôle d’accueil a permis à ces collectivités, aux élus et techniciens de plusieurs communautés de communes, et aux associations d’échanger sur leurs pratiques, leurs projets,…ou leur manque de projets... Certains agents de développement trouvaient là une première occasion de travailler ensemble sur ces questions. Le Secrétariat d’Etat à l’Economie Solidaire et la Communauté de Communes du Plateau de Gentioux ont décidé de financer l’action du pôle d’accueil.
On peut donc espérer que les dispositifs importants mis en œuvre par nos collectivités sauront soutenir et s’adapter, avec la souplesse nécessaire, à la diversité des projets qui s'expriment au sein de la dynamique citoyenne et inter-associative. Tout en contribuant à l’activité économique locale, ils sont porteurs d’une autre dimension essentielle : la richesse et la multiplicité des échanges et des relations sociales qui font vivre nos montagnes.
Jean-François Jacquet
IPNS : Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est une "ressourcerie" ?
Le Monde allant vers... : Une ressourcerie est un centre de valorisation des déchets et de promotion de comportements plus respectueux de l'environnement. Concrètement, une ressourcerie met en pratique trois thèmes majeurs concernant la gestion des déchets : la réduction à la source, le réemploi et le recyclage. En ce qui concerne la réduction à la source, chacun sait bien que les déchets qui coûtent le moins cher au citoyen et qui n'ont pas d'incidences sur l'environnement sont ceux que l'on ne produit pas ! La sensibilisation et l'information peuvent permettre de changer nos comportements, de retrouver un bon sens que, pour beaucoup, nous avons perdu en une génération. Il s'agit de mettre en pratique au quotidien les gestes qui permettent de réduire le gaspillage et les déchets pour que nos enfants ne vivent pas sur une planète pillée et dévastée. Notre deuxième axe c'est le réemploi. Beaucoup d'objets qui partent en décharge ou en déchetterie peuvent être réutilisés, soit en l'état, soit après réparation, soit en pièces détachées après démontage. Ils peuvent aussi être détournés de leurs fonctions premières pour d'autres utilisations (artistiques par exemple). Donner une deuxième vie aux objets, c'est réduire les tonnages en décharge et donc les coûts pour les citoyens. C'est également offrir à la vente des objets à prix modiques.
Enfin, en dernière solution, il y a le recyclage. Certains objets, inutilisables, peuvent être démontés afin de séparer les matières pour les valoriser. Par exemple un canapé convertible hors service qui va normalement à la décharge peut être démonté et valorisé en bois, tissu et métal. Cette action participe encore à la réduction des tonnages en décharge. Elle a également une incidence sur la préservation des réserves de la planète car les matières recyclées servent à refabriquer des objets sans prélever dans les gisements naturels.
IPNS : Concrètement, que fera votre ressourcerie ?
M.A.V. : Le projet du Monde à l'envers... se déclinera de quatre manières : des collectes à domicile sur rendez-vous, en porte à porte ou en apport volontaire. Ces collectes sont faites délicatement (les objets ne sont donc pas jetés en vrac dans des bennes) afin de préserver les objets dans le but de leur réemploi ou de leur recyclage. .
Elle favorise la maîtrise de notre consommation et donc des déchets produits.
IPNS : Aujourd'hui quelles sont vos activités ?
M.A.V : Actuellement nous menons une étude de faisabilité pour valider la pertinence d'une telle initiative sur le pays Monts et Barrages en Haute-Vienne (cantons d'Eymoutiers, Châteauneuf la Forêt et St Léonard de Noblat). Nous recherchons un local à Eymoutiers ou en périphérie pour y installer notre magasin. En effet, nous avons déjà commencé des collectes auprès des particuliers, trié et valorisé les objets recueillis et nous organisons des ventes mensuelles sur le marché d'Eymoutiers. Enfin, nous préparons une grande manifestation d'une semaine à Eymoutiers au printemps 2004 : "Un pas plus loin…", qui montrera grandeur nature ce que peut faire une ressourcerie (voir programme de cette manifestation page 9).
En attendant, si vous avez un grenier à vider, une cuisinière ou un poêle dont vous n'avez plus l'utilité, des vêtements que vous ne portez plus, et tous objets dont vous voulez vous débarrasser (livres, vaisselle, électroménager, bibelots…) vous pouvez faire appel à nos services gratuitement.
IPNS : On a bien compris les missions d'une ressourcerie. Mais pourquoi une ressourcerie "culturelle" ?
M.A.V. : On ne veut pas faire que des collectes, du tri et de la remise en état. Notre action se justifie surtout si elle débouche sur une évolution de nos comportements de consommateurs… C'est une véritable évolution culturelle qui est nécessaire. Nous ne travaillons pas seulement sur la matière et le déchet, mais sur tout ce qui autour, dans nos manières de vivre, d'acheter, etc. génère ces déchets. Concrètement la ressourcerie ne sera pas seulement un lieu où l'on trouvera des objets recyclés. On pourra y organiser des débats, y présenter des expositions, proposer de la documentation ou bien demander à des artistes d'intervenir au sein même de notre structure. C'est pourquoi nous parlons de ressourcerie "culturelle".
L'association Le Monde allant vers... intervient sur les territoires suivants : cantons d'Eymoutiers, Saint Léonard, Châteauneuf la forêt, communauté de communes de Royère-Bourganeuf, communauté de communes du plateau de Gentioux et cantons de Bugeat, Sornac et Treignac.
association le monde allant vers…
Les amateurs limousins de polar ont leur association : La Vache qui lit, qui est aussi le titre du petit journal, fanzine de littérature policière édité par ces fans de romans noirs. On y trouve tous les mois des notes de lecture, des commentaires et des infos sur l'actualité du polar, en région et ailleurs. Sous l'égide de Victor Hugo selon lequel "nous n'avons d'autre choix que le noir", l'association entend promouvoir et défendre la littérature policière sous toutes ses formes. Outre son canard, La Vache qui lit propose différentes animations, intervient en animant des ateliers d'écriture ou en participant à des manifestations sur le genre. Elle rassemble une centaine de membres provenant de toutes les régions de France. Son animateur nous dit pourquoi il aime le polar
Je m'appelle Serge Vacher, j'ai quarante-six ans. J'exerce à mi-temps le métier d'instituteur.
Je suis originaire de Larue. Là s'arrête ma ressemblance avec Johnny Halliday. Sa rue à lui est urbaine, grasse et sombre.
Adolescent, il se faufilait la nuit le long des trottoirs glissants, lavait ses Santiag' à l'eau gazolée des flaques luisantes, sous la lueur blanchâtre des néons.
Le village de Larue, où j'ai grandi, est au creux d'une vallée entre Haute-Vienne, Corrèze et Creuse, au pied des Monédières, premier massif montagneux du Sud. Car tout le monde sait que le Limousin est au sud. Jeune, j'écorchais mes fringues aux ronces des chemins creux et j'accompagnais mon tonton sur les routes mal goudronnées de la région, Sombreros et mantilles ou Le dénicheur en live, ce qui m'a donné le goût de la chanson et de tout ce qui est populaire.
Je m'intéresse au polar, au roman policier, depuis que j'ai appris à lire. C'est à dire depuis que j'ai terminé le dernier James Lee Burke, il y a quelques jours, ou plutôt depuis que j'ai lu mon premier San Antonio, à l'âge de treize ans, je ne sais plus trop.
Je pense que ce genre littéraire permet au lecteur de se distraire : rien de tel qu'un bon polar, comme on dit, pour passer quelques heures de farniente au bord d'un lac ou dans un train.
Le genre, longtemps décrié à tort par les intellectuels bien pensants, permet également de goûter des styles différents, de qualité. Je ne dis pas que tout est bon, je dis qu'il en est du polar comme du reste. Il y a de bons et de mauvais auteurs.
Je m'intéresse à l'écriture depuis que j'ai appris à écrire, c'est à dire depuis que j'ai dû attraper le taureau par les cornes : il a bien fallu que je prenne la plume pour avouer à Marilou que je l'aimais et que je l'aimerais toute ma vie. Mais c'était il y a bien longtemps et beaucoup de vin a coulé depuis ce premier chagrin d'amour.
Mon idée est de faire connaître un genre que j'affectionne et qui m'a donné beaucoup de plaisirs. C'est également de partager le plaisir d'écrire avec d'autres, montrant par là qu'on peut être aussi bien ensemble autour d'une table qu'au bistrot ou devant une télévision cacophonique et bien souvent de peu d'intérêt. Je souhaite intervenir plus particulièrement auprès des personnes âgées, dans les maisons de retraite ou clubs du troisième âge qui sont bien souvent oubliés pour ce qui est du culturel.
Serge Vacher
Avec la lettre Z l'abécédaire du cyclisme en Limousin qui nous a tenus en haleine sur 26 numéros a pris fin. Après les mollets, notre nouvelle rubrique fera travailler nos yeux et nos méninges en proposant un petit tour des bibliothèques publiques ou privées du Plateau. Et à chaque étape on demandera au bibliothécaire de nous sortir des rayons un ouvrage de son fonds. On commence au bord d'un lac.
Entre Peyrelevade et Faux-la-Montagne, une petite route mène à l'ancienne colonie de vacances d'EDF du lac Chamet, abandonnée depuis 15 ans, mais à nouveau habitée depuis 5 ans par une petite colonie de personnes qui ont voulu édifier ici une sorte de laboratoire de recherche informel, un « lieu d'étude » ouvert et hors les murs de l'université (Cf. IPNS n° 66). Qui dit labo de recherche (même informel !) dit aussi livres et bibliothèque. Le projet d'en installer une sur le lieu date de l'origine, mais il a fallu quelques années pour qu'il se réalise. Le temps de rendre habitable une des ruines de la vieille colo, la maison du gardien en l'occurrence, qui prenait l'eau et l'air – deux ennemis du papier !
Aujourd'hui, deux salles entièrement refaites accueillent quelques milliers d'ouvrages et depuis cet été, cette bibliothèque privée s'est ouverte au public, à tous ceux qui voudraient d'abord y flâner pour repérer ce qui s'y trouve puis qui auraient envie de profiter de cette nouvelle ressource. Le lieu est donc ouvert tous les mercredis de 10h à 20h. Yannick, l'une des chevilles ouvrières de l'affaire, ancien bouquiniste sur les quais de Seine à Paris, est venu avec ses cartons remplis de livres auxquels se sont ajoutés des ouvrages donnés ou récupérés auprès d'amis et de relations. Aux quelques 5 à 6000 ouvrages ainsi réunis sont venus s'ajouter récemment 10 000 autres provenant du legs d'une psychanalyste décédée – ces livres ne sont pas encore en rayon car la place manque. Pas pour longtemps, car si la bibliothèque actuelle occupe le rez-de-chaussée de la maison, elle pourra se développer dans les années à venir en conquérant l'étage qui nécessite encore des travaux et surtout une réfection complète de la toiture – un gros budget. D'autres rayons s'y installeront un jour.
Ce qu'on trouve dans cette bibliothèque ? Beaucoup de diversité. Mais ce qui domine ce sont les sciences sociales, un gros rayon philosophie, mais aussi des étagères consacrées à l'histoire, à la sociologie, à la politique, aux beaux-arts... On trouvera aussi un rayon sur la botanique et toute une partie consacrée à la littérature – française et étrangère – avec, entre autres, de la poésie et du théâtre. On pourra tomber sur un recueil de haïkus, sur les œuvres complètes de Lénine (une curiosité !), les livres de base des principales sciences humaines et des livres pour reconnaître les plantes ou jardiner. Un éclectisme apparent, tant l'ensemble respire une certaine unité, le reflet dirions-nous d'une aspiration à comprendre le monde et à y jouer un rôle actif, ne serait-ce que sur quelques arpents délaissés par le loisir social de la fin du XXe siècle.
Sur place, on peut emprunter des livres (en particulier dans le rayon littérature et histoire) mais d'autres ne sont que consultables. Une table et des chaises et un gros poêle sont là pour ça. La bibliothèque n'est donc pas seulement un lieu de passage, c'est aussi un lieu de lecture, d'étude et d'échanges ; des évènements y seront parfois organisés et il y a même un coin lecture pour les enfants. Pour permettre de racheter les livres qui pourraient ne pas être rendus et participer aux frais quotidiens et à l'entretien du lieu, une caution-cotisation de 15 € est demandée qui permet d'adhérer à l'association. Alors, à un de ces mercredis au Chamet ?
Michel Lulek
Un livre sorti des rayons
Manuel de survie de Giorgio Cesarano, édition la Tempête.
Dès les années 1970, Cesarano observe que le développement du capitalisme sur l’intégralité de la planète exige de penser à nouveaux frais. Le monde comme les subjectivités sont désormais devenus fictifs. Les termes du conflit sont redistribués. Non plus « socialisme ou barbarie », mais « communisme ou destruction de l’espèce humaine ». Loin d’invoquer les formes historiques de la révolution, Cesarano propose d’un même mouvement une analyse profonde des développements du capital et une critique radicale des subjectivités contemporaines.
Il y a trois ans, suite à une visite au stand du “Carrousel” de La Souterraine à la foire bio de Guéret, nous décidons avec quelques amis d’organiser une réunion à Faux la Montagne pour expliquer le fonctionnement d’un S.E.L. (Système d’échange local) et sonder l’opportunité de créer une telle association sur le plateau.
Sur une quarantaine de présents, une dizaine est prête à tenter l’expérience. Plutôt que de recréer une nouvelle structure, nous nous rallions au groupe de La Souterraine déjà en place depuis 1997. Avec les quelques motivés, il nous restait alors à faire vivre notre S.E.L.
Le S.E.L. est une association loi 1901, reconnue, inscrite en préfecture, dont les adhérents peuvent effectuer entre eux des échanges de biens, de services, de savoir ou de savoir-faire, à l’aide d’une monnaie interne : le nèfle (fruit du néflier qui n’est consommable qu’après les gelées et n’a jamais eu de valeur marchande…). Ainsi, par exemple, je donne 1 kg de pommes de terre et tu me donnes 10 unités d’échange (10 nèfles). Avec ces 10 nèfles je peux avoir des poires proposées par un autre adhérent, où des cerises quand ce sera la saison…
Le nèfle est donc une monnaie associative, créée par l’échange. Nous sommes créateurs de cette monnaie à l’instant où nous quantifions et arrêtons notre échange. La monnaie nait de l’exercice d’une fonction humaine simple.
Les échanges se traitent librement entre deux adhérents qui conviennent ensemble du montant, de la nature et des aspects pratiques de l’échange. Ensuite, chacun note sur sa feuille de compte la valeur de l’échange (+ 10 nèfles pour celui qui a donné les pommes, - 10 nèfles pour celui qui les a reçues). La feuille est cosignée par les deux parties. Chacun tient lui même ses comptes et inscrit son solde qui est vérifié une fois par an par le bureau de l’association au moment du renouvellement de l’adhésion (à partir de 8 euros pour cette année). Le solde ne doit pas dépasser – ou + 5000 nèfles.
Depuis notre arrivée dans le “Carrousel”, l’association est organisée en trois secteurs : La Souterraine, Guéret et Faux. Chaque secteur est animé par une personne chargée de faire vivre son groupe en toute liberté. Ainsi, à Faux, nous organisons une réunion tous les deux mois où chacun exprime ses demandes. Nous essayons d’y répondre immédiatement ou de tuyauter la personne vers d’autres susceptibles de l’aider. Cette rencontre est aussi un moment de partage chaleureux, convivial où tout le monde a plaisir à se retrouver. La rencontre, l’écoute des besoins des autres, le vis à vis semblent les outils les plus efficaces pour organiser les échanges, mais nous avons aussi d’autres moyens à notre disposition :
Sur le secteur de Faux, nous organisons depuis cette année des chantiers collectifs (rétribués 100 nèfles la journée) qui permettent d’agir concrètement et collectivement dans un esprit fraternel et solidaire en effectuant des tâches nécessitant des bras ou peu plaisantes à entreprendre seul.
Ainsi tous types d’échanges ont lieu : de la garde d’enfants au coup de main pour déménager, du travail de couture à l’acquisition d’un cheval jusqu’au nettoyage des vitres de sa maison… Tout est possible à partir du moment où les adhérents se sont mis d’accord sur les conditions de l’échange. Dans la plupart des S.E.L. de France, l’heure d’échange est évaluée à 60 unités.
En mettant en place ce système à Faux, j’ai voulu à ma façon contribuer à rendre ce monde plus humain, en agissant là où je suis, là où je vis d’une manière concrète. Par le biais de l’échange, de l’entraide, du partage, de la communication, nous créons ou recréons un tissu, un lien social de plus en plus absent et pourtant nécessaire à toute société. Ce système favorise un comportement d’acteur et non d’assisté en créant des richesses qui, n’étant pas monnayables, ne seraient pas mises en valeur dans le système économique actuel. Ceci permet de dépasser la barrière de l’argent et de découvrir ce qui devrait toujours être mis en avant : la richesse des hommes. L’individu se trouve alors au cœur du processus économique et se sent autonome et responsable.
En ville comme à la campagne, l’appartenance à un tel groupe permet de sortir de l’isolement, de la solitude en créant un réseau de connaissance et de soutien moral pour redonner à ceux qui l’ont perdu le goût d’entreprendre de nouvelles choses, pour redonner le courage de continuer des travaux commencés…
Par ailleurs, la diversité des membres, de par leurs modes de vie, leurs âges, leurs pensées, et le climat de tolérance qui se dégage du S.E.L. font se côtoyer et s’accepter comme telles des personnes d’horizons différents.
Une telle association sur le plateau me paraît avoir sa place et s’inscrire dans la continuité de l’histoire de ce pays enclin depuis longtemps au partage et à l’entraide. Donc, avis à tout ceux qui partagent ces idéaux, qui veulent en savoir plus, qui… Notre porte est grande ouverte pour les accueillir !
Chantal Lebreton
Il en ressort une liste à la Prévert aussi poétique qu'essentielle et finalement cohérente : tout à la fois une part de rêve, de paillettes, de chez-soi, de projet politique, de possibilité de concilier artistique, festif et social, un espoir de transformation sur laquelle on aurait prise, un outil pour les habitants du territoire... qui disparaît. Nous ressentons communément que ce projet n’a pas d’équivalent, que son identité était à bien des égards unique en son genre.
Nous savons bien que partout déjà surgissent des nouvelles pousses de folies, des envies de s’ensauvager à long terme, des idées pour s’encanailler loin des sentiers battus. Et nous nous en réjouissons.
Les raisons qui nous ont poussés à arrêter sont bien sûr multiples, bien des histoires s’enchevêtrent aux niveaux local et national, des histoires interpersonnelles et des manques d’énergie, des difficultés à enraciner de nouveaux membres sur le long terme, une crise Covid et des partenariats qui s’effritent… Difficile d’énoncer « les raisons » de notre arrêt. Des décisions très politiques toutefois nous ont mis des gros bâtons dans les roues…
2017 et l’arrivée du nouveau président de la république a été un coup dur pour nous : la fin des emplois aidés nous a coupées dans notre élan de préfiguration de centre social. Malgré le soutien indéfectible de la CAF de la Creuse, l’association, alors en plein essor, a dû renoncer à renouveler les contrats de ses deux salariées. Recherche d’un nouveau fonctionnement interne, tentative d’ouvrir le CA... une période de « flottement » jusqu’à l’arrivée du Covid qui n’a bien sûr rien arrangé. Puis l’entrée en vigueur de la loi séparatisme avec son « contrat d’engagement républicain » gravé dans le marbre a rendu visible le mécanisme jusqu'alors souterrain qui vise le monde associatif comme un espace de contre-pouvoir dangereux. Au même titre que plusieurs autres associations locales, la relation devient ubuesque avec les institutions, menant au blocage. Comme l’impression que de vouloir vivre, construire et penser en dehors de la macronie était désormais un délit.
Manifestement, promouvoir le rapprochement social, des pensées complexes et une pluralité de modèles de vie hors des sentiers de la marche libérale n'est plus au goût du jour. Lorsque la troisième résidence longue, soutenue par la DRAC, sur le thème « Faire ressurgir le beau » est bloquée en préfecture de Région, c'est le pompon et le dernier coût de poignard. Tout est dit. Et tout se confirme depuis... Faire ressurgir le beau n'est pas dans les lignes du projet national.
Le temps d'une recherche pour un vivre ensemble plus malin est loin. L'ingéniosité devra se travailler ailleurs, hors des protocoles consentis. Retour en anormalité pour chacun·e d'entre nous.
Le Constance social club c'était bien sûr les deux grands rendez-vous annuels de la fabrique du 1er mai et du Carnaval sauvage, un travail de réseau et de soutien social souterrain bien moins connu, et surtout des idées farfelues et atypiques qui resteront dans l'histoire comme pourvoyeuses de sourires et d'estime de soi : le Jovial Coiffure, le club de rire, les majorettes, les soirées chansons autour du piano, des animations d'une ingéniosité rare : le scrabble géant où chaque personne du public était porteuse d'une lettre de l'alphabet (palme de la meilleure animation d'intégration lors d'une soirée co-organisée avec les CADA), sans oublier en vrac : la construction de bacs à fleurs qui peuplent encore le village, le débroussaillage sans fin du jardin mis à disposition par l'Arban près de Tom Pousse où un verger, des poules et de nombreuses animations et représentations ont fleuri, de nombreuses expositions chez Constance, au Brin de zinc, à la Mairie, dans les médiathèques ou aux fenêtres des habitants et des commerces du bourg, des ateliers à destination des enfants et des familles à l'école, avec Cadet Roussel ou au Constance, des lotos fleuris, des karaokés géants, un dimanche à l'accordéon dans la salle des fêtes, une lecture poétique accompagnée de musique improvisée dans le hall de l'école, des battles de DJ, des concerts de très très jeunes talents, un cabaret débat politique avec Bernard Friot, des banquets gigantesques dans la cour de l'école, des soirées pop-corn-tchache ou soirées film débat, des marchés du livre de Noël parfois couplés avec des compétitions nationales de lancer de bûche, des matchs de blagues drôles, des concours de pull moche, l'accueil du réseau des Cafés culturels et associatifs et la participation à l'impulsion d'un réseau Limousin, des ateliers tango, du théâtre d'ombres, la distribution de Pass Culture et de Pass associatif, de l'information courante sur les bons plans, des ateliers de fabrication de badges, des performances poétiques, par exemple dans le cadre de Folie les mots, des tables rondes radiophoniques, des bibliothèques à thèmes à de multiples occasions, des concerts de chantiers, les « goguettes » écrites et interprétées localement, « à poil les papas » pour inciter à aller à la piscine ! Des ateliers de découverte de la sérigraphie, de la vannerie, de l'impression en typo, de gravure, de création de masques et de costumes, de couture, de dessin, de chanson, d'écriture poétique, d'improvisation musicale, de fabrication de bière, de cuisine végane, de fabrication de biscuits, de photographie et de développement, de réparation de vélos, de batucada, tampon en gomme, collages pour carte postale, pompon fleuri en papiers, loopers, mandala, des siestes musicotées, une programmation culturelle et musicale dont il est impossible de faire état : des résidences de musique à l'occasion du carnaval sauvage en partenariat avec Toutazimut, l'accueil du Vlad tour, du projet « des arts, des ânes et des hommes » et d'arts plastiques comme celle de Pascale Ben, d'Anna Gianferrari avec les célébrations de pleine lune, celle de Julie Jardel autour de l'enterrement du patriarcat, comme celle de Géraldine Stringer pour « Faire ressurgir le beau »…
Mais aussi l'aide à la structuration et le soutien à des initiatives portées par des tiers : le théâtre pour les enfants et les ados, l'école de la forêt, l'éveil musical pour les tout petits, les ateliers beat box, etc... Une banque de matériel de prêt pour soutenir les initiatives des copaines : gobelets écocup, tables, chaises, batterie de cuisines et de service…
Nous avons souhaité incarner une manière de vivre ensemble autant que faire se peut joyeuse et décalée, une usine à anecdotes loufoques qui ont enraciné l'esprit du social club : la distribution de graines de fleurs dans les boîtes aux lettres, l'attribution de costumes variés au pouti de la Fontaine de Faux-la-Montagne, Le punch "Béton" mythique au gingembre avec ou sans alcool... parfois servi à la bétonnière, des toboggans sans fin à balles de golf, la customisation du mur d'affichage sauvage de l'autre côté de la rue, notamment avec les coloriages géants (marque de fabrique des affiches du 1er mai), les barbeuks géants du 1er mai, un rendez-vous toujours loufoque et féministe pour la Saint Valentin ou la journée de la lutte des femmes... (atelier typographie, fée carabine, émission radiophonique de dédicaces et de conseils émotionnels...), une commission rhum arrangé qui a expérimenté pendant des années les meilleures recettes traditionnelles ou locales, des cartes postales du carnaval sauvage qui encore aujourd'hui s'exportent… L'ouvrage magnifique de Portraits réalisé à l'initiative de Lætitia Carton et avec le concours d’Edmond Baudouin, réunissant des portraits d'habitants de Faux-la-Montagne.
Et donc la partie invisible de l'iceberg, un travail de fond de coordination sur les questions sociales et familiales : un groupe de parole sur les burn out dans les structures non hiérarchiques avec l'ARACT, groupe de travail sur les questions employeuses, le portage d'une référente famille avec un travail de fond sur une réflexion globale et une coordination des actions familles sur le territoire. Des projections pour enfants en parallèle de projections pour adultes en direction des familles, le safari des familles, de nombreux évènements autour des questions féministes au sens très large : une soirée sur le thème des nullipares, un atelier de création d'affiches à destination des lieux organisateurs de soirées concernant la prévention des risques sexistes avec Alouette Machine, un groupe de travail inter-structures autour de ces questions, un week-end à soi avec des arpentages, projections et des badges à destination des serveuses et serveurs. Une commission bistrot d'échange de pratiques sur la fonction de barman-maid ! des formations internes et en direction de nos partenaires réguliers, et beaucoup beaucoup beaucoup de frites et de repas délicieux…
Ça nous attriste de fermer la boutique, mais ça nous soulage aussi. Nous retrouverons alors de l’énergie pour réinventer ou participer individuellement à toutes sortes de propositions qui sauront donner vie à de la bordélisation joyeuse, de la créativité sans bornes, des soulèvements salvateurs, de l’organisation collective pour la réappropriation de nos modes de vie.
C’était con, c’était intense, c’était Constance.
En quoi consiste le projet de La Bascule et quels sont les objectifs du rassemblement de Pigerolles ?
La Bascule est une association régie par le droit français conformément à la loi de 1901 qui a pour ambition de faire émerger un nouveau modèle de société dans le respect de la nature et de l’humain grâce à l’intelligence collective, à la coopération et aux expériences existantes dans leur diversité. Elle compte accélérer la transition démocratique, écologique et sociale en réunissant les moyens humains et financiers disponibles afin de propulser, catalyser et relier les initiatives engagées en ce sens. C’est un mouvement citoyen engagé pour la transition, animé par près de 100 volontaires bénévoles à plein temps qui agitent l’écosystème des acteurs du changement. Elle prévoit d’organiser un rassemblement citoyen très grand public qui placera l’action, le bon sens et l’intérêt collectif au cœur de son dispositif. Pendant 3 jours, des organisations engagées proposeront pour tous les participants des ateliers, formations, animations, conférences, concerts, happenings ou encore des épreuves sportives afin de créer une ambiance conviviale propice à l’apparition de synergies créatives et efficaces.
Comment sera financé cet événement? Quels sont les sponsors financiers ?
La Bascule accepte tous types de financements. Ces derniers doivent respecter les directives suivantes :
Vous définissez-vous comme un projet politique ?
La Bascule n’est, ni ne sera jamais un parti politique et ne donnera aucune consigne de vote. Mais c’est un mouvement politique et apartisans. Nous sommes toutes et tous liés par un destin commun et s’emparer du débat à ce sujet s’appelle faire de la politique. Pour autant, chaque personne, chaque culture, chaque territoire doit pouvoir s’exprimer et s’épanouir dans sa diversité. Être apartisan signifie laisser l’autonomie permettant à tout être humain, collectif ou territoire, de faire ses choix par lui-même.
En faisant le choix de venir sur la ferme de Jouany Chatoux, l’évènement apparaît marqué d’une étiquette macroniste. N’est-ce pas contradictoire avec le choix d’un événement rassembleur ?
L’idée de ce festival est de cultiver la diversité autour des thèmes de la transition écologique, sociale et démocratique, aussi bien en termes de personnalités présentes que de public. Nous sommes conscients que les notions « d’acteurs de la Transition » et de « Respect de la Nature et des Hommes » sont bien subjectives. Le risque est de voir venir des promoteurs de certains modèles en contradiction avec ces valeurs. Ainsi nous comptons aussi sur la diversité pour faire venir les contradicteurs (quitte à aller les chercher) et ne pas laisser le champ libre à ces fausses solutions.
Dans de nombreux domaines les clivages se multiplient et s’accentuent, nous prenons actes de ces différents conflits et œuvrons pour que ceux-ci deviennent sources d’enrichissement pour tous. Pour cela, des animations, débats et ateliers d’intelligence collective, encadrés par des partenaires spécialisés, s’efforceront de faire émerger de ces conflits une issue favorable au vivre ensemble dans le respect de la nature et des hommes. La diversité du public sera d’importance, afin de ne pas retomber dans les travers de « l’entre soi » et que celui-ci soit le plus représentatif de la population. Car le nouveau récit d’une société soutenable et désirable ne se construit pas qu’avec les acteurs engagés mais aussi avec la population, afin d’être le plus inclusif possible. Pour y arriver : une programmation sportive, d’animations et de concerts diversifiés, un tarif d’entrée accessible (sous le format de participation consciente) et une communication ciblée sur les milieux trop souvent absents de ce genre d’évènement.
Sur le plateau de Millevaches, les représentants de l’État se sont opposés ces derniers temps avec une partie importante des acteurs locaux (dans le cadre du soutien à des migrants en phase d’expulsion ; de la lutte pour la défense des dessertes ferroviaires ; sur la question forestière ; sur le projet de réouverture de mines en Creuse, etc.). Des contrôles policiers très fréquents ont lieu sur le territoire et la préfecture de la Creuse étiquette même une partie des habitants comme d’ultra-gauche... Quant au mouvement des Gilets jaunes il fait l’objet d’une répression particulière. Dans un tel contexte, comment La Bascule se positionne-t-elle ?
De notre visite sur votre territoire, nous avons eu un aperçu des luttes qui s’y déroulent. Sachez que nous y sommes sensibles et qu’elles attirent forcément notre sympathie. Mais nous n’avons pas la prétention, en trois mois d’existence, d’avoir pu cerner les différentes situations pour nous positionner, surtout avec le peu de temps que nous laisse l’organisation de ce festival. Et qui de plus pertinent que les acteurs locaux, les Gilets jaunes, les migrants pour parler de ce qu’ils vivent ? Nous allons bien sûr les solliciter car nous aimerions vraiment compter sur leurs présences lors du rassemblement pour contribuer à cette intelligence collective au service du vivre ensemble et d’un projet commun.
À l’origine, l’arrivée d’un groupe de personnes liées par des désirs politiques et installées depuis 2004 sur la ferme du Goutailloux, à quelques encablures du village. Son but ? En faire un lieu d’expérimentation et d’organisation en dehors du mode de vie dominant.
« Des dizaines de personnes sont venues acheter pas mal de petites fermes dans ce coin devenu un pilier de la contestation, explique un Tarnacois d’alors. Mais cette arrivée massive a divisé la population, les uns estimant que les Jeunes avaient semé la pagaille, les autres qu’ils ont fait vivre le Plateau. »
Toujours est-il que, dès 2007, Trois d’entre eux avaient repris le restaurant ouvrier du bourg en louant les murs à son propriétaire dans le cadre d’une société à responsabilité limitée (SARL) pour que se maintiennent les activités d’épicerie, bar et cantine populaire. Ils avaient également continué à faire tourner le camion-relais pour approvisionner les hameaux et villages des alentours.
Les bonnes volontés se sont ensuite succédé pour faire vivre le magasin et en 2018, le groupe a décidé d’acquérir les murs du MGT grâce notamment à un financement participatif.
Liquidée au 31 décembre 2023, la SARL passe alors le témoin à une association de bénévoles constituée le 8 janvier 2024, qui loue les murs à la SCI propriétaire. Son conseil d’administration, composé actuellement de sept membres, est collégial. Il pilotera entre autres les bénévoles, tant anciens que nouveaux, qui auront pour tâche d’œuvrer ensemble, en osmose, pour relever ce nouveau défi.
Ses missions, inscrites dans une charte, visent à créer et développer un lieu de vie ouvert à toutes et tous, favorisant les rencontres et l’entraide, sur fond d’une offre générale accessible et respectueuse de l’environnement. Un règlement intérieur, destiné aux membres de l’association, en explique les modalités de fonctionnement interne.
Afin de préparer la reprise dans les meilleures conditions possibles, divers groupes se sont formés en vue d’analyser les tenants et aboutissants des différentes composantes d’un tel enjeu : élaboration d’un planning des bénévoles susceptibles d’occuper les créneaux horaires concernant l’épicerie et le bar ; démarches juridiques et administratives ; embauche de deux salariés, l’un pour la comptabilité et le développement de l’épicerie, l’autre en charge des approvisionnements ; contact avec les fournisseurs et producteurs locaux ; réaménagement des locaux ; communication.
Après l’ouverture, dans le cadre du fonctionnement régulier, des réunions se tiendront entre bénévoles par pôles concernés (épicerie-bar-cantine), afin de fluidifier les liaisons nécessaires.
Enfin, il importe de mentionner un élément de poids, au sens propre comme au sens figuré, dans ce nouveau paysage : le célèbre camion des trois tournées différentes effectuées en campagne chaque semaine, et qui couvrent l’étendue de plusieurs communes : Tarnac, Peyrelevade, Gentioux, Faux-la-Montagne, La Villedieu, Nedde, Rempnat, La Nouaille... Bien reconnaissable, il fait partie de l’ADN du MGT, dont il est le phare ambulant. Parmi ses soixante à soixante-dix clients.es selon la saison, donnons la parole à Madame Rebière : « Je prends tout au camion du MGT, et ainsi, je ne demande rien à personne… » De fait, le véhicule institutionnel permet à cette dame âgée de continuer à vivre en autonomie et dignement, sans avoir à se sentir redevable. Il poursuit ainsi une mission de solidarité assignée de longue date.
« La nouvelle équipe s’ouvre aux villageois », plaide le groupe producteurs : « Ce territoire peu peuplé, au climat rude, difficile à cultiver en raison de terres pauvres et acides, peu mécanisables, rend difficile le développement de projets agricoles et artisanaux. Le MGT offre aux producteurs et artisans locaux un soutien non négligeable. En favorisant au mieux les produits locaux dans ses rayons, il apporte une solution partielle à nos difficultés de commercialisation. Et là, contrairement à la grande distribution, il joue à plein un rôle social territorial essentiel en soutenant la pérennisation des petites activités économiques locales, ce qui est pour nous une chance, mais aussi une bonne chose pour la clientèle. »
En parallèle, hommage est rendu au staff ancien qui, malgré les difficultés, a eu « le courage de se relancer dans un projet collectif ouvert à l’ensemble des habitants volontaires de Tarnac. Ainsi, le magasin se transforme dans l’objectif de mieux servir le village et le territoire environnant. Il serait même pertinent que d’autres magasins de ce type puissent voir le jour sur le Plateau. »
Ce groupe « producteurs » compte dès maintenant 8 membres et devrait s’étoffer rapidement. Pour ceux qui acceptent de tenir une permanence à l’épicerie, le Magasin abaisse sa marge.
Quant au groupe « fournisseurs », il a effectué un tri de produits pour plusieurs profils de clientèles, avec un glissement vers des produits écologiques en lieu et place de produits chimiques, « quand on a le choix, tout en ayant le souci de ne pas augmenter le prix du panier moyen. »
Il est 8h30. Après celles du bar la veille, l’épicerie du MGT vient de rouvrir ses portes, à l’issue d’un intermède de trois mois nécessaires au changement de structure juridique. À bas bruit pour une reprise en douceur…
Christiane, cliente depuis longtemps, fait le tour des rayons : « C’est magnifique, ils ont bien travaillé !», s’exclame-t-elle. Quant à Bernadette et Liliane, qui vivent à Tarnac depuis une quarantaine d’années, elles affichent une fidélité sans faille à l’égard du Magasin qui représente pour elles beaucoup plus qu’un simple lieu où elles viennent s’approvisionner en duo : « On y vient tous les jours, pour nos courses bien sûr, mais surtout pour prendre au bar ou sur la terrasse un petit sirop ou un café, et y passer un moment convivial avec les uns et les autres. C’est bon de voir de nouveau le village revivre… » Quant au camion-relais, il a repris la route dès le vendredi 3 mai. « Les pilotes étaient impatients », a publié le groupe communication.
Restera à la jeune association à envisager l’avenir du troisième pilier de la trilogie, à savoir la cantine. Il est à l’étude. Enfin, le tout sera agrémenté d’un programme d’activités festives et culturelles prévues dans l’enceinte du bar, et qui restent encore à définir.
Michel Rouault
IPNS a demandé au Président du parc, Christian Audouin, de réagir à la lettre ouverte qui circule actuellement sur le plateau. Voici sa réponse sous forme de non-réponse...
“Je suis sensible à votre invitation à m’exprimer dans les colonnes d’IPNS. Votre proposition de répondre à l’initiative d’un certain nombre de pétitionnaires ne me paraît pas réalisable en l’état actuel des choses. Comment, en effet, pourrais-je engager le Parc Naturel Régional dans une telle confrontation publique de points de vue avec les signataires d’une “lettre ouverte”, dès lors que je ne suis pour l’instant destinataire d’aucun courrier, d’aucun document de leur part. D’ailleurs à ce jour, pour ce qui me concerne, je n’ai eu accès indirectement qu’à la lecture de certains fragments du texte en question. Il m’est aussi difficile de prendre en considération officiellement cette initiative puisqu’elle est entachée de certaines malversations dont ont tenu à témoigner auprès de moi des associations ou des élus qui condamnent l’utilisation de leur nom à leur insu par les initiateurs de cette lettre ouverte. Tout cela m’amène à m’interroger sérieusement sur les véritables raisons qui pourraient se cacher derrière cette initiative dans laquelle l’intérêt du territoire pourrait ne pas être l’objectif unique.
Pour autant, je suis évidemment disponible pour porter à la connaissance de vos lecteurs dans l’une de vos prochaines éditions une information la plus précise possible portant sur les compétences, les missions et les actions du PNR de Millevaches. Je suis tout aussi disponible pour présenter dans vos colonnes les méthodes démocratiques à forte connotation participative qui vont présider à l’élaboration du prochain Contrat de Parc dont la signature devra intervenir avec l’Etat, la Région et les Départements avant le 31 décembre 2007”.
Christian Audouin pourra donc prendre connaissance de l’intégralité de la lettre ouverte en lisant IPNS et nos lecteurs découvrir les “méthodes démocratiques à forte connotation participative” que le parc envisage de mettre en place en lisant ci-dessous.
Le parc et les associations c’est “je t’aime, moi non plus”... Lors de sa réunion du 22 novembre 2006 le bureau du parc a adopté à l’unanimité un rapport relatif aux “relations du PNR avec les associations”. Il a été décidé que pourront être établis deux types de relations avec les associations :
Soit des “relations partenariales association/PNR dans un cadre évènementiel : lorsque l’évènement proposé est en concordance avec les objectifs de la charte, le PNR pourra être amené à intervenir sous la forme d’une prestation de sa part s’intégrant au programme de l’évènement. Exemple : organisation d’une conférence thématique, exposition, soutien à la communication, etc...”. Seuls ces évènements pourront bénéficier “de la référence à la marque PNR”.
Soit des “relations à travers la réalisation d’une prestation par l’association pour le compte du parc. Ce type de démarche (...) sera étudié au cas par cas”.
Enfin, troisième principe adopté par le parc, des “aides exceptionnelles pourront être étudiées au cas par cas pour permettre un appui au démarrage ou à l’investissement ponctuel dans des associations dont les objectifs sont en concordance avec ceux de la charte du PNR”.
On résume : une association ne pourra entretenir avec le parc qu’une relation de prestataire de service avec le parc (cas n°2) ou un partenariat occasionnel dans le cadre d’un événement ponctuel et dans ce cas le parc gérera lui-même sa prestation au sein de la manifestation. Bref, bien loin de l’esprit coopératif et associatif, le PNR aligne ses relations avec les associations sur les principes classiques de relations quasi commerciales entre prestataires privés.
Dans son comité syndical du 31 janvier le parc a décidé de la procédure pour élaborer le futur contrat de parc (2007-2013). Pendant que se mettra en place au sein du parc “un dispositif permettant de coordonner et recueillir les résultats de la réflexion générale (groupe de travail pouvant réunir les élus, l’équipe du parc et des spécialistes extérieurs)”, le Conseil de Valorisation de l’Espace Rural de Millevaches sera sollicité pour élaborer ses propres propositions à partir du travail de ses commissions.
Jusque là rien de bien neuf...
Nouveauté : l’installation de six groupes de travail thématiques qui se dérouleraient sous forme de “rencontres publiques ouvertes aux citoyens” (les citoyens, messieurs dames, c’est vous et moi !). Ces réunions “permettraient d’informer le public des propositions formulées par le PNR et le Conseil de Valorisation et de recueillir les avis et propositions du public. Ces rencontres solliciteraient aussi la participation d’intervenants spécialistes extérieurs”. Le bureau du parc proposait de confier l’animation de ces réunions à un cabinet extérieur, mais le comité syndical a préféré opter pour un animateur en interne. Ces groupes de travail tourneraient autour des thèmes suivants : le patrimoine naturel, le patrimoine architectural, la valorisation des productions agricoles et forestières par la marque parc, les ressources énergétiques, le tourisme et les activités de pleine nature et l’accueil d’actifs et les filières économiques. Pour le moment seuls les élus du territoire ont été invités à s’inscrire dans ces groupes de travail qui devraient se réunir au moins deux fois avant fin juillet.
On peut évidemment redouté que l’information sur les propositions du parc ou les paroles des “spécialistes extérieurs” réduisent à une peau de chagrin la velléité participative de ce genre de réunions – on en avait eu l’exemple magistral à Sornac il y a quelques années lors de la présentation de la charte où le public était condamné à poser quelques questions avant d’écouter la bonne parole du Préfet de la Corrèze que le président du parc avait demandé d’applaudir... avant même son discours !
Jacques Longchambon est depuis 18 ans président d’une association culturelle à Crocq. Il a signé la lettre ouverte au PNR et explique pourquoi.
“Depuis très longtemps j‘ai participé à jeter les bases du PNR avec Pierre Desrozier (maire de Gentioux à l’époque), François Chatoux (maire de Faux la Montagne), André Leycure (maire de Nedde à l’époque), Maginier et beaucoup d’autres.
Enfin créé, ce 44ème PNR français, est me semble-t-il un outil de développement formidable. Sa vocation première c’est l’aménagement du territoire global. Les gens de ce pays sont en attente de la réalisation du PNR. Ils sont certes observateurs mais aussi plein de bon sens car ils sont acteurs à part entière de ce pays. Ils attendent des réalisations concrètes et lisibles par tous.
Pourquoi j’ai signé cette pétition qui à mon sens n’est pas contre le PNR ? On est sur un espace où la communication existe très très peu. Le PNR avec son équipe doit s’investir totalement sur l’espace qui lui est confié. Un espace où le monde associatif est très important, sans lui, d’ailleurs, la société civile aurait explosé. La tâche du PNR c’est de mettre tout cela en réseau, car chaque action doit être complémentaire mais révélatrice et formatrice pour les autres afin d’aller plus loin.
Notre territoire n’est pas facile mais plein de richesse à découvrir. L’action des dirigeants et des salariés du PNR doit être un engagement militant, sans cela il faut qu’ils aillent faire autre chose ailleurs. Tous les écrits produits par le PNR ne sont pas porteurs et compréhensibles par tous. De plus les gens ne parlent pas facilement en réunion. Il faut aller à leur rencontre, les retrouver dans leur environnement propre, voir les gens là où ils vivent tous les jours pour partager leur expérience humaine, relationnelle, naturelle.
Quant à moi c’est le sens de ma vie, c’est le combat que je vis tous les jours. Que ces quelques lignes soient pour celui qui prendra le temps de les lire espérance et opiniâtreté pour ces 113 communes du PNR.”
Jacques Longchambon
Actuellement enseignant, mais auparavant consultant spécialisé dans les « mobilités douces », Nicolas Pressicaud a accumulé des connaissances techniques et développé une réflexion qui se sont affinées et élargies au cours des années. Dans la préface, Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), exalte le vélo comme « un outil incroyable de résilience face aux crises ». Son association a créé le baromètre des villes cyclables qui fait référence en la matière et elle est à l’origine de nombreuses manifestations (toujours pacifiques et non violentes) à ce sujet. Ainsi, à Montpellier, en 2018, après que le maire ait déclaré que « faire une infrastructure cycliste pour qu’elle soit utilisée par deux personnes, ce n’est peut-être pas l’idéal », les cyclistes manifestent sur le thème « Je suis un des deux »... et sont 1 500 à se retrouver !
À la ville comme à la campagne
Nicolas a travaillé avec deux associés, un Allemand et un Néerlandais, ce qui lui a permis d’aller étudier dans leurs pays, ainsi qu’en Belgique et au Danemark, comment étaient résolus les problèmes de déplacements doux. La comparaison avec la France n’est pas à l’avantage de celle-ci. S’il y a eu des progrès dans les années récentes, il reste une bonne marge d’amélioration. Le livre présente une analyse précise, complète et détaillée des aménagements techniques et de l’environnement culturel et politique indispensables pour faire progresser l’utilisation du vélo. Même si la majorité des analyses et propositions concerne les villes, le vélo en campagne n’est pas oublié. Le stationnement, les véloroutes et le VAE (vélo à assistance électrique) concernent aussi le monde rural. Même dans les petites villes, là où il y a des commerces et des services publics, il peut être utile de prévoir des possibilités de stationnement sécurisé. C’est encore plus important aux abords des gares (SNCF ou routières) où chacun devrait pouvoir se rendre à vélo et y parquer sa monture. Le développement des véloroutes, des itinéraires balisés empruntant des routes à faible circulation permet aux randonneurs cyclotouristes de visiter en profondeur nos campagnes. Celles qui existent en Creuse ont été particulièremen fréquentées au cours de l’été 2020. L’arrivée du VAE facilite les déplacements domicile-travail et différents déplacements utilitaires, tout en permettant aux utilisateurs d’avoir une activité physique.
Au-delà du seul vélo, Nicolas Pressicaud réfléchit globalement sur l’aménagement du territoire. Après avoir énuméré les nécessaires mesures de régulation automobile et recensé les possibilités d’associer train et vélo, il dégage deux axes principaux d’intervention. D’abord s’appuyer sur l’architecture historique des centre-ville pour en écarter le plus possible l’automobile (circulation et stationnement) et permettre ainsi que se développent la marche, le vélo, les jeux d’enfants et la nature. Ensuite permettre la revitalisation commerciale des centres urbains. Pour cela il est souhaitable que les commerces alimentaires soient situés en centre-ville comme c’est le cas en Allemagne. Parmi les moyens pour y parvenir, l’implantation de parkings à vélos près des magasins est très utile.
Dans la progression souhaitable du vélo, les associations jouent un rôle fondamental. Les associations de collectivités, comme le Club des villes et territoires cyclables, ou Vélos et Territoires, favorisent la circulation des informations et la confrontation des expériences diverses. Les associations d’usagers sont encore plus importantes. La FUB, qui regroupe les associations militantes, fournit à ses membres des informations et des supports matériels de promotion du vélo. Elle dispose aussi d’une cellule d’assistance juridique et d’une revue Vélocité.
Un chapitre particulier du livre est consacré à une « réflexion sur les cultures nationales et leur rapport au vélo ». C’est, à première vue, le développement le plus surprenant de l’ouvrage, mais comme l’argumentation déployée est fournie et étayée, il faut prendre au sérieux la thèse soutenue, qui établit un lien entre la culture nationale dominante et la pratique du vélo. Les pays de culture protestante du Nord de l’Europe seraient naturellement plus ouverts au vélo que les pays latins et catholiques. Voilà un beau sujet de débat !
D’autres pistes originales sont explorées comme la place de la nature et des animaux en ville, et le rôle que commence à jouer le vélo dans le développement des pays d’Afrique.
Au total, un ouvrage dense, qui ouvre de multuples pistes de réflexion et montre que le vélo peut être un indicateur de transformations où l’écologie, le collectif et le sens pratique auraient la place qu’ils méritent dans un monde plus viable et respectueux de l’environnement.
Jean-François Pressicaud
Printemps 1982, les habitants du village participent, comme ils le font depuis quelques années, à la confection d'un char pour la fête patronale de Felletin, les jeunes se déguisent et animent le char. L'idée du déguisement est déjà dans les têtes, on n'a pas raté carnaval et de maison en maison, tout un après midi, c'est l'occasion de présenter son beau costume, son masque, son maquillage et surtout de n'être pas reconnu... en rêvant de l'être. Les parents n'ont pas laissé leur place pour le déguisement. L'après midi s'est terminé par la dégustation des confiseries et le partage des cadeaux. Mais ce n'est pas satisfaisant, les jeunes veulent un chez eux pour se retrouver, les cabanes construites dans les arbres ne sont pas suffisantes et il ne reste plus aux parents qu'à se mettre en quête d'un local. En passant, ce local, placé sous l'autorité des parents, servirait de lieu de rassemblement commun pour organiser les animations projetées, car les parents aussi ont des idées pour animer le village et l'embellir.
L'été passe, on organise un repas où tous les habitants sont invités, la recherche continue, une maison non habitée depuis plusieurs années ferait bien l'affaire, un contact est pris avec le propriétaire qui fait des propositions de mise à disposition et à l'automne une délégation des parents décide de rencontrer le Maire de la commune, de faire part de sa réflexion, de demander des conseils et de solliciter une petite aide. Surprise, l'accueil est souriant mais un brin ironique, sur le bureau du Maire trône une pétition signée par quelques personnes voisines de l'immeuble concerné demandant au premier magistrat de bien vouloir faire respecter l'ordre public et insistant sur le risque que ferait courir cette habitation. Elle deviendrait un lieu bruyant, il pourrait même s'y passer des choses à surveiller. On pourrait y fumer... y boire et qui sait...
La surprise passée, quelques démarches engagées auprès des pétitionnaires et le groupe est convaincu qu'il y a vraiment urgence à organiser des manifestations festives pour recoller les morceaux. Fin 1982, une association est créée, elle s'appellera "l'association du plateau des Combes" et l'objectif en sera l'organisation d'activités pour l'animation et la promotion du secteur des Combes avec le souhait d'instaurer une communication interne aux villages pour créer un lien entre tous les habitants (distribution d'imprimés par la Poste) et une communication externe (la presse) pour attirer le public vers nos manifestations. Un programme à base d'animations festives est mis en place et présenté lors de l'assemblée générale de 1983. Elles seront de deux ordres, celles pour les résidents et les autres, plus promotionnelles, ouvertes au public. Ainsi, dans la première catégorie, on trouvera le carnaval pour les enfants et les plus grands qui le désirent ; la participation à la confection du char "les Combes - route d'Aubusson" ; des repas et rencontres entres anciens et nouveaux, jeunes et moins jeunes avec en point d'orgue le méchoui de juillet. Dans la seconde catégorie, l'organisation d'un feu de la Saint Jean, c'est-à-dire refaire le "Trafoujau" dont parlait les anciens et une idée originale : profiter de la présence d'un cidrier dans le village pour créer une Fête du cidre avec dégustation et repas adapté : boudins et compote de pommes, châtaignes, crêpes, etc. Le succès est là, plus de 200 personnes au feu de Saint Jean, 80 convives au méchoui réservé aux habitants du secteur des Combes et plus de 400 participants à la fête du cidre, mais pas d'évolution sur le local des jeunes et pour les réunions des adultes.
En 1984, lors de l'assemblée générale, l'équipe organisatrice reconduit les animations précédentes avec, en plus, un bal gratuit pour la fête du cidre. Elle programme l'embellissement du village en aidant à la participation des achats pour le fleurissement et elle décide d'étoffer son programme en ajoutant un aspect plus culturel avec une collecte de documents pour tenter de connaître un peu mieux ce qu'a pu être l'activité de ces villages, leurs habitants, les coutumes, etc. Une recherche est menée sur l'histoire de la construction du barrage des Combes, retenue d'eau toute proche construite sur la Creuse au début du XXème siècle, et un exposé sur les maçons de la Creuse est fait par un habitant du village : Pierre Urien, exposé auquel on adjoindra une compilation de documents : passeport, livret ouvrier, photos, courriers, outils, etc. Il est ajouté également à l'ordre du jour un questionnaire à adresser à la mairie de Felletin pour des propositions d'aménagements d'ordre divers dans le village: rails de sécurité, déneigement, service de l'eau, éclairage public, etc.
Le succès des manifestations est au-delà des espérances des responsables. Le feu de Saint Jean situé sur un terrain dominant la vallée, en extrémité de plateau, attire la grande foule. Sous le chapiteau loué pour la fête du cidre et pour organiser le bal gratuit, la musique entraîne les participants tard dans la nuit, mais la grande surprise vient de l'intérêt des visiteurs pour la conférence et l'exposition sur les maçons de la Creuse. Sans aucune communication autre que quelques lignes dans le journal, le vendredi soir, Pierre Urien aura une bonne cinquantaine d'auditeurs et plus de 200 visiteurs se rendent à la salle de l'ancienne mairie de Felletin, aujourd'hui salle Tibord du Chalard, pour découvrir sur 3 jours une compilation de documents sur l'histoire des maçons de la Creuse. Ce qui est encore plus surprenant, c'est la spontanéité avec laquelle les visiteurs, prêts à nous aider, présentent leurs documents familiaux, nous invitent à amplifier nos recherches et nous incitent à transformer ces quelques documents en une exposition temporaire.
Les années suivantes, d'autres animations viennent rejoindre les précédentes : des recherches archéologiques; une exposition évolutive sur "Felletin d'hier à aujourd'hui" (elle est reconduite trois années de suite et aura un beau succès) ; une exposition de peintures qui regroupe les travaux d'artistes originaires de Felletin et des environs, etc. Dans le village même, un réinvestissement des quelques bénéfices est fait dans le nettoyage de la mare et dans la création de massifs de fleurs. Et puis, les enfants grandissent sans une relève de jeunes, les problèmes matériels sont lourds à gérer sans local et surtout, les recherches sur les maçons de la Creuse prennent le pas et occupent de plus en plus. C'est la fin de la première période, les activités festives cèdent le pas à une seule animation.
Vingt ans après, on peut dire que 1984 aura bien été l'année de naissance d'une animation et le début d'une aventure qui se poursuit encore aujourd'hui. Expositions, publications, films, soirées diapos et conférences se succéderont dans la Creuse et de plus en plus hors de la Creuse et du Limousin, de nouveaux partenariats enrichiront les animations. Mais nous sommes déjà dans la deuxième période. (à suivre)
Roland Nicoux
2001
Philippe Simon agriculteur installé à Saint-Moreil depuis 17 ans nous fait part de ses commentaires.
Mi-octobre 2001 : 3 associations locales se rencontrent dans une petite ferme creusoise pour organiser une manifestation culturelle sur le thème des chants du monde. Tous les présents sont des “migrants”.
Sur un bout de table, daté du 28 septembre 2001, le journal présent dans quasiment toutes les fermes :
La Creuse agricole et rurale est ouvert à la page : “actualités”. Un article de Philippe Chazette, traite de la crise bovine. Alléchant…
Je jette un œil distrait à cette littérature : ce fameux paragraphe me saute aux yeux… Ambiance xénophobe… sans grand rapport avec le titre.
Le reste est à l’avenant : sans occulter le grave problème voire l’impasse dans lequel est plongée l’agriculture, le discours est corporatiste - représentation agricole oblige - les “bons et vrais” agriculteurs sont face aux multiples méchants, les risques d’une réaction violente incontrôlée sont perceptibles, la faute c’est les autres !...
Article révoltant ? Ecœurant ? Plutôt triste, voire tragique !…
Réagir ? Oui bien sûr!... mais que faire ? Je me sens souvent démuni devant des actes, paroles ou écrits dont j’ai du mal à croire qu’ils peuvent exister tant ils me paraissent étrangers aux valeurs d’une société évoluée.
Tout d’abord résister à la facilité de ne pas vouloir connaître l’autre. L’incompréhension mutuelle amènent ceux qui brûlent des pneus devant des préfectures à dénigrer ceux qui brûlent des voitures en banlieue, elle amène ceux qui n’arrivent plus à vivre des fruits de leur travail à ne pas accepter chez d’autres des aspirations différentes.
Ensuite, comprendre les impasses actuelles et dénoncer leurs solutions dérisoires : pour sauver l’agriculture les consommateurs doivent manger plus et notament de la viande mais aussi plus de vin quand les viticulteurs ont des stocks, plus de tomates avant qu’elles ne finissent sur les autoroutes !… (Extrait de l’article de M. Chazette : “…regagner des volumes de consommation est la solution la plus efficace, la plus indolore et la moins coûteuse pour régler une partie de nos problèmes…”).
Enfin, chez nous en Limousin comprendre notre histoire pour rebondir aujourd’hui :
N’en reste-t-il plus rien ? Le tout économique et la pensée unique ont-ils tout rasé ?
Aujourd’hui, une nouvelle génération de migrants “en retour” vient s’installer sur la montagne limousine et recréer un brassage, un métissage avec les forces vives du pays qui permettront après un combat contre l’inertie ambiante de construire ensemble une nouvelle ruralité.
L’enjeu : “Limousin terre d’accueil” est bien porté :
Alors mettons au placard l’intolérance, le radicalisme et biens d’autres valeurs désuètes et rêvons :
Monsieur Chazette, je vous souhaite bonne route et peut-être qu’un jour, au cours d’une rencontre dans une ferme pour étudier comment sortir de la crise bovine, vous jetterez vous aussi un oeil distrait à la littérature posée au coin de la table, et un paragraphe d’IPNS vous sautera aux yeux : “…amitié, solidarité, responsabilité et réalisme nous permettront de sortir de l’impasse et de progresser ensemble pour gérer notre planète autrement et de manière viable, en nous appuyant sur l’unité qui nous rassemble et la diversité qui nous enrichit. Nous devons apprendre à évoluer et nous organiser dans un cadre complexe. L’enjeu est aujourd’hui de rendre la complexité amicale, de l’apprivoiser avec patience, pas à pas.” (Plate-forme pour un monde solidaire et responsable).
Philippe Simon, agriculteur
Il y a 50 ans, en 1974, naissait au Villard, sur la commune de Royère de Vassivière, l'association Les Plateaux limousins, une association qui, tout au long de ces cinq décennies, a suivi les évolutions qui ont marqué notre territoire, mais qui d'une certaine manière les a accompagnées, encouragées, parfois même anticipées.
Les Plateaux, ou le Villard, comme on l'appelle généralement, est un lieu emblématique pour la région.
C'est là que se sont déroulées de 1979 à 1986 les « Fêtes des Plateaux » dont les actuelles fêtes de la Montagne limousine sont les héritières.
C'est là que se sont déroulés les premiers forums sociaux régionaux dans les années 2000. Le Villard a été le lieu d'accueil de nombreux évènements qui ont marqué l'histoire locale : les premiers débats autour du projet de parc naturel régional dans les années 1990, le centenaire de la loi de 1901 en 2001 (où IPNS puise son origine), les rencontres Relier sur « Culture et ruralité » en 2004, les rencontres annuelles des chorales révolutionnaires jusqu'aux toutes récentes rencontres pour des forêts vivantes en juin 2024.
Les Plateaux ont ainsi incarné, en dehors des institutions, un pôle citoyen et militant, promouvant les dynamiques d'habitants, les initiatives associatives et l'exploration des différents enjeux qui touchent notre région.
Pour beaucoup des habitants actuels du territoire, l'histoire de cette association est pourtant peu connue et son origine ignorée. Elle doit sa création à des chrétiens et quelques prêtres engagés qui, dans un pays largement déchristianisé, ont cherché à vivre leur foi en s'intégrant dans la vie locale et en défendant une vision propre du développement du Plateau. Abandonnant officiellement en 2003 la référence à l'Evangile qui était jusqu'alors constitutive de son identité, l'association n'en a pas moins été marquée à ses débuts par son origine religieuse, en particulier du fait de la personnalité de Charles Rousseau, dont Gilles Gracineau nous trace le portrait tout en nous racontant les premières années de l'association.
Le Villard, c’est l’histoire du fol amour d’un homme avec l’Evangile et un territoire. C’est l’histoire de Charles Rousseau (photo ci-contre). Il débarque en 1972 venant, du groupe prêtre de la Mission de France où il a exercé diverses responsabilités au sein de cette association qui envoie ses prêtres au plus près des réalités humaines et qu'on connaît mieux sous le nom de « prêtres ouvriers ». Ses compétences sont celles de la sociologie rurale. Le Plateau l’attire d’emblée et il va y engager toutes ses forces pour ressusciter la vie dans un pays où réside, à ses yeux experts, le sommeil de la résignation.
Résidant d'abord à Aubusson, il s’évertue à créer des pôles de réflexion pour les (peu nombreux) Chrétiens du coin. Il dynamise ceux et celles qui sont en attente d’un autre style de vie chrétienne, de plein vent au sein de la société, hors des sacristies poussiéreuses. Ce qu’il souhaite, c’est que souffle « le vent frais de l’Evangile ». Il voudrait qu’on aille de l’Eglise-institution à l’Evangile. Son expertise s’exprime dans cette phrase lapidaire : « L’Eglise continue de couver ses œufs sans se rendre compte que les coquilles sont vides ». Une telle situation brûle sa patience et lui cause une douleur intolérable à la jointure de sa foi et des besoins d’une société en mal d’avenir. Elle n'est pas forcément partagée par les personnes qui ont une vision conservatrice et traditionnelle de l'église.
Dans le même temps, fort heureusement, les évêques de Limoges et de Tulle, sous l’impulsion de Hervé de Bellefon, prêtre du Prado (un institut de prêtres travaillant auprès des plus pauvres), sont sensibles à l’inadéquation de l’Eglise à la société et tentent en avril 1971 d’impulser une réflexion sur les zones rurales déshéritées avec trois axes de travail : « Établir un état de la situation de l’Eglise, relever les signes d’un projet humain qui se cherche à travers les changements en cours, réfléchir à une Eglise signe du Christ libérateur. » Une attitude qui n'est pas partagée par tout le monde au sein de l'église catholique.
Une telle parole encourage Charles Rousseau. Il réalise des études sociologiques, crée des cartes et ébauche en 1973 une hypothèse à la manière d’un manifeste. Elle traduit l’aspiration à rejoindre « ces grands espaces aux horizons calmes et austères, aux paysages à la fois dépouillé et riche de verdure, tantôt couverts de la fleur des genêts, tantôt de celle des bruyères, tantôt des teintes d’un automne de feu, puis des frimas et des neiges, qui sont en train de devenir symbole de liberté, de paix, d’authenticité de vie. Bientôt ils seront un bien rare, au risque de devenir un enjeu commercial. » C’est une vision prophétique ! « Pour les gens du pays comme pour les hôtes occasionnels, ces lieux se prêtent à la rencontre, dans la vérité et la gratuité ; rencontre avec soi-même, avec ses semblables, avec Dieu ». « Il ne s’agit pas seulement de permettre aux citadins de retrouver leur âme dans un certain retour aux sources mais que l’homme du pays renouvelle la sienne sous la provocation de la modernité ». « L’Eglise n’étend plus sur le monde le maillage serré de ses paroisses à l’ambition totalisante et englobante. Elle sème en des points accueillants les germes ici-bas d’un autre monde qui doit pousser au sein de celui-ci ».
Diverses journées sont organisées en forme d’ateliers (bois, industrie, tourisme, agriculture). Elles se tiennent en divers lieux à travers le Plateau tels Aubusson, Felletin, Bugeat, Peyrelevade, Pierrefitte… « Un comité d’action pilote » assure le suivi. Les participants sont un poignée de convaincus. Ils sont cependant en mesure, le 23 mai 1974, d’organiser une rencontre au cœur de la Montagne, au lac du Chamet. Mais la tempête oblige à se réfugier à Peyrelevade. Cette assemblée « au désert » devient fondatrice. Elle décide que le nomadisme des ateliers et rencontres à travers le pays est certes significatif d’une belle itinérance mais qu’une implantation sur une terre s’avère nécessaire pour faire corps avec le terroir. Décision est prise d’acquérir un terrain. Un « comité juridique » s’avère utile pour rester dans les normes de la République. Il deviendra plus tard « le conseil d’administration » de l’association qui allait changer de nom.
Le 27 juillet 1974 à l’initiative de Charles Rousseau et de ces quelques chrétiens, est créée « l’Assemblée chrétienne des plateaux limousins » en forme d’association loi 1901 (voir l'appel à une assemblée chrétienne d'un nouveau genre, document ci-contre). Elle a pour but de raviver les braises d’un feu qui s’éteint et, en même temps, elle veut entrainer des chrétiens au cœur du Plateau pour inventer une réalité nouvelle de vie chrétienne au service de la vie du pays. « Par ses références culturelles, par son esprit, elle s’apparente à tout un passé de vie collective dans ce pays. Par sa volonté d’ouverture à un avenir autre, par son parti-pris d’optimisme en face d’une situation très sérieuse, elle peut être un élément important pour la restructuration de la vie sociale. »
L’association organise des rencontres trimestrielles tandis que Gérard Caillaud, prêtre à Felletin-Gentioux, est mis à contribution avec d'autres pour trouver un terrain. Une propriété est repérée au Villard, commune de Royère-de-Vassivière, après diverses recherches qui s’avérèrent des impasses.
Le 24 juillet 1975 une assemblée extraordinaire de l’association décide par 87 voix pour, 3 contre, l’achat de la propriété du Villard. Monsieur Toumieux consent à la vendre pour la somme de 90 000 francs. Le terrain est de 1 ha 27 avec une maison d’habitation de 7mx7m, une remise et un four. Ce n’est que le 1er mai 1977 que sera accepté le projet de la construction d’une grande salle par un vote de 64 oui, 6 non et de 2 abstentions.
Deux mois plus tôt, le 22 mai 1975 marque un virage dans l'histoire de l'association. Par 28 voix sur 46 votants, « l’Assemblée chrétienne des plateaux limousins » est remplacée par « Les plateaux Limousins ». Le but recherché est le suivant : « Nous souhaitons que les activités futures (non cultuelles) soient ouvertes à des gens qui partagent avec nous les mêmes recherches humaines sans pour autant partager la même foi explicite. Un titre moins confessionnel, sans dissimuler notre adhésion à l’Evangile, manifesterait un esprit d’accueil qui respecte ses partenaires et n’a rien de "récupérateur" ». D’autre part, pour avoir accès aux subventions en raison de services socio-culturels au pays, il était nécessaire que l’association n’ait pas un titre confessionnel.
Les évêques de Tulle et de Limoges observent ce qui se réalise sur le Plateau et les voici convaincus qu’il faut faire du neuf sur ces terres déshéritées. Le désert ne peut-il pas permettre d’inventer une autre Eglise au service de la société ? L’enjeu défini par Henri Gufflet, évêque de Limoges, acquis à la pensée de Charles Rousseau, écrit. « En fixant sur ces plateaux désertiques le lieu nouveau de notre rassemblement, notre intention est d'assumer en chrétiens la vocation de ce pays, de ce terroir, et de situer le fait chrétien au cœur d'un phénomène humain de recherche et de rencontre, là où se posent - et se poseront - des choix de civilisation. » La barre est haute mais mobilisatrice pour des temps nouveaux. « Nous avons envie de retrouver la vérité de Bethléem : ce petit rien que le monde ignore ou méprise, mais qui renverse les puissances et déroute les sagesses. »
Cette visée conduit à une vie associative à double entrée. Celle de la porte de l’assemblée chrétienne avec son « comité d’action ». Celle-ci organise des journées au Villard et sur divers lieux du Plateau pour ses membres avec la prière, le partage fraternel et l’écoute de l’Évangile comme gisement d’énergie pour rendre la terre plus humaine et habitable. Ses accents, notés le 29 septembre 1974, sont « vérité, simplicité, amitié, liberté, inventivité ». L’autre porte est celle du « conseil d’administration du Plateau » avec son assemblée générale ouverte aux chrétiens comme à ceux qui ne le sont pas, les uns et les autres portant le même souci : ressusciter la vie, faciliter les relations humaines, soutenir les déshérités, et encourager la créativité. A certaines heures l’Assemblée Chrétienne demeurant frileuse quant aux questions de développement, le compte rendu de l’AG du 29 juin 1976 notait : « Nous estimons devoir tenir fermement la liaison avec l’assemblée ».
1984 Les plateaux Limousins fêtent leur 10éme anniversaire
Les études menées par Charles Rousseau conduisirent à trouver les modes d’action qui permettraient d’ouvrir les yeux sur les potentialités en sommeil du pays et de prendre conscience des enjeux d’un développement qui puisse ouvrir sur un avenir. Le moyen principal fut l’invention de fêtes ayant trait à telle ou telle ressource. Elles eurent lieu de 1979 à 1986 à chaque automne sur des thèmes majeurs : la forêt (1979), l'élevage (1980), les énergies nouvelles (1981), la jeunesse (1982), l'industrie (1983), le tourisme (1984), les associations (1985), la communication (1986). Elles rassemblaient des gens du pays et d’alentour pour leur permettre, par des expositions et des démonstrations, de découvrir leurs trésors et d’ouvrir des chemins nouveaux. En même temps, la grange est aménagée et deux pavillons sont construits pour accueillir des jeunes, des touristes, des familles. Des bénévoles sont à l’œuvre.
En 1983 ont lieu des élections communales. Trois maires dynamiques émergent. Ce sont Pierre Desroziers élu en 1983 à Gentioux, Bernard Coutaud maire de Peyrelevade depuis 1972, et François Chatoux élu en 1977 à Faux-la-Montagne. Ces jeunes élus (respectivement 35, 33 et 34 ans) se trouvent très vite en connexion, sympathie et partenariat avec Charles Rousseau et divers acteurs également membres de l'association Les Plateaux limousins, comme Roger Lescop alors directeur du centre de formation forestière pour adultes de Meymac, André Mas de Feix, directeur de France Agnelle. Ensemble, ils sont à l'origine de la naissance de foyers de réflexion et d’inventivité. Leurs échanges furent féconds en initiatives. C’est ainsi que se fit jour, sous l’impulsion d’Alain Carof, la perspective d’un Parc naturel régional et que la première communauté de communes rurale en Limousin fut fondée autour des trois communes citées ci-dessus. Charles Rousseau écrivait en mai 1974 : « Il faut sentir le sens qu’est en train de prendre cet espace des hauts plateaux. Celui-ci n’est pas saisissable dans le découpage des communes ou des cantons. Ce manteau d’arlequin risque de masquer le phénomène de mutation par lequel cet espace s’inscrit dans un rapport ville-campagne, dans une recherche d’équilibre de l’homme à l’ère de l’urbanisation. »
Tandis que les chrétiens continuent à vivre leur foi au sein de l'association (Synode diocésain au Villard en 1985, construction d’une « tente de la rencontre » en 1986) se poursuivent les initiatives locales impulsées par Les Plateaux limousins qui sont menées avec des habitants sans appartenance religieuse. Ainsi, en 1986, a lieu la huitième et dernière fête des Plateaux sur la communication animée par une vision de temps nouveaux sur le Plateau : « la communication est au développement ce que l’irrigation est à l’agriculture, ça assainit et ça fertilise ! » disait Charles Rousseau qui, entretemps, avait quitté Aubusson pour s'installer à Peyrelevade. Un slogan parcourut cette fête (« À portée de main les communications de demain ») qui vit s’ouvrir diverses fenêtres de projets : « Pourquoi pas des réseaux câblés sur le Plateau ? du télétravail ? des journaux télématiques d’information locale ? des salles rurales de spectacles video ? » L’imagination était en effervescence. Déjà Charles s’était branché sur les moyens de communication grâce à la visite de diverses réalisations en France. Un projet de média était né lors d’une rencontre informelle au Rat de Peyrelevade, chez Annie et Bernard Coutaud, c’était le 18 février 1986. Les mois suivants, naissait Télé Millevaches avec l’élan créatif de jeunes venus sur le Plateau, l’implication d'Henri Dupuytison, curé-électricien à Gentioux, et l’enthousiasme de Charles, persuadé que ce qui manquait au pays était la circulation de l’information : des potentialité existent, il faut les faire connaitre et bien des choses changeront dans les têtes !
Au fil des années, après la mort de Charles Rousseau en 1987, l’espace du Villard devint avec l’apport du travail de bénévoles un lieu d’accueil de diverses activités, accueil des touristes avec la création de deux gîtes dans les années 1980, accueil de réunions ou colloques avec une grande affluence lors de manifestions sociales et culturelles, de débats sur des points d’actualité avec des invités capables d’enrichir la réflexion. Citons les questions d’immigration avec Christian Delorme « le curé des Minguettes », la forêt avec Roger Lescop, la psychanalyse avec Marie Balmary, la décroissance avec Serge Latouche, etc. Grande diversité également de rencontres du côté de l’Assemblé chrétienne qui perdurait en parallèle. Remarquons la venue de camps de vacances d’enfants pour une initialisation à l’Evangile chaque trimestre jusqu’à 80 à 100 enfants. Cette venue d’enfants préfigurait l’animation laïque que se réalisera après la déconfessionnalisation de l’association où fut retirée la référence à l’Evangile, vecteur des premières innovations.
La présence aux plus démunis ne va pas manquer. Une permanence au Villard se créant en 1981 avec des sœurs de Saint-Charles d’Angers, l’une d’entre elles, Anne Claire Lourd, va créer en 1992 une antenne du Secours Catholique, en lien avec les acteurs locaux du pays, « Solidarité Millevaches » qui sera un précieux instrument auprès des personnes isolées ou en manque de l’essentiel, notamment de relations de proximité. Aujourd’hui la relève est en cours avec le « fraternibus » itinérant du Secours Catholique.
Charles Rousseau avait rejoint Peyrelevade en 1983. Les fêtes du Plateau avaient été fécondes en émulation. C’est alors qu’après la fête sur la communication de 1986, l’association décide de passer la main au BAM, le Bureau d’accueil de la montagne limousine, créé par la Région en 1984. Assurément Charles souhaitait qu'un organisme solide puisse assurer une animation continue sur le Plateau1. De plus, il percevait une certaine fragilisation au sein des acteurs de l’association, plusieurs ayant dû quitter le territoire. Tout en faisant des projets, tel un colloque sur « Forêts et société sur le plateau de Millevaches » pour septembre 1987, Charles Rousseau pressentait-il les problèmes de santé qui allaient mettre fin à sa vie cette année même ?
Ce n’est pas impossible. Le BAM, quant à lui, décidait que la prochaine fête des « Plateaux limousins » deviendrait la « fête de la Montagne limousine ». Elle eut lieu à l'automme 1987 à Meymac sur le thème de la forêt et du bois. Quelques années plus tard, en 1991, sur l’impulsion d’André Mas de Feix est organisé au Villard un colloque sur la « valorisation des produits issus des fermes » afin de faciliter les initiatives individuelles ou collectives, de soutenir les porteurs de projets et de de mettre en place des circuits pour découvrir les produits du pays. C'est ainsi qu'est créée dans la foulée l'association Ad Valorem.
Dans ces temps de fondation, il s’agissait, pour mener des actions de transformation, d’appliquer un processus de fonctionnement démocratique d’éducation populaire. Il serait caractérisé par un développement du Plateau au travers d’une action et d’une réflexion collective. Cette pratique s’observe dans le fonctionnement du conseil d’administration de l'association, constitué de personnes élues par l’assemblée générale, prenant des décisions par votation (à main levée ou bulletin secret) et faisant relecture de l’action menée pour en retirer les fruits et les enseignements. Dès lors, visites à plusieurs expérimentations à travers la France et prises de conseil d’experts apportaient leur concours dans la perspective d’une intelligence collective. Celle-ci se laissait instruire pour des opérations avisées et utiles au pays. C’était à l’opposé de « l’autoréférentiel » qui guette toujours une société sans oreilles, qui se gratte le nombril ou s’abrite dans une tour d’ivoire.
Au cours de ces années de fondation, entre 1974 et 1987, coule une énergie débordante qui puise à trois sources qui, sans se confondre, forment confluence pour donner vie au pays et communiquer aux habitants une confiance à la vie et le souffle d’une énergie transformante, et pour ceux qui croient, confiance en l’Evangile du Christ. Cette énergie s'abreuve à trois sources.
La première, pour Charles Rousseau et l’Assemblée chrétienne, fut de retrouver, par-delà les scories toxiques de l’histoire de l’Eglise avec le peuple du Plateau, l’esprit de l’Evangile pour qu’il prenne corps dans l’histoire charnelle du pays. En 1984, pour les 10 ans de l'association, les évêques invitaient les chrétiens « à tenir un langage qui parle aux hommes et femmes d’aujourd’hui, à tendre résolument vers l’unité que le Christ veut faire ». La seconde source c’est la respiration du pays avec ses potentialités à réveiller et à faire connaître, notamment par Télé Millevaches.
La troisième c'est le partenariat avec tous ceux et celles qui veulent établir un humanisme heureux dans toutes les dimensions de la personne humaine socioéconomique, politique et spirituelle.
Une belle confluence de ces sources créa une synergie féconde pour le bien commun d’un vivre-ensemble qui devait se traduire par une vie associative foisonnante. « Milles sources, mille ressources » comme disait Charles Rousseau qui avait eu le bon mot prophétique pour parler d’un pays qu’il aimait. Qui était finalement cet homme ? Assurément un homme habité d’un bouillonnement intérieur, travaillé par le feu de l’Evangile et la quête de son actualisation dans la vie rurale et particulièrement celle du Plateau où « il planta sa tente » après avoir consacré de longues années au service des équipes rurales de la Mission de France, deux accents qui ont brûlé sa vie et abrégé ses jours, mais mis le feu au pays. Ses deux passions, la folie de l’Evangile et la passion d’un terroir, allaient jusqu’à perturber son sommeil et provoquer un questionnement jusqu’à en pleurer ! « Qu’est-ce que Dieu ? » me confiait-il.
Homme de conviction assurément mais qui se laissait travailler par des rencontres avec ceux et celles qui croient et celles et ceux qui ne croient pas et la montée en lui du bouleversement prometteur et parfois incertain des mutations en cours. Le compagnonnage de vrais amis assoiffés d’un nouvel art de vivre lui procurait des témoignages comme autant d’ouvertures qu’il accueillait comme on « saisit une balle au bond » disait-il. L’amitié partagée, au cours de travaux où il ne ménageait pas sa peine, comme au fil de rencontres et de fêtes, nourrissait sa réflexion à sa table de travail au silence de l’hiver. Le tracé de sa vie, depuis Aubusson jusqu'à Peyrelevade et sa tombe, fut un corps à corps existentiel avec ce haut plateau auquel il voulait, avec des collaborateurs - nouveaux venus ou du terroir - donner un avenir.
Gilles Gracineau
Des associations limousines qui se retrouvent dans le collimateur de l’État et de ses préfectures, cela ne date pas d’hier. Il y a quelques années, une série de rétorsions a touché plusieurs associations. Nous sommes en 2018 et des mobilisations autour de la défense d’exilés sont très médiatisées. La préfète de la Creuse Magali Debatte et son secrétaire général Olivier Maurel se déclarent « en guerre » contre le Plateau (voir IPNS n°65). Même avant, les choses avaient commencé à mal tourner pour les associations considérées comme contestataires par ces représentants de l’État.
En mai 2017, quelques citoyens souhaitent organiser une réunion sur le thème des « violences policières » et demandent à réserver la salle des fêtes de Faux-la-Montagne. Comme les organisateurs ne sont pas structurés en association 1901, ils demandent à l’association Pivoine de réserver la salle pour cette réunion, ce que l’association fait sans problème, comme elle le fait régulièrement pour que la salle soit assurée, et la commune couverte en cas d’accident. La préfecture repère aussitôt cette réunion qu’elle juge douteuse. Elle écrit à la mairie afin de la mettre en demeure de ne pas prêter la salle municipale, usant d’un chantage au financement. En substance : Si vous tenez à ce que l’État finance la mise aux normes de l’école (gros chantier alors entrepris par la commune), n’accueillez pas cette réunion. (lettre de la préfecture à la maire de Faux-la-Montagne, mai 2017).
La réunion est finalement délocalisée à La Villedieu. En réponse, l’État prive cette commune d’une Dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), qui était réputée acquise quelques jours plus tôt.
À la même période, d’autres communes de Creuse font l’objet d’un chantage à la DETR, la préfecture exigeant qu’elles changent des délibérations qui ne lui convenaient pas. « Messieurs, quand on me chie dans les bottes, je prends des mesures de rétorsion » leur déclare alors M. Maurel d’une façon puérile qui peut surprendre pour un haut fonctionnaire.
D’autres mesures de rétorsion vont suivre en 2017. On est en pleine période de distribution des contrats aidés pour les associations. La préfecture n’ayant pas trouvé de moyen de pression financière sur Pivoine, tout se déroule comme si elle décidait de se venger sur d’autres associations de Faux-la-Montagne. Alors que les interlocuteurs à la direction de la Jeunesse et des Sports étaient confiants, le contrat aidé du Constance social club, une association de Faux-la-Montagne alors en train de se configurer en centre social, n’est pas renouvelé. Cette décision de janvier 2018 sapera le moral de l’association et de ses animatrices, qui n’en comprendront pas les raisons. L’association, bénéficiant d’un soutien indéfectible de la CAF, développera une énergie colossale pour se relever de ce coup de Trafalgar mais n’y parviendra jamais vraiment.
Aujourd’hui, les préfectures généralisent cette nouvelle politique de suppression discrétionnaire des subventions. Dans des domaines où la décision de subventionner dépendait de critères comme l’intérêt du projet ou le sérieux de l’association, la décision dépend maintenant de l’opinion politique des préfets.
Les préfectures et leurs services de police invalident des subventions y compris contre l’avis des fonctionnaires spécialisés qui étaient auparavant chargés d’en décider. C’est une répression financière que les victimes ne peuvent jamais prouver. Rien n’empêche l’administration d’écrire « votre projet est refusé faute de crédits », même lorsque quatre mois plus tôt on déclarait la subvention acquise (l’aventure est arrivée cette année à Télé Millevaches).
Au journal IPNS, nous voyons des fonctionnaires nous parler tels des lanceurs d’alerte : discrètement et à condition que leur hiérarchie ne puisse pas les identifier.
Ils et elles craignent de perdre leur emploi. Disent : je suis fonctionnaire de tel ministère, je suis chargé d’évaluer l’action des associations dans tel département, je défends leur demande de subvention auprès de ma hiérarchie. Puis j’apprends que la préfecture régionale leur interdit toute subvention ou bloque leur versement, ainsi qu’à plusieurs associations du Plateau de Millevaches ou assimilées, pour des raisons politiques. Je ne peux plus rien faire. Je fais remonter le scandale à ma hiérarchie, qui le fait remonter en face des services de renseignement et de police à la préfecture régionale à Bordeaux.
Des fonctionnaires de l’Intérieur, de la Culture, de la Santé ou de Jeunesse et Sports bataillent entre eux. Maintenant, une subvention de 5 000 euros à une association culturelle du plateau de Millevaches fait l’objet de luttes entre d’un côté les fonctionnaires chargés de cela qui voient que l’association remplit bien son rôle, et d’un autre côté les fonctionnaires de police qui refusent que le moindre euro public ne soit donné à toute une série d’associations jugées trop politisées.
Le Battement d’ailes, grand lieu d’expérimentation créé en 2005 à Cornil (Corrèze) grâce au soutien de subventions, a vu un financement d’Etat de 350 000 euros pour les « manufactures de proximité » lui être refusé début 2022 à cause de l’intervention de la préfecture de Nouvelle-Aquitaine. Le dossier du Battement d’ailes avait pourtant été classé premier à l’unanimité des fonctionnaires lors du premier examen en commission. L’ingérence des services de la préfète de Nouvelle-Aquitaine Fabienne Buccio et/ou du préfet délégué à la sécurité en Nouvelle-Aquitaine Martin Guespereau ont eu raison de la liberté d’action des projets du Battement d’Ailes. Nous avons tenté de joindre le préfet délégué à la sécurité pour le présent article. Il ne nous a pas répondu.
Pour des ateliers d’éducation à l’image auprès d’enfants et d’adolescents qu’elle organise pourtant depuis plusieurs années grâce aux mêmes subventions, Télé Millevaches vient d’apprendre en octobre 2022 que, subitement, elle n’aurait plus les 8 500 euros prévus, que lui avait pourtant clairement octroyés la Direction régionale des affaires culturelles quatre mois plus tôt.
IPNS, qui bénéficie depuis quatre ans du fonds de soutien aux médias de proximité (3 500 € par an) n’a appris que fin novembre 2022 qu’il recevra finalement bien cette somme. Le journal correspond parfaitement aux critères selon les fonctionnaires du ministère de la Culture en charge de ces dossiers. On explique à IPNS que l’aide arrivera bien mais qu’on cherche un circuit de versement qui permette « d’éviter le passage en préfecture de Région » !
On est à un point où à l’intérieur de l’État des fonctionnaires d’autres ministères imaginent des circuits alambiqués de financement pour ne pas contredire ou déplaire à ceux, tout puissants, du ministère de l’Intérieur.
On est dans une région où fleurissent de nombreux projets qui sont entravés alors qu’ils seraient soutenus à fond ailleurs, dans des villes ou des campagnes où il n’y a aucun projet.
Le Planning familial de Peyrelevade a été supprimé d’une invitation dans un programme de la préfecture de la Corrèze pour les femmes victimes de violence en milieu rural en Haute-Corrèze alors qu’il fait partie du réseau violences de Haute-Corrèze et est référent sur les questions de santé sexuelle et de violences sexiste et sexuelle dans le Contrat local de santé de ce territoire.
Quand le journal La Trousse corrézienne a demandé des crédits au Fonds de développement de la vie associative (FDVA) en 2022, prévus pour soutenir les actions des associations envers leurs bénévoles, il s’est vu opposer un « refus préfecture ».
Lors d’une réunion de la commission qui attribue ces FDVA en 2022, ce sont cinq dossiers d’associations corréziennes qui sont apparus sur une liste noire fournie par la préfecture de la Corrèze aux membres de la commission. Cinq dossiers à jeter impérativement à la poubelle. Aux demandes de précisions émises par des participants, il a été répondu qu’elles appartenaient à « l’ultragauche » ou ne respectaient pas « le contrat d’engagement républicain » ou que « l’honorabilité de leurs dirigeants » n’était pas acquise. Il s’agit de l’association pour la Conservation et l’expérimentation paysanne et écologique (de Tarnac), de La Trousse corrézienne et de trois autres associations également extrêmement dangereuses pour la sûreté de l’État, dont nous n’avons pas pu nous assurer qu’elles accepteraient d’être citées dans le présent article.
Pour expliquer le refus d’une subvention à Peuple et Culture, acteur historique de la vie culturelle de Tulle, il a été répondu à l’association que cela tenait à la participation d’une représentante de Peuple et Culture à une manifestation qui avait eu lieu lorsque Gérald Darmanin était venu à Tulle en septembre 2021.
Le tiers-lieu de Tarnac, PTT, qui a postulé à un appel à manifestation d’intérêt « Fabrique de territoires » a reçu un « avis très défavorable » de la préfecture de la Corrèze. Vous devinez pourquoi ? En tout cas, le jour où PTT appelle la préfecture pour savoir où en est son dossier, c’est la panique. Le fonctionnaire bégaye au téléphone, ne sachant que dire, comment le dire, et faisant celui qui ne sait pas – mais sans le talent qui le rendrait crédible. Quelques mois plus tard, la même association qui était pourtant la mieux à même en Haute-Corrèze de répondre à un autre appel à projets pour mettre en place des conseillers numériques sur le territoire, a été prévenue indirectement que la préfecture avait été catégorique : « C’est même pas la peine que PTT se porte candidate » - sous-entendu : son dossier sera refusé d’office.
Un photographe, en Creuse, a appris qu’une subvention prévue pour son travail serait interrompue sur consignes de la préfecture.
Arrêtons ici la litanie. Il est clair que les bâtons dans les roues, la suspicion et les mesures de rétorsion ne sont pas anecdotiques et exceptionnelles. Elles peuvent aussi être lues à la lumière du positionnement de l’État vis-à-vis des associations tel qu’il s’est exprimé à travers la loi confortant les principes républicains (dite loi séparatisme) et son contrat d’engagement républicain. La Hongrie et la Pologne n’ont pas le monopole de l’illibéralisme.
Michel Lulek et Alan Balevi
C’est autour d’un projet d’acquisition foncière que la création de l’association Les Tisserands a vu le jour en octobre 2017. Les terres convoitées (30 hectares) situées à la Vialle n’ont finalement pas pu être acquises mais la dynamique était lancée et a pu se déployer grâce à l’acquisition d’une forêt et la location d’autres terres agricoles, avec l’arrivée concomitante de nouveaux habitants. En 2018 et 2019, le groupe des Tisserands a en effet facilité l’arrivée et l’installation de deux couples, dont un avec des enfants. Ces personnes cherchaient à établir leur activité agricole sans pouvoir accéder à du foncier. Depuis lors, l’activité de l’association s’est déployée dans différentes directions.
Ces productions (carottes puis patates), pour l’instant vivrières, permettent de créer des habitudes de travail en commun et relient ceux qui connaissent le travail de la terre et ceux qui ne le connaissent pas. Ainsi depuis trois ans, chaque famille annonce à l’avance ses besoins afin de définir la surface à cultiver. Les chantiers sont ensuite effectués en commun (bâchage de la prairie, épandage du fumier, plantation, récolte de doryphores et des pommes de terre). La présence d’une dizaine de personnes et de chevaux de trait permet de répartir la charge de travail et de cultiver des surfaces d’une moyenne de 1 000 m2 dans la joie et le partage de bons moments. En 2019, 900 kg de pommes de terres ont été récoltées sur 700 m2 cultivés pour les familles participantes à ce groupe. Cette quantité dépassant leurs besoins, d’autres familles ont pu venir glaner les surplus. En 2020, 1 200 m2 sont cultivés, pour une récolte de... la réponse en septembre !
Après une campagne pour réunir des fonds, une forêt a été acquise en novembre 2019 et depuis, un premier chantier collectif réunissant chevaux et humains pour le débardage a permis de redonner vie à une ancienne pêcherie, de ré-ouvrir un ancien chemin communal, de produire collectivement du bois de chauffage et de renforcer les liens grâce à la force du « faire ensemble ».
De nombreux projets sont en cours de construction en lien avec cette forêt, avec l’envie de mener une sylviculture douce et de viser la pérennité du couvert forestier. Cela démarre par un inventaire de l’existant pour évaluer les parcelles qui seront ouvertes à de futurs chantiers forestiers dans un objectif sylvicole et d’autres qui resteront à l’état sauvage, pour permettre la régénération, une libre-évolution de certaines parties, le maintien de la biodiversité et l’utilisation de la forêt à des fins non productives (balades, méditations, sieste musicale, botanique, école de la forêt...).
Au delà des besoins locaux en bois de chauffage que cette forêt permettra de combler en partie (sous forme individuelle et collective), cet espace permet d’interroger et de réfléchir à un lien respectueux entre l’homme et la forêt. Les actions menées sont donc aussi conservatrices pour privilégier la diversité des essences, la relance ou la création des différentes strates forestières, la création de vergers-forêt sur des parties agricoles en cours de reconquête par la forêt. Une charte forestière tisserande définit l’esprit et les règles très précises du « prendre soin » pour une « gestion sylvicole à long terme bénéfique pour le paysage, le milieu naturel, l’eau, les sols et les humains » et « de transmettre des savoir-faire liés à l’arbre, la forêt dans toutes ses composantes, son évolution pour pérenniser la diversité des usages et l’autonomie locale de ses habitants ». L’utilisation d’abatteuses est proscrite tout comme la vente de bois pour des usages industriels et non locaux.
Depuis janvier 2020, l’association Les Tisserands loue une vingtaine d’hectares de terres agricoles. Peu à peu, elles vont permettre de développer l’autonomie alimentaire du territoire, en pratiquant une agriculture qui privilégie la diversité et la mise en relation. L’ambition est de développer une agriculture pour les vivants permettant de nourrir les humains et les non-humains (vie des sols, animaux, végétaux) en utilisant des techniques de permaculture, de traction animale, de sylviculture douce, et plus généralement toute pratique respectueuse du vivant n’ayant pas forcément d’appellation. La variété est au cœur des pratiques imaginées afin de développer un havre de biodiversité nourricier sur le territoire moreilloux.
Les cultures de céréales, de légumes de plein champ, de plantes oléagineuses et protéagineuses seront effectuées en traction animale et côtoieront de nombreuses haies de plantes aromatiques et médicinales, mellifères et surtout d’arbres qui auront une place essentielle sur ces terres dans la génération d’un écosystème varié. Les prairies destinées à la pâture et au foin des animaux accueilleront aussi chênes, châtaigniers et autres grands arbres. Un des objectifs est de rendre ces terres productives en utilisant peu voire pas du tout de pétrole. Il nous faut donc d’une part retrouver et développer les savoirs de la traction animale, et d’autre part accueillir de nouvelles énergies dans le collectif pour entretenir ces terres. Plusieurs espaces sont actuellement laissés vacants pour que de nouvelles personnes puissent ajouter leur créativité et leurs envies dans ce projet.
Le confinement a eu un effet mobilisateur en amenant consommateurs et producteurs à se réunir autour des questions d’approvisionnement et d’écoulement de la production. Influencé par l’expérience menée à la Renouée (Gentioux), grâce à l’effort de nombreux bénévoles, en pleine crise du covid, « Les Locaux Motivés » ont vu le jour avec comme outil, la plateforme cagette.net. Ainsi les samedis matins, dans la cour de l’ancienne école, a lieu la distribution de nombreuses denrées produites à Saint-Moreil et dans les environs proches : pain, fromages, produits laitiers, légumes, bière, fruits, tisanes... Ces productions en agriculture biologique ainsi réunies ont eu un effet révélateur de la richesse de ce territoire communal quasi autonome pour ses besoins alimentaires. Réalité qui prend tout son sens en ces temps incertains...
La Cimade (Comité Inter Mouvements Auprès Des Evacués) est née en 1939, en soutien aux Alsaciens et Lorrains évacués et déplacés dans le sud-ouest de la France du fait des menaces d’invasion. Après l’armistice, les étrangers « indésirables » (dont ceux qui avaient fui les nazis), sont internés dans des camps dans des conditions épouvantables. La Cimade s’installe à leurs côtés, en commençant par s’imposer dans le camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques) initialement destiné aux Républicains espagnols. D’autres camps suivront.
Cette décision résulte d’une réflexion qui agitait les églises protestantes allemandes depuis 1934 quand un certain nombre de pasteurs, autour de Martin Niemöller, Karl Barth ou Dietrich Bonhoeffer, ont refusé de prêter allégeance au Reich. Ils créent l’« Église confessante » contre la décision d’Hitler de fusionner les églises protestantes dans une grande Église protestante du Reich sous contrôle nazi. La déclaration de Barnem qu’ils publient, affirme l’obligation de s’opposer à l’idéologie nazie et l’antisémitisme, et pose la priorité de se situer auprès des « souffrants, des menacés et des méprisés ». Les membres de l’Église confessante seront persécutés et Niemöller passera 8 ans en camp de concentration.
L’internement des étrangers et les lois antijuives amènent les protestants français à prendre position en s’inspirant de la déclaration de Barnem. En 1941 une quinzaine de personnalités rédigent les « thèses de Pomeyrol ». Ce texte, de résistance à toute influence totalitaire, pose les rapports de l’Église et de l’État, les limites de l’obéissance à ce dernier, la dénonciation de l’antisémitisme et la condamnation de la collaboration. Parmi les personnalités ayant rédigé ce texte : Madeleine Barot et Geneviève de Dietrich, fondatrices de la Cimade.
En 1942 avec l’invasion de la zone dite libre débutent l’internement et la déportation des juifs. La Cimade va dépasser la simple présence auprès des internés et entrer en résistance, pour faire évader les juifs, les cacher, les faire passer en Suisse. Elle s’honore de ces actes de désobéissance civile !
Parmi les grandes heures de la Cimade, sa présence pendant la guerre d’Algérie tant auprès des populations civiles déplacées de force et démunies en Algérie, que des populations immigrées persécutées en France, sa dénonciation de la torture et ses prises de position contre le colonialisme.
Jusqu’à ce jour la Cimade défend les droits et l’accès aux droits des personnes étrangères. Elle témoigne et agit contre les discriminations qu’elles subissent, est présente dans les lieux d’enfermement : prison et centres de rétention et témoigne de ce qui s’y passe. Elle est également présente auprès des sans-papiers, des refoulés aux frontières et lutte contre les abus subis par les personnes étrangères. Elle intervient dans l’espace public par des déclarations, des manifestes, des plaidoyers, mais aussi des actions de rue. Elle collabore avec des associations à l’étranger qui partagent ses valeurs. Devenue au fil des ans une association laïque, la Cimade reste marquée par ses prémices et revendique toujours le primat des droits humains sur la raison d’État, au prix si nécessaire de la désobéissance civile (à l’exclusion de la violence).
Au-delà des graves questions posées par la criminalisation du « séparatisme », avec la loi confortant les principes républicains et le contrôle des associations par la signature d’un « contrat d’engagement républicain », il faut s’interroger sur la compatibilité de cette loi avec les thèses de Pomeyrol. La signature d’un tel contrat rappelle l’obligation d’allégeance imposée aux églises allemandes en 1934. Si les principes de liberté, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine, indépendamment de sa religion, sa nationalité, ses opinions, etc., sont bien évidemment défendus par la Cimade, la notion de respect de l’ordre public est floue et ambiguë. À partir de quand une action revendicative menace-t-elle l’ordre public ? La Cimade, cette vieille dame indigne au passé prestigieux, sera-t-elle un jour accusée de séparatisme ?
Dominique Weber-Alasseur
Nous garderons d’Alain l’image d’un homme ouvert, engagé, actif, hyper-actif même (et cela jusqu’à la fin de sa vie), celle d’un homme attentionné aux autres, humaniste, d’une grande intelligence des choses et des gens, respectueux des différences et des approches de chacun.
L’autre image d’Alain, c’est celle du grand éclectisme de ses engagements et de ses actions qui fait que l’on pouvait découvrir sans cesse de nouvelles facettes du personnage. La première fois que je le rencontre, en 1982, on me le présente comme Alain Carof, sociologue, qui encadre des maîtrises en sciences sociales à l’université de Limoges. Il vient parler à une petite quinzaine d’étudiants de l’université de Paris X Nanterre en stage sur le plateau de Millevaches dans le cadre d’un enseignement de psycho-sociologie de l’aménagement. Mais la fois suivante, je découvre Alain Carof, militant associatif, qui nous invite chaleureusement à venir à la prochaine fête des Plateaux qui se déroule alors chaque dernier week-end de septembre au Villard, sur le lieu de l’association Les Plateaux limousins. C’est alors qu’on me présente Alain Carof, curé de Peyrat-le-Château, prêtre de la Mission de France, mais prêtre engagé dans la vie professionnelle, prêtre ouvrier « au travail jusqu’à l’âge de 65 ans » dont 30 ans en espace rural. Avant d’avoir été en Limousin, il a travaillé dans l’Oise comme ouvrier dans les usines de transformation de pommes de terre des plaines de Picardie dont il nous avouait avoir gardé, pour les avoir vu se fabriquer, une répugnance irréductible pour les chips... Là-bas, il avait été de ceux qui avaient créé une cellule syndicale au sein de l’usine. Mais ici, en Limousin, voici qu’on me présente un autre Alain Carof, technicien et animateur du Pays Monts et Barrages, en Haute-Vienne, où il travaille avec le maire communiste de Nedde, André Leycure, qui préside ce plan d’aménagement rural. Un homonyme ? Non ! C’est bien le même. Aurait-il quelques rapports avec cet historien, membre de l’association des historiens limousins, auteur de nombreuses publications (voir article ci-contre) ? Oui c’est toujours lui. Et on en aurait sans doute encore à découvrir. Par exemple, on savait qu’il avait travaillé à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales où il avait cotôyé Claude Lévi-Strauss, l’anthropologue Francoise Héritier ou les historiens Jacques et Mona Ozouf. Mais ce n’est qu’il y a quelques semaines, en parlant avec lui, que Jean-François Pressicaud découvre qu’il s’était rendu dans les années 1960 au Mexique avec d’autres prêtres de la Mission de France pour rencontrer Ivan Illich, à Cuernavaca, au Cidoc (le centre interculturel de documentation), une sorte d’université interculturelle, avec l’idée de faire un centre similaire au Brésil. Toujours avec ses amis de la Mission de France, il allait régulièrement à Prague entretenir des liens et soutenir des prêtres alors ostracisés par le pouvoir communiste. Bref, Alain semblait être partout, à l’aise aussi bien avec ses collègues universitaires, des militants associatifs assez peu religieux, ses paroissiens et paroissiennes, des élus et des institutions. Ne fût-il pas aussi rapporteur d’un groupe de travail sur le Limousin dans le cadre de la prospective initiée par la région Limousin en 1997 pour imaginer le Limousin de 2017 ?
Mais Alain, pour beaucoup d’entre nous, c’est surtout le complice de nombreuses actions associatives. J’ai déjà évoqué les Plateaux limousins dont il fut avec Charles Rousseau et Henri Dupuytison entre autres, également prêtres de la Mission de France, un des actifs créateurs. C’est lui qui accompagne en 2003 la déconfessionnalisation de l’association, aujourd’hui toujours aussi vivante, et dont Alain était encore administrateur. C’est avec lui qu’en 2002, dans la cuisine du presbytère de Peyrat-le-Château, une douzaine d’individus crée IPNS dont il aura été jusqu’au dernier moment un actif rédacteur. Dans notre dernier numéro encore il s’attache à dresser le portrait d’un ouvrier méconnu, auteur de milliers de dessins que la médiathèque de Felletin avait exposés cet été. Il trouvait le personnage passionnant, et cela reflète bien son attachement à toutes les personnes. Il y a aussi son engagement au sein de l’association Lausec (Local accueil urgence sud-est creusois), dont l’objectif est d’accueillir et d’héberger les personnes sans domicile fixe. Il était aussi de l’Arban, la SCIC créée il y a dix ans pour trouver des solutions d’habitat sur la Montagne limousine, il soutenait activement la Solidaire, le fonds de dotation destiné à drainer du don sur des projets ou des personnes engagées dans des actions d’intérêt général. Et je le vois encore, s’appuyant sur sa canne devant la gendarmerie de Felletin, pour manifester contre l’expulsion il y a un an et demi d’un jeune Soudanais. Il était devenu ainsi ce qu’on appelle une « personne ressource » à qui, immanquablement, on envoyait l’étudiant, le chercheur, le journaliste, l’enquêteur, ou tout simplement le nouvel habitant curieux, qui voulait en savoir plus sur le pays, le Plateau, son histoire, ce qui s’y fait, ses enjeux, etc.
Ses engagements associatifs, il les vivait à la fois comme, ce sont ses mots, « un laïc engagé au service de l’Évangile et de la communion ecclésiale ». Mais ses nombreux engagements étaient aussi pour lui une manière d’interpeller son Église. « À partir de ma retraite professionnelle – explique-t-il dans une lettre qu’il adresse à ses collègues prêtres, lorsqu’à 75 ans il décide de manière résolue de prendre sa retraite de curé –, j’ai développé de nombreux engagements associatifs et citoyens pour éviter de me laisser manger par les seules activités pastorales. Très vite celles-ci vous accaparent et vous enferment dans la sphère du religieux, qui demeure relativement éloignée de ce qui fait la vie réelle et le devenir d’un pays. Il faut lutter pour ne pas se laisser engluer dans ce principe de séparation qui fonctionne comme marqueur de la figure du prêtre, aussi bien dans la tête des gens que dans la mentalité cléricale. » De ce point de vue il aura certainement fait bouger des choses dans la tête de certains, créant une figure originale de « curé laïc ». À l’heure où la papauté rechigne encore à imaginer des femmes prêtres ou des prêtres mariés, il vaut le coup de relire sa lettre de 2002 à ses collègues de l’Église : « Cette lettre est une invitation adressée à d’autres prêtres atteints par l’âge de la retraite. Comment renouveler notre foi et notre désir de servir l’Église, tout en ne souhaitant pas participer à la représentation d’une Église organisée et conduite par des vieillards ? Si nous étions quelques-uns à poser publiquement ce geste, peut-être parviendrions- nous à convaincre nos évêques de sortir de leur mutisme et de leur peur face à la nécessité d’ordination d’hommes et de femmes mariés pour le service des communautés chrétiennes. »
Cette volonté de sortir d’un rôle figé et finalement caricatural, n’était pas du goût de tous. Dans l’Église sans doute, mais aussi en dehors. Il me revient une anecdote. IPNS était encore tout jeune et nous avions écrit une série d’articles critiquant la position de quelques communes qui, à l’époque, avaient refusé de rentrer dans le parc naturel régional de Millevaches qui venait de se créer. Sept maires offusqués avaient envoyé un courrier courroucé que nous avions publié. Alain était encore curé de Peyrat-le-Château.
Et l’un des maires en question, avait dit de lui : « Et ce curé, il ferait mieux de s’occuper de ses ouailles ! » Mais justement ne s’en occupait-il pas en s’engageant dans toutes ces actions que je n’ai fait qu’évoquer ? Nous sommes nombreux à avoir été heureux, chanceux, d’avoir pu le rencontrer, d’avoir pu faire des choses avec lui, et, même sans rentrer dans une église, d’avoir aussi été, un peu, ses ouailles.
Michel Lulek
Monsieur le Premier Ministre,
En Juillet 2001 c'était la fête du centenaire des "associations loi 1901".
2003 sera-t-elle l'année de leur avis de décès ?
En effet votre gouvernement supprime aujourd'hui les emplois jeunes, diminue les subventions accordées à la culture ou à la jeunesse, remet en cause le statut des intermittents du spectacle… et compromet ainsi tout un secteur de la vie sociale.
Alors je suis en colère !
Parce que nous avons autre chose à faire qu’à passer notre temps à ramer à contre courrant, à courir après l’argent, à monter des dossiers chaque année, à ne jamais pouvoir être sûrs de conserver les emplois nécessaires au bon fonctionnement de nos associations. Un temps que nous perdons à batailler au lieu de l’utiliser à nos différentes missions. Quel gâchis !
Toutes les décisions que votre gouvernement prend actuellement sont de très graves atteintes au fonctionnement de toutes ces associations qui se sont patiemment construites, parfois depuis un siècle, pour le bien collectif. Combien de jeunes grâce aux "emplois jeunes" ont trouvé une stabilité, en exerçant un réel travail d’utilité sociale ? Combien d’artistes, de techniciens du spectacle seront demain à la rue ?
Aujourd’hui, pour pleinement satisfaire à leurs missions, les associations ne peuvent plus se passer des aides publiques. A l’heure où les règlements et les normes sont devenus obligatoires, le bénévolat seul ne suffit plus. Il faut des animateurs professionnels de VTT, des professeurs de musique diplômés, des régisseurs patentés, des soignants confirmés… Sans aides gouvernementales (emplois jeunes, statuts d’intermittents, subventions diverses) les "services" proposés par les associations seront inaccessibles pour la majorité d’entre nous.
Il faut le retour des emplois jeunes ainsi que leur pérennité (chantier non abouti avec le précédent gouvernement). Il faut que nos associations soient soutenues financièrement et en toute indépendance. Il faut garder aux intermittents du spectacle des conditions de rémunérations appropriées à leurs métiers très spécifiques, qui n’ont rien de scandaleuses, comme on voudrait nous le faire croire.
Il ne s’agit pas de mendicité. Le rôle des associations est INDISPENSABLE au bon fonctionnement de notre société.
Pour que la vie soit la vie, il faut des vraies priorités : le respect et la connaissance (de l’autre, de soi, de son environnement et de son histoire), la justice (sociale, économique), l’engagement, l’effort (acteur de sa vie avec les autres), la responsabilité, la créativité, la solidarité et la compassion. Ces priorités là ne se décrètent pas, elle s’apprennent, se gagnent par un long travail d’éducation, de relations sociales riches, d’expériences, d’inter-relations, de confiance, etc… C’est ce qu'on appelle la culture au sens large, ce qui donne du sens à l’existence, des raisons de vivre et non de survivre.
Couper les vivres aux associations, c’est casser le lien social et finir de déstructurer notre société. Ne pas en faire une priorité gouvernementale, c’est croupir et végéter dans une situation insatisfaisante dans laquelle nous nous embourbons.
Vous pouvez faire voter un budget, mais vous ne pouvez pas à vous seul rendre la vie meilleure, plus sécurisée et plus sécurisante, pour reprendre le thème démagogique à la mode…
Ce travail de fond, cette réflexion sur notre société qui doit nous sortir de l’Homo Economicus, qui les porte, si ce n’est la société civile? Ce grand "machin multiforme" que sont les associations loi 1901, et parmi elles, les associations culturelles, de solidarité, d’éducation populaire, les mouvements de jeunesses, les associations sociales, d’aides aux familles, aux personnes âgées, handicapées ?
Faut-il toutes les citer pour bien se rendre compte de leur incroyable importance ?
Ce travail là, il ne vous appartient pas. Il est le résultat de la conscience du plus grand nombre qui construit, petit à petit, en tâtonnant souvent, en trébuchant parfois, ce fameux lien social, que vous galvaudez si souvent, cette société à chaque fois en devenir. Et il se construit au travers de cette forme collective qu’est l’ASSOCIATION et son bras économique, la COOPERATION.
Les associations ne sont pas les ennemies de l’Etat mais les partenaires respectables et indispensables de toutes les collectivités territoriales. C’est d’elles et du travail en partenariat qu’émergeront les solutions de demain, comme cela s’est patiemment fait dans de nombreux domaines tout au long du siècle dernier.
Votre rôle est, à minima, de ne pas l’empêcher, au maximum de le favoriser. Vous devez donner les moyens aux associations de pleinement accomplir leurs objectifs, sans arrière pensée de rentabilité et profit, mais simplement en veillant au non gaspillage.
Mais tout cela, Monsieur le Premier Ministre, pouvez-vous le comprendre ? Dans ce petit cercle du pouvoir, du parler faux, des courbettes et des croches pieds, de la stratégie tous azimuts, de la cour, des princes, des serviteurs, des profiteurs et des lécheurs, de l’hypocrisie permanente et du mensonge d’Etat, y a-t-il un espace pour la générosité, le don, l’acte gratuit et la sincérité ? Comment pouvez vous comprendre ces lignes ?
Cette colère n’est pas que la mienne. Elle est celle de tous ceux qui depuis longtemps se bougent, au quotidien, pour que la vie soit belle à vivre, et qui en ont assez de voir leurs efforts, leurs enthousiasmes usés par des gouvernants qui s’abritent derrière une légitimité bien mal acquise (80%, on sait …faute du pire).
Nous vivons une époque "pas moderne du tout". Merci de nous le rappeler !
Olivier Davigo
Nous étions tous réunis devant le fait accompli : manque important d’animation culturelle dans nos campagnes, surtout à la morte saison ; besoin évident de rencontres, de partages, d’expressions et de créations.
Aussi, en janvier 2000, Lez’Arts & Salamandre voit le jour, avec comme objectifs :
Bref, Lez’Arts essaye de contribuer à l’éveil culturel et citoyen ainsi qu’à la redynamisation d’un territoire rural.
Trois années se sont écoulées depuis et l’association a tracé son petit bonhomme de chemin, avec un atelier théâtre sur Lapleau, un atelier "jeux de rôle" à Egletons et différents événements, humbles et diversifiés alliant concerts, théâtre, conte, BD, photos, musiques électroniques, danse…
Lez’Arts tient de plus en plus a œuvrer dans un réseau d’associations, permettant la mise en place d’événements communs. Ceci afin d’unir les envies, les compétences, les volontés et les villages (comités des fêtes, mairies, associations locales). Ces partenariats permettent de proposer des spectacles de plus en plus riches, de qualité grandissante et ayant une "aura" que nous souhaitons assez grande pour réussir à intéresser un public le plus large possible.
Il est pourtant bien difficile de réunir des anciens, des jeunes, des personnes socialement et idéologiquement éloignées autour d’une même animation… Mais n’est-ce pas là la source de nos motivations ? N’est-il pas vrai que les utopies d’hier sont les réalités d’aujourd’hui ?
Cette difficulté reste un véritable défi et nous pousse à remettre en question ou à améliorer nos actions.
L’union, ce fil conducteur, nous a permis de rencontrer et de travailler avec de jeunes associations ("Les mauvais glaçons", "Composite", "L’Atelier Conte Corrézien"), des structures plus importantes ("La Luzège", le Foyer de Chanteix , la FAL, "Elizabeth My Dear"), et différents comités des fêtes. Tous ces acteurs locaux contribuent à la vie de nos campagnes… Campagnes souvent fatiguées par la routine sociale, l’ordre économique établi et l’abrutissement audiovisuel. Il est important de souligner aussi l’appui de nombreuses communes qui cachent derrière la rigidité de l’institution, des personnes plus ouvertes qu’on ne pourrait le croire - qu’elles en soient ici remerciées.
Aujourd’hui nous pensons que notre action contribue à une certaine qualité de vie en milieu rural. Nous sommes convaincus que nous devons rester nous mêmes, garder notre sens et non nous plier aux attentes des financeurs… Preuve est faite par la participation du public et l’augmentation du nombre d’adhérents !
Lez’arts & Salamandre, un tantinet non conventionnelle et militante, essaye d’avoir une démarche critique et constructive afin de mieux faire, mieux agir, mieux dire. Nous espérons rencontrer encore de nouvelles associations, de nouveaux amis et de nouveaux bonheurs ! Alors œuvrons, rencontrons-nous, pour que nos campagnes soient plus ouvertes et plus accueillantes. Otons de nos esprits, les mots concurrence, sectarisme, et transformons les en respect, tolérance, échange, cohésion... pour mieux vivre en ruralité !
Pascal Brette
Lo Sendaron (pour les nons-occitanophones prononcer " Lou chendarou ") , (le sentier, le petit chemin qui serpente et qui n'est pas forcément un raccourci), est une association née il y a environ un an à l'initiative d'un groupe de personnes ayant en premier lieu envie de se rencontrer, d'échanger et de s'investir dans la vie culturelle de ce coin de la montagne limousine, du côté de La Nouaille, en Creuse.
L'association a pour but "la protection, la préservation, la mise en valeur et la réhabilitation du patrimoine culturel, environnemental, naturel et bâti du canton de Gentioux et des communes limitrophes.
L'association se réserve la possibilité de mener toutes les actions de sauvetage ou de proposer de conduire toutes actions utiles, notamment sur le patrimoine protégé, ainsi que sur le patrimoine immatériel (tradition, langue, etc.)".
Vaste programme !
Nous avons depuis notre création mis sur pied un atelier de vannerie traditionnelle, des randonnées pédestres (dont une lors des journées du patrimoine), deux bals traditionnels, mais aussi organisé un spectacle de contes lors du festival Coquelicontes avec l'accueil de Monica Burg et mis sur pied une balade contée et musicale en occitan et français.
Le travail le plus motivant aura été pour cette première année de fonctionnement le nettoyage et la remise en état de la fontaine Saint-Pierre / la font Sent-Piare, qui était autrefois le lieu d'approvisionnement en eau potable du bourg de La Nouaille.
Pour 2005, des projets il y en a plein la benata (la hotte) : conférences, spectacles, bals, ateliers de peinture sur bois, de vannerie, randonnées et sorties thématiques, inventaire patrimonial et poursuite de nos chantiers sur les chemins …
Jean-Marie Caunet
C'est la question que se posent depuis quelques semaines les responsables de l'association Ma télé Multimédi@ (Felletin), et c'est loin d'être un effet d'annonce !
Lorsque des emplois sont en jeu, que nous sommes en recherche de solutions, il n'est pas facile de juger du moment opportun pour informer. Aujourd'hui, il est temps que chacun sache que c'est avant tout 5 emplois qui sont menacés.
Créée en octobre 1997, Ma télé Multimédi@ s'est attachée à développer le pôle audiovisuel autour de la télévision locale - Ma télé -, puis le Point Public Multimédia (PPM) ouvert en 1999. L'ensemble de ces actions est une réponse aux attentes des habitants en terme de sensibilisation et d'accompagnement aux Technologies de l'information et de la Communication. Le succès rencontré par les activités ne peut être remis en cause, et chacun peut apprécier le professionnalisme et la qualité des services mis à disposition.
L'équipe de 5 permanents, qui assure l'accueil et l'animation de la structure, apporte un dynamisme local fort au travers de ses engagements au service du public et des acteurs locaux. Son action en réseau avec les autres PPM, ou structures régionales telles que Télé Millevaches démontrent l'esprit de mutualisation construit au fil du temps. Son rayonnement dépasse largement les frontières de Felletin, avec une reconnaissance régionale et nationale autant par les labels, les partenariats et les interventions lors de colloques pour l'exemplarité de sa démarche. Pourtant aujourd'hui, Ma télé Multimédi@ est en danger et pourrait disparaître dans les semaines qui viennent.
Pourquoi ? Déjà, parce qu'une association fonctionne généralement et principalement grâce à des fonds publics qui soutiennent des projets. Ces projets sont possibles dans le cadre de partenariats, d'engagements mutuels, qui aboutissent à des montages financiers permettant une mise en œuvre opérationnelle. C'est le cas de toute association, mais quand tout le monde n'a pas forcément conscience qu'une association avec des salariés a les mêmes obligations qu'une entreprise, la situation se complique... Ensuite, parce que pour qu'une association agisse sur un territoire, il est nécessaire que ses partenaires la comprennent, et qu'une confiance mutuelle s'installe. Cela n'a pas été le cas dans le dossier de la Médiathèque Intercommunale implantée à Felletin. C'est l'élément déclencheur qui depuis quelques semaines fait vaciller Ma télé Multimédi@.
Projet communal, il est devenu intercommunal avec la création de la Communauté de Communes Aubusson-Felletin. Au fil du dossier, l'association s'est impliquée dans les réflexions qui ont été menées, des approches constructives et précises de fonctionnement et d'organisation ont été faites. Ma télé Multimédi@ a ainsi proposé de mettre au service de ce projet, la dynamique, l'ensemble des compétences, des moyens techniques et financiers de l'association. Malheureusement, Ma télé Multimédi@ n'a pas été entendue, et le souhait de la commune de Felletin d'ouvrir à tout prix un équipement dont le fonctionnement n'est pas défini, a pris le dessus, ne pouvant aller de pair avec une réflexion sereine sur les rôles et missions de chacun. La création d'un service public de la culture et du multimédia dans le sud de la Creuse associant l'ensemble des acteurs déjà impliqués (associations communales, PPM, écoles... ) est un objectif vers lequel toutes les énergies devraient se concentrer, et nous considérons qu'actuellement ce n'est pas le cas. Intégrer le PPM dans un bâtiment sans connaître les conditions de fonctionnement et de financement ne parait pas raisonnable. Ma télé Multimédi@ est actuellement victime d'un contexte très difficile, cultivé au fil du temps par quelques acteurs de ce dossier, qui ont durant plus de 2 ans toujours repoussé à demain l'étude des vraies questions. Notre situation est aussi due à l'absence d'engagement de la Communauté de Communes qui doit pourtant gérer ce dossier, afin d'aboutir à la prise en charge des équipements culturels de la communauté - les médiathèques implantées à Aubusson et Felletin étant les premières du réseau. C'est pourquoi sans engagement, sur les projets ou les finances, et sans perspectives vu le contexte, il est difficile pour Ma télé Multimédi@ d'envisager un avenir.
Comme un château de cartes, le panel d'activités développé peut s'écrouler rapidement. En effet, il ne suffit pas d'affirmer que c'est bien, il faut aussi avoir conscience des enjeux, des financements nécessaires, de l'intérêt pour le territoire et ses habitants. Tout ceci ne se décrète pas mais fait l'objet d'échanges qui permettent d'avancer ensemble. Que ce soit pour le PPM ou pour la télévision locale, l'association ne peut continuer à vivoter au grès des volontés de quelques uns, sans que soient prises en compte les réalités d'une telle activité. Cela pose plus généralement la question du rôle d'une association sur le territoire: quel rôle? Ses obligations d'employeur sont-elles prises en compte? Reconnaît-on les professionnels salariés? N'est-elle pas qu'un alibi qui arrange un temps? N'abuse t-on pas des bénévoles? Quelles complémentarités avec les collectivités et les élus ?
Ma télé Multimédi@ n'est pas immortelle, ni même irremplaçable, pour autant il est grand temps que chacun prenne conscience des risques actuels, et du fo rmidable gâchis que sa disparition pourrait entraîner. Cinq emplois qui disparaissent, ce sont des jeunes qui risquent de quitter le territoire, qui n'apporteront plus leur enthousiasme dans la vie locale, qui en tentant d'agir pour le désenclavement, deviennent victimes de leur dynamisme. L'arrêt définitif des activités pourrait intervenir rapidement. En effet, les responsables de Ma télé Multimédi@ ne souhaitent nullement attendre une situation dramatique qui consisterait à piéger le personnel. Dans tous les cas, l'association saura rendre des comptes, notamment à la population. Ma télé Multimédi@ est née, elle a grandi parfois difficilement, mais elle saura aussi disparaître dignement si cela est nécessaire. Ses responsables et son équipe d'animation font bloc dans cette situation difficile, avec le souci de défendre l'esprit qu'a su créer Ma télé Multimédi@ depuis son origine.
David Daroussin
Qui parvient à regarder au-delà du Mont Bessou ne peut que voir l’extraordinaire tumulte qui a saisi le monde entier. Les échos de soulèvements, d’une intensité inconnue depuis des décennies, d’un bout à l’autre de la planète et jusqu’à la France elle-même, parviennent par bribes jusqu’ici par la vertu de moyens de communication inconnus ou presque il y a encore vingt ans.
Tout se déroule devant nos yeux. Le réchauffement toujours plus apocalyptique de l’atmosphère – dont les effets réels sont devenus sensibles même aux plus incrédules – les extinctions de masse, les guerres contre-insurrectionnelles, la crise énergétique, le délitement des liens communautaires, les massacres, le pillage des dernières ressources par ceux qui en ont encore les moyens, la destruction méthodique des derniers lambeaux de « l’État social ». Et face à cela, des peuples qu’on croyait endormis qui se dressent et font face, même aux balles. Plus personne ne peut prétendre ne pas savoir.
Dans tous les palais du pouvoir, on fait mine d’être concernés, on consulte, on met en œuvre des politiques de « transition énergétique », on caresse les arguments que, hier encore, on accueillait d’un rire gras. Le monde de l’entreprise, les politiques se saisissent – « enfin » diront certains – de la brûlante question de l’écologie. Cette soudaine prise de conscience n’arrive pas seulement trop tard, elle cache à peine une tentative ultime de prolonger encore un peu la gabegie qui nous a amenés là, sous le masque avenant de la « transition ».
Les agriculteurs, les forestiers, les entrepreneurs ne sont, dit-on, que des victimes parmi les victimes, forcées depuis des décennies à l’endettement pour tenir dans la course à la rentabilité. Ici comme ailleurs, les élus locaux, tout à leur louable souci de l’« intérêt général », font corps avec eux, face aux calomnies, face aux menaces, face au rejet dont une grandissante frange « radicalisée » de la population les accable. Chacun, chacune, joue sa partition, les uns suivent des formations de communicants pour vendre leur efforts et leurs bonnes pratiques, les autres (les élus corréziens de l’Association de soutien au développement économique de la Haute-Corrèze, entre autres) font voter des motions pour demander aux « services de l’État » (joli euphémisme pour parler des forces de l’ordre) de protéger les premiers contre (sans la nommer formellement) cette nouvelle espèce invasive que sont les « ultras », les « khmers verts », les « anti-tout », les « ultra-individualistes », les « totalitaires », les « violents », bref... les « anti-républicains ». Tout cela constituant une « mouvance » qui serait par avance coupable de tous les maux.
On s’émeut, dans une même phrase, d’incendies qui restent inexpliqués (celui de Lubrizol ?), des constructions hors normes, des subsides de la CAF à des espaces de vie sociale du Plateau, des instituteurs-trices « prosélytes », et de quelques échanges de paroles un peu véhéments lors de réunions publiques.
On comprend bien, dans un tel climat de terreur, où les agents économiques du territoire en sont à raser les murs à cause de quelques « chevreuils » impénitents, que cette campagne électorale pour les municipales s’ouvre sur des airs grinçants. Ça n’aura d’ailleurs pas échappé au staff de campagne corrézien du Rassemblement National tout près à voler au secours des élus locaux assiégés en se proposant de présenter des listes au cœur de la bête, comme à Tarnac par exemple. Ce climat relativement soudain – si on excepte celui qui brillait déjà de ses prophéties avant-gardistes sur le grand-remplacement local aux dernières élections municipales, Dominique Simonneau, « maîtresse » de Gentioux – ce climat, donc, ne tombe pas du ciel. Des incendies il y en a eu avant, bien avant même, pour toutes sortes de mobiles, des mouvements pour s’inquiéter de tel ou tel projet industriel aussi, des cabanes et des yourtes... aussi. Ce qui a changé ces derniers mois et années, c’est que, d’un côté, ce qui passait pour des lubies de « choubabs » (l’effondrement biologique) est passé, en catastrophe, au statut de vérité télévisée, et que, de l’autre, quelques politiciens locaux sans vergogne se sont mis en tête de capitaliser électoralement sur le désarroi (bien compréhensible) de ce qu’il reste de classes laborieuses rurales. Le magnifique sursaut populaire incarné par les Gilets Jaunes, qui ne s'en laissent pas conter, a déjà largement compromis leur stratégie cynique, mais pour combien de temps ?
Voilà plusieurs années que le coup se prépare entre le conseil départemental de la Corrèze, la rédaction de La Montagne, les permanences de tel ou tel député ou sénateur, les couloirs de tel ou tel conseil communautaire. À coup de publi-reportages qui ne disent par leur nom, sur la filière-bois, sur la filière-viande, sur le mal-être des agriculteurs, sur la menace d’« ultra-gauche » ou « écolo-activiste », à coup de petites phrases dispensées à l’envie sur l’antenne de France Bleu Limousin, dans telle ou telle réunion ou inauguration, dans la rubrique « indiscrétions » du journal La Montagne, dans un reportage de complaisance du 19/20 de France 3 Limousin à Gentioux en plein mois d’août. Rien d’étonnant dès lors que ce petit foyer de ressentiment rural régulièrement attisé, notamment par Pascal Coste depuis son arrivée au conseil départemental de la Corrèze, suscite aujourd’hui la convoitise pèle-mêle de La République En Marche, en la personne du député Jean-Baptiste Moreau, ou du Rassemblement National qui ont l’un et l’autre besoin de se refaire dans le secteur.
Depuis des mois donc on prépare les cœurs et les esprits à un grand règlement de comptes, où l’on fera dans un grand brouhaha fleurant bon le pogrom, passer les « ultras » du Plateau ou d’ailleurs et tout ce qui s’en rapproche de près ou de loin, pour responsables du malheur du bon peuple des campagnes. Oui ce sont eux et elles LE problème, bien plus que le démantèlement des services publics, la politique agricole, la fermeture des écoles, des postes, des trésors publics, l’augmentation des prix des carburants, les déremboursements de médicaments, les retards au versement des primes, la sécheresse, la pénurie d’eau, les déserts médicaux, les trop petites retraites, le traitement inhumain des anciens et de celles et ceux qu’on paye au lance-pierre pour les gérer, la baisse des dotations municipales, la prolifération des normes, la disparition des truites, du train et de l’hôpital, celle de L’Écho, les coupes rases à perte de vue, l’érosion partout visible, et bien sûr la fin de l’eau potable au robinet.
Benjamin Rosoux
Les associations environnementales du Limousin interpellent les préfectures.
Madame la préfète de la Haute-Vienne,
Madame la préfète de la Creuse,
Monsieur le préfet de la Corrèze,
Les signataires de cette lettre sont engagés sur le territoire du Parc naturel régional de Millevaches en Limousin, et plus généralement sur l'ensemble du Limousin, dans des actions de protection ou de valorisation de l'environnement. Depuis de nombreuses années, ils interviennent pour mieux connaître ses richesses naturelles, les faire partager au plus grand nombre par des actions pédagogiques, mais aussi pour les préserver et les protéger, et cela, dans la mesure du possible, en lien avec les autres acteurs et usagers du territoire. Ils promeuvent également des pratiques plus respectueuses et moins destructrices dans l'usage des ressources de notre région comme la forêt, le bois ou l'eau.
Depuis plusieurs années, nous constatons que les loisirs et sports de pleine nature bénéficient d'un engouement du public. Par leur fréquence et le nombre de personnes concernées, des manifestations de cet ordre posent des questions qui ne sont pas toujours gérées et résolues de la manière la plus adaptée. Nous en avons eu un exemple regrettable en novembre dernier avec l'En'Duo d'Aubusson, cette course de plus de 400 motos sur 150 km dont le circuit a traversé des zones sensibles qu'il eût été préférable d'éviter, comme le ruisseau du Pic à proximité des cascades d'Augerolles ou comme les sources du Thaurion. Vous connaissez les événements qui ont conduit les organisateurs de cette course à devoir la suspendre au milieu de son déroulement. Nous nous interrogeons sur les moyens d'éviter que ne se renouvellent de tels incidents qui, par ailleurs, ont généré des tensions entre habitants du territoire.
Nous sommes persuadés que les regroupements massifs d'engins motorisés, les courses de voiture (comme feu le rallye du Limousin), de quads ou de motos (comme l'En'Duo), n'auront à terme plus de légitimité au regard des enjeux considérables que posent le changement climatique, la baisse de la biodiversité, la vulnérabilité de la ressource en eau, le nécessaire chemin que nous devons entreprendre vers une société plus sobre et moins consommatrice d'énergie. Il nous paraît clair que de telles pratiques ne pourront plus perdurer si l'on prend au sérieux les enjeux que nous venons de rappeler.
Pour autant, nous sommes conscients que cette direction heurte des habitudes et des usages qu'il n'est pas question aujourd'hui de proscrire de manière autoritaire. Il faut au contraire accompagner les organisateurs et pratiquants de ces sports de pleine nature, qu’ils soient motorisés ou non, vers une modification de leur pratique et les amener progressivement à prendre conscience des limites qui, indubitablement, s'imposeront dans l'avenir. Il ne s'agit donc pas de stigmatiser des individus ou des manifestations, mais tout simplement de revoir avec eux les conditions d'exercice de leur loisir. Pour cela, les services de l'État ont un rôle important à jouer qui peut, à nos yeux, être amplifié et enrichi au-delà des seules contraintes légales aujourd'hui définies. Nous pensons, pour notre part, pouvoir contribuer à l'évolution positive des pratiques concernées dans les années à venir. Dans cet esprit nous imaginons la rédaction d'un guide ou d'un document de communication qui pourrait être largement diffusé sur le territoire auprès de tous ses usagers.
Mais, dans un premier temps et avec une certaine urgence, il nous semble important de se fixer, en lien avec vos services, des procédures plus exigeantes et transparentes pour préparer et autoriser de nouvelles manifestations sportives d'envergure sur le territoire du Parc naturel régional. Ainsi, nous proposons :
Ces propositions sont évidemment à préciser ensemble et des pistes complémentaires peuvent sans doute être ajoutées. Nous sollicitons donc une rencontre avec vos services pour étudier les modalités de mise en œuvre de tels dispositifs et renforcer ainsi la meilleure protection des richesses dont nous sommes les dépositaires-usagers.
Associations signataires :
La prestigieuse et très universitaire revue de sociologie Études rurales consacre son n°208 (2021) aux migrations internationales dans les campagnes. L’angle est particulièrement tourné vers l’accueil des migrants et réfugiés avec des exemples en Bretagne, dans le Loudunais, en Provence ou en Ariège. Le maître d’oeuvre de ce numéro, le géographe Pierre Pistre, relève que ces articles « mettent tous en lumière la place centrale de l’informalité dans l’installation et l’accompagnement des personnes en migration dans les campagnes. Elle apparaît d’abord essentielle au fonctionnement de dispositifs établis : c’est le “bricolage“ entre acteurs afin de mettre en place une pluralité de solutions pour le suivi de santé des demandeurs d’asile ou pour leur “faire accepter le rural“ après orientation “par l’État et ses agents“. Dans ces deux cas, le rôle des particuliers et des associations dans le fonctionnement effectif de l’accueil souligne comment “l’hospitalité en actes“ a grandement contribué à la prise en charge des exilés après 2015, à partir de sociabilités rurales préexistantes ou en en créant de nouvelles. » On connaît cela vers chez nous, non ?
Numéro accessible sur le site www.cairn.info/revue-etudes-rurales-2021-2.htm
Le projet "Des Lendemains" est né avec un double objectif : diffuser et promouvoir les Musiques Actuelles et créer une structure de gestion dotée d'un réel fonctionnement associatif.
Ainsi la salle de diffusion de Tulle ne constitue que le dernier élément de l'ensemble "Des Lendemains", puisque l'association existe depuis mars 2002 et gère le local de répétition "Le Labo" depuis juillet 2003.
Local existant lui-même depuis 1994 et auparavant géré par l'association "Accords et Cris". L'association constitue donc aujourd'hui un ensemble regroupant 180 adhérents, 14 associations, et 34 groupes, qui organise une quarantaine de concerts par an, des résidences, des filages, des stages et travaille en collaboration avec de nombreuses structures, adhérentes à l'association ou non. Tout ceci avec une équipe salariée de 6,5 personnes, grande première dans la professionnalisation du secteur en Corrèze, garante de la pérennité des actions et de perspectives à long terme, toujours difficiles dans le cadre du seul bénévolat. Elle offre en outre la qualité et la force de travail nécessaires, notamment en terme administratif, pour respecter les diverses réglementations.
Tout cela témoigne d'une vitalité et d'un dynamisme toujours bien réels, aboutissement d'une longue activité militante qui a su se renouveler et incorporer les nouvelles données de ce secteur. Une situation qui est d'ailleurs le reflet de la situation régionale et nationale.
En effet aujourd'hui nous travaillons sur le secteur des Musiques Actuelles. Derrière ce terme se cache en fait un vaste domaine qui regroupe aussi bien le Rock dans toutes ses déclinaisons, le Jazz, la Chanson que les Musiques Traditionnelles. Toutes tendances qu'il aurait été parfois bien difficile de faire cohabiter dans certains lieux il y a quelques années seulement. En effet une grande partie de l'activisme s'est développé autour d' "assos rock" dans le courant des années 80, sans forcément de liens avec les structures jazz, chanson ou trad. Ces liens étaient à l'époque difficiles à établir, certaines esthétiques étant, à priori, dotées d'une plus grande "respectabilité culturelle" et donc sans les besoins urgents qui formaient la base des revendications exprimées par les "rockeurs". Mais les choses évoluant, toutes les tendances sus-citées furent regroupées sous l'appellation "Musiques Actuelles" par le Ministère de la Culture, considérant qu'au moins un point commun unissait toutes ces expressions : celui d'être amplifiées. Terme beaucoup employé dans les années 90 et qui a failli devenir la version officielle. Il n'en reste pas moins qu'il faut saluer les "braillards" de la musique et de l'engagement associatif, qui ont largement contribué à la naissance de ces équipements, faute d'avoir parfois manqué de la structuration nécessaire pour y parvenir.
Quoiqu'il en soit, aujourd'hui nous voyons naître des lieux et des associations où le mélange, artistique, humain, et, son corollaire, la tolérance, sont des postulats de départ, voire des fins en soi. "Des Lendemains Qui Chantent" s'inscrit pleinement dans cette démarche. Probablement la plus belle suite à donner à l'histoire de ces "précurseurs" qui malgré quelques manques d'ouverture n'en étaient pas pour autant intolérants.
Je souhaiterais revenir maintenant à l'un des aspects fondamentaux du projet "Des Lendemains Qui Chantent". Outre son activité courante, succinctement décrite plus haut et sur laquelle je ne m'attarderai pas plus, la particularité de l'association est d'avoir fait le choix d'un vrai fonctionnement associatif. J'entends ceci dans le cadre de la gestion d'un équipement de ce type (Délégation de Service Public, gros budget, etc.), ce qui en fait un choix, sinon unique, plutôt original.
En effet le Conseil d'Administration, composé de représentants à titre individuel, mais aussi de représentants d'associations adhérentes à "Des Lendemains", ne comprend aucun membre de droit, représentant des collectivités partenaires de l'association (Ville de Tulle, DRAC Limousin, Conseil Régional du Limousin, Conseil Général de la Corrèze, DDJS de la Corrèze). Non pas dans le but de les éloigner du pouvoir de décision de la structure mais afin que celle-ci puisse avoir une vraie vie et notamment la facilité de réunion, toujours difficile avec des représentants institutionnels.
Résultat : huit Conseils d'administration en 2004, plus les réunions de Bureau.
Cette possibilité de se réunir fréquemment, une représentation de l'essentiel du secteur culturel de la région de Tulle, de vrais débats et, in fine, un grand pouvoir de décision, créent les conditions pour un niveau d'engagement élevé, garant d'une vie associative riche et intense.
Actuellement, ce type de fonctionnement semble satisfaire l'ensemble des protagonistes de ce projet.
Du côté associatif en favorisant la dynamique militante, et du côté des partenaires institutionnels, en étant associés et informés par le biais d'un comité de suivi des objectifs annuels prévus par les statuts, tout en leur évitant la contrainte des réunions régulières.
Tout cela fait de cette démarche, une alternative intéressante aux choix de gestions habituellement mis en place dans ce type d'équipement. Il permet en effet d'assurer une ouverture du fonctionnement à l'ensemble des acteurs du secteur, bien installés ou non, en leur conférant une réelle influence sur le cours des événements. Au contraire de structures "toutes-puissantes" au fonctionnement parfois opaque et bien souvent repliées sur elles-mêmes.
Il semble que les Musiques Actuelles aient de beaux jours à vivre devant elles dans notre région.
La vitalité de ce secteur en terme artistique, de public mais aussi de logistique nécessaire à sa pratique et à son exposition publique n'est plus à démontrer. L'ouverture de cette salle en constitue la meilleure preuve, ainsi que son intégration dans le temps et le territoire. En outre son histoire ne fait que nous conforter dans la conviction que l'activisme militant et associatif peut influer de manière significative sur les événements et les politiques publiques.
Et l'on est en droit d'espérer que cette initiative tulliste en suscitera bientôt d'autres dans notre région. En effet pourquoi pas des projets similaires dans des villes comme Guéret, Brive ou Aubusson, et peut-être dans des zones plus rurales, à la condition d'être soutenues par des Communautés de communes ou autres structures de ce type. L'essentiel étant la multiplication de l'offre, qui contrairement à un lieu commun trop souvent énoncé, ne fait que décupler la fréquentation et la possibilité pour une population de se confronter à des pratiques et expressions artistiques autres que les productions de masse assénées quotidiennement par les grands médias.
Donc à bientôt pour "Des Lendemains Qui Chantent" à Tulle ou ailleurs !
Daniel Vergne
Les emplois associatifs sont un dispositif qui a été mis en place par notre ancienne région Limousin pour soutenir les associations. Il s’agit d’une aide de 13 000 € par an et par emploi à temps plein, qui se renouvelait facilement d’année en année, sous réserve de fournir à la Région un bilan de l’année écoulée. L’idée était de permettre le développement d’une vie associative diversifiée et de rendre accueillante notre région. Aujourd’hui, la région Nouvelle-Aquitaine refuse de communiquer le nombre d’emplois bénéficiant de cette aide annuelle, mais on peut estimer qu’il y en a au minimum trois cents, et peut-être jusqu’à cinq cents. Cela concerne les trois départements limousins, et tous les secteurs : tourisme, sport, culture, jeunesse, art, environnement, etc.
Rappelons que les aides aux associations ne sont pas une faveur faite à quelques personnes pour leur permettre de s’adonner à leur hobby. Les associations sont des acteurs majeurs du territoire limousin, et elles offrent des services indispensables au maintien d’une vie sociale riche. On pourra se reporter au travail fait par le collectif Associations-Nous1, qui montre que le financement accordé aux associations génère sur le territoire une activité économique bien supérieure aux sommes reçues.
Au moment de la création de la région Nouvelle-Aquitaine s’est posée la question de la pérennisation de cette aide spécifique au Limousin. Dans l’ancienne Aquitaine, il n’y avait aucune aide de cette sorte, et en Poitou-Charentes, une aide dégressive sur trois ans. La nouvelle Région décide qu’il serait beaucoup trop cher d’étendre le système limousin à tout son territoire. Elle crée un nouveau dispositif appelé « soutien à l’emploi associatif » : une aide dégressive sur trois ans, huit mille euros la première année, sept mille la deuxième et six mille la troisième, soit environ moitié moins que l’aide limousine. Cette aide est liée à une embauche, ce qui signifie que le ou la salarié.e qui était sur le poste doit céder la place. En 2019, le budget que lui a consacré la Nouvelle-Aquitaine n’a permis la création que de trente postes pour les douze départements, c’est-à-dire, quatre-vingt-dix emplois par an financés par le dispositif une fois qu’il est lancé. Un bref calcul permet de comparer le montant de l’aide qui était consacrée par le Limousin aux emplois associatifs (minimum 300 emplois x 13 000€ = 3,9 millions pour trois départements) à celle que la Nouvelle-Aquitaine va mettre sur tout son territoire (90 emplois x 7 000€ en moyenne = 630 000 euros dans douze départements). La différence est de trois millions au bas mot. Ce sont donc trois millions que le Limousin consacrait à ses associations et qui vont désormais partir dans d’autres budgets, et peut-être d’autres départements de la Nouvelle-Aquitaine. Pense-t-on que le Limousin est la zone la plus riche de toute la Nouvelle-Aquitaine ?
Pour ne pas mettre les associations en péril tout de suite, l’aide limousine a été exceptionnellement prolongée jusqu’au 31 décembre 2020 pour les associations qui en bénéficiaient déjà. Ce qui explique la gueule de bois qui nous attend début 2021. Concrètement, ça donne quoi ? Quatre-vingt-dix postes par an répartis désormais sur douze départements, donc peut-être une vingtaine de postes sur le Limousin, contre trois à cinq cents qui bénéficient pour quelques mois encore de l’aide limousine. Ce sont donc plusieurs centaines de postes qui ne seront plus financés. Pour une petite association faiblement employeuse, dont le budget fait à peine vingt ou trente mille euros, la disparition de treize mille euros par an signe la disparition du poste. Et même si, comme c’est souvent le cas, il y a à côté un petit temps partiel qui permet d’avoir deux salarié.es travaillant ensemble, par exemple dans l’animation, le maintien du deuxième poste partiel n’a plus de sens, et l’activité de l’association disparaît.
Pour les vingt associations heureuses élues, bénéficier de l’aide Nouvelle-Aquitaine en 2021, cela signifie sans doute qu’il a fallu demander à la personne salariée qui était là depuis longtemps, qui connaissait bien l’association et le travail, de partir pour laisser la place à quelqu’un qui devra à son tour s’en aller au bout de trois ans. Quel sens cela a-t-il pour la vision à long terme d’un projet associatif, et pour la stabilité de l’emploi ? Enfin, l’obligation de lier cette aide à un temps plein est totalement inadaptée à notre situation locale, dans laquelle de nombreuses personnes cherchent plutôt des temps partiels, et où de nombreuses associations préfèrent proposer deux temps partiels plutôt qu’un temps plein pour que deux salarié.es puissent travailler ensemble.
Si l’aide à l’emploi se transformait en aide au fonctionnement, cela entraînerait de lourdes charges administratives pour monter des dossiers complexes (celles et ceux qui ont testé les demandes à la nouvelle Région en savent quelque chose), pour un résultat non assuré d’une année sur l’autre. L’ancienne aide était très facilement reconductible, et permettait aux associations d’avoir une visibilité et une sécurité à long terme. Par ailleurs, il faudrait que les associations demandeuses puissent montrer qu’elles agissent dans les domaines de compétence de la Région. Par exemple, la petite enfance n’est pas une compétence régionale : jusque là, il était possible d’obtenir des aides dans le cadre d’une politique de soutien aux associations, mais si ces aides deviennent liées au secteur d’activité, ce ne sera plus possible.
La disparition de ces emplois et de ces activités associatives aura forcément un impact fort sur le territoire. Tout un pan d’actions et d’activités dans les domaines de la culture, de l’animation, de l’art, de l’environnement, du sport, qui soutiennent notre tissu social et rendent la vie locale attractive vont disparaître. Tout un travail de fond réalisé depuis des années pour rendre la vie quotidienne agréable et tisser le fameux lien social va être sapé. Sans parler des centaines d’emplois qui vont disparaître : un nouveau GM&S en Limousin.
Trop souvent, les petites associations se sentent isolées, avec un.e ou deux salarié.es, et cherchent leurs propres solutions ou baissent les bras. Mais cette situation est d’une ampleur inédite. Les associations ont donc décidé de se rencontrer pour mesurer l’ampleur du problème et réagir ensemble.
Une campagne de courriers, adressés à la Région par tous les salarié.es, adhérent.es et dirigeant.es d’associations, a été lancée début mars pour interpeller son président et demander un rendez-vous : nous exigeons une redéfinition de la politique régionale. La situation est réellement critique et au-delà des associations, elle pourrait impacter tout le territoire. À l’heure où nous rédigeons ce texte, la campagne est toujours en cours et nous attendons la réponse du Conseil Régional.
Anne Germain
Loi confortant le respect des principes de la République, article 6 :
« Toute association qui sollicite une subvention s’engage, par un contrat d’engagement républicain, à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine ainsi qu’à respecter l’ordre public, les exigences minimales de la vie en société et les symboles fondamentaux de la République. »
Nouveaux arrivants : le défi de l'accueil
Originaires ou pas du milieu rural, ils y vivent ou ont le projet de s'y installer, ils sont jeunes ou moins jeunes, en couple, en famille, en collectifs ou seuls, vivent un moment charnière, le subissent ou s'en régalent, en tout cas sont dans une envie ou une nécessité de faire bouger des choses dans leur vie, de resituer les priorités. Ils souhaitent faire ce qu'ils aiment et espèrent en vivre, là où ils l'ont choisi et à peu prés comme ils l'entendent. Avec cette exigence en tête, la création de leur propre emploi est souvent la solution la plus évidente : pour certains "faire leur propre truc" est une condition incontournable. Pour d'autres c'est une contrainte qu'ils devront assumer. Cela passe parfois par la combinaison de plusieurs activités pour que l'ensemble soit viable, et aussi parce que c'est parfois frustrant de ne pas tout faire…
Alors pourquoi s'en priver ?
Ils n'ont pas l'âme du chef d'entreprise mais ont par contre le profond désir d'entreprendre (étymologiquement : action de commencer / se mettre à faire quelque chose). Une majorité d'entre eux entretient un rapport distancié à l'économique : la rentabilité immédiate de leur activité n'est pas la principale motivation. Ils ne font pas franchement la différence entre le travail et le reste de la vie, ou souhaiteraient la faire moins. Ils veulent aller vers ce qui fait sens pour eux, être le plus cohérent possible entre les valeurs qu'ils portent et la vie qu'ils mènent, plutôt qu'écartelés par les pressions d'un système capitaliste dont ils ne partagent pas les enjeux. Ils veulent trouver leur place quelque part, mais pas n'importe où, et s'impliquer dans ce coin là, créer des liens, faire des ponts. Pour le reste ils verront...
Ils ont des projets en lien avec l'environnement, ou la culture, sont artisans ou agriculteurs, font du social, du tourisme, proposent des services de proximité, font de l'informatique, ou sont artistes. Souvent un mélange…
Ils croient en un milieu rural vivant et y participent de fait.
Depuis plusieurs années des associations et des individus se sentent concernés par la démarche d'accueil sur le plateau de Millevaches. De nombreuses actions ont été menées dans ce sens en particulier par Le Réseau d'Acteurs de la Montagne Limousine. La qualité de l'accueil proposé aux personnes souhaitant s'installer sur ce territoire est aujourd'hui évidente. Cependant, certaines d'entre elles cheminent plus aisément vers la réalisation de leur projet en étant accompagnées durant cette période, ou au moins aiguillées de temps à autre, et souhaitent un accompagnement adapté à la nature de leurs projets.
L'expérience démontre que les motivations des personnes, leurs parcours personnels et professionnels exigent une approche particulière de leur projet de création d'activités, d'autant plus que la difficulté à ranger ces projets d'installation dans les cases de la création d'activité classique ajoute une difficulté supplémentaire au parcours d'installation qui tient souvent plutôt du parcours du combattant ! C'est pour accompagner ces projets qui ne sont pas "dans les clous" qu'a été créée Pivoine.
Pivoine est une association loi 1901 qui s'est donné pour objectif principal l'accompagnement à la création d'activité en milieu rural sur le Plateau de Millevaches et la Montagne Limousine. Elle s'est dotée de plusieurs outils :
Pour Pivoine, la notion de "formation" est utilisée au sens de "donner de la forme à quelque chose", poser l'ossature, le cadre qui donne de la marge de manoeuvre, de la liberté.
Lucie Rivers Moore et Mélanie Boyer
Dans les années 80, naît l'association Tom Pousse à Faux-la-Montagne. Au départ, préparations à l’accouchement puis rencontres parents/enfants…des activités qui se mettent en place dans la suite logique des besoins.
Fin des années 90, Tom Pousse propose pour les enfants de 0 à 6 ans des activités artistiques d’éveil, des spectacles, et toujours des rencontres parents/enfants.
En septembre 98, ce sont une quinzaine de familles qui se retrouvent tous les mardis matins pour discuter, faire connaissance…les enfants jouent, s’essaient, ambiance étonnamment vivante pour ce petit village de 400 habitants du Plateau de Millevaches.
L’idée de mettre en place une structure de garde trotte dans les têtes. C’est vrai que c’est sympa de se retrouver mais on aurait besoin de temps en temps de laisser nos enfants et partir pour diverses activités…ça se fait de façon informelle, mais rien d’organisé. A l’époque, il y a seulement une assistante maternelle agréée dans la commune, et les grands-parents sont pour la plupart loin.
Pendant 2 ans, un groupe de parents va se retrouver pour écrire le projet, imaginer l’aménagement, visiter différentes structures, rechercher des financements, demander des devis… et mettre la main à la pâte pour les travaux et l’aménagement.
La mairie a été partie prenante du projet dès le début en mettant à disposition les agents communaux pour l’agrandissement des locaux, en signant le contrat enfance.
Tous les partenaires financiers sollicités ont répondu présents (CAF, Conseil Général, Communauté de communes, DDASS, UDAF, Caisse d’épargne, communes, MSA)
Fin août 2000, la PMI a donné son accord pour l’ouverture d’une halte garderie parentale pouvant accueillir jusqu’à 9 enfants de 3 mois à 4 ans . Une dérogation nous est accordée par la PMI pour embaucher une assistante maternelle agréée moyennant la présence d’un adulte pour 3 enfants.
Dès le début, nous avons fonctionné sur un mode parental : pour chaque période d’ouverture étaient présents la personne salariée et un ou deux parent(s) pour accueillir les enfants. Ce type de fonctionnement a duré 2 ans, chaque famille s’engageant à une présence de 2 demi-journées par mois.
La plupart des partenaires nous ont accordé des subventions pour l’investissement ou pour le fonctionnement de l’année de démarrage.
En faisant beaucoup d’aménagements intérieurs et de décorations nous-mêmes, en sollicitant des chantiers de jeunes pour l'aménagement extérieur, nous avons aujourd’hui un lieu d’accueil adapté et agréable. Cependant, malgré les subventions accordées par la CAF, malgré la mise à disposition gratuite des locaux et la prise en charge des frais EDF par la mairie, nous avions peu de marge de manœuvre.
Heureusement un concours de circonstances nous a permis d’embaucher une personne dont la situation nous permettait de bénéficier d’un CEC pris en charge à 80 % par l’Etat.
Pour qu'une organisation comme la nôtre, basée en grande partie sur le bénévolat, puisse durer, il est important d’avoir une relative marge de manœuvre financière, qui permette une certaine souplesse. Ainsi, quand la demande d’accueil a été plus importante, au lieu de solliciter les parents, nous avons embauché une deuxième personne à raison de deux demi-journées par semaine.
En septembre 2002 (3ème année d'ouverture), grosses questions concernant le budget de fonctionnement… Une subvention du FSE (droits des femmes et délégation à la ville), sur laquelle nous comptions, ne nous a pas été accordée.
Cependant des familles attendaient l’ouverture de la halte-garderie. Que faire ? Nous décidons avec l’équipe de parents de continuer bénévolement avec la perspective d’une demande de subvention au syndicat mixte (par le biais de LEADER +) pour décembre.
Deux personnes bénévoles et une personne salariée (pendant un jour et demi) assurent l’ouverture de la halte pendant trois jours. Les parents s ‘engagent alors à tenir trois permanences par mois au lieu de deux.
La PMI nous accorde l’agrément pour l’ouverture seulement si une personne, dont la formation est légalement autorisée, est responsable. Une des bénévoles, infirmière, devient responsable.
En décembre, le syndicat mixte n’est pas en mesure d’étudier notre dossier.
Nous décidons de mobiliser tous les fonds de l’association pour salarier une personne pendant trois jours et une autre pendant un jour et demi jusqu’en juin… avec la perspective de fermer la halte-garderie en juillet 2003 si nous ne réussissons pas à réunir l’argent nécessaire d’ici là.
La CAF continue à nous soutenir techniquement et financièrement et la volonté d’ouvrir le contrat enfance à la Communauté de communes ouvre des perspectives tant au niveau des projets que des financements.
L'avenir de la halte-garderie est néanmoins suspendue au soutien des collectivités (Communauté de communes du Plateau de Gentioux et Syndicat Mixte de Millevaches entre autres) et à leur volonté de favoriser des initiatives comme celle-ci. Peut-être y arriverons-nous : une telle structure n'est-elle pas un atout considérable pour un territoire qui dit vouloir accueillir de nouveaux et jeunes habitants ?
Une équipe de personnes ayant des fonctions, des statuts différents, qui s’autogère…ce n’est pas une mince affaire.
Pendant la première année, nous avons navigué à vue. Tâtonner pendant un an, sans professionnel de la petite enfance ou de la relation, sans aucune expérience dans ce domaine…ça a été dur.
Pour la deuxième année, nous avons mis des moments en place pour que se vive au mieux cette collaboration parents/professionnels, bénévoles/salariés.
Chaque mois, une professionnelle de l’écoute (psychologue clinicienne qui intervient déjà dans le cadre de la formation professionnelle des éducateurs de jeunes enfants et des assistantes maternelles) anime une réunion de coordination, de régulation, gère un espace de parole. De plus, le travail avec une personne formée (éducatrice de jeunes enfants) nous permet petit à petit de prendre du recul que nous n’avions pas, que nous n’avions plus.
Pour que la fonction éducative soit portée par chacun des membres de l’équipe, nous veillons à participer ou à mettre en place des formations s’adressant aussi bien aux parents qu’aux professionnels (éveil culturel avec l’Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels-ACEPP-, chants pour les tout-petits avec Enfance et Musique)
Au départ, la halte-garderie n’accueillait que des enfants de Faux-la-Montagne. Etant donné le baby-boom de 98 (10 naissances dans l’année), nous n’avions pas de soucis de fréquentation… et ne pouvions de ce fait accueillir des enfants d’autres villages. Aujourd’hui, nous accueillons également des enfants d’autres villages. Il serait intéressant de développer une politique petite enfance sur un secteur plus vaste. Les besoins en matière de garde évoluent rapidement ; il est donc important d'y répondre rapidement. Se pose la question d’un mode de garde itinérant. Il pourrait s'agir d'un bus aménagé installé au gré des besoins dans les communes demandeuses. Il aurait le double avantage d'éviter aux communes des investissements lourds et de répondre immédiatement aux besoins.
La halte-garderie a démarré avec un besoin de garde par famille au cours de la semaine. On rencontre aujourd’hui de plus en plus d’enfants qui viennent à la halte-garderie pendant toute la période d’ouverture. La demande de certains parents est
même d’augmenter l’amplitude d’ouverture.
Se pose la question d’ouvrir quatre jours par semaine (au lieu de deux jours et demi pendant la première année et de trois jours pendant la deuxième année).
Et pourquoi pas une ludothèque ? Avec dans un premier temps un prêt de jeux et de jouets pour les plus petits qui pourraient rapidement s'étendre à toutes les tranches d'âge.
Tout reste à construire. Tom Pousse bouge !
Pour la première année, la participation financière des parents était la même pour tous, quels que soient les revenus. En milieu de deuxième année, nous avons mis en place un tarif dégressif en fonction des revenus des ménages. Pour la troisième année un système d'inscription anticipé des enfants subventionné par la CAF permet de baisser encore les tarifs.
En 2001 : 12 F/h (1,8 euros) quel que soit le revenu des familles.
En 2002 : entre 1,30 euro et 1,80 euro/h et par enfant en fonction du revenu des familles.
En 2003 : entre 0,40 euro et 0,90 euro/h et par enfant en fonction du revenu des familles.
Marie Odile Gallois – Catherine Moulin
P4Pillon est une association loi 1901 qui porte des projets de recherche en soins primaires et en santé sur la Montagne limousine. P4Pillon travaille en partenariat avec le pôle MilleSoins et d’autres acteurs du territoire. P4Pillon accueille des professionnels de santé, des étudiants, des chercheurs, des entrepreneurs ou tout autre humain (et non humain) à « La Fourmilière», lieu de vie passerelle et partagé sur la commune de Pérols-sur-Vézère. P4Pillon est particulièrement investi sur l’évolution du métier de pharmacien au regard des enjeux actuels. P4Pillon est propriétaire d’un logiciel de pharmacie innovant dont il libère actuellement le code source (l’inverse d’un dépôt de brevet). P4Pillon souhaite devenir une Société coopérative d’intérêt collectif ayant pour objet l’usage d’outils informatiques et le traitement de bases de données de santé dans un cadre de valeur éthique et au service du bien commun.
START
[Démographie]
< Augmentation de l’espérance de vie générale avec stagnation de l’espérance de vie en bonne santé = augmentation des besoins globaux en soins > + < Diminution de l’offre de soins par effet papy-boom, fuite des diplômes (perte de sens) et épuisement professionnel >
[Epidémiologie]
< Forte prévalence des pathologies chroniques et complexes versus soins aigus à la marge et délaissés >
[Sociologie]
< Besoin de plus de coopération, d’entraide et d’interdépendance au sein d’organisations en santé historiquement cloisonnées > + < Quête de sens des soignants (Ikigai) et d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle > + < Reconnaissance des patients comme experts du vivre avec la maladie > + < Crise de confiance citoyenne face aux politiques publiques et quête d’autodétermination par l’accès à une information fiable >
[Technologie]
< Avancées significatives en termes d’espérance de vie, d’amélioration des pratiques et d’organisation professionnelle > - < Questions éthiques, rapports coût/bénéfice et bénéfice/risque vis-à-vis de ses usages (acharnement thérapeutique, destruction du lien humain et de la solidarité, délires transhumanistes, surveillance de masse, etc.) >
[Economie et souveraineté]
< Décroissance économique structurelle liée à la décroissance de l’approvisionnement énergétique > + < Indépendance industrielle européenne vis-à-vis des médicaments et des dispositifs médicaux essentiels proche de zéro >
[Ecologie]
< Santé du système-monde affectée par la pression humaine (changement climatique, déforestation, effondrement de la biodiversité, etc.) - ex : COVID19 = apéritif au menu des emmerdes > + < Empreinte carbone du système de santé français = 8 % des émissions de gaz à effet de serre (50 % médicaments et dispositifs médicaux) >
STOP
OBJECTIF : faire [plus] avec [moins], [mieux] et [plus vite] vis-à-vis des < besoins en soins locaux > + répondre [fortement] mais [frugalement] aux < besoins en santé globaux > [humaine], [animale] et [environnementale] pour que les < besoins en soins locaux > tendent vers [zéro].
Je m’appelle Antoine, je reprends la plume. Je vous prie d’excuser P4Pillon, il a tendance à s’exprimer de manière mécanique et à aborder les problèmes en posant des équations... Il est convaincu que pour avoir un effet significatif sur un système dynamique et complexe (tel que le système de santé français dans le monde tel qu’il est aujourd’hui), il doit le comprendre dans le détail de son fonctionnement afin d’en modifier certaines conditions initiales puis de les entretenir. Ceci afin de créer, selon la théorie du chaos, une réaction en chaîne, un effet papillon dans la fresque de la santé globale. S’il échoue, ce ne sera qu’un effet colibri (ce qui sera déjà quelque chose en soit).
Je passe du [je] au [nous]. Depuis 2007, forts de nos lectures, rencontres et expériences, nous construisons un récit et le traduisons en actes. Notre devise est : « agir en communauté de pensée et penser en communauté d’action ». D’abord sur la Montagne limousine avec le pôle de santé MilleSoins, qui est le fruit de notre émergence : « le tout offre plus de possibilités que la somme des parties ». Nous sommes des professionnels de santé qui travaillons ensemble, bâtissons des communs, innovons et nous entraidons afin de résister à un monde devenu profondément inadapté. Notre idéal de santé communautaire est encore loin, l’espace-temps nous manque mais abandonner n’est pas une option.
Aux niveaux régional et national, nous militons au sein d’une fédération d’équipes coordonnées en santé1 sur des champs de bataille plus politiques, où nos principaux alliés sont les associations de patients2. Avec P4Pillon, nous sommes désormais reconnus comme des résistants et des lanceurs d’alerte au sein du monde pharmaceutique et du numérique en santé, telle notre intervention dans le magazine Cash investigation du 20 mai 2021 « Nos données valent de l’or3 ».
D’un point de vue entrepreneurial, nous avons effectué plusieurs preuves de concept uniques en France, basées sur de l’innovation frugale, l’usage de smalldatas autogérées, et la prise en compte des enjeux de santé globaux (contribution à la rédaction du Plan de transformation de l’économie française Santé de Theshiftproject4 et rapprochement avec des associations comme Alliance Santé Planétaire5.
Aujourd’hui, notre objectif est de créer un tiers-lieu « santé globale » sur la commune de Bugeat, avec différents partenaires potentiels tels que la SCIC l’Arban, la Fabrique des santés (qui œuvre pour une communauté des communs en santé), l’écosystème du logiciel libre en santé – collectif InterHop6 – et bien d’autres. Cet espace sera destiné à accueillir toute personne physique ou morale souhaitant investir les questions de santé globale dans une dynamique de recherche-action pluridisciplinaire, inclusive et non-jugeante. Ce tiers-lieu sera aussi l’incarnation du projet de l’association P4Pillon qui souhaite se constituer en Société coopérative d’intérêt collectif autour de l’usage des données de santé produites par les équipes de soins coordonnées. Dans la même veine que le collectif InterHop, qui œuvre dans le champ hospitalier, nous souhaitons encadrer la production, l’usage et la finalité de traitement des données de santé par trois conditions : utilisation d’outils numériques transparents (libres et open-source), consentement libre et éclairé des citoyens et des patients, et autogestion locale des bases de données. L’objectif est de constituer un contre-pouvoir latéral face aux plateformes de données de santé centralisées (Health Data Hub) et aux géants du numériques (GAFAM et databrokers).
Notre point de départ politico-médiatique est la libération du code source du logiciel que nous avons co-développé durant 3 ans dans les pharmacies de Bugeat et de Faux-La-Montagne (merci Lilou, Françoise, Olivier et les Loutres). Nous sommes actuellement en campagne de financement participatif afin d’indemniser l’informaticien ayant travaillé au développement du logiciel. Nous vous invitons à contribuer à cette première dans le monde pharmaceutique. En contrepartie, votre nom sera inscrit dans le code source. Chabatz d’entrar !
Antoine Prioux
Née en 1986 de l'initiative d'un groupe d'habitants du cœur du plateau de Millevaches, d'abord cantonnée à une poignée de communes, Télé Millevaches, magazine vidéo mensuel d'informations locales, est depuis 1992 disponible en prêt gratuit pour l'ensemble des habitants du territoire qui sont 2500 à le regarder chaque mois. Téléchargeable sur Internet, il est aussi, depuis janvier 2005, grâce au partenariat mis en place avec la chaîne "Demain !" accessible sur tous les réseaux câblés et satellites qui diffusent les programmes de cette chaîne.
Télé Millevaches s'apprêtait donc à souffler ses 20 bougies qui font d'elle la plus ancienne des télévisions associatives locales encore en fonctionnement en France. 20 années d'une information indépendante faite par et pour les habitants du plateau, 20 années de reportages circulant d'un bout à l'autre du territoire montrant l'étonnante diversité d'initiatives et de réalisations qui s'y déroulent et constituant petit à petit un fond unique d'archives locales animées. 20 années de débats autour des problématiques qui s'y jouent, à l'occasion de plateaux enregistrés, de projections ou d'enregistrements publics. 20 années de contribution à l'identité du territoire, de valorisation de ce qui s'y passe. 20 années d'une image dynamique du plateau portée régulièrement à l'extérieur, en France comme à l'étranger, comme aucune campagne de promotion n'aurait pu le faire. 20 années qui ont fait de Télé Millevaches une expérience unique en France par son ampleur, sa durée et sa régularité, une réalisation que bien des territoires et des régions nous envient.
Mais voilà, cet anniversaire n'aura peut-être pas lieu. Si rien n'évolue, d'ici trois ou quatre mois, faute de soutien du Parc naturel régional, Télé Millevaches sera en cessation de paiement.
Comment en est-on arrivé là ? La télévision est une activité qui coûte cher et qui rapporte peu lorsqu'on n'a pas recours à la publicité. Même assurée au moindre coût, comme c'est le cas à Télé Millevaches, avec des salaires faibles pour les personnes qui y travaillent, un important recours au bénévolat et une grande économie de moyens, les besoins restent importants et la vente de cassettes ou la souscription d'abonnements restent des ressources un peu dérisoires.
Pour assurer la réalisation de son magazine, Télé Millevaches a, dès son origine, créé un atelier de production de films dont une partie des ressources peut être affectée à l'activité d'information.
Mais, c'est incontournable, pour assurer sa mission qu'elle considère comme un service public, Télé Millevaches a besoin d'un soutien public.
Ce soutien elle l'a eu jusqu'à présent : de la part du Conseil Régional, intervenu à ses débuts, ainsi que dans des phases difficiles ou encore actuellement pour la réalisation de projets ponctuels ; de la part du Conseil Général de la Creuse, à hauteur de 2300 euros par an depuis de nombreuses années ; de la part de plus des deux tiers des communes du territoire pour des montants unitaires souvent faibles mais, qui additionnés, se situent dans la fourchette de 6000 à 6500 euros par an ; et surtout de la part du Syndicat mixte de Millevaches, partenaire "naturel" qui, dans un premier temps dans le cadre des programmes Leader, puis, à expiration de ceux-ci, sur ses fonds propres, a assuré depuis neuf ans une aide annuelle de fonctionnement de 47 000 euros, réduite à 33 000 euros depuis la mise en place du programme emplois jeunes (soit 30%, puis 20% d'un budget total de l'association qui s'élève à 160 000 euros par an).
Depuis deux ans, confrontée à la fin programmée du dispositif emplois jeunes qui va priver l'association d'un soutien à son activité qui a représenté jusqu'à 61 000 euros par an, Télé Millevaches a attiré l'attention des responsables du Syndicat mixte sur la nécessité pour les collectivités locales d'accroître à terme leur soutien. Au lieu de cela, et malgré les assurances répétées qu'une aide allait être trouvée, et que l'action de Télé Millevaches méritait reconnaissance et soutien, non seulement la demande d'augmentation de l'aide n'a pas été suivie d'effet, mais le Syndicat mixte en charge du Parc naturel régional n'a tout simplement pas donné suite à la demande de subvention pour 2004. Télé Millevaches s'est ainsi trouvée brutalement, sans avertissement préalable, ni même sans aucune prise de décision réelle (sa demande n'ayant jamais été soumise au Conseil Syndical), privée de 20% de ses ressources.
Aujourd'hui, rien ne permet de dire que la situation sera différente en 2005 : des assurances verbales continuent d'être données, un travail de recherche de compléments de financement auprès de la Région est entrepris, mais qui ne pourra se mettre en place que si le Parc naturel régional intervient. Or celui-ci n'a pas jugé utile ni pertinent d'inscrire le soutien à une télévision locale de territoire parmi ses axes prioritaires.
Ainsi, alors que le Parc naturel régional voisin de la Brenne cherche à créer une télévision s'inspirant de ce qui existe ici, que le département voisin du Cantal a soutenu un projet équivalent, la première action concrète de notre Parc naturel régional de Millevaches en Limousin, dont la vocation est d'être au service des acteurs locaux du territoire, va être de signer l'arrêt de mort d'un des rares projets à l'échelle du territoire qui y était pour l'instant vivant.
Marc Bourgeois
Dans un contexte qui n’est pas folichon (baisse des financements publics, remise en cause des contrats aidés, attaques contre les libertés associatives, volonté d’imposer aux associations un « contrat d’engagement républicain » – voir notre dernier numéro), une vingtaine de chercheurs et chercheuses, acteurs et actrices, publient un petit livre qui se veut prospectif sur l’avenir du monde associatif. Entre scénario noir qui voit s’accentuer les tendances actuelles (contraintes supplémentaires sur les associations, triomphe de la business-philanthropie, gestion managériale du secteur, etc.) et un scénario optimiste où les communs, la participation et le dynamisme local redonneraient sens à un « associationnisme du XXIe siècle », la ligne de crête penche dangereusement d’un côté. Comment éviter la chute ? « Ici, nulle naïveté ou idéalisation des associations mais le constat de l’importance des mouvements citoyens pour éviter l’isolement et le désarroi qui font le lit de l’autoritarisme et menacent la démocratie », expliquent les auteurs. « La défense de celle-ci passe en effet par la multiplication des espaces de délibération et d’action. »
Cet ouvrage se veut avant tout un outil pour alimenter les débats et s’interroger sur les marges de manœuvre réelles qui peuvent être saisies par les citoyens. Celles-ci heureusement existent. On en a un bel exemple avec une histoire qui nous vient de la banlieue lyonnaise, celle de l’association Cannelle et Piment, un traiteur multiculturel établi depuis près de 30 ans à Vaulx-en-Velin. Les femmes créatrices de cette « entreprise associative » sont toutes des immigrées, sans diplôme et sans reconnaissance préalable. Elles racontent dans le livre qu’elles viennent de faire paraître comment elles ont dû batailler pour monter un projet dont elles ont fini par pouvoir tenir les rênes, même si l’institution n’y a pas toujours aidé. Leur projet ne rentre dans aucune case, la direction du centre social où elles ont commencé leur activité veut garder le pouvoir sur leur histoire, Pôle emploi leur propose des contrats d’insertion... sur les contrats qu’elles ont elles-mêmes créés ! Heureusement l’histoire montre aussi qu’il y a toujours quelques complices dans ces lieux-là qui arrivent (parfois, mais pas toujours) à sortir des rails.
Où l’on voit assez bien s’illustrer l’adage selon lequel une innovation sociale est une désobéissance qui a réussi ! Une histoire à lire aux éditions Repas (et en prime il y a même quatre recettes choisies par les cuisinières de Cannelle et Piment !).
Quel monde associatif demain ? Mouvements citoyens et démocratie, s.d. Patricia Coler, Marie-Catherine Henry, Jean-Louis Laville et Gilles Rouby, éditions Érès, 13 €.
Du 26 au 31 Juillet 2007, différentes associations limousines (Solidarité Millevaches, Vasi Jeunes, le MRJC Limousin et Lumières d'Afrique) recevaient la caravane d'ATD Quart Monde. Cette caravane était composée d'une vingtaine de jeunes, permanents volontaires ou simplement là pour une courte période du périple.
Cela fait 20 ans (17 octobre 1987) qu'une dalle a été posée au Trocadéro à Paris, par laquelle les gouvernements s'engageaient à lutter contre la misère. Cette année, ces caravanes d'ATD Quart Monde passaient un peu partout en France et en Europe pour nous interpeller et nous rappeler l'engagement des politiques en 1987, et aussi faire partager leur combat contre l'exclusion.
ATD Quart monde connaissant bien la vie citadine et peu le milieu rural, nous avons choisi de les accueillir sur le Plateau. Mais nous avons dépassé le simple accueil. Nous sommes allés vers des personnes vers lesquelles nous n'avons pas l'habitude de nous tourner, la routine étant plus rassurante et plus forte que la soif de découvrir l'autre. Par l'intermédiaire de différents chantiers et ateliers (remise en état du théâtre naturel de Vasi Jeunes, préparation d'un " poulet Yassa " pour 80 personnes mené par Lumières d'Afrique, ateliers Tapori, farandole et Laque d'ATD Quart Monde ou encore ateliers confiture de myrtilles avec Solidarité Millevaches) nous avons tissé des liens qu'il nous faut consolider.
Des discussions ont permis à des personnes exclues de s'exprimer sur leur vie, aux autres d'écouter et ensemble de réfléchir à une vie plus solidaire et fraternelle. Enfin, les caravaniers ont pu discuter avec des agriculteurs et ainsi se rendre compte des problèmes vécus par les petites exploitations face aux grandes exploitations, de la difficulté de gérer seul toute une exploitation… L'échange et le partage de toutes ces expériences ont été une réelle bouffée d'oxygène.
A chacun de nous de la conserver et de la multiplier !
Julie Cuenot
Solidarité Millevaches est donc née officiellement en novembre 1998, après avoir vécu dans l’ombre pendant quelques années, née de la volonté de quelques habitants du Plateau et des 3 délégations du Secours Catholique de la Région du Limousin. On peut se demander pourquoi… Eh bien… parmi ceux qui ont choisi de rester au pays, parmi ceux qui ont choisi de s’y installer (et donc qui sont venus d’ailleurs), certains sont confrontés à un moment donné de leur vie à de réelles difficultés qui aboutissent parfois à des impasses. Nous avons été sollicités par différents services et nous avons donc décidé de nous engager dans une démarche visant à surmonter ensemble les obstacles.
Comment ? Pas de recette miracle ! Nous mettons progressivement en place un réseau de particuliers, associations et institutionnels auquel nous faisons appel ponctuellement pour résoudre les questions qui se posent pour telle ou telle situation. Chacun, avec ses compétences particulières, ses savoir-faire, ses relations, peut à un moment ou à un autre intervenir. Si Solidarité Millevaches donne un coup de main en certaines circonstances, elle accompagne également des porteurs de micro-projets, accompagnement qui met, là aussi à disposition, le réseau de partenaires nécessaire à leur réalisation. Pour démarrer un projet lorsqu’on est en fin de droits ou au RMI… c’est difficile. Nous pouvons, dans certaines conditions, apporter une aide matérielle (prêt de véhicule par exemple) ou financière, modeste il est vrai, mais qui peut en déclencher d’autres. Nous travaillons avec la boutique de gestion AIRELLE (montage de projet), LIDE (Limousin Insertion Développement - Limoges) qui, quand un prêt est nécessaire, apporte une garantie de 60 % auprès d’une banque, et le Fonds de garantie du Secours Catholique qui complète à hauteur de 20 %, suivant un certain plafond.
Pour nous, il s’agit de travailler à ce que, sur ce Plateau, chacun trouve ou garde sa place. Faire des déclarations, améliorer les structures sociales (nous y apportons notre contribution), même si c’est nécessaire n’est pas suffisant, encore faut-il mettre en œuvre dans nos propres relations personnelles et associatives ce qui rend compte de la nature de chaque personne. Au terme de quatre années d’expérience, la nécessité d’aller plus loin dans l’accueil des porteurs de micro-projets (qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs) nous a poussés à réfléchir avec d’autres associations et entreprises à cette dimension de l’accueil : un pôle d’accueil est créé, où il est possible de venir rencontrer ceux qui sont déjà installés, de tester son projet… Une formation sera prochainement proposée. Tout cela est encore un peu flou ! Sont dans le coup : Les Plateaux Limousins (pôle d’accueil et de formation), l’entreprise Ambiance Bois, le GAEC Champs Libres, l’association Contrechamps…
Et puis… il y a le temps des chantiers, temps de travail, d’échanges et de convivialité où l’on se retrouve pour améliorer les conditions de vie. Mais il n’y a pas que les chantiers où l’on peut être utile ; d’autres compétences sont les bienvenues : vous pouvez faire partie du réseau si le cœur vous en dit…
Anne-Claire Lourd
« Monsieur le Premier ministre,
À partir de travaux et de remontées d’acteurs associatifs, plusieurs articles de presse ont mis en lumière, au cours des derniers mois, la mise en place par le réseau des CAF d’un algorithme de ciblage et de profilage d’allocataires qui sont considérés comme à risque et susceptibles d’être davantage contrôlés. Nos associations tiennent à vous faire part de leur vive inquiétude face à l’utilisation de ce type d’algorithme qui se traduit par des pratiques discriminatoires vis-à-vis de certains allocataires et en particulier les plus vulnérables d’entre eux. Sont ainsi particulièrement ciblés les allocataires de l’AAH, les femmes seules avec enfants, les bénéficiaires du RSA, les personnes disposant de revenus irréguliers, etc., c’est-à-dire les allocataires les plus vulnérables et les plus en difficulté.
Plus globalement, nos associations ont pu constater un certain nombre de pratiques des CAF conduisant à des dérives liées à la dématérialisation : algorithme discriminatoire de ciblage des contrôles, indus exempts de toute motivation, suspensions automatiques de droits sans respect des procédures contradictoires. Ces diverses pratiques s’accompagnent d’une opacité de l’ensemble des documents administratifs de la CNAF (circulaires, règlements, codes sources et documentation des algorithmes, etc.), d’une absence d’interlocuteurs physiques suffisants dans les accueils des CAF et d’une déshumanisation des relations.
Cela se traduit par des situations inextricables pour nombre d’allocataires : impayés de loyers, avec parfois expulsion du logement, frais bancaires colossaux, impossibilité de nourrir sa famille… Cette maltraitance institutionnelle est porteuse de multiples conséquences sur le plan matériel et psychologique pour tous ceux et celles qui sont marqués par des situations extrêmes, dont ne semblent pas avoir conscience les autorités de tutelle.
Les pratiques mentionnées ci-dessus semblent fondées sur une vision budgétaire qui n’a pourtant pas de justification économique. Elle est porteuse de coûts induits beaucoup plus élevés que les économies apparentes réalisées à court terme, notamment en matière d’éducation des enfants, de santé physique et mentale, d’habitat, de souffrance au travail pour les agents des CAF.
Aussi, nous vous demandons instamment de mettre fin à ces situations de non-droit et de maltraitance, d’enjoindre la CNAF de :
Au-delà de ces constats et de ces demandes, un large débat public nous semble nécessaire, d’une part sur l’usage des algorithmes publics et leurs conséquences dans la vie réelle, d’autre part sur des changements d’orientation majeurs dans l’action des CAF. Celles-ci vont avoir dans les prochaines années un rôle de plus en plus essentiel face aux immenses défis écologiques, sociaux, sanitaires et économiques qui nous attendent. »
Bisous Gaby (ça, c’est moi qui rajoute) !
En y allant, nous avons découvert un bourg très coquet, avec des habitations restaurées avec goût, une belle église et un jardin de la cure dédié à la botanique avec des espaces pour les activités festives. Nous avons été accueillis dans la rue par des retraités d’un village de Lioux, qui ont retrouvé le berceau de leur famille après une vie professionnelle urbaine et qui sont habitués à participer aux manifestations associatives. Ils nous ont présenté le maire, Jacky Paillard, qui veille avec une autorité bienveillante à ce que les différentes composantes sociales de sa commune (les agriculteurs, les autres actifs, les retraités ayant ou non des racines dans la commune) vivent le plus possible en bonne intelligence.
La journée du livre avait lieu dans La Grange, une salle municipale dans laquelle se déroulent tout au long de l’année des conférences, des expositions, du théâtre et diverses manifestations festives. Cette année, dix auteurs étaient présents avec des productions très diverses. Parmi eux, les auteurs de romans et d’oeuvres poétiques étaient majoritaires, mais nous avons aussi rencontré d’autres personnages. Olivier Noaillas, par exemple, qui est le président de Brézentine environnement. Il raconte dans Une rivière en résistance l’engagement associatif d’habitants de Dun-le-Pallestel et des alentours pour sauver la Brézentine des pollutions qui l’asphyxiaient, principalement celles de l’usine d’équarrissage. Il y avait aussi Hervé Krief qui présentait son essai Internet ou le retour à la bougie, une critique radicale du numérique, et Julien Dupoux qui, dans son pamphlet Requiem pour un pays sauvage, dénonce les laideurs de l’architecture et de l’aménagement modernes (ces deux ouvrages ont été présentés dans IPNS n° 65). Martine Castello, présidente de Vivalioux, donnait, elle, dans l’autobiographie avec Nature morte aux quatre citrons.
Arrêtons-nous sur son histoire personnelle. Avant de vivre sa retraite à Lioux-les-Monges, elle a eu une vie bien remplie. Enfance en Algérie, exode en métropole après l’indépendance, puis une vie professionnelle parisienne. Journaliste scientifique, elle a d’abord travaillé à Libération, pendant les premières années du journal où avaient été instituées l’égalité des salaires entre toutes les catégories de travailleurs et la pratique des décisions collectives. Elle en a gardé un souvenir ému et quelque peu nostalgique. Après cette expérience marquante, elle a travaillé au Figaro et publié de nombreux ouvrages scientifiques allant de l’astronomie à la géologie en passant par la biologie. Depuis sa retraite à Lioux-les-Monges, son dynamisme, son sens du collectif et ses capacités d’animation de groupes ont grandement contribué au dialogue associatif dans la commune. Outre Vivalioux, deux autres associations y sont actives : Passerelles, présidée par le peintre Pierre Passani, qui organise des stages d’art plastique, et La Souillarde, animée par Anne Lemeunier, qui consacre son activité au théâtre et au chant. Une de ses récentes manifestations a consisté à présenter de façon collective et théâtrale les résultats d’une enquête menée par les membres de l’association auprès des agriculteurs du secteur concernant leur travail quotidien et leur vision de l’avenir. Ce qui a donné lieu à un débat approfondi et parfois conflictuel sur le monde rural.
Le dynamisme des associations et des habitants de Lioux-les-Monges démontre que l’intensité de la vie sociale d’une commune ne dépend pas de son nombre d’habitants, mais de la volonté de ceux-ci de pratiquer la convivialité et d’avoir le souci du collectif.
Jean-François Pressicaud
Plutôt qu'une dissertation de science-po, voici mon vécu de la citoyenneté durant les six ans de pratique associative dans le PNR Périgord- Limousin, en particulier comme ex-Président du "Comité d'Etude pour son Implantation" et de "Vivre le Parc". Afin d'essayer de ne pas céder à la passion et au manque d'objectivité, ayant été très impliqué dans sa création et, depuis, souvent en conflit avec lui, je m'appuierai le plus possible sur des faits et des réalités avérées tirées de ces premières années de "cohabitation". Au lecteur de répondre à la question posée dans le titre.
Le discours que je prononçais lors de l'inauguration du parc, le 5 septembre 1998 à Bussière-Galant, est une excellente entrée en matière pour comprendre nos rêves et nos espoirs avant d'aborder la réalité. " (…) C'est une immense joie et un grand honneur, d'être en ce jour d'inauguration le porte parole de l'ancien "Comité d'Etude pour l'Implantation du PNR Bandiat-Tardoire" devenu aujourd'hui "Vivre le Parc" et de tous les bénévoles anonymes sans lesquels nous ne serions pas là aujourd'hui pour porter, enfin, ce PNR Périgord-Limousin sur les fontbaptismaux.
De ce vendredi 21 décembre 1984, date de la première réunion informelle d'associations du pays, à la mairie de Piégut-Pluviers, pour élaborer un projet de "PNR Bandiat-Tardoire", jusqu'au 9 mars 1998, date du Journal Officiel mentionnant le décret de la création du "PNR Périgord-Limousin", quatorze ans se sont écoulés ! Quatorze ans d'acharnement. Les initiateurs du projet ne prévoyaient pas un tel délai… Heureusement. Seule son excellence peut expliquer la résistance des volontés locales à l'usure des embûches politiques et administratives (…)
Dans ce berceau, les gens du pays, passionnés de culture occitane, d'archéologie industrielle, de conservation des vieilles espèces fruitières, de produits fermiers et de gastronomie, de flore et de faune sauvages ne pouvaient que se rencontrer et s'unir pour préserver et valoriser ce riche patrimoine au service du développement local.
La deuxième qualité de ce projet était d'être "citoyen". Fallait-il qu'il soit bien enraciné pour galvaniser les énergies sur une telle durée. Sensibiliser la population, convaincre les élus, plaider son dossier auprès des services de l'Etat. Combien cela a-t-il nécessité de réunions, d'études, de journées d'animations "Vers un PNR", de conférences de presse, de kilomètres parcourus entre Périgueux, Limoges, Angoulême, Bordeaux, Poitiers et Paris ? …Et souvent, pour tout encouragement, s'entendre dire que notre projet n'était pas assez lisible, visible, pas assez ci, trop ça… A chaque changement de majorité dans les Départements, Régions ou à l'Assemblée Nationale tout était à recommencer.
Mesdames, Messieurs, vous comprendrez qu'après avoir vécu une si longue et intense histoire, les pionniers du Parc, au nom desquels je m'exprime ici, soient animés d'un immense espoir pour notre jeune PNR qui ne va pas sans quelques craintes.
Notre immense espoir, c'est que la nouvelle institution "PNR Périgord-Limousin" fasse perdurer l'état d'esprit qui a animé ses initiateurs pour en faire le premier "PNR citoyen" où élus, équipe technique et habitants, au travers de la fédération d'associations de "Vivre le Parc", établissent un étroit partenariat équilibré, chacun restant, bien sûr, dans le champ de ses compétences. Ces quatorze années de gestation ont fait émerger des projets associatifs innovants qui ne demandent qu'à être coordonnés, amplifiés, promotionnés par le PNR. Nos craintes, certainement injustifiées, c'est qu'une chape administrative supplémentaire vienne se plaquer, sans concertation, sur ces initiatives citoyennes. C'est aussi que les décideurs locaux ne voient dans ce PNR qu'une pompe à subventions pour satisfaire les petits intérêts particuliers en tout genre plutôt que d'y voir un outil à porter les projets inscrits dans une politique de développement durable au service de tout le territoire. Nous sommes persuadés que le PNR est un excellent outil mais que ce n'est qu'un outil dont le mode d'emploi serait : pour l'institution "Faire faire plutôt que faire" et pour ses usagers "Aide-toi, le Parc t'aidera"… Enfin, notre dernière crainte, c'est que ce bel outil devienne l'enjeu des zizanies politiciennes paralysantes ; dans ce domaine, nous savons de quoi nous parlons…".
Je relis ce discours pour la première fois, à l'occasion de l'écriture de cet article. Quelle naïveté, quelle utopie mais aussi quelle vision prémonitoire ! Après les exceptionnelles journées citoyennes de la
fête inaugurale du PNR où élus, associations et équipe technique du Parc, en parfaite cohérence et complémentarité mobilisèrent tout le territoire et drainèrent des milliers de visiteurs, nous pensions la démarche citoyenne acquise.
Hélas, trois fois hélas, les luttes de pouvoir commencèrent très vite entre les acteurs du territoire et la nouvelle institution, obsédée d'imposer "les prérogatives des PNR" et son "image" tant auprès du monde associatif que des collectivités locales. Ainsi il fallut des mois et des mois de négociations pour que le PNR consente à signer une convention avec notre fédération en nous faisant bien remarquer que nous n'étions qu'une association comme les autres ! Crainte d'un contre pouvoir, désir inavoué de tuer le père ?
Contractualiser un partenariat "équitable, solidaire et durable" sur une initiative associative s'est vite avéré impossible sans passer sous les fourches caudines du PNR, plus soucieux d'utiliser la créativité et le travail associatif comme support de communication (au coût très avantageux) pour apposer son logo, que d'instituer une vraie gouvernance participative. La première tentative de labellisation d'un produit Parc créé par des associations fut un échec pour ces raisons. Malgré les multiples mises en garde et propositions de tout mettre à plat pour que nous soyons considérés comme des partenaires associés aux processus de décisions et pas seulement comme de simples prestataires, tout reste à faire, bien que la citoyenneté dans le PNR ait été mise en avant dans sa charte et que certains décideurs croient encore aujourd'hui qu'elle y est pratiquée !
La conséquence de ce blocage, c'est que les associations qui ont porté ce Parc, ont dû se tourner vers d'autres partenaires pour lancer leurs projets innovants et expérimentaux : valorisation du site de la météorite de Rochechouart, Parc "accro branche" et vélo-rail de Bussière-Galant, Eco- Centre du Périgord, Vergers Conservatoires du Haut-Périgord, Pôle expérimental des Métiers d'Art de Nontron, Université de Pays, Route des Tonneaux et des Canons, piste multi-activité sur l'emprise de la voie ferrée Thiviers-Angoulême, Lud'eau Vive de Varaignes, Résau européen d'éducation au Développement Durable, Journées de l'Ecohabitat… Parfois le PNR s'y raccroche, parfois il essaie de s'imposer en concurrence avec les associations locales au nom de ses prérogatives, parfois aussi, il reprend des initiatives associatives pour les dynamiser efficacement comme la valorisation du châtaignier (à noter sa remarquable exposition "Châtaignier en projet(s)").
Il faut ajouter que de nombreuses associations sont allées vers les Conseils de Développement des nouveaux Pays pour trouver le courant de citoyenneté qu'elles attendaient du Parc.
Cette volonté politique d'imposer ses prérogatives sur le territoire a eu des effets semblables, voire pire, vis à vis des collectivités locales. Ce n'est pas le propos ici de rappeler les conflits pour affirmer les compétences de chacun qui ont entraînés perte de temps, d'argent, ralentissement de la dynamique et naissance d'une image négative du Parc. Le projet de Maison du Parc en est la synthèse. A quand son audit ?
Je resterais dans le domaine de la citoyenneté sans porter de jugement sur les autres actions du Parc ni sur le bien fondé de cet outil au service du développement durable sur un territoire. Je constate simplement que les élus locaux, alléchés par ce label porteur de PNR, n'ont pas toujours conscience de l'importance de la mise en œuvre d'une démarche citoyenne pour la réussite d'un Parc et d'une politique de développement durable solidaire. Incorrigible optimiste, je sens un frémissement citoyen monter des rouages du Parc Naturel Périgord-Limousin à l'approche du renouvellement de sa charte mais, en paraphrasant un homme politique connu, je suis maintenant persuadé que "la citoyenneté est un combat".
Alors ? Un Parc citoyen…Rêve ou réalité ?
Jean-Louis Delage
Édité à Clermont-Ferrand par l’association L’Étonnant Festin, La deuxième édition du Solide Almanach Nourricier est sortie en novembre. 160 pages pour parler de la cuisine de Clermont, d’Auvergne et du Massif central. Au sommaire, des recettes de cuisine, des portraits de producteurs, de l’histoire, des présentations d’associations ou de manifestations en lien avec la bonne chère, et tout cela dans une maquette très chic et originale qui sublime la lecture. En prime il y a même quelques semences (en vrai !), un jeu des 7 familles et une grande carte à déplier. De quoi nous rendre jaloux à IPNS. Et en plus préfacé par un membre de l’Académie française (rassurez-vous, c’est un bon vivant !), Pascal Ory : « Il n’y a rien de plus hospitalier que d’accueillir l’étranger en lui servant, non une pâle imitation des recettes de son pays – et qui n’aura jamais le goût des petits plats de sa maman – mais un chef-d’œuvre de la tradition de celui qui reçoit. “Tradition“, oui : mot mal compris, qui signifie transmission et ne nous parle pas d’un “enracinement“ rigide mais d’une incessante métamorphose. » Ce très bel almanach est disponible au prix de 19 €.
En savoir plus : www.letonnantfestin.com
Je me suis installé à Nedde en 2014 en élevage laitier, avec les aides DJA (Dotation jeune agriculteur). Pour obtenir ces aides, il est nécessaire de construire un « plan d’entreprise », une sorte de prévisionnel détaillé des 5 premières années de l’activité, qui est généralement fait avec (par ?) un.e conseiller.ère de la Chambre d’agriculture. Le travail sur les chiffres pour ce prévisionnel était une première étape pour me plonger dans la réalité économique de mon projet. J’ai plutôt choisi d’être accompagné par une intervenante qui travaillait avec l’ADEAR Limousin1. Au vu des échos que j’avais à l’époque, je suppose que si j’avais fait ce « plan d’entreprise » avec un.e conseiller.ère de la Chambre, mon projet de m’installer avec 8 vaches serait passé pour « peu crédible » ou « non professionnel ». Et surtout probablement que je n’aurais pas vraiment intégré l’impact de certains choix économiques (prix, volumes envisagés, investissements, charges potentielles…). C’était donc à moi de prouver qu’avec 8 vaches, la valeur ajoutée créée par la transformation fromagère rendait l’activité viable, et me permettait d’atteindre le « revenu disponible » (un revenu équivalent au Smic, tel que l’exige l’engagement DJA) au bout de 5 ans.
Cette idée de prise en main des chiffres de son activité économique, je l’ai retrouvée au sein de l’AFOCG Limousin (Association de formation collective à la gestion) à laquelle j’ai adhéré en rejoignant le groupe d’Eymoutiers. Concrètement, le cycle de formation « Comptabilité-gestion » se déroule de septembre à avril sur 5 journées de formation, au sein de groupes de 4 à 10 adhérent.es réuni.es sur un secteur géographique donné. De nouveaux groupes sont créés chaque année, afin que chacun.e puisse être formé.e à proximité de sa ferme. Les formations sont prises en charge par le fonds de formation VIVEA.
Nous reprenons les bases de la saisie, la déclaration de TVA, la clôture, sur ces temps de formation collective, animée par une animatrice-formatrice (elles sont 2 en Limousin), en alternance avec des temps de saisie individuelle à la maison. Le dernier jour du cycle est consacré à la gestion : une fois la clôture réalisée (vers janvier-février), nous faisons un travail d’analyses des résultats, avec des outils pédagogiques qui permettent de les comprendre et surtout grâce aux échanges avec les autres membres du groupe. C’est là que le groupe me paraît pertinent. Si on réussit à dépasser la crainte ou la pudeur d’exposer ses chiffres aux autres, c’est vraiment l’occasion que les autres nous renvoient des questionnements sur les choix stratégiques de notre ferme. Cela n’est possible qu’avec des personnes qu’on retrouve régulièrement pour qu’un minimum de confiance soit installé.
Selon moi, un des travers de notre métier est d’être très facilement la tête dans le guidon, d’avoir de la difficulté à s’arrêter et prendre du recul pour faire des choix d’orientations qui soient les plus justes, cohérents et en connexion avec ses aspirations personnelles. Le groupe de l’AFOCG est un espace pour faire ce pas de côté et en discuter en collectif. Partir des chiffres qui reflètent la réalité de la ferme, croiser avec ce qui est important pour chacun.e comme : « vivre de sa production », « avoir du temps pour moi », « donner du sens à ce que je fais » et s’appuyer sur un regard extérieur bienveillant ; notamment celui de nos pairs : ce sont les ingrédients des groupes AFOCG.
L’enjeu fort de l’AFOCG est donc d’acquérir pour les paysan.es de l’autonomie décisionnelle : nous avons tou.tes en tête des exemples de situation où un banquier, un comptable, un centre de gestion pousse un.e paysan.ne dans un choix d’investissement qui n’est pas le sien ! Et qui par la suite va s’avérer décalé, démesuré, bref pas juste. Un choix d’orientation doit venir d’abord du.de la paysan.ne lui.elle-même, car il.elle en assume les conséquences et il.elle les assumera d’autant mieux que le choix est en accord avec tous les autres aspects de son travail et de sa vie.
Cette initiative pourrait s’imaginer pour d’autres types de métiers, des indépendants, micro ou auto-entrepreneurs à une échelle locale, ayant le même type de besoins et de problématiques en termes de gestion.
Clément Pichot
Bellevue, 8h30. Sur la porte du fournil du Pain Levé, une affiche annonce un concert. Résistant à ma poussée, la porte finit par s’ouvrir en déchirant le silence matinal d’un terrible grincement.
Une douce chaleur s’échappe de l’entrebâillement. Au fond de la petite pièce éclairée par un plafonnier, une personne se retourne. « Salut !, me lance-t-elle, entre et ferme la porte s’il te plaît !» Les manches remontées, ceinte d’un tablier, elle m’indique d’une main brandissant une spatule recouverte de pâte le porte-manteau fixé derrière la porte. J’y trouve un tablier que j’échange avec ma veste.
« Moi, c’est Charlie, poursuit la boulanger.e en continuant à s’affairer devant sa balance à plateau supportant une bassine en plastique. Tu dois être Camille, si j’ai bien lu sur le planning des fournées ? »
- Oui, je suis une amie de Lise de la coloc de la Vareille. C’est là-bas que j’ai goûté votre pain », j’enchaîne, pour me présenter. « On m’a dit que c’est possible de faire du pain avec vous. Cela fait longtemps que je veux essayer. Mais je dois te prévenir que je n’en ai jamais fait », je réponds, un peu intimidée.
- Ne t’inquiète pas. Dans notre association, on fait du pain, mais on est là aussi pour permettre à des gens comme toi de s’initier à la boulange, poursuit Charlie sur un ton rassurant. Déjà, pour t’expliquer, on fait quatre sortes de pain. Il y a le blé T80 », dit-iel1 en m’indiquant une bassine contenant de la farine surmontée d’un écriteau en bois gravé d’un « BLÉ T80 ». « Il y a aussi le blé T140, c’est-à-dire un blé complet. Et puis nous faisons aussi du seigle et du méteil, ce qui signifie moitié blé moitié seigle. » Trois autres bassines semblent attendre que l’on s’occupe d’elles.
Pour mon premier cours de boulangerie, j’apprends qu’une fournée commence la veille au soir par la préparation du levain, à partir d’un reliquat de levain de la fournée précédente re-nourri avec de la farine. « Tu vas t’occuper de pétrir le blé T80 », propose Charlie en versant de l’eau dans une bassine contenant le levain. Iel se saisit d’un grand fouet et mélange vigoureusement. Iel ajoute une bonne pellette de farine et fouette encore. « Tu continues à ajouter la farine et à mélanger jusqu’à ce que cela devienne trop difficile, indique-t-iel. Là, tu verseras le sel qui est dans ce bol inox. Tu ajouteras le reste de farine et tu pétris à la main jusqu’à obtenir un mélange homogène. » Je reprends le fouet, tandis que Charlie commence à s’occuper d’une deuxième pâte. Plus ma pâte épaissit, plus mes gestes exigent de la force. La chaleur monte. J’ôte mon pull et je remonte les manches de mon T-Shirt avant de plonger les deux bras dans la pâte.
- Tu fais souvent le pain ?, je demande, en espérant que la discussion allègera l’effort de la pétrie.
- Une fois par mois, me répond ma partenaire de boulange. « Cela dépend de mes dispos. Et des besoins en premier.e de fournée. Nous sommes une douzaine en ce moment à savoir mener une fournée du début à la fin », explique-t-iel. « On alterne, j’aime bien faire le pain. »
Tout en pétrissant, je continue à questionner Charlie sur le Pain Levé. Dans l’association, on distingue deux catégories d’adhérent.es : les boulanger.es et les mangeur.euses. Les boulanger.es font le pain régulièrement et s’impliquent dans les différents aspects du fonctionnement de l’association : faire du bois de chauffe, entretenir le matériel, gérer l’approvisionnement en farines, suivre la comptabilité, participer aux réunions d’organisation... Les boulanger.es discutent et se répartissent les taches sur un mode horizontal. Les mangeur.euses prennent du pain (et le mangent !), mais peuvent aussi participer aux fournées s’ielles le souhaitent. Ces termes ont été inventés pour remplacer ceux de producteurs.ices/consommateurs.ices, inadéquats dans le cas du Pain Levé. En effet, il y a la volonté au sein de l’association de bousculer le cadre commercial habituel et d’inventer d’autres formes d’échanges et d’implication dans la production. Ainsi, les boulanger.es font le pain pour elleux-mêmes et pour d’autres sans être rémunérées pour cela. Et les mangeur.euses donnent ce qu’ielles veulent en échange du pain - un autre produit, de l’argent, ou rien s’ielles n’ont rien à donner.
Mais en permettant à toute personne intéressée de venir faire du pain, l’association vise autant à favoriser les échanges relationnels et les rencontres. « Des personnes qui arrivent dans la région viennent faire du pain avec nous parce qu’ielles ont envie de rencontrer du monde et de découvrir ce qui peut se vivre ici, m’explique Charlie. Nous avons aussi vu passer des personnes qui en ont fait leur métier, se sont installées aux quatre coins de la France ou même plus loin ! D’autres sont venues pour le plaisir ou le besoin d’une activité manuelle... Pour ça, faire du pain, c’est très gratifiant : tu commences le matin et le soir tu as fait du pain pour nourrir une bonne trentaine de foyers ! » s’exclame Charlie.
La pétrie touche à sa fin. Nous remettons la pièce en ordre et recouvrons les bassines d’une toile de tissu. Il est bientôt 10h, une pause-café est la bienvenue.
Nous nous installons dans la cuisine de la maison. Elle est habitée par plusieurs personnes qui y vivent en colocation. J’apprends que depuis 2005, plusieurs groupes s’y sont succédés. Certains sont partis un peu plus loin pour s’installer en collectif ; d’autres se sont dispersés dans plusieurs maisons. « On y retourne, il faut faire un premier pliage ». Charlie m’explique que durant la phase de levée, les pâtes doivent être « pliées » pour relancer la fermentation en remettant de l’air dans la pâte. « C’est une courte manipulation que je trouve très agréable, souligne Charlie. Tu fais vraiment corps avec la matière et tu sens la pâte qui prend de la force. »
« Allez, je vais faire un petit somme, on se retrouve pour le deuxième pliage ? » C’est l’occasion pour moi de profiter du soleil dans la cour de l’ancienne ferme bordant la route entre Faux-la-Montagne et Gentioux.
- Maintenant qu’on a fait le deuxième pliage, ça te dit de m’accompagner pour allumer le four ?
- Bien sûr, mais il n’est pas à côté du fournil ?
- Eh non, c’est un des gros problèmes du lieu… Il faut traverser la cour et c’est au bout du bâtiment là-bas. Alors quand tu dois transporter les planches chargées de pâtons, qu’il vente et qu’il pleut, c’est un peu galère… En plus c’est bien dommage de ne pas pouvoir utiliser la chaleur du four pour chauffer le fournil.
Au bout de la longère en pierre se trouve une sorte de hangar abritant le four à pain.
- C’est un four de ferme traditionnel, à chauffe directe, me dit Charlie.
- Ça veut dire quoi ?
- Ça signifie qu’on fait le feu directement dans le four, avec des fagots, des chutes de scieries, des perches de noisetiers ou toutes sortes de bois dont le diamètre ne doit pas dépasser la taille de mon poignet. Une fois que le four a atteint la bonne température, quand les pierres de la voûte ont blanchi, il faut débraiser, c’est-à-dire enlever toutes les braises avec ces outils, les recueillir dans une brouette, bien nettoyer la sole et enfourner le pain.
- Ça doit être un peu physique, non ?
- Comme tu dis ! En plus ce four est assez haut donc pour les personnes comme moi, pas très grandes, ça tire un peu… On va façonner ?
Nous nous retrouvons à nouveau dans la petite pièce qui sert de fournil. Charlie opère un réaménagement pour installer la table de façonnage au milieu de la pièce, libérer les grandes planches pour y mettre les pâtons, installer la balance. Charlie, hissé.e sur une petite palette me montre comment peser la pâte et me propose de le faire à sa place. Une fois que j’ai pris mes marques, je peux jeter un œil aux mains de Charlie qui récupèrent les morceaux de pâte et les transforment en un tour de main et un geste qu’on sent maîtrisé en petits pâtons déjà fort appétissants, qu’iel dispose sur les planches recouvertes d’une toile de lin.
- Ça fait longtemps que tu fais le pain ?
- Je fais partie de l’équipe « historique » donc ça fait plus de 15 ans…
- Et comment vous avez commencé ?
- En 2005, nous sommes arrivé.es en location à Bellevue, nous étions une petite équipe qui avait l’ambition d’accroître son autonomie matérielle et donc alimentaire. Nous faisions un gros jardin potager, pas mal de transformations et à Bellevue il y a avait un four à pain qui n’avait pas servi depuis un bout de temps. Vers Noël, un ami boulanger est venu en visite et a proposé de faire une petite fournée, ça a super bien marché. Quelques mois après, ce sont deux ami.es boulanger.es de Saint-Moreil, Jérôme et Stéphanie, qui sont venues chez nous pour partager leur recette de pain au levain.
- Vous faisiez une fournée rien que pour vous ?
- Évidemment 30 kg par semaine c’était beaucoup trop pour notre maisonnée. Donc on a commencé par en donner ou en échanger avec d’autres habitant.es du coin. Et comme ça marchait bien, qu’on avait de plus en plus de demandes, on a créé l’association le Pain levé en novembre 2006. Depuis la recette a évolué, au gré des expériences et des rencontres. Une personne a passé un CAP de boulangerie, mais on a continué à faire en sorte que la fabrication du pain reste une histoire collective, avec deux personnes par fournée et ça change chaque semaine.
- Et c’est toujours la même équipe depuis le début ?
- Ça a pas mal bougé, il y a toujours quelques ancien.nes qui continuent mais plein d’autres se sont formé.es et ce ne sont plus les seul.es habitant.es du lieu qui font le pain. Et puis il y a toutes les personnes qui sont venues, une fois ou plusieurs pour découvrir la boulange. Au final ça doit représenter un paquet de monde ! Bon, je vais voir le four.
Une fois le façonnage terminé, nous pouvons nous octroyer une petite pause déjeuner tout en continuant à alimenter le four en bois pour qu’il soit bien chaud lorsque les pâtons auront levé.
- Personne n’a jamais eu envie de s’installer boulanger.e pour en tirer un revenu ?
- Forcément, cette question s’est posée et mille autres aussi. Où placer le curseur entre vouloir tirer de l’argent – dont nous avons besoin – de la fabrication du pain et continuer, avec cette production, à chercher et expérimenter d’autres formes d’échanges et de relations avec les gens du coin ?
- Eh oui, c’est toute la tension entre ce qu’on aimerait faire et les contraintes que nous impose la culture capitaliste dans laquelle nous vivons…
- C’est exactement ça ! Pour que ça marche, il faut que d’autres producteur.ices entrent dans le jeu des échanges hors du marché et de l’argent… Bon, je pense que le four est assez chaud, on va pouvoir débraiser puis enfourner.
Charlie commence à tirer les braises avec une grosse raclette et les fait tomber dans une brouette placée en contrebas de la porte du four. Nous commençons à nous recouvrir d’une fine couche de cendre et je commence à voir les gouttes de sueur perler sur le front de ma partenaire. Je propose alors de la relayer pour le balai et je peux ainsi éprouver la partie la plus physique de la journée. Charlie finit le travail avant de refermer la porte du four pour laisser la chaleur s’arrondir. Ce qui nous octroie quelques minutes pour aller chercher les deux grandes planches de pâtons et retraverser la cour dans l’autre sens.
J’observe attentivement Charlie qui vérifie la température du four avec le fameux test de la feuille de papier journal : si elle s’enflamme dans le four en moins de dix secondes, le four est trop chaud et il faut attendre qu’il refroidisse un peu ; si elle est juste brunie par la chaleur, c’est bon !
Puis c’est une danse à deux qui commence pour enfourner les 44 kg de pain de la fournée du jour : mettre les pâtons sur la pelle d’enfournement, grigner, fariner, poser au bon endroit ; humidifier de temps en temps ; il faut également que tous les pains trouvent leur place, les gros au fond, les seigles avant les blés, garder de l’espace pour les petits devant. Humidifier, fermer la porte, faire le joint avec les restes de pâte.
- Pas mal, il est 15h54, on les laisse 40 minutes et on viendra voir ce que ça donne. On s’offre un thé ?
- C’est vrai que le Pain levé projette de quitter Bellevue ?
- Tout à fait. Tu as vu par toi-même que les conditions pour faire du pain ici sont loin d’être idéales : le fournil, le four et le point d’eau sont dispersés au quatre coins de la cour. Sans parler du four, qui nécessite beaucoup de bois ! Et puis notre association n’est que locataire, ce qui signifie que nous ne pouvons pas faire de travaux.
- Alors vous allez acheter ailleurs ?
- Pas exactement. Nous allons nous installer sur un lieu associatif créé à Gentioux, à la Villatte, par quelques un.es de nos boulanger.es, avec une forme de mise à disposition d’un bâtiment au Pain levé. La décision de déménager n’a pas été facile à prendre : notre fonctionnement fait que nos moyens financiers sont limités. Quant à savoir si nous aurions suffisamment d’énergie pour construire ensemble un four et un fournil... Nous avons longtemps tourné cette question dans tous les sens. C’est finalement le goût de faire du pain comme nous le faisons qui nous a poussé.es à choisir de poursuivre l’aventure du Pain levé.
Charlie jette un œil sur l’horloge de son téléphone : les quarante minutes de cuisson se sont écoulées. Nous retournons au four. La porte s’ouvre sur une farandole de magnifiques pains dorés. Pour s’assurer qu’ils sont bien cuits, Charlie tape sur un pain avec un index replié comme s’iel frappait à une porte. Le son est mat : le pain est cuit. Les pains défournés sont entreposés sur les planches, avant d’être ramenés vers le fournil. Nous les répartissons dans des panières à coté des fiches de commande des boulanger.es et des mangeur.euses. Nous n’avons pas fini, que déjà une personne rentre pour récupérer son pain. « Hmm ! Ca sent bon ici ! » s’exclame-t-elle. Dans sa panière, elle trouve un pain à la croûte bien brune. « Ce qui me plaît avec le Pain levé, c’est que le pain n’est jamais tout à fait le même ! »
Gageons que le Pain levé nous réservera à la Villatte encore bien des surprises.
Des boulanger.es heureux.ses
Eymoutiers 2004 : l’association ressourcerie “Le monde allant vers...” s’installe dans un local à Eymoutiers pour accueillir le magasin d’expo-vente d’objets de réemploi et ses bureaux. Un an plus tard, elle se retrouve prise au piège de son succès, le local s’avère trop petit. C’est alors qu’entre en jeu ce pouvoir humain, cette volonté de partage, et donc de confiance en l’autre, qu’est l’idée de ne pas tout faire en “solitaire” (si tant est que l’on puisse nommer “solitaire” une action associative), mais de former une autre forme collective pour trouver un lieu adéquat au sein de laquelle “Le monde allant vers...” pourra s’exprimer pleinement.
Cette démarche est complètement revendiquée par l’association, même si des conséquences peuvent être délicates à accepter : dépossession partielle des pouvoirs de décision, consensus plus difficiles à obtenir en augmentant le nombre de personnes impliquées. Défi à risque ? En tous les cas défi osé puisque, si “Le monde allant vers...” reste “propriétaire” du contenu de son fonctionnement, le contenant (plutôt un des contenants, à savoir un nouveau bâtiment) fait l’objet d’une acquisition mutualisée, par l’intermédiaire de la constitution d’une forme administrative et juridique ad hoc : une société civile immobilière, la SCI “Chemin faisant...”
C’est une société dotée de la personnalité morale, à risque illimité (la responsabilité des associés est indéfinie mais non solidaire). Cela signifie que les associés sont responsables indéfiniment des dettes sociales, y compris sur leurs biens personnels (à concurrence de leur quotité de parts). Une SCI est aussi une société de personnes (par opposition à une société de capitaux), ce qui signifie que l’on n’y entre pas et que l’on n’en sort pas comme on veut. On y entre en achetant des parts sociales (sous réserve d’acceptation par l’assemblée générale) que l’on peut revendre pour en sortir, sous certaines conditions prévues dans les statuts.
L’objectif de la création d’une SCI peut être l’achat d’un bien plus important que celui que chacun des associés pourrait acheter séparément : c’est ici le cas pour Chemin faisant..., son objet social répondant au besoin d’acquisition d’un bâtiment en vue de sa location professionnelle. La fiscalité d’une SCI n’est pas celle applicable aux sociétés, mais tout simplement la fiscalité des ménages. Les revenus tirés de l’immeuble sont taxables au titre des revenus fonciers des associés, de même, un déficit de la société sera imputé au déficit foncier à déclarer par chaque associé toujours selon sa quotité de parts.
Le principe qui régit l’administration d’une SCI est celui d’une gestion des affaires courantes assurée par un gérant ou plusieurs co-gérants (deux pour Chemin faisant...) appuyée sur une prise de décisions collective des associés, lors des assemblées générales, sur des questions statutaires, de gestion financière et immobilière de la SCI (achat ou vente d’un bâtiment, emprunts,...). Enfin, la plupart des règles du code civil qui régissent le contrat de société, ne sont pas des règles d’ordre public (ou impératives). Il en résulte une grande liberté rédactionnelle des statuts d’une SCI (sources ADIL 87).
Ils sont exprimés tout entier dans les statuts de la société. Dès le préambule, le principe démocratique est posé : « une personne=une voix ». Il prévaut à toute décision de la SCI Chemin faisant.... Ainsi chaque sociétaire, qu’il soit possesseur d’une part ou bien de 100, a droit à la même considération.
Un autre choix a été de ne pas avoir de capital fixe pour la société, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord l’ouverture laissée à d’autres personnes de devenir sociétaires, augmentant le capital et ne limitant pas la SCI à un cercle d’adhérents, d’amis, de familiers. De plus, pour l’avenir et pour d’autres projets, il est possible d’accueillir de nouveaux sociétaires amenant des fonds nécessaires à leur réalisation. La SCI Chemin faisant est donc à capital variable.
Pour ce qui est des décisions à prendre quant aux orientations de la SCI, il a été décidé que celles qui relevaient d’une nature extraordinaire devaient obtenir l’aval des 3/4 des sociétaires, celles de nature ordinaire les 2/3 seulement. Ce système, exigeant et peut-être contraignant, montre clairement l’envie d’impliquer fortement chacun et d’arriver, par le débat contradictoire au besoin, à obtenir un accord, un consensus acceptable par chaque sociétaire.
On peut enfin remarquer la nature désintéressée de certains actes au sein de Chemin faisant..., d’abord par le fait que les sociétaires acceptent de verser tout ou partie du bénéfice éventuel et distribuable sur un ou plusieurs comptes de réserve, ensuite parce que les deux cogérants assurent toutes les tâches de gestion de manière volontairement bénévole.
Initiée par l’association “Le monde allant vers...”, la SCI Chemin faisant... a été créée officiellement le 12 avril 2006. Soixante quatorze sociétaires à ce moment-là ont apporté 54 000 euros (100 euros la part). Cette somme représentait environ la moitié du montant nécessaire à l’achat puis la rénovation et l’aménagement du bâtiment acquis. Après l’accord d’un prêt bancaire consenti par la NEF (société financière coopérative choisie pour ses engagements éthiques et solidaires), l’immeuble est devenu propriété de la SCI.
Le retard pris ensuite dans les différentes démarches administratives relatives au permis de construire (un vrai feuilleton) a retardé d’autant l’implantation du “Monde allant vers...” dans ses nouveaux locaux. C’est finalement la coopérative d’entrepreneurs- salariés Cesam-Oxalis qui est devenue le premier locataire en installant son bureau dans le bâtiment en décembre 2006, la réouverture des locaux du “Monde allant vers...” ayant eu lieu début février 2007. La dimension collective de la SCI se retrouve aussi dans l’hébergement possible d’autres structures locales. Il reste ainsi un dernier espace pouvant accueillir le bureau d’une association. Une salle de réunion de 20 places sera également accessible très rapidement (une fois les travaux de rénovation terminés) pour accueillir quiconque en aura besoin sur le territoire.
Il convient de noter que la présence active et bénévole des sociétaires disponibles a permis l’avancée régulière des travaux, sociétaires encadrés par des responsables de chantier salariés ou bénévoles. Cette démarche d’implication, visible physiquement, est un élément supplémentaire permettant aux sociétaires de “s’approprier” concrètement la SCI. Elle se retrouve encore énoncée dans le préambule aux statuts : l’objectif est « la mise en commun solidaire de moyens financiers, matériels et humains au service d’initiatives qui s’inscrivent dans un cadre d’utilité sociale, collective et/ou citoyenne ».
D’une idée associative, un projet collectif est né et des moyens concrets ont été mis en place et fonctionnent. Tel un navire lancé à l’aventure, mais avec un équipage et un cap définis, la SCI Chemin faisant... avance et avancera au rythme de ses envies, de ses projets (l’achat d’un seul bâtiment n’étant pas la finalité de la société) et de leurs possibilités et concrétisations, au sein et au service d’un projet de nature économique qui soit aussi réellement solidaire et humain.
Francis Dubon
Au moment où, contrat d’engagement républicain aidant, on assiste à un contrôle et une pression sur le monde associatif (voir ses effets dans notre région pages 6 et 7), il est bon de se pencher sur l’histoire. C’est ce à quoi vient de s’employer Jean-Baptiste Jobard en publiant aux éditions Charles Léopold Mayer un petit ouvrage intitulé : Histoire des libertés associatives.
De 1791 à nos jours, il retrace deux siècles d’histoire mouvementée entre les associations et l’État, une histoire où alternent défiance voire méfiance et opposition directe (presque tout au long du XIXe siècle), tolérance et liberté (à partir de la fameuse loi de 1901), voire une certaine harmonie au XXe siècle, jusqu’aux années 1980 où le monde associatif est confronté aux « libéralismes économiques triomphants ». Une vaste leçon d’histoire qui débouche sur un aujourd’hui très mitigé.
L’auteur, membre actif du collectif national des associations citoyennes, explique que si la « liberté d’association », entendue comme la possibilité de créer une association, n’est pas remise en cause, c’est la « liberté associative » qui est « de plus en plus mise en péril. Car créer une association n’est pas tout...
Encore faut-il pouvoir la faire vivre, la développer, l’accompagner, l’expérimenter, l’éprouver, la faire grandir, la déployer, l’établir, la faire progresser, l’amplifier, la révéler, la stimuler, la fortifier, la cultiver et c’est précisément là où, en France aujourd’hui, le bât blesse de plus en plus... »
La section creusoise de l’association « Les amies et amis de la Commune de Paris 1871 » a lancé l’idée de faire tisser une tapisserie pour honorer la participation des nombreux migrants maçons creusois à cette révolution sociale. Tissée par de jeunes lissières d’Aubusson organisées en collectif, elle sera réalisée avec des teintures naturelles à base de feuilles et d’écorces de châtaigniers. Un clin d’œil à ces migrants qu’on qualifiait de « mangeurs de châtaignes » lorsqu’ils traversaient à pied le Berry pour atteindre Paris. Le tissage nécessite 175 heures de travail et l’association lance une souscription pour réunir la somme de 11 000 euros, avec le livre d’art qui accompagnera l’œuvre.
Contact : Les Amies et Amis de la Commune de Paris – 1871, comité local de la Creuse, 6 Lascoux 23 220 Jouillat. Courriel :
Régis est un engrangeur. Ne cherchez ni le mot ni le métier sur Wikipédia, il n’existe pas ou pas encore. Régis a peut-être 80 ans, ou plus. Il a été paysan. Sélectionneur de vaches aussi. Il est de Meilhards, en Corrèze.
Les vaches, il les a toujours aimées. Des vaches grand format, mais aussi format de poche comme celle en fer qui lui sauva la vie lors de la Guerre d’Algérie parce que la balle tirée s’est fracassée sur le jouet au lieu de lui perforer le poumon ou le cœur ! Petite vache qu’il traînait partout avec lui depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, comme un gri-gri.
Régis est un collectionneur compulsif, maladif, il le dit lui-même, de tout ce qu’il peut trouver autour de lui dans le monde paysan, surtout des outils mais aussi des jouets. Au fil de la caméra, on s’attarde doucement sur cette caverne d’Ali-bric-à-brac. Cette soif de tout garder, de tout stocker, a envahi la grange, la maison, de la cave au grenier. Des boîtes, des étagères débordantes... Plusieurs centaines de serpes, mais pas une pareille. Et Régis cherche encore l’originale, celle que le forgeron aura frappée spécifiquement pour couper l’herbe verte. Car le forgeron, ce maître artisan qui joue avec le feu, indépendant, souvent anarchiste ou anticlérical, qui vous donne le soir les 22 clous que vous lui aviez demandés le matin, quand aujourd’hui, habitant de Meilhards, vous iriez à Chamberet ou à Tulle acheter 5 kg de pointes, ce forgeron donc, est un monsieur important, celui qui rythme, avec son marteau, la vie paysanne.
Dans son univers particulier, on croise régulièrement trois autres personnages. Son fils, Thierry, qui est devenu marchand d’objets, avec qui il entretient depuis des années une forte complicité. Le père « braconnier » d’objets, le fils chasseur de gros gibier. Mais Thierry se définit d’abord comme un marchand, alors que son père est un collectionneur. Le marchand fait circuler les objets, les répare, leur donne une deuxième vie, alors que le collectionneur entretient, mais surtout conserve. Merveilleuse séquence que celle où père et fils, dans une école ou une salle avec du public, exhument quantité d’objets étranges, un tout petit fusil pour tuer la taupe dans le tunnel, une pince à anguille, un trancheur de croûte de pain vieux, ou encore une pince à tuer les poules...
Le deuxième personnage, c’est le petit-fils, Geoffrey, jeune paysan passionné d’engins agricoles mais surtout de modèles réduits. Le virus se transmet. Geoffrey ne jette rien : tout se conserve et peut servir un jour. Car un paysan, ce n’est pas très riche, ça doit savoir tout faire, se débrouiller avec n’importe quoi. Alors, on ne jette rien.
Le troisième personnage, c’est le filleul, Stephen, qui se revendique d’abord comme agriculteur, avec son petit troupeau de vaches limousines et d’Aubrac et ses moutons. Un homme heureux qui considère que son vrai métier c’est de nourrir les gens et pas n’importe comment. Stephen dit à Régis qu’il lui est redevable d’avoir appris à regarder, observer et réfléchir.
N’oublions pas les deux amis de Régis qui, au fil du film, avec notre engrangeur comme directeur artistique, réalisent une installation d’art contemporain dans le jardin avec des serpes et des pics plantés dans la terre ou suspendus à des ficelles. Un clin d’œil à l’étonnante réalisation intergénérationnelle (les arrière-petits-enfants étant associés) d’une grande maquette naturaliste montée sur un plateau de remorque agricole où les jouets, figurines animales et humaines, charrettes, tracteurs et laboureurs en modèles réduits sont mis en scène avec terre et brins d’herbe, pour les labours et les récoltes. Ne manque que le petit train électrique ! Et un petit regret peut-être : c’est un film aux personnages presque exclusivement masculins.
Régis conserve tellement, qu’au crépuscule de sa vie, quand il revisite régulièrement son petit paradis d’objets, il s’émerveille de redécouvrir toutes ces choses qu’il avait complètement oubliées. « C’est sans fin » dit-il avec les yeux qui brillent. Une caméra qui chine, certes, mais en filigrane une agriculture paysanne traditionnelle, une histoire des choses passées qui ne manque pas d’interroger en creux notre monde rural contemporain. Stephen, quant à lui, revendique clairement une autre façon d’envisager l’élevage, la gestion du territoire, et tranquillement de dire qu’il est préférable d’avoir plus de voisins que plus d’hectares... Derrière le portrait posé et attachant d’un homme original, Régis l’engrangeur, sourd donc en arrière plan un regard sur notre monde rural.
Olivier Davigo
Depuis douze ans, chaque année au mois de mai, la ville d'Ussel aiguise le regard des photographes. Elle se révèle, se métamorphose et s'inscrit dans l'époque grâce aux différentes visions qu'offre la subjectivité de l'objectif. Près de cinquante participants ajoutent chaque année leur pierre à cet édifice original aujourd'hui riche de plusieurs milliers de clichés : un document sans doute unique sur la vie d'une ville au sortir du millénaire.
Chaque année, les photographies sélectionnées par Baptiste Belcour sont exposées au musée d'Ussel. Pourquoi ne pas étendre cette manifestation à d'autres lieux de Haute-Corrèze ?
Gilles Pégourier
Du 12 au 20 juillet 2003a eu lieu à Viam une exposition de photos qui a pu se concrétiser grâce à quelques bénévoles qui ont travaillé à mettre en valeur les quelques 400 photos prêtées par la population des villages de la commune de Viam. Les photos étaient présentées par thèmes : le barrage, l'église, la guerre de 14-18, le commerce et l'artisanat, l'agriculture, l'habitat, les fêtes et la convivialité, le tourisme, la Poste, la Résistance, l'enfance, les mariages, les écoles, les figures et les personnages. En voici, pour IPNS, quelques clichés.
Cette exposition était bien celle des gens de Viam, des hommes et des femmes qui en ont été les acteurs. Ils sont venus très nombreux revivre et commenter métiers et évènements. Ils ont ainsi ravivé la mémoire de leurs villages avec les estivants et les visiteurs des communes voisines. Ils· se sont dit partants pour poursuivre l'aventure avec la réalisation d'un livre qui reprendrait les photos et les textes qui commentent cette période 1890-1970. Avec cette volonté des habitants et des originaires de la commune de retrouver et cultiver leurs racines, nul doute que l'on reparlera très prochainement de Viam. Merci à tous ceux et toutes celles qui ont œuvré pour cette exposition et aux 800 visiteurs.
Bernard Bouche